SML 2020 ER: Modules et laminés photovoltaïques
Énoncé des motifs — Décision concernant un réexamen relatif à l’expiration
Concernant une décision rendue dans le réexamen relatif à l’expiration en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation.
Décision
Ottawa, 16 Octobre, 2020
Le 16 octobre 2020, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration des conclusions rendues le 3 juillet 2015 par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans l’enquête NQ-2014-003 causerait vraisemblablement :
- i. la poursuite ou la reprise du dumping de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine; et
- ii. la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine.
Sur cette page
Résumé
[1] Le 21 mai 2020, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de ses conclusions rendues le 3 juillet 2015 dans l’enquête NQ-2014-003 concernant le dumping et le subventionnement de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine.
[2] En réponse à l’avis du TCCE concernant le réexamen relatif à l’expiration, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert le 22 mai 2020 une enquête en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI pour déterminer si l’expiration des conclusions risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises en cause sous-évaluées et/ou subventionnées.
[3] L’ASFC a reçu deux réponses à son questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) adressé aux producteurs canadiens, soit de Silfab Solar Inc. (Silfab)Note de bas de page 1 et d’Heliene Inc. (Heliene)Note de bas de page 2. Ces entreprises sont collectivement appelées « les producteurs canadiens » dans le présent Énoncé des motifs. Les exposés des producteurs canadiens contenaient des renseignements à l’appui de leur point de vue que l’importation au Canada de modules et laminés photovoltaïques sous-évalués et subventionnés de la Chine risque fort de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions du TCCE sont annulées.
[4] L’ASFC a reçu deux réponses à son QRE adressé aux importateurs, soit d’Elemental Energy Inc.Note de bas de page 3 et de Saturn Power Inc.Note de bas de page 4 Les importateurs n’ont pas exprimé de point de vue quant à la poursuite ou à la reprise du dumping et du subventionnement des modules et laminés photovoltaïques de la Chine si les conclusions du TCCE sont annulées.
[5] L’ASFC n’a pas reçu de réponse à son QRE adressé aux exportateurs ou à celui adressé au gouvernement de la Chine.
[6] En plus de répondre à leur QRE, les producteurs canadiens ont présenté des renseignements supplémentaires avant la clôture du dossierNote de bas de page 5. L’ASFC a aussi reçu un mémoire conjoint au nom des producteurs canadiensNote de bas de page 6.Le mémoire présenté par les producteurs canadiens contenait des renseignements à l’appui de leur point de vue que l’importation au Canada de modules et laminés photovoltaïques sous-évalués et subventionnés de la Chine risque fort de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions du TCCE sont annulées.
[7] Aucun importateur au Canada ou exportateur ou producteur en Chine n’a présenté de mémoire ou de contre-exposé.
[8] Il ressort de l’analyse de l’information au dossier administratif que le dumping au Canada de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine risque fort de se poursuivre ou de reprendre si les conclusions du TCCE sont annulées. Cette analyse repose sur les points suivants :
- l’intervention et l’influence du gouvernement de la Chine dans l’industrie solaire – conditions énoncées à l’article 20;
- la production, la capacité et la demande pour les modules et laminés photovoltaïques;
- les conditions dans l’industrie des modules photovoltaïques;
- l’orientation vers l’exportation des producteurs de modules photovoltaïques en Chine;
- les mesures commerciales dans d’autres pays;
- la présence continue de produits de modules photovoltaïques chinois au Canada; et
- les conditions concurrentielles sur le marché canadien des modules photovoltaïques.
[9] De plus, il ressort de l’analyse de l’information au dossier administratif concernant le subventionnement continu des producteurs de modules photovoltaïques en Chine, ainsi que les mesures compensatoires au Canada et dans d’autres pays, que le subventionnement de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine risque fort de se poursuivre ou de reprendre si les conclusions du TCCE sont annulées.
[10] C’est pourquoi le 16 octobre 2020, après étude du dossier et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a jugé que l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement :
- i. la poursuite ou la reprise du dumping de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine; et
- ii. la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine.
Contexte
[11] Le 5 décembre 2014, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert des enquêtes en dumping et en subventionnement à l’égard des modules et laminés photovoltaïques de la Chine, après avoir reçu un dossier complet de plainte de la part d’Eclipsall Energy Corporation (Eclipsall) de Toronto (Ontario), d’Heliene Inc. (Heliene) de Sault Ste. Marie (Ontario), de Silfab Ontario Inc. (Silfab) de Mississauga (Ontario) et de Solgate Inc. (Solgate) de Woodbridge (Ontario) (les plaignantes).
[12] Le 3 juin 2015, conformément au paragraphe 41(1) de la LMSI, l’ASFC a rendu des décisions définitivesNote de bas de page 7 de dumping et de subventionnement à l’égard des modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine.
[13] Le 3 juillet 2015, conformément au paragraphe 43(1) de la LMSI, le TCCE a jugé que le dumping et le subventionnement des marchandises originaires ou exportées de la Chine menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale (canadienne) de modules et laminés photovoltaïquesNote de bas de page 8.
[14] Le 1er avril 2020, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a publié un avis Note de bas de page 9concernant l’expiration de ses conclusions, prévue pour le 3 juillet 2020. L’information reçue pendant le processus d’expiration l’a convaincu de procéder à un réexamen. C’est pourquoi le 21 mai 2020, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expirationNote de bas de page 10.
[15] Enfin, le 22 mai 2020, l’ASFC a ouvert l’enquête qui nous intéresse pour déterminer si l’expiration des conclusions risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation au Canada des marchandises en cause sous-évaluées et/ou subventionnées de la Chine.
Définition des produits
[16] Les marchandises en cause dans la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration se définissent comme il suit :
Modules et laminés photovoltaïques composés de cellules en silicium cristallin, y compris les laminés expédiés et emballés avec d’autres composantes de modules photovoltaïques, et produits photovoltaïques à film mince faits en silicium amorphe (a-Si), tellurure de cadmium (CdTe) ou séléniure de cuivre, d’indium et de gallium (CIGS), originaires ou exportés de la République populaire de Chine.
Sont exclus des conclusions du TCCE :
- les modules, laminés ou produits à film mince d’une puissance utile n’excédant pas 100W;
- les modules photovoltaïques monocristallins de 195W composés de 72 cellules monocristallines, dont chaque cellule a une largeur et une hauteur n’excédant pas 5 pouces; et
- les modules, laminés ou produits à film mince intégrés dans des appareils électriques dont la fonction est autre que la production d’électricité.
Précisions
[17] Le produit final assemblé et vendu au consommateur ultime est nommé un module solaire. Un laminé se définit par le regroupement de diverses matières premières, ce qui comprend des cellules solaires rattachées les unes aux autres, un couvercle de verre et un produit d’encapsulation (comme l’EVA ou l’acétate de vinyle-éthylène), qui sont encapsulées (regroupées) dans un produit plus solide et durable, constituant la plupart du temps un module solaire en y attachant d’autres composantes de modules solaires telles qu’un cadre et/ou une boîte de jonction. Les marchandises en cause comprennent tant les modules que les laminés, que les laminés soient attachés ou non à une boîte électrique de jonction, à un cadre protecteur ou à d’autres composantes, ou qu’ils soient emballés ou non avec de tels produits ou composantes.
[18] Pour plus de clarté, un laminé inclus dans un ensemble de produits ou envoyé avec d’autres produits servant à la création d’un module (p. ex. des extrusions d’aluminium pour le cadre et/ou une boîte de jonction électrique et/ou des piles pour le stockage de l’électricité) correspond à la définition des marchandises en cause.
[19] La production des marchandises en cause est mesurée en watts (W) ou en mégawatts (MW). Un mégawatt équivaut à un million de watts. La production canadienne est également mesurée en W ou en MW. Le terme watts est synonyme de watts de crête, qui se définit par la sortie en watts du courant continu (CC) selon des paramètres établis en laboratoire.
[20] Comme nous l’avons vu ci-dessus, la définition des marchandises en cause exclut « les modules, laminés ou produits à film mince d’une puissance utile n’excédant pas 100W » et « les modules, laminés ou produits à film mince intégrés dans des appareils électriques dont la fonction est autre que la production d’électricité » et qui consomment l’électricité qu’ils génèrent. Il s’agit d’exclure les petits modules portatifs ainsi que les produits de consommation et les petits appareils utilisant des modules solaires. Par exemple, des articles tels que des lumières solaires pour le jardin, des calculatrices et des parcomètres, de même que des modules portatifs utilisés comme équipement de camping, seraient exclus de la définition du produit en raison de la puissance de sortie, ou parce que ces produits consomment l’électricité qu’ils génèrent.
Classement des importations
[21] Les marchandises en cause sont normalement classées sous le numéro de classement du Système harmonisé (SH) suivant : 8541.40.00.22.
[22] Ce numéro de classement tarifaire est fourni à titre indicatif seulement. Il peut comprendre des marchandises non en cause, et des marchandises en cause peuvent être importées au Canada sous d’autres numéros de classement tarifaire.
Période visée par le réexamen
[23] La période visée par le réexamen (PVR) de l’ASFC va du 1er janvier 2017 au 31 mars 2020.
Branche de production nationale
[24] L’ASFC a reçu deux réponses à son QRE adressé aux producteurs canadiens de modules et laminés photovoltaïques. Silfab et Heliene sont les seuls producteurs canadiens de modules et laminés photovoltaïques qui ont répondu au QRE de l’ASFC.
[25] D’après l’information au dossier administratif de la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration, les deux producteurs canadiens ayant répondu, Silfab et Heliene, sont les seules entreprises fabriquant des marchandises similaires au Canada pour consommation sur le marché intérieur. Canadian Solar, possiblement le principal producteur de modules et laminés photovoltaïques au Canada, n’a pas répondu au QRE de l’ASFC et n’a pas fourni de renseignements sur ses ventes au Canada de marchandises fabriquées au pays Note de bas de page 11. Enfin, rien au dossier n’indique que Canadian Solar a vendu au Canada des modules photovoltaïques fabriqués au pays.
[26] L’information au dossier administratif indique que les autres entreprises considérées comme faisant partie de la branche de production nationale au moment des conclusions initiales ont fermé leurs portes ou ne produisent plus de modules et laminés photovoltaïquesNote de bas de page 12.
[27] Ainsi, l’ASFC a fondé son estimation de la production canadienne sur la production combinée de Silfab et d’Heliene d’après l’information au dossier.
[28] Les deux producteurs canadiens, Silfab et Heliene, ont présenté des exposés au TCCE dans le cadre de la procédure relative à l’avis d’expiration (LE-2020-001). Canadian Solar, possiblement le principal producteur de modules et laminés photovoltaïques au Canada, a aussi présenté des exposés au TCCE. Ces exposés ont été mis à la disposition de l’ASFC dans le cadre du dossier confidentiel du TCCE. Avec les réponses au QRE de Silfab et d’Heliene, il s’agit des seules données à jour dont l’ASFC dispose sur la production nationale de modules et laminés photovoltaïques au Canada.
[29] Heliene, qui a une usine de fabrication de 30 000 pieds carrés à Sault Ste. Marie (Ontario), produit des modules photovoltaïques depuis 2010, tandis que Silfab, qui a une usine de fabrication de 100 000 pieds carrés à Mississauga (Ontario), produit des modules photovoltaïques depuis 2011Note de bas de page 13.
Marché canadien
[30] Les importations de certains modules et laminés photovoltaïques dans la PVR sont présentées au tableau 1 et au tableau 2 ci-dessous. Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail de la valeur et de la quantité de la production canadienne de modules et de laminés photovoltaïques vendus pour consommation nationale.
Provenance | 2017 Quantité (W) |
2018 Quantité (W) |
2019 Quantité (W) |
1 janvier - 31 mars 2020 Quantité (W) |
---|---|---|---|---|
Chine | 2,9242 | 22,5652 | 34,536 | 3,665 |
Tous les autres pays | 271,243,253 | 381,690,157 | 306,822,918 | 62,116,392 |
Total des importations | 271,246,177 | 381,712,722 | 306,857,454 | 62,120,057 |
1Les statistiques sur les importations et la perception des droits pour les pays non visés sont une estimation se fondant sur les documents douaniers échantillonnés et les renseignements recueillis dans le cadre du réexamen. 2 La quantité de marchandises représente diverses unités de mesure (W, kilogrammes, livres, unités). |
Source | 2017 Valeur |
2018 Valeur |
2019 Valeur |
1 janvier - 31 mars 2020 Valeur |
---|---|---|---|---|
Chine | 350,290 | 663,638 | 240,275 | 38,231 |
Tous les autres pays | 129,593,492 | 182,362,362 | 146,592,599 | 29,677,715 |
Total des importations | 129,943,782 | 183,026,000 | 146,832,874 | 29,715,947 |
Production canadienne
[31] Les ventes intérieures des producteurs canadiens provenant de la production nationale ont diminué au cours de chaque année de la PVR. De 2017 à 2019, elles ont diminué en termes de valeur et de quantité. Cette baisse a été plus marquée dans la période de 2017 à 2018, où le marché canadien apparent a grandement augmenté et les ventes intérieures des producteurs canadiens provenant de la production nationale ont diminué par une marge considérable.
Importations
[32] Les importations totales ont aussi affiché une tendance semblable à celle du marché canadien apparent total dans la PVR, avec une augmentation de 2017 à 2018 en termes de valeur et de quantité et une baisse semblable de 2018 à 2019. Les importations totales ont conquis 8,0 % de plus du marché de 2017 à 2019. Les importations de marchandises en cause, en revanche, ont diminué de plus de 31,4 % en termes de valeur de 2017 à 2019Note de bas de page 16. Ainsi, l’augmentation des importations provient d’autres pays, et est au détriment et des exportateurs de la Chine et de la branche de production nationale.
[33] Depuis la période visée par l’enquête (PVE) initiale (octobre 2013 à septembre 2014), les importations de marchandises en cause ont diminué de plus de 99,9 % en termes de quantité, soit de 57 MW dans la PVE à seulement 0,035 MW en 2019. Cette baisse a coïncidé avec une diminution de 60,5 % de la taille du marché apparent, de la PVE à 2019.
[34] La quantité des importations de marchandises en cause a diminué de 99,9 %, de la PVE (c.-à-d. avant les conclusions) à 2019. Les importations de marchandises en cause ont aussi diminué dans la PVR, soit de 31,4 % de 2017 à 2019. En termes de part du marché, elles représentaient 7,2 % du marché canadien dans la PVE, soit avant les conclusions. La part du marché des modules et laminés photovoltaïques de la Chine est passée à moins de 1 % en 2017 et a encore diminué en 2019.
[35] Les importations des autres pays ont augmenté plus rapidement que le marché dans la PVR. En effet, les importations de pays autres que la Chine ont augmenté de 13,1 % de 2017 à 2019 en termes de quantité (contre 3,8 % pour le marché total) et de 13,1 % en termes de valeur (contre 0,3 % pour le marché total).
Perception des droits
[36] Comme il est détaillé dans le tableau 3 ci-dessous, aux fins d’application des conclusions du TCCE dans la PVR, l’ASFC a établi des cotisations totales d’un peu plus de 700 000 $CAN de droits antidumping et compensateurs sur les importations de marchandises en cause de la Chine. En pourcentage de la valeur en douane totale, les cotisations de droits antidumping et compensateurs dans la PVR étaient égales à 54,6 %.
2017 Quantité (W) |
2018 Quantité (W) |
2019 Quantité (W) |
1 janvier - 31 mars 2020 Quantité (W) |
|
---|---|---|---|---|
Quantité de marchandises en cause1 | 2,924 | 22,565 | 34,536 | 3,665 |
Valeur en douane des marchandises en cause (CAN) | 350,290 | 663,638 | 240,275 | 38,231 |
Droits LMSI perçus (CAN) | 240,480 | 301,968 | 134,420 | 29,179 |
1La quantité de marchandises représente diverses unités de mesure (W, kilogrammes, livres, unités). |
Parties aux procédures
[37] Le 22 mai 2020, l’ASFC a envoyé un avis d’ouverture d’enquête de réexamen relatif à l’expiration et un QRE à tous les producteurs canadiens connus, importateurs potentiels et exportateurs des marchandises en cause. Elle a aussi envoyé un QRE concernant le subventionnement des marchandises en cause au gouvernement de la Chine. Enfin, elle a donné à toutes autres parties intéressées l’occasion de participer à l’enquête de réexamen relatif à l’expiration.
[38] Les QRE demandaient des renseignements nécessaires à la prise en compte des facteurs pertinents de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).
[39] Deux producteurs canadiens, Silfab et Heliene, ont participé à l’enquête de réexamen relatif à l’expiration et répondu à leur QRE. D’autres documents ont aussi été présentés au nom des producteurs canadiens avant la clôture du dossier. Enfin, deux importateurs, Elemental Energy et Saturn Power, ont participé à l’enquête de réexamen relatif à l’expiration et répondu à leur QRE.
[40] Un mémoire a été reçu de l’avocat des producteurs canadiens. Aucun contre-exposé n’a été présenté.
[41] Aucun exportateur n’a répondu à son QRE ou participé au réexamen relatif à l’expiration. Le gouvernement de la Chine n’a pas répondu au QRE que lui a adressé l’ASFC et n’a pas présenté de mémoire ou de contre-exposé.
Renseignements que l’ASFC a pris en compte
Dossier administratif
[42] Les renseignements que l’ASFC a pris en compte aux fins de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier contient les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l’ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l’expiration, les pièces justificatives de l’ASFC, et les renseignements présentés par les parties intéressées, notamment ceux qu’elles estiment pertinents pour la décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping ou du subventionnement en l’absence des conclusions du TCCE. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités au Canada ou dans un autre pays, des documents d’organismes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et des réponses au QRE présentées par les producteurs canadiens, les importateurs et les exportateurs.
[43] Dans toute enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut être versé au dossier administratif; ici, c’était le 27 juillet 2020. Il s’agit en effet de donner le temps aux participants de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après ce qui se trouve au dossier administratif en date de sa clôture.
Position des parties : Dumping
Parties selon qui le dumping risque fort de reprendre ou de se poursuivre
[44] Les producteurs canadiens ont formulé des observations dans leurs exposés au TCCE dans le cadre de la procédure LE-2020-001, dans leurs réponses au QRE et dans leur mémoire à l’appui de leur point de vue que le dumping des modules et laminés photovoltaïques de la Chine risque fort de reprendre ou de se poursuivre advenant l’expiration des conclusions du TCCE. Par conséquent, ils font valoir que les mesures antidumping devraient être maintenues.
[45] Les principaux facteurs relevés par les producteurs canadiens peuvent se résumer comme il suit :
- La production, la surcapacité et le ralentissement de la demande dans le monde
- La vente des marchandises en cause en deçà de leur coût de production par les producteurs en Chine
- La surcapacité de production des modules et laminés photovoltaïques en Chine
- Le ralentissement économique de la Chine et son incidence sur l’industrie photovoltaïque
- L’orientation vers l’exportation des producteurs de marchandises en cause en Chine
- La présence continue au Canada, la concurrence des importations à bas prix et le prix prévu pour les marchandises en cause
- L’incapacité des exportateurs des marchandises en cause de vendre aux valeurs normales
- Les mesures commerciales dans d’autres pays
La production, la surcapacité et le ralentissement de la demande dans le monde
[46] Les producteurs canadiens allèguent que le marché mondial des modules et laminés photovoltaïques est fortement influencé par la demande et la production en Chine. Les producteurs canadiens soutiennent que la Chine est le principal producteur et consommateur de modules et laminés photovoltaïques dans le monde et que la politique du gouvernement concernant le contrôle des projets de développement photovoltaïque a influé sur l’offre et la demande et a entraîné une suroffre et des réductions de prix dans l’ensemble de la chaîne de valeur photovoltaïque mondiale.
[47] Les producteurs canadiens allèguent que d’autres pays comme la Corée du Sud, la Malaisie et l’Inde ont constamment augmenté la capacité de production des modules photovoltaïques. Les producteurs canadiens ajoutent que la suroffre a été exacerbée par l’augmentation de la production mondiale des intrants de fabrication des modules photovoltaïques, l’accroissement de l’efficacité du produit, et la baisse globale du taux d’utilisation des producteurs photovoltaïques mondiaux.
[48] Les producteurs canadiens font valoir que la demande mondiale en modules photovoltaïques est à la baisse, a stagné de 2017 à 2018, et devrait être durement touchée par les effets économiques de la pandémie de COVID-19.
La vente des marchandises en cause en deçà de leur coût de production par les producteurs en Chine
[49] Les producteurs canadiens font valoir que les exportateurs des marchandises en cause en Chine recommenceraient à expédier des marchandises sous-évaluées au Canada si les conclusions sont annulées. Ils fournissent à l’appui des renseignements de Bloomberg concernant le prix au comptant et les coûts de production des modules et laminés photovoltaïques.
[50] Les producteurs canadiens font valoir que, d’après les données de Bloomberg, les coûts de production des modules et laminés photovoltaïques en Chine sont supérieurs au prix au comptant. Ils donnent à titre d’exemple des coûts de production reconstitués à partir des données de Bloomberg et des états financiers publics d’un grand producteur des marchandises en cause en Chine. D’après cette information, le coût de production des marchandises était supérieur au prix au comptant fourni.
La surcapacité de production des modules et laminés photovoltaïques en Chine
[51] Selon les producteurs canadiens, la Chine est le principal producteur de modules et laminés photovoltaïques dans le monde. Les producteurs canadiens soutiennent que, d’après des prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, la Chine représentait 73 % de la production mondiale de modules et laminés photovoltaïques en 2018. Les producteurs canadiens ajoutent que la Chine est le chef de file mondial en termes de capacité de production de modules et laminés photovoltaïques, et d’intrants comme les gaufres de polysilicium et les cellules solaires.
[52] Les producteurs canadiens présentent des renseignements concernant la production et la capacité de l’industrie photovoltaïque en Chine et font valoir que, d’après cette information, la production et la capacité ont augmenté et continueront vraisemblablement à augmenter.
Le ralentissement économique de la Chine et son incidence sur l’industrie photovoltaïque
[53] Les producteurs canadiens soutiennent que les tendances économiques en Chine constitueraient une menace pour le marché canadien si les mesures antidumping ne sont pas maintenues. Les producteurs canadiens font valoir que la production de modules photovoltaïques en Chine se redresse à la suite de la crise de la COVID-19, mais que la demande demeure stagnante.
[54] Les producteurs canadiens font valoir que l’économie chinoise a été durement frappée par la pandémie de COVID-19, et qu’en ce début de redressement de l’économie, les producteurs chinois commenceront vraisemblablement à augmenter les exportations pour compenser le manque à gagner du début de 2020. De plus, les producteurs canadiens soulignent les mesures du gouvernement de la Chine visant à stimuler le commerce mondial.
[55] Les producteurs canadiens font valoir que, d’après l’information présentée dans leurs exposés, la pandémie de COVID-19 n’a pas limité la production de modules et laminés photovoltaïques en Chine et que la surproduction demeure une menace pour les autres marchés, dont le Canada.
L’orientation vers l’exportation des producteurs de marchandises en cause en Chine
[56] Les producteurs canadiens allèguent que les producteurs de modules photovoltaïques chinois dominent les marchés d’exportation et sont les chefs de file mondiaux en matière de prix. Ainsi, les producteurs canadiens font valoir que les producteurs chinois recommenceraient à expédier les marchandises en cause au Canada à des prix sous-évalués et subventionnés advenant l’expiration des conclusions.
[57] Les producteurs canadiens fournissent à l’appui des renseignements concernant l’augmentation des quantités de modules et laminés photovoltaïques exportés de la Chine. Ils fournissent aussi des renseignements concernant les ventes à l’exportation de certains producteurs à grande échelle de modules photovoltaïques en Chine, et discutent de la façon dont les grands marchés d’exportation pourraient être touchés par la pandémie de COVID-19.
La présence continue au Canada, la concurrence des importations à bas prix et le prix prévu pour les marchandises en cause
[58] Les producteurs canadiens soutiennent que le marché canadien est actuellement la cible des importations à bas prix de pays comme la Corée du Sud, le Vietnam et la Thaïlande. Ils font valoir que, pour reconquérir une part du marché et concurrencer ces importations à bas prix, les producteurs chinois devraient offrir de bas prix. Par ailleurs, les producteurs canadiens soutiennent que la présence continue de ces importations à bas prix des pays susmentionnés les a déjà contraints à réduire leurs prix pour conserver leur part du marché.
L’incapacité des exportateurs des marchandises en cause de vendre aux valeurs normales
[59] Les producteurs canadiens soutiennent que, même si les quantités de marchandises en cause importées sont demeurées faibles, les exportateurs de modules et laminés photovoltaïques chinois continuent à s’intéresser au marché canadien. Les producteurs canadiens font valoir que les exportateurs chinois ont continué à vendre les marchandises en cause au Canada afin de maintenir des liens avec les importateurs canadiens, mais que, d’après les droits payés, ils ont été incapables de le faire pour au moins aussi cher que les valeurs normales. Ainsi, les producteurs canadiens affirment que les exportateurs chinois continueraient à expédier des importations sous-évaluées et subventionnées advenant l’expiration des conclusions.
Les mesures commerciales dans d’autres pays
[60] Les producteurs canadiens soulignent que des mesures antidumping et compensatoires à l’égard des modules et laminés photovoltaïques de la Chine sont en vigueur aux États-Unis et en Turquie. Ils recensent également des mesures de sauvegarde en Inde. Ils font valoir que ces mesures commerciales témoignent de la propension des exportateurs en Chine à pratiquer le dumping des marchandises en cause. Par ailleurs, ils ajoutent que ces mesures commerciales pousseront les exportateurs à chercher de nouveaux débouchés pour leurs marchandises, comme le Canada.
Parties selon qui le dumping ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre
[61] Aucune des parties ne soutient que le dumping des marchandises en cause en provenance de la Chine ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions sont annulées.
Considération et analyse : Dumping
[62] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’expiration des conclusions entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.
[63] Guidée par les facteurs susmentionnés et les renseignements au dossier administratif, l’ASFC a effectué, dans le cadre de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, une analyse se résumant aux points suivants :
- L’intervention et l’influence du gouvernement de la Chine dans l’industrie solaire : Conditions énoncées à l’article 20
- La production, la capacité et la demande pour les modules et laminés photovoltaïques
- Les conditions dans l’industrie des modules et laminés photovoltaïques
- L’orientation vers l’exportation des producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine
- Les mesures commerciales dans d’autres pays
- La présence continue de modules et laminés photovoltaïques chinois au Canada
- Les conditions concurrentielles sur le marché canadien des modules et laminés photovoltaïques
[64] Comme nous l’avons déjà vu, l’ASFC a reçu des réponses à son QRE de la part de deux producteurs canadiens et de deux importateurs. Elle n’a pas reçu de réponse à son QRE de la part de tout exportateur ou producteur des marchandises en cause ou du gouvernement de la Chine. Les deux producteurs canadiens ont aussi présenté des renseignements supplémentaires avant la clôture du dossier ainsi qu’un mémoire conjoint. L’ASFC s’est donc fiée aux réponses au QRE et aux renseignements présentés par ces parties ainsi qu’aux autres renseignements au dossier administratif aux fins de la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration.
L’intervention et l’influence du gouvernement de la Chine dans l’industrie solaire : Conditions énoncées à l’article 20
[65] L’article 20 de la LMSI peut servir à établir la valeur normale des marchandises si certaines conditions existent sur le marché intérieur du pays exportateur. Dans le cas d’un pays désigné, aux termes de l’alinéa 20(1)a) de la LMSI, il s’applique lorsque, de l’avis de l’ASFC, le gouvernement de ce pays fixe, en majeure partie, les prix intérieurs et qu’il y a lieu de croire que ces prix seraient différents dans un marché où joue la concurrence. Lorsque l’article 20 de la LMSI s’applique, les valeurs normales des marchandises ne sont pas déterminées en fonction des prix ou coûts intérieurs dans ce pays.
[66] Aux fins de la décision définitiveNote de bas de page 18, l’ASFC a jugé qu’en Chine, les prix intérieurs dans le secteur solaire sont fixés en majeure partie par le gouvernement et qu’il y a lieu de croire que ces prix seraient différents dans un marché où joue la concurrence.
[67] Lorsque les conditions énoncées à l’article 20 sont jugées exister, les valeurs normales sont normalement déterminées à partir du prix de vente ou du coût total et des bénéfices de marchandises similaires vendues par des producteurs dans un pays de remplacement désigné par l’ASFC aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LMSI. Les valeurs normales peuvent aussi être déterminées en vertu de l’alinéa 20(1)d) de la même loi, sur une base déductible, en commençant par l’examen des prix de vente au Canada des marchandises importées d’un pays de remplacement désigné par l’ASFC. Au cours de l’enquête, aucun producteur de pays de remplacement n’a fourni de renseignements. De plus, aucun renseignement approprié sur les ventes au Canada de marchandises importées d’un pays de remplacement n’a été fourni dans les réponses des importateurs aux questionnaires. Par conséquent, l’ASFC ne disposait pas de renseignements suffisants pour déterminer les valeurs normales selon l’une de ces deux méthodesNote de bas de page 19.
[68] Les valeurs normales pour les exportateurs qui ont fourni des réponses complètes et fiables aux questionnaires tout au long de la période d’application ont donc été déterminées par prescription ministérielle conformément à l’article 29 de la LMSI. La méthode de remplacement énoncée dans la prescription ministérielle ressemble de près à celle énoncée au sous-alinéa 20(1)c)(ii), soit la somme du coût de production, d’un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente, et d’un autre pour les bénéfices, dans un pays de remplacement.
[69] L’ASFC a déterminé les valeurs normales à partir des renseignements contenus dans les rapports de Bloomberg New Energy Finance de décembre 2013 à juillet 2014. Ces rapports contiennent les données sur les prix courants et les éléments de coût des modules et laminés photovoltaïques des principaux fournisseurs et clients de l’industrie. L’ASFC a utilisé les données sur les coûts mensuels reconstitués, y compris un montant pour les bénéfices, afin de déterminer les valeurs normales des marchandises en causeNote de bas de page 20.
[70] La preuve au dossier administratif n’indique pas un changement important au niveau d’intervention du gouvernement dans le secteur solaire en Chine, lequel mènerait l’ASFC à modifier l’avis rendu au moment de la décision définitive concernant la présence des conditions énoncées à l’article 20 dans ce secteur en Chine. L’information au dossier administratif indique plutôt que le gouvernement maintient son influence par des politiques et lignes directrices susceptibles d’influer sur la structure et la composition du secteur ainsi que l’équilibre entre l’offre et la demande pour les modules et laminés photovoltaïquesNote de bas de page 21.
[71] D’après les renseignements dont dispose l’ASFC, le gouvernement de la Chine a adopté des mesures en 2020 pour limiter la capacité de production Note de bas de page 22 et établir des normes d’efficacité minimale pour les modules photovoltaïquesNote de bas de page 23. Selon des analystes de l’industrie, ces mesures pourraient entraîner la consolidation des producteurs de modules et laminés photovoltaïques et avoir une incidence sur la production et la capacité de ceux-ci. Par ailleurs, d’après l’information au dossier administratif, le gouvernement de la Chine a aussi influencé le prix des modules et laminés photovoltaïques par son subventionnement de la production d’énergie solaireNote de bas de page 24.
[72] Étant donné que ni le gouvernement ni les exportateurs ou producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine n’ont répondu à leur QRE, l’ASFC a fondé son avis sur la preuve au dossier administratif.
[73] Ainsi, aux fins de la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC juge que rien au dossier administratif ne la mènerait à modifier l’avis rendu à la fin de l’enquête initiale. Par ailleurs, elle juge que, d’après l’information au dossier administratif, il serait raisonnable de conclure qu’en Chine, les prix intérieurs dans le secteur solaire sont fixés en majeure partie par le gouvernement et qu’il y a lieu de croire que ces prix seraient différents dans un marché où joue la concurrence.
[74] C’est pourquoi l’ASFC est d’avis que les valeurs normales des marchandises continueront vraisemblablement à être déterminées selon une méthode de remplacement (c.-à-d. article 20 ou 29 de la LMSI) dans un avenir prévisible. Elle juge qu’en raison de la surcapacité de production en Chine, les exportateurs des marchandises en cause continueront vraisemblablement à vendre au Canada à des prix en deçà des valeurs normales établies selon une méthode de remplacement.
La production, la capacité et la demande pour les modules et laminés photovoltaïques
[75] La Chine est le principal producteur de modules et laminés photovoltaïques dans le monde par une marge importante. En 2018, la production mondiale totale de modules et laminés photovoltaïques était estimée à environ 116 GW, une hausse de près de 11 GW par rapport à 2017. En 2018, la Chine représentait 72 % de la production mondiale, avec 83-84 GW, une hausse d’environ 10,6 % par rapport à 2017 (75 GW). Par ailleurs, au premier semestre de 2019, la production en Chine a augmenté pour se chiffrer à 51 GW, une hausse de 31 % par rapport au premier semestre de 2018. En 2014, avant les conclusions, la production en Chine était estimée à 32 GWNote de bas de page 25.
[76] La Chine dispose aussi de la plus importante capacité de production dans le monde, à nouveau par une marge considérable. En 2018, sa capacité de production annuelle était estimée à 130 GW, ce qui représente environ 71 % de la capacité de production mondiale (183,8 GW). De 2017 à 2018, sa capacité de production de modules photovoltaïques a augmenté de 25 GW, ou 23,8 %, soit la hausse la plus importante enregistrée dans le monde à ce jourNote de bas de page 26.
[77] Par conséquent, en 2018, la Chine disposait d’une capacité de production excédentaire de quelque 46 GW, ce qui, d’après les données sur le marché canadien de 2018, serait suffisant pour combler plus de 100 fois les besoins du marché canadienNote de bas de page 27.
[78] Par ailleurs, de 2016 à 2018, la capacité en Chine a augmenté plus rapidement que la production réelle, ce qui est conforme aux tendances mondiales puisque le taux d’utilisation mondial est passé de 74 % en 2016 à 63 %. Pendant ce temps, la croissance de la demande intérieure en Chine a ralenti. En mai 2018, une décision stratégique du gouvernement a eu une incidence négative considérable sur la demande en modules et laminés photovoltaïques en Chine. Par conséquent, l’écart entre la demande et l’offre mondiales s’est creusé de 2017 à 2018 puisque la production et la capacité ont augmenté plus rapidement que la demande mondialeNote de bas de page 28. Cette tendance devrait se poursuivre en 2020, car on s’attend à une demande stagnante, suivie d’une croissance possible en 2021Note de bas de page 29.
[79] La Chine est aussi le chef de file mondial en termes d’intrants de production des modules et laminés photovoltaïques. En 2018, la Chine faisait état d’une production de 85 GW et d’une capacité d’environ 128 GW par année, ce qui représente 74 % de la production mondiale de cellules solairesNote de bas de page 30. Selon l’Agence internationale de l’énergie, certains des principaux producteurs de modules et laminés photovoltaïques établis en Chine ont continué à accroître leur capacité de production d’intrants comme les lingots et les gaufres. Ainsi, la capacité de ces grands producteurs d’augmenter la production ne sera pas limitée par la disponibilité d’intrantsNote de bas de page 31.
[80] Il semble que la pandémie de COVID-19 ait eu peu d’incidence sur la production de modules et laminés photovoltaïques en Chine. Les producteurs en Chine ont fait état d’une production de 59 GW au premier semestre de 2020, soit une augmentation de 15,7 % par rapport à 2019Note de bas de page 32. L’incidence sur la demande pour ces produits est plus incertaine. La contraction économique mondiale et les baisses importantes du prix du pétrole pourraient avoir une incidence négative sur la demande à court termeNote de bas de page 33. Par ailleurs, Jinko Solar, l’un des principaux producteurs en Chine, souligne dans son rapport annuel de 2019 que la demande en modules et laminés photovoltaïques dépend, pour l’essentiel, de l’offre de mesures incitatives par le gouvernementNote de bas de page 34. L’offre de ces mesures demeure un facteur de risque considérable pour les producteurs de modules photovoltaïques.
[81] Le gouvernement de la Chine semble avoir reconnu le problème de surcapacité dans l’industrie des modules photovoltaïques puisqu’il a adopté des mesures susceptibles de limiter les investissements dans des projets qui accroîtraient la capacité de production de modules et laminés photovoltaïquesNote de bas de page 35.
[82] Vu la capacité considérable existante des producteurs en Chine, ainsi que la demande incertaine due à la pandémie de COVID-19Note de bas de page 36, l’ASFC est d’avis que les conditions dans l’industrie des modules et laminés photovoltaïques en Chine sont propices à la poursuite des pressions à la baisse sur les prix des modules et laminés photovoltaïques en Chine.
[83] L’ASFC est d’avis que la combinaison des facteurs décrits ci-dessus entraînera vraisemblablement une surproduction et une surcapacité continues. De plus, d’après l’information au dossier administratif, la demande en Chine pourrait demeurer stagnante à court terme. L’ASFC juge que, dans un contexte où l’offre continue d’augmenter plus rapidement que la demande, selon toute vraisemblance, les prix des modules et laminés photovoltaïques en Chine baisseront et les exportateurs chinois se tourneront de plus en plus vers les marchés d’exportation.
Les conditions dans l’industrie des modules et laminés photovoltaïques
[84] D’après l’information au dossier administratif, une décision du gouvernement de la Chine en mai 2018 qui visait à contrôler le développement des projets photovoltaïques et à réduire l’offre de subventions a eu une incidence considérable sur le prix des modules et laminés photovoltaïques en Chine et dans le reste du monde. Ces mesures ont eu une incidence négative considérable sur la demande intérieure pour ces produits et ont entraîné des réductions de prix dans l’ensemble de la chaîne de valeur photovoltaïque. Cette incidence s’est étendue à l’ensemble de la chaîne de valeur photovoltaïque puisque le prix des intrants a aussi diminué. Ces préoccupations concernant le prix ne pourront qu’être exacerbées par la pandémie de COVID-19, car la production s’est redressée, mais la demande demeure incertaineNote de bas de page 37.
[85] Les producteurs canadiens soutiennent que les prix mondiaux des modules photovoltaïques cristallins affichent une tendance à la baisse depuis 2016. Ils ajoutent que les prix semblent s’être stabilisés en 2019, mais que la baisse des prix et la hausse de la production se poursuivraient, ce qui entraînerait vraisemblablement d’autres problèmes de suroffre.
[86] La plaignante a fourni des renseignements se fondant sur des données recueillies par Bloomberg concernant le coût moyen de production des modules et laminés photovoltaïques en Chine. Aux fins de la décision définitive de dumping, l’ASFC s’est fiée à l’information provenant de cette publication pour déterminer les valeurs normales selon l’article 29 de la LMSI. Ainsi, elle continue de croire que cette publication constitue une source d’information fiable concernant le secteur des modules et laminés photovoltaïques.
[87] D’après les données de Bloomberg, il semble que les baisses du coût des intrants n’aient pas été suffisantes pour compenser les baisses du prix de vente. D’avril à juin 2019, le prix au comptant international des modules photovoltaïques était inférieur au coût total reconstitué des modules et laminés photovoltaïques chinoisNote de bas de page 38, ce qui semble indiquer que les producteurs en Chine vendent les marchandises en cause à perte. Par conséquent, si les conclusions sont annulées, les marchandises en cause pourraient être vendues au Canada à des prix sous-évalués, ou en deçà de leur coût de production.
[88] Dans son rapport annuel de 2019, Canadian Solar, un producteur canadien de modules et laminés photovoltaïques, qui a aussi une capacité de production importante en Chine, a fait état d’une baisse marquée de ses prix de vente moyens, de 0,51 $US et 0,40 $US en 2016 et 2017 à 0,34 $US et 0,29 $US en 2018 et 2019, soit une diminution de 43 % de 2016 à 2019. Canadian Solar explique que l’augmentation rapide de la production de silicium a entraîné une surcapacité dans les marchés pour les modules et laminés photovoltaïques et leurs intrants, et a exercé une pression à la baisse sur les prixNote de bas de page 39.
[89] Jinko Solar, l’un des principaux producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine, a fait état de réductions semblables des prix dans son rapport annuel de 2019, affirmant ce qui suit [traduction] : « La capacité de production mondiale de modules solaires a dépassé la demande en 2019, ce qui a encore accru la concurrence au niveau des prix. Par conséquent, le prix de vente moyen de nos modules solaires, qui représentaient 95,8 % de notre revenu total en 2019, a diminué de 2018 à 2019 Note de bas de page 40. »
[90] Vu la surcapacité importante existante et la suroffre sur le marché mondial, ainsi que les baisses du coût des intrants et les réductions importantes des prix au comptant des modules et laminés photovoltaïques, l’ASFC juge qu’il est raisonnable de supposer que les conditions du marché continueront à se détériorer et les producteurs en Chine se tourneront de plus en plus vers les marchés d’exportation pour y vendre leur capacité excédentaire.
L’orientation vers l’exportation des producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine
[91] Comme nous l’avons déjà vu, la Chine est le principal producteur de modules et laminés photovoltaïques dans le monde. De plus, elle est le premier exportateur mondial de modules et laminés photovoltaïques.
[92] D’après l’information au dossier administratif, les exportations de modules photovoltaïques des producteurs en Chine ont augmenté de 2017 à 2018 et de 2018 à 2019Note de bas de page 41. Cette augmentation s’explique dans une large mesure par l’élimination de barrières commerciales dans l’Union européenne, à la suite de laquelle il y a eu une hausse importante des exportations vers la région. En septembre 2018, l’Union européenne a mis fin aux mesures antidumping et compensatoires applicables aux modules et laminés photovoltaïques de la ChineNote de bas de page 42.
[93] En mai 2018, le gouvernement a diffusé un avis concernant le contrôle des projets de développement photovoltaïque en Chine et la réduction des subventions. Ces mesures ont eu une incidence négative considérable sur la demande intérieure pour ces produits et ont entraîné des réductions de prix dans l’ensemble de la chaîne de valeur photovoltaïqueNote de bas de page 43.
[94] La dépendance à l’égard des marchés d’exportation est reconnue par Jinko Solar, l’un des principaux producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine. Dans son rapport annuel de 2019, Jinko Solar souligne que 62,8 %, 73,6 % et 82,5 % de son revenu total en 2017, 2018 et 2019 respectivement provenait des ventes à l’exportation. Ainsi, en 2019, l’un des principaux producteurs dans le monde dépendait presque entièrement des marchés d’exportationNote de bas de page 44. Par ailleurs, cette information indique une augmentation rapide de la dépendance financière à l’égard des marchés d’exportation puisque la part du revenu provenant des ventes à l’exportation a augmenté chaque année de 2017 à 2019, par une marge considérable.
[95] L’information au dossier administratif témoigne de l’orientation vers l’exportation des producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine. Par ailleurs, vu les écarts considérables entre la production de modules photovoltaïques en Chine et la demande intérieure pour ces produits, l’ASFC juge que, selon toute vraisemblance, les producteurs en Chine dépendront ou continueront à dépendre des marchés d’exportation pour une part considérable de leurs ventes.
Les mesures commerciales au Canada et dans d’autres pays
[96] En plus des mesures canadiennes, plusieurs pays ont imposé des mesures antidumping et autres mesures commerciales sur les modules et laminés photovoltaïques et autres produits photovoltaïques de la Chine.
[97] Les États-Unis ont actuellement deux mesures antidumping et compensatoires en vigueur à l’égard des modules et laminés photovoltaïques de la Chine. En plus des mesures antidumping et compensatoires, ils ont imposé des mesures de sauvegarde et autres droits ad valorem en vertu de l’article 301 de la Trade Act de 1974Note de bas de page 45.
[98] L’Inde et la Turquie ont aussi pris des mesures à l’égard des modules et laminés photovoltaïques de la Chine. En avril 2017, le gouvernement de la Turquie a imposé des droits antidumping sur les importations de modules photovoltaïques de la Chine. En juillet 2018, le gouvernement de l’Inde a décidé d’imposer des mesures de sauvegarde contre les cellules photovoltaïques et les modules et laminés photovoltaïques de la ChineNote de bas de page 46.
[99] Les mesures antidumping en vigueur dans de nombreux pays à l’égard des modules et laminés photovoltaïques de la Chine témoignent d’une propension des exportateurs chinois à pratiquer le dumping des produits photovoltaïques. Les mesures antidumping et autres mesures commerciales en vigueur dans ces pays, notamment dans un marché aussi important et proche sur le plan géographique que les États-Unis, font croître la vraisemblance de l’exportation de marchandises en cause sous-évaluées vers le Canada. Bien que les mesures antidumping et compensatoires actuellement en vigueur au Canada à l’égard des marchandises en cause aient empêché le détournement de modules et laminés photovoltaïques chinois, l’élimination de ces mesures entraînerait vraisemblablement une augmentation des expéditions au Canada à des prix sous-évalués.
La présence continue de modules et laminés photovoltaïques chinois au Canada
[100] Comme nous l’avons déjà vu, la quantité des importations de marchandises en cause a chuté de 99,9 %, de la PVE (c.-à-d. avant les conclusions) à 2019. Les importations de marchandises en cause ont aussi diminué dans la PVR, soit de 31,4 % de 2017 à 2019. En termes de part du marché, elles représentaient 7,2 % du marché canadien dans la PVE, soit avant les conclusions. La part du marché des modules et laminés photovoltaïques de la Chine est passée à 0,23 % en 2017 et à 0,16 % en 2019. Cette réduction considérable témoigne de l’effet des mesures et de l’incapacité de la plupart des exportateurs de vendre aux valeurs normales.
[101] Le montant total de droits antidumping et compensateurs perçus sur les importations de marchandises en cause de la Chine dans la PVR était d’un peu plus de 700 000 $. En pourcentage de la valeur en douane totale, les droits antidumping et compensateurs combinés imposés dans la PVR étaient égaux à 54,6 %. D’après cette information, il semble que les exportateurs chinois qui restent sur le marché canadien ont continué à pratiquer le dumping des marchandises en cause et continuent à tirer parti de leur avantage au niveau des coûts pour maintenir une présence au Canada, malgré les mesures en vigueur. Le montant total de droits antidumping imposés sur ces marchandises semble indiquer que nombre des exportateurs ayant maintenu une présence au Canada pendant que les conclusions demeurent en vigueur sont incapables de le faire à des prix non sous-évalués.
Les conditions concurrentielles sur le marché canadien
[102] Le marché canadien semble être une cible attrayante pour les importations d’autres pays. Dans la PVR, les importations de pays autres que la Chine ont augmenté plus rapidement que le marché canadien apparent total. Les importations de pays autres que la Chine ont augmenté de 13,1 % de 2017 à 2019 en termes de quantité (contre 3,8 % pour le marché total) et de 13,1 % en termes de valeur (contre 0,3 % pour le marché total).
[103] En règle générale, l’information au dossier administratif au sujet de la demande en modules et laminés photovoltaïques au Canada est mixte puisque les prévisions varient d’une croissance limitée à négative de 2019 à 2020. Les prévisions pour 2021 qui indiquent une croissance d’une année à l’autre semblent constantesNote de bas de page 47.
[104] Au sujet de l’offre, les producteurs s’attendent à des pressions concurrentielles accrues dans un avenir prévisibleNote de bas de page 48. Il est souligné que la capacité nationale est largement suffisante pour répondre aux besoins découlant de la croissance prévue de la demandeNote de bas de page 49. D’après les données disponibles, l’accroissement de la capacité nationale était conforme à la croissance de la demande du marché.
[105] Les producteurs canadiens font état d’une augmentation des importations à bas prix de certains pays asiatiques. Cette tendance est confirmée par les données statistiques de l’ASFC sur la quantité, qui indiquent une augmentation de 13,1 % des importations de pays autres que la Chine de 2017 à 2019, contre 3,8 % pour le marché total.
[106] En ce qui concerne le prix moyen des modules et laminés photovoltaïques au Canada, les producteurs canadiens font valoir que la présence d’importations à bas prix d’autres pays les a contraints à réduire leurs prix pour conserver leur part du marché. L’information au dossier administratif indique une réduction du prix moyen par watt offert par les producteurs canadiens de 2017 à 2019. Les producteurs canadiens imputent cette baisse à la réduction des coûts et à la pression accrue exercée par les importations.
[107] Comme nous l’avons déjà vu, les producteurs chinois de modules et laminés photovoltaïques sont de plus en plus axés sur l’exportation, disposent d’une capacité largement suffisante, et ont une propension à pratiquer le dumping des marchandises en cause. Ainsi, si les conclusions du TCCE ne sont pas maintenues, les exportateurs chinois concurrenceraient vraisemblablement les nouvelles sources d’importations à bas prix en fonction du prix. Il a aussi été établi que, puisque les conditions énoncées à l’article 20 de la LMSI continuent à s’appliquer au secteur solaire en Chine, les valeurs normales des producteurs de modules et laminés photovoltaïques chinois ne se fondent pas sur les données sur les prix intérieurs ou les coûts, mais plutôt sur la structure de prix et de coûts dans un pays de remplacement où joue la concurrence. Enfin, les valeurs normales au titre de l’article 20 seront vraisemblablement plus élevées, et donc, les marchandises en cause feront plus vraisemblablement l’objet d’un dumping.
Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping
[108] D’après l’information au dossier concernant : l’intervention et l’influence du gouvernement de la Chine dans l’industrie solaire – conditions énoncées à l’article 20; la production, la capacité et la demande pour les modules et laminés photovoltaïques; les conditions dans l’industrie des modules photovoltaïques; l’orientation vers l’exportation des producteurs de modules photovoltaïques en Chine; les mesures commerciales dans d’autres pays; la présence continue de produits de modules photovoltaïques chinois au Canada; et les conditions concurrentielles sur le marché canadien des modules photovoltaïques, l’ASFC juge que l’expiration des conclusions risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du dumping au Canada de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine.
Position des parties : Subventionnement
Parties selon qui le subventionnement risque fort de reprendre ou de se poursuivre
[109] Les producteurs canadiens ont formulé des observations dans leurs mémoires, faisant valoir que le subventionnement de certains modules et laminés photovoltaïques de la Chine risque fort de reprendre ou de se poursuivre advenant l’expiration des conclusions du TCCE. Par conséquent, ils indiquent que les mesures compensatoires devraient être maintenues.
[110] Le principal argument formulé par les producteurs canadiens est que la Chine a continué à subventionner ses producteurs de modules et laminés photovoltaïques.
Le subventionnement continu par la Chine des producteurs de modules et laminés photovoltaïques
[111] Dans leur mémoire présenté dans le cadre de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration de l’ASFC, les producteurs canadiens soulignent que 21 mesures compensatoires sont actuellement en vigueur à l’égard d’importations chinoises au Canada. Par ailleurs, ils soulignent que, depuis la décision définitive rendue dans l’enquête initiale concernant les modules et laminés photovoltaïques de la Chine, l’ASFC a conclu sept autres enquêtes en subventionnement à l’égard de marchandises chinoises. Les producteurs canadiens mentionnent enfin des décisions récentes où l’ASFC a jugé que le gouvernement a continué à soutenir divers producteurs en Chine.
[112] Dans leur exposé au TCCE, les producteurs canadiens ont mentionné les conclusions récentes de l’International Trade Commission (ITC) des États-Unis concernant l’offre de programmes de subvention donnant lieu à une action aux producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine. En particulier, ils soulignent que l’ITC des États-Unis a relevé des programmes donnant lieu à une action à l’intention des producteurs de modules et laminés photovoltaïques à l’issue de trois réexamens administratifs depuis ses conclusions de 2012.
[113] Les producteurs canadiens donnent à l’appui des marges estimatives de subventionnement applicables aux producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine. À cette fin, ils ont comparé les coûts associés à la production des modules et laminés photovoltaïques en Chine avec le prix de vente des marchandises. Pour les producteurs canadiens, il n’est pas possible sur le plan commercial de vendre les marchandises en deçà de leur coût de production, et donc, il est raisonnable de conclure que ces producteurs continuent à recevoir des subventions du gouvernement de la Chine.
[114] Les producteurs canadiens font valoir que, d’après l’information ci-dessus, les marchandises en cause expédiées au Canada continueraient vraisemblablement à être subventionnées.
Parties selon qui le subventionnement ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre
[115] Aucune des parties ne soutient que le subventionnement des marchandises en cause de la Chine ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre advenant l’expiration des conclusions du TCCE.
Considération et analyse : Subventionnement
[116] Quand elle décide en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’expiration des conclusions fera reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises subventionnées, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.
[117] Aucun des exportateurs chinois n’a répondu au QRE ou n’a présenté de mémoire ou de contre-exposé. Aucun importateur n’a exprimé de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement. Par ailleurs, aucun des importateurs ayant importé les marchandises en cause dans la PVR n’a présenté de mémoire ou de contre-exposé. Enfin, le gouvernement de la Chine n’a ni répondu au QRE ni présenté de mémoire ou de contre-exposé.
[118] Faute de participation de la part des exportateurs et du gouvernement de la Chine, et ayant seulement reçu des réponses au QRE de la part d’importateurs des marchandises en cause qui n’ont pas exprimé de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement si les conclusions du TCCE sont annulées, l’ASFC s’est fiée à d’autres renseignements pour effectuer son analyse.
[119] Guidée par les facteurs susmentionnés et tenant compte de l’information au dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du subventionnement dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Son travail est résumé ci-dessous.
[120] Dans son enquête en subventionnement initiale sur les modules et laminés photovoltaïques, l’ASFC a examiné 349 programmes de subvention. L’Énoncé des motifs de l’ASFC dans cette enquête initiale contient des renseignements sur les programmesNote de bas de page 50.
[121] Le gouvernement de la Chine a répondu à sa demande de renseignements (DDR) en subventionnement dans le cadre de l’enquête initiale. Comme il est souligné dans l’Énoncé des motifs des décisions définitives de l’ASFC, en règle générale, la réponse du gouvernement de la Chine était d’une portée limitée et ne concernait que les exportateurs ayant répondu. De plus, le gouvernement de la Chine n’a pas fourni de renseignements sur les programmes de subvention qui n’avaient pas encore été recensés par les exportateurs ayant fourni suffisamment de renseignements en réponse à leur DDR en subventionnement. Ce manque d’information a considérablement nui à l’enquête de l’ASFC, étant donné que les renseignements nécessaires, en ce qui concerne la contribution financière, le bénéfice et la spécificité, n’ont pas été fournis aux fins d’établissement des montants de subvention selon les modalités fixées au paragraphe 30.4(1) de la LMSI. Il a également limité la capacité de l’ASFC de déterminer si les fabricants de produits solaires ou autres fournisseurs de biens et services, y compris les fournisseurs de services financiers, sont des organismes publics.
[122] En raison de ce manque d’information, les montants de subvention pour tous les exportateurs ont été calculés par prescription ministérielle conformément au paragraphe 30.4(2) de la LMSI d’après les meilleurs renseignements dont disposait l’ASFC.
[123] Pour chacun des neuf exportateurs ayant fourni suffisamment de renseignements en réponse à la DDR, un montant de subvention a été calculé par prescription ministérielle, d’après les renseignements fournis en réponse à la DDR et obtenus lors des vérifications sur place et/ou au bureau.
[124] Dans son enquête initiale, l’ASFC a jugé que 100 % des marchandises exportées de la Chine étaient subventionnées. Depuis les conclusions du TCCE, elle n’a pas procédé à de réexamens afin de mettre à jour les montants de subvention pour les modules et laminés photovoltaïques.
[125] Depuis que les conclusions du TCCE concernant les modules et laminés photovoltaïques sont en vigueur, l’ASFC a mené cinq autres enquêtes en subventionnement concernant la Chine, portant à 23 le total actuel de mesures compensatoires en vigueur à l’égard de marchandises chinoises vendues au Canada. Dans chacune de ces affaires, l’ASFC a recensé un nombre considérable de programmes de subvention pouvant donner lieu à une action, y compris des politiques fiscales préférentielles et des aides, comme l’exemption des impôts fonciers, l’aide à la recherche et au développement, et le remboursement des droits de brevet et des intérêts sur les prêts, qui pourraient aussi être offerts aux producteurs de modules et laminés photovoltaïques. L’Énoncé des motifs des décisions définitives de l’ASFC dans chacune des enquêtes décrit les programmes en détail et explique pourquoi ils ont été considérés comme des subventions donnant lieu à une actionNote de bas de page 51.
[126] Dans plusieurs enquêtes récentes de réexamen relatif à l’expiration concernant des marchandises importées de la Chine, l’ASFC a déterminé que l’expiration des conclusions entraînerait vraisemblablement la poursuite du subventionnement. En particulier, elle en a déterminé ainsi dans l’enquête récente conclue le 3 juillet 2020 concernant les fournitures tubulaires pour puits de pétrole de la ChineNote de bas de page 52 et dans une autre enquête récente conclue le 7 mai 2020 concernant les barres d’armature pour béton de la ChineNote de bas de page 53.
[127] Bien que ces décisions de l’ASFC ne prouvent pas en soi que le subventionnement des marchandises en cause va se poursuivre ou reprendre si les conclusions concernant les modules et laminés photovoltaïques sont annulées, elles montrent qu’en règle générale, le gouvernement de la Chine continue d’offrir une variété de mesures de soutien aux fabricants, y compris des contributions financières aux producteurs exportant des marchandises vers le Canada.
[128] Étant donné que ni le gouvernement ni les producteurs ou exportateurs en Chine n’ont participé à la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC dispose de peu de renseignements sur les programmes de subvention spécifiques actuellement offerts aux producteurs et exportateurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine. Cependant, le dossier administratif contient des éléments de preuve de l’offre continue de programmes de subvention aux producteurs de ces marchandises en Chine.
[129] Comme nous l’avons vu dans la section du présent rapport qui porte sur le dumping, les modules et laminés photovoltaïques de la Chine sont également assujettis à des mesures compensatoires aux États-Unis depuis 2012. L’ITA des États-Unis a procédé à plusieurs réexamens administratifs et a constamment conclu que les producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine reçoivent des subventions. Tout récemment, dans un mémorandum publié en mars 2018 à l’issue d’un réexamen, l’ITA des États-Unis souligne ce qui suit [traduction] :
Dans les trois réexamens administratifs conclus depuis l’ordonnance de droits antidumping et compensateurs, le département du Commerce a conclu que les répondants continuaient de recevoir des subventions donnant lieu à une action. Rien n’indique qu’il y a eu des changements aux programmes jugés donner lieu à une action dans le cadre de l’enquête. De plus, dans son premier réexamen administratif, le département du Commerce a recensé d’autres programmes de subvention donnant lieu à une action. Enfin, aucune partie n’a présenté d’élément de preuve de l’expiration ou de la fin des programmes de subvention. Par ailleurs, ni le gouvernement de la Chine ni une autre des parties intéressées répondantes n’ont participé au réexamen. D’après les facteurs ci-dessus, le département du Commerce juge que la poursuite ou la reprise des subventions donnant lieu à une action est vraisemblableNote de bas de page 54.
[130] Jinko Solar, l’un des principaux producteurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine, confirme avoir reçu des subventions du gouvernement de la Chine dans son rapport annuel de 2019. Jinko Solar précise ce qui suit [traduction] :
Nous avons reçu des aides du gouvernement totalisant 147,9 millions de renminbis (RMB), 52,2 millions de RMB et 63,0 millions de RMB (9,1 millions de $US) en 2017, 2018 et 2019 respectivement, notamment pour l’expansion de l’échelle de production, les mises à niveau technologiques et le développement des marchés d’exportation et des projets d’énergie solaire. Nous ne pouvons garantir que nous continuerons à recevoir des aides et subventions à un niveau semblable à l’avenir ou que nous en recevrons du toutNote de bas de page 55.
[131] Le marché en aval des modules et laminés photovoltaïques dépend aussi des subventions du gouvernement de la Chine. Dans son rapport annuel de 2019, Jinko Solar souligne ce qui suit [traduction] :
Puisqu’une part considérable de nos activités sont en République populaire de Chine, les politiques et règlements adoptés par celle-ci à l’égard de l’industrie de l’énergie solaire sont importants pour la réussite continue de notre société. Bien qu’il y ait eu au cours des dernières années un soutien réglementaire pour la production d’énergie solaire, comme les subventions, le traitement fiscal préférentiel et les autres incitatifs économiques, les politiques futures du gouvernement pourraient ne pas être aussi favorablesNote de bas de page 56.
[132] D’après ce qui précède, tout porte à croire que le gouvernement de la Chine continuera vraisemblablement à subventionner ses producteurs nationaux de modules et laminés photovoltaïques à l’avenir.
Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement
[133] D’après l’information au dossier administratif concernant l’offre continue de programmes de subvention aux producteurs et exportateurs de modules et laminés photovoltaïques en Chine et la présence de mesures compensatoires à l’égard de modules et laminés photovoltaïques de la Chine dans d’autres pays, l’ASFC juge que l’expiration des conclusions risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine.
Conclusion
[134] Aux fins de la décision dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI. Ayant considéré les facteurs pertinents et les renseignements au dossier, elle a décidé, le 16 octobre 2020, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration des conclusions rendues par le TCCE le 3 juillet 2015 dans l’enquête RR-2014-003 causerait vraisemblablement :
- i. la poursuite ou la reprise du dumping de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine; et
- ii. la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains modules et laminés photovoltaïques originaires ou exportés de la Chine.
Mesures à venir
[135] TCCE a maintenant commencé son enquête pour déterminer si, selon toute vraisemblance, l’expiration de ses conclusions concernant le dumping et le subventionnement des marchandises en cause de la Chine causerait un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, le TCCE doit rendre sa propre décision d’ici le 25 mars 2021.
[136] Si le TCCE décide que l’expiration de ses conclusions causerait vraisemblablement un dommage, il les prorogera, avec ou sans modification. Alors, l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées, et des droits compensateurs sur les importations subventionnées, de marchandises en cause.
[137] Si, au contraire, le TCCE décide que l’expiration de ses conclusions ne causerait vraisemblablement pas de dommage, il les annulera, et plus aucuns droits antidumping ou compensateurs ne seront perçus sur les importations de marchandises en cause, et ceux perçus sur des marchandises dédouanées après que les conclusions devaient expirer seront rendus à l’importateur.
Renseignements
[138] Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec l’agent dont le nom figure ci-dessous :
Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
11-100 rue Metcalfe
Ottawa ON K1A 0L8
- Téléphone:
- Shawn Ryan : 902-943-1849
Courriel :
simaregistry@cbsa-asfc.gc.ca
Doug Band
Directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
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