Éconcé des motifs — Ouverture d’une enquête : Feuilles d’acier résistant à la corrosion 3 (COR3 2024 IN)
De l’ouverture d’une enquête de sa propre initiative sur le dumping des feuilles d’acier résistant à la corrosion originaires ou exportées de la République de Türkiye, par Borçelik Çelik Sanayi Ticaret A.Ş.
Décision
Ottawa, le
Le 5 décembre 2024, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a ouvert, de sa propre initiative, une enquête sur des préoccupations concernant le dumping dommageable des feuilles d’acier résistant à la corrosion originaires ou exportées de la République de Türkiye, par Borçelik Çelik Sanayi Ticaret A.Ş.
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Résumé
[1] Le 8 novembre 2019, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête sur le dumping des feuilles d’acier résistant à la corrosion originaires ou exportées de la République de Türkiye (Türkiye), y compris les marchandises de Borçelik Çelik Sanayi Ticaret A.Ş. (Borçelik), dans ce qu’on a appelé la deuxième affaire des feuilles d’acier résistant à la corrosion (COR2). Le 16 octobre 2020, l’ASFC a rendu une décision définitive selon laquelle les marchandises de la Türkiye avaient fait l’objet d’un dumping. Le même jour, elle a mis fin au volet de son enquête en dumping portant sur Borçelik, n’ayant pas constaté de marge de dumping à son égard. Par conséquent, Borçelik est exclu de la mesure en vigueur dans COR2.
[2] Dans le cadre de la mise en œuvre précoce de la Surveillance du marché, l’ASFC a commencé à surveiller les importations et les pratiques commerciales dans les branches de production visées par des mesures de recours commerciaux en vigueur. Au moyen de cette surveillance, elle a relevé des préoccupations concernant les importations de feuilles d’acier résistant à la corrosion turques de Borçelik. D’après l’information disponible, des éléments de preuve indiquent que les importations de feuilles d’acier résistant à la corrosion originaires ou exportées de la Türkiye, par Borçelik (ci-après « le pays visé » et « les marchandises en cause »), ont fait l’objet d’un dumping et que ce dumping a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale (canadienne).
[3] Le 5 décembre 2024, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a ouvert, de sa propre initiative, une enquête sur le dumping des feuilles d’acier résistant à la corrosion de la Türkiye par Borçelik.
Contexte
Mesures en vigueur : Première et deuxième affaires des feuilles d’acier résistant à la corrosion
[4] Ces dernières années, il y a eu deux enquêtes en dumping de l’ASFC, et une en subventionnement, concernant les feuilles d’acier résistant à la corrosion qui se sont soldées par l’imposition de droits antidumping et/ou compensateurs sur les marchandises exportées au Canada. Les mesures dans ce qu’on a appelé les première et deuxième affaires des feuilles d’acier résistant à la corrosion (COR et COR2) sont en vigueur depuis 2019 et 2020 respectivement. Les marchandises dans COR sont celles de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud, et dans COR2, celles de la Türkiye et du Vietnam.
Parties intéressées
Branche de production nationale
[5] La branche de production nationale se compose de trois producteurs : ArcelorMittal Dofasco G.P. (AMD), Material Sciences Corporation, et Stelco Inc. (Stelco).
[6] ArcelorMittal Dofasco (AMD) exploite six lignes de galvanisation au total : quatre à Hamilton (Ontario), une à Windsor (Ontario) et une à Coteau-du-Lac (QuébecNote de bas de page 1). Une septième ligne est actuellement à l’arrêt. C’est le plus gros des trois producteurs de feuilles d’acier résistant à la corrosion au Canada.
ArcelorMittal Dofasco G.P.
1330 Burlington St E.
Hamilton, ON L8N 3J5
[7] Material Sciences Corporation exploite une ligne d’électrozingage en continu à Rexdale (OntarioNote de bas de page 2).
Material Sciences Corporation
1430 Martin Grove Road
Rexdale, ON M9W 4Y1
[8] Les installations de Stelco se trouvent à Hamilton et à Nanticoke (Ontario). Plus de 2 300 employés y fabriquent jusqu’à trois millions de tonnes nettes de produits d’acier chaque année. L’installation de Hamilton de Stelco abrite son laminoir tandem à quatre postes qui produit des tôles d’acier laminées à froid et des feuilles d’acier résistant à la corrosionNote de bas de page 3.
Stelco Inc.
386 Wilcox Street
Hamilton, ON
Exportateur
[9] L’exportateur des marchandises en cause est Borçelik en Türkiye. L’ASFC lui a adressé une demande de renseignements (DDR) en dumping.
Borçelik Sanayi Ticaret A.Ş.
Ata Mh. 125 No’lu Sokak No:1
Gemlik, Bursa, Türkiye, 16601
Importateurs
[10] L’ASFC a recensé 11 importateurs potentiels des marchandises en cause à partir de ses propres documents d’importation. Elle leur a adressé à tous une DDR pour importateurs.
Les produits
Définition
[11] Aux fins de la présente enquête, les marchandises en cause se définissent comme suit :
Feuilles laminées à plat d’acier au carbone résistant à la corrosion, y compris celles contenant les éléments d’alliage suivants :
- jusqu’à 0,01 % de bore (B);
- jusqu’à 0,1 % de niobium (Nb);
- jusqu’à 0,08 % de titane (Ti);
- ou jusqu’à 0,3 % de vanadium (V);
en bobines ou coupées à longueur, d’une épaisseur jusque 0,168 po (4,267 mm) et d’une largeur jusque 72 po (1 828,8 mm), plus ou moins les écarts admis par les normes applicables, avec ou sans passivation et/ou traitements anti-empreintes digitales, originaires ou exportées de la République de Türkiye, par Borçelik Çelik Sanayi Ticaret A.Ş., à l’exclusion cependant de tout ce qui suit :
- les feuilles d’acier résistant à la corrosion devant servir à la fabrication d’automobiles, d’autobus, de camions, d’ambulances ou de corbillards ou encore de châssis ou autres parties, de pièces ou d’accessoires destinés à ces véhicules;
- les produits d’acier pour la construction aéronautique;
- les feuilles d’acier revêtu ou plaqué de fer-blanc, de plomb, de nickel, de cuivre, de chrome, d’oxydes de chrome, à la fois de fer-blanc et de plomb (fer mat), ou à la fois de chrome et d’oxydes de chrome (fer chromé);
- les produits d’acier inoxydable laminés à plat;
- les feuilles d’acier résistant à la corrosion déjà peintes, notamment avec des laques ou des vernis, ou revêtues de plastique de façon permanente;
- le ruban de blindage galvanisé, ruban d’acier plat large de 3 po au plus, traité au zinc par une opération finale, soit de galvanisation par immersion à chaud, soit d’électrozingage, de sorte que toutes les surfaces, y compris les bords, sont recouvertes de zinc;
- l’acier perforé;
- et l’acier à outils.
PrécisionsNote de bas de page 4
[12] La définition des produits comprend les feuilles d’acier résistant à la corrosion dont le substrat est revêtu ou plaqué d’un matériau résistant à la corrosion comme le zinc, l’aluminium ou d’autres alliages. Le revêtement peut être appliqué par divers moyens dont la galvanisation par immersion à chaud et l’électrozingage.
[13] La définition des produits comprend l’acier recuit après galvanisation. Cet acier passe dans un four de recuit après la galvanisation par immersion à chaud pendant que le zinc est encore liquide. Les couches de zinc et de fer se diffusent alors l’une dans l’autre, créant un revêtement d’alliage zinc-fer.
[14] La passivation consiste à rendre un matériau « passif », c’est-à-dire moins susceptible d’être affecté ou corrodé par l’environnement où il servira. Elle implique de créer une couche extérieure d’un matériau bouclier, soit appliqué comme micro-revêtement, soit créé par réaction chimique avec le matériau de base, soit généré par oxydation spontanée au contact de l’air. En tant que technique, la passivation est l’utilisation d’un revêtement léger ou d’un matériau protecteur pour donner une couche anticorrosion.
[15] La définition des produits comprend en outre l’acier résistant à la corrosion avec revêtement anti-empreintes digitales (que ce soit dans le cadre d’un traitement de passivation ou séparément).
[16] La feuille d’acier résistant à la corrosion est produite généralement à partir de feuille d’acier au carbone laminé à froid, et parfois à chaud. Cependant l’ajout de certains éléments comme le titane, le vanadium, le niobium ou le bore dans le processus sidérurgique permet de classer l’acier comme « allié »; c’est pourquoi la définition des marchandises en cause comprend l’acier résistant à la corrosion, peu importe qu’il ait été produit à partir d’acier au carbone ou d’acier allié.
[17] Les marchandises en cause (et les marchandises similaires produites par la branche de production nationale) sont appelées à se conformer à certaines spécifications de l’American Society for Testing and Materials (ASTM) ou de la Society of Automotive Engineering (SAE), ou à des spécifications équivalentes, dont voici une liste non exhaustive :
- ASTM A653/653M
- ASTM A792/A792M
- SAE J403
- SAE J1392
- SAE J2329
- SAE J1562
[18] La définition des produits comprend les marchandises dites « de second choix », c’est-à-dire qui se vendent à rabais parce que ne respectant pas intégralement la spécification d’origine, par exemple par leurs dimensions, leur nuance ou leur revêtement; les marchandises de second choix peuvent inclure aussi les bobines endommagées. Une telle marchandise peut respecter des spécifications ASTM, SAE ou autres, ou bien être recertifiée pour se conformer à une norme. Supposons par exemple une bobine de second choix parce qu’endommagée sur le bord : si l’on en coupait le bord endommagé, on pourrait ensuite la classer comme de premier choix, taillée dans une nouvelle largeur. Les marchandises de second choix sont nuancées et vendues sur une échelle de cinq.
[19] Il est entendu que la définition des produits ne comprend pas :
- L’acier résistant à la corrosion destiné aux automobiles et pièces d’automobiles, ci-après désigné comme « pour automobiles ». Les utilisateurs finaux comprennent les fabricants d’équipement d’origine (« OEM ») et les fabricants de pièces d’automobiles. Ces marchandises exclues pourront relever du numéro tarifaire 9959.00.00.
- L’acier déjà peint et l’acier revêtu de plastique de façon permanente. L’acier déjà peint est l’acier sur lequel de la peinture a été appliquée au moyen d’un revêtement en continu à l’usine de fabrication. La peinture peut être appliquée sur un ou deux côtés. Elle peut être appliquée sous forme de liquide, de pâte, de poudre, de vernis ou de laque. Les peintures peuvent comprendre notamment les apprêts, les couches de finition, les polymères polyesters, les peintures plastisol, les polyuréthanes, les polyfluorures de vinylidène et les époxydes. L’acier revêtu de plastique de façon permanente est l’acier auquel sont fixées en permanence des matières plastiques, y compris des pellicules ou des stratifiés.
FabricationNote de bas de page 5
[20] Les marchandises en cause sont habituellement produites à partir de feuilles d’acier au carbone laminé à froid, et parfois à chaud. La feuille d’acier à enduire est communément appelée le substrat d’acier. La galvanisation par immersion à chaud et l’électrozingage sont les deux procédés possibles pour appliquer, au substrat d’acier, l’enduit de zinc, d’aluminium ou d’autres alliages. AMD utilise la galvanisation par immersion à chaud.
[21] Dans le procédé de galvanisation par immersion à chaud, la première étape consiste à nettoyer les surfaces pour améliorer l’adhésion de l’enduit. Après le nettoyage, le substrat est introduit dans un four de recuit contrôlé continu où il est chauffé à la température nécessaire pour obtenir les caractéristiques métallurgiques désirées du produit final. Le substrat entre ensuite dans un bain de matières fondues pour être enduit, et à sa sortie du bain, un essuyeur à l’air, à l’azote ou à la vapeur est utilisé pour régler l’épaisseur de l’enduit. La feuille d’acier galvanisée est ensuite refroidie dans une tour de réfrigération.
[22] Dans le procédé d’électrozingage, l’acier chargé passe dans le bain de dépôt galvanoplastique, et les charges électriques opposées amènent le bain de zinc à enduire l’acier. Les bobines d’acier laminées à froid sont recuites en paquet dans des fourneaux à cuves multiples ou par un procédé de recuit continu hors ligne, et elles sont aussi souvent écrouies dans un laminoir de finissage, puis elles sont électrozinguées, c’est-à-dire enduites d’une mince couche de zinc, sur une chaîne de transformation continue.
UtilisationNote de bas de page 6
[23] L’acier correspondant à la définition des produits sert communément à fabriquer, entre autres : bâtiments agricoles, cellules à grains, ponceaux, cabanons, matériaux de couverture, bardages, platelages, planchers-terrasses, poteaux muraux, baguettes d’angle de cloisons sèches, portes, cadres de portes, canalisations (et autres dispositifs de chauffage ou de refroidissement), solins, produits de quincaillerie, et composants d’électroménagers.
Classement des importations
[24] Depuis la révision de l’annexe du Tarif des douanes le 1er janvier 2022, les marchandises en cause s’importent généralement sous les numéros de classement tarifaire suivants :
- 7210.30.00.00
- 7210.49.00.40
- 7210.49.00.50
- 7210.49.00.60
- 7210.49.00.70
- 7210.61.00.10
- 7210.61.00.20
- 7210.69.00.10
- 7210.69.00.20
- 7212.20.00.10
- 7212.20.00.20
- 7212.20.00.30
- 7212.20.00.40
- 7212.30.00.10
- 7212.30.00.20
- 7212.30.00.30
- 7212.30.00.40
- 7212.50.00.30
- 7212.50.00.40
- 7212.50.00.50
- 7212.50.00.60
- 7225.91.00.10
- 7225.91.00.20
- 7225.91.00.30
- 7225.91.00.40
- 7225.92.00.10
- 7225.92.00.20
- 7225.92.00.30
- 7225.92.00.40
- 7226.99.00.11
- 7226.99.00.12
- 7226.99.00.13
- 7226.99.00.19
[25] Les numéros de classement tarifaire ci-dessus n’incluent pas toutes les marchandises en cause, et inversement, ils incluent des marchandises non en cause.
Période visée par l’enquête
[26] L’ASFC sélectionne normalement une période visée par l’enquête (PVE) de 12 mois qui se termine dans les trois mois de la date d’ouverture de l’enquête. Elle a donc sélectionné une PVE allant du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024 aux fins de la présente enquête.
Marchandises similaires et catégorie unique
Marchandises similaires
[27] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » comme suit : « a) marchandises identiques aux marchandises en cause; b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause. » En se penchant sur la question des marchandises similaires, le TCCE tient habituellement compte de divers facteurs, notamment les caractéristiques matérielles des marchandises, leurs caractéristiques de marché, et la question de savoir si les marchandises nationales répondent aux mêmes besoins des clients que les marchandises en cause.
[28] Dans ses enquêtes antérieures concernant les feuilles d’acier résistant à la corrosion, le TCCE avait statué que les marchandises de production nationale étaient similaires à celles en question. Il avait statué de la sorte dans ses conclusions dans CORNote de bas de page 7 et COR2Note de bas de page 8.
[29] Aux fins d’analyse, les marchandises similaires sont les feuilles d’acier résistant à la corrosion de production nationale décrites dans la définition des produits. Il est entendu que les marchandises similaires n’incluent pas les feuilles d’acier résistant à la corrosion qui sont exclues de la définition des produits, telles que celles « pour automobiles ».
[30] Puisqu’il n’y a pas eu de changement important aux circonstances en ce qui concerne les critères établis par le TCCE dans les procédures antérieures, l’ASFC est convaincue que les marchandises similaires et les marchandises en cause constituent des produits de base qui se font directement concurrence sur le marché canadien et qu’elles sont tout à fait interchangeables. Après étude des questions d’utilisation, des caractéristiques matérielles et de tous les autres facteurs pertinents, l’ASFC est d’avis que les marchandises de production nationale sont similaires à celles en cause et forment ensemble une catégorie unique aux fins de la présente enquête.
Analyse des importations
[31] L’ASFC a analysé les importations de feuilles d’acier résistant à la corrosion selon les bases de données du Système de gestion de l’extraction de renseignements (SGER) et du Système de soutien de la mainlevée accélérée des expéditions commerciales (SSMAEC). De plus, pour cette analyse, elle a sollicité à sa Division de l’observation commerciale des données sur la mesure en vigueur dans COR2.
[32] Des renseignements détaillés sur les volumes d’importations de feuilles d’acier résistant à la corrosion ne peuvent être communiqués pour des raisons de confidentialité. Aux fins d’ouverture, toutefois, l’ASFC a dressé le tableau ci-dessous pour illustrer la part estimative des importations détenue par Borçelik et toutes les autres importations selon les bases de données du SGER et du SSMAEC.
Exportateur/pays d’origine | 2021 | 2022 | 2023 | Janvier-septembre 2023 | Janvier-septembre 2024 | PVE (octobre 2023-septembre 2024) |
---|---|---|---|---|---|---|
Borçelik | 4,7 | 5,6 | 8,1 | 7,7 | 12,1 | 11,5 |
Toutes les autres importations | 95,2 | 94,4 | 91,9 | 92,3 | 87,9 | 88,5 |
Importations totales1 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
1Les pourcentages étant arrondis, leur somme pourrait ne pas être de 100 %. |
[33] Il ressort de l’analyse de l’ASFC que les importations de marchandises en cause au Canada de Borçelik ont augmenté et ne sont pas négligeables.
[34] L’ASFC va continuer de recueillir et d’analyser l’information sur le volume d’importations dans la PVE (1er octobre 2023-30 septembre 2024) dans le cadre de la phase préliminaire de l’enquête en dumping, et elle peaufinera ces estimations.
Preuves de dumping
[35] La valeur normale sera généralement, soit le prix de vente intérieur des marchandises similaires dans le pays exportateur si le marché y est soumis au jeu de la concurrence, soit la somme du coût de production des marchandises, d’un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente, et d’un autre pour les bénéfices.
[36] Le prix à l’exportation des marchandises vendues aux importateurs au Canada sera généralement la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix d’achat de l’importateur, moins tous les frais découlant de l’exportation des marchandises.
[37] Un examen des estimations de l’ASFC pour les valeurs normales et les prix à l’exportation suit.
Valeur normale
[38] L’ASFC ne dispose pas de renseignements sur les ventes intérieures ou les coûts réels pour les produits de feuilles d’acier résistant à la corrosion de Borçelik. C’est pourquoi elle a utilisé les meilleurs renseignements disponibles pour estimer les valeurs normales à l’égard des importations de marchandises en cause de Borçelik.
[39] Aux fins d’ouverture, l’ASFC a estimé les valeurs normales d’après celles pour utilisation future attribuées aux exportateurs coopératifs de la Türkiye dans le dernier réexamen dans COR2. Elle juge qu’il s’agit des meilleurs renseignements disponibles puisqu’ils représentent les valeurs normales réelles attribuées en vertu de l’article 15 ou de l’alinéa 19b) de la LMSI, et en vigueur pour ces exportateurs coopératifs, notamment dans la PVE. Enfin, la définition des produits dans COR2 est la même que dans la présente enquête, et les valeurs normales portaient sur une grande variété de marchandises en cause.
[40] L’ASFC s’est fiée aux renseignements des déclarations douanières dans les bases de données du SGER et du SSMAEC pour analyser les importations. Étant donné que les renseignements dans le SGER et le SSMAEC n’incluent pas une description complète des caractéristiques des produits, l’ASFC ne peut estimer de prix à l’exportation spécifiques à un modèle.
[41] L’ASFC a utilisé les renseignements des déclarations douanières dans le SGER et le SSMAEC pour estimer les prix à l’exportation mensuels à l’égard de toutes les importations de marchandises en cause de Borçelik. Ainsi, elle a estimé les valeurs normales mensuelles d’après celles en vigueur pour les exportateurs coopératifs de feuilles d’acier résistant à la corrosion de la Türkiye. Après examen de la répartition statistique des valeurs normales estimatives, l’ASFC a jugé que la valeur normale médiane constituait l’estimation la plus représentative pour chaque mois de la PVE. Elle a ensuite converti cette valeur normale en dollars canadiens la tonne métrique à partir de l’information sur les taux de change de la Banque du Canada pour estimer les valeurs normales mensuelles dans la PVE.
[42] Faute d’autres renseignements publics, l’ASFC juge ces estimations raisonnables aux fins d’estimation des valeurs normales pour l’ouverture.
Prix à l’exportation
[43] Pour estimer les prix à l’exportation et déterminer le volume et la valeur des importations de marchandises en cause au Canada de Borçelik, l’ASFC s’est fiée aux renseignements des déclarations douanières dans les bases de données du SGER et du SSMAEC.
[44] L’ASFC a utilisé les renseignements dans le SSMAEC pour corriger les erreurs dans la base de données du SGER et éliminer les importations de marchandises non en cause.
[45] Pour estimer les prix à l’exportation à l’égard des importations de marchandises en cause de Borçelik, l’ASFC a utilisé les données sur la valeur en douane déclarée dans la base de données du SGER pour chaque expédition dans la PVE.
Marge estimative de dumping
[46] L’ASFC a estimé la marge de dumping pour les importations de marchandises en cause de Borçelik en comparant les valeurs normales estimatives totales avec les prix à l’exportation estimatifs totaux dans la PVE. La marge estimative de dumping pour Borçelik, d’après cette analyse, est indiquée dans le tableau ci-dessous.
Pays d’origine ou d’exportation | Marge estimative de dumping |
---|---|
Borçelik | 12,9 % |
Situation particulière du marché
[47] Conformément à l’alinéa 16(2)c), et aux fins de détermination des valeurs normales selon l’article 15 de la LMSI, l’ASFC ne tiendra pas compte des ventes de marchandises similaires pour utilisation dans le pays d’exportation qui, de son avis, ne permettent pas une comparaison utile avec la vente des marchandises à l’importateur au Canada en raison de l’existence d’une situation particulière du marché (SPM). Elle déterminera la valeur normale pour ces marchandises selon l’article 19, dans la mesure du possible, ou selon l’article 29 de la LMSI.
[48] Quand l’ASFC est d’avis qu’une SPM ne permet pas une comparaison utile avec les marchandises similaires selon l’article 15 et qu’une SPM influe aussi sur le coût d’un intrant, aux fins d’établissement des valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSI, elle ne tiendra pas compte du prix d’acquisition d’un tel intrant puisqu’il ne reflète pas raisonnablement son coût réel en raison de l’existence d’une SPM. Elle déterminera ces coûts selon le paragraphe 11.2(2) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI), comme étant les montants qui reflètent raisonnablement le coût réel de l’intrant dans le pays d’exportation aux fins de comparaison utile.
[49] Le paragraphe 16(2.1) de la LMSI prévoit qu’aux fins de l’alinéa 16(2)c), une SPM peut être établie à l’égard de toute marchandise d’un exportateur ou d’un pays en particulier, selon ce qui convient, dans les circonstances.
[50] L’ASFC peut se faire l’opinion qu’une SPM existe, laquelle ne permet pas une comparaison utile avec les ventes de marchandises faites à l’importateur au Canada, si l’un ou plusieurs des facteurs ci-dessous ont eu une incidence considérable sur les ventes intérieures de marchandises similaires dans le pays d’exportation :
- la réglementation gouvernementale, tels les prix planchers et plafonds, les contingents de production et les contrôles à l’importation et à l’exportation;
- les politiques fiscales;
- les programmes de soutien gouvernementaux (financiers et autres);
- la présence d’entreprises d’État ou sous contrôle de l’État sur le marché intérieur et leurs activités en tant que fournisseurs ou acheteurs de marchandises similaires (y compris les institutions financières);
- l’acquisition d’intrants de production ou de services de transformation ne reflétant pas les coûts du marché parce que les fournisseurs sont de l’État ou sous contrôle de l’État ou sont influencés ou contrôlés par le gouvernement;
- la volatilité considérable des conditions économiques sur le marché intérieur de l’exportateur;
- la preuve de coûts d’intrants faussés;
- toutes autres circonstances qui pourraient ou non découler de l’intervention du gouvernement, dans lesquelles les conditions normales du marché ou le jeu de l’offre et de la demande ne prévalent pas.
[51] L’information dont dispose l’ASFC montre qu’une SPM pourrait exister à l’égard de la Türkiye pour la raison suivante : la preuve de coûts d’intrants faussés.
[52] Les bobines laminées à chaud (BLC) sont des intrants de production majeurs des feuilles d’acier résistant à la corrosion. Les BLC sont, soit utilisées directement comme substrat, soit transformées en bobines laminées à froid, puis utilisées comme substrat.
[53] Le 31 octobre 2023, la Türkiye a ouvert une enquête sur le dumping des BLC de la Chine, de l’Inde, du Japon et de la Russie. Selon l’avis du ministère du Commerce de la Türkiye, les importations de ces quatre pays auraient causé ou menaceraient de causer un dommage considérable pour le rendement économique de la branche de production nationale, et la hausse marquée des importations aurait eu un effet perturbateur et baissier sur les prix de vente des produits nationaux turcs. Il est par ailleurs signalé que les importations ont eu des conséquences négatives sur la production nationale, les chiffres des ventes, les niveaux et la valeur des stocks, le flux de trésorerie et le taux d’utilisation de la capacité pour les produits turcsNote de bas de page 9.
[54] Le 11 octobre 2024, la Türkiye a décidé que les BLC de la Chine, de l’Inde, du Japon et de la Russie étaient vendues à des prix sous-évalués. Les droits antidumping les plus élevés ont été imposés sur les produits chinois, avec des taux variant de 15 % à 43 %Note de bas de page 10.
[55] En mai 2023, la Türkiye est devenue le premier acheteur de BLC chinoisesNote de bas de page 11, et les importations de la Chine représentaient 48 % de toutes ses importations de BLC dans la période du 1er janvier 2024 au 31 juillet 2024Note de bas de page 12.
[56] L’ASFC va examiner plus à fond la question de savoir si une SPM existe tout au long de l’enquête.
Preuves de dommage
[57] Des éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause ont fait l’objet d’un dumping et que ce dumping a causé un dommage sensible à la branche de production de feuilles d’acier résistant à la corrosion au Canada sous la forme : d’une hausse des importations de marchandises en cause, d’une perte de part du marché et de ventes, et d’une baisse et d’un gâchage des prix. La branche de production nationale a également présenté une trousse d’information pour corroborer certaines de ces constatationsNote de bas de page 13.
Contexte et volume d’importations
[58] D’après les estimations de l’ASFC, les marchandises en cause de Borçelik représentaient 11,5 % des importations totales dans la PVE.
[59] Les données de l’ASFC montrent une tendance à la hausse considérable des volumes d’importations de Borçelik de 2021 à 2024.
[60] Par ailleurs, les importations de Borçelik ont augmenté de 116 % lorsqu’on compare la période de janvier à septembre 2023 avec la même période en 2024.
[61] De plus, pendant que les importations de Borçelik ont augmenté, les importations totales de marchandises en cause ont constamment diminué. En effet, elles ont baissé de 19 % de 2021 à 2022 et de 3 % de 2022 à 2023. Ainsi, malgré la baisse des importations totales, la part du marché de Borçelik s’accroît, ce qui est probablement attribuable au gâchage des prix.
[62] Les importations accrues de Borçelik ont aussi fait perdre une part du marché aux producteurs nationaux. La part du marché des producteurs nationaux a chuté de 11 % de 2021 à 2022 et encore de 4 % de 2022 à 2023, en termes de valeur.
[63] En résumé, d’après ses propres estimations et sa propre analyse, l’ASFC conclut à une hausse substantielle des volumes d’importations de Borçelik, en termes absolus et relatifs.
Perte de ventes et baisse des prix
[64] La branche de production nationale a donné des éléments de preuve de cas où elle a dû réduire les prix ou a perdu des ventes en raison des importations présumées sous-évaluées de BorçelikNote de bas de page 14.
[65] Les importations de marchandises en cause de Borçelik ont tiré parti de bas prix pour se faire accepter sur le marché, ce qui a entraîné une réduction des prix et une perte de ventes et, ainsi, une perte de recettes et un dommage sensible pour la branche de production nationale.
Gâchage des prix
[66] Les marchandises présumées sous-évaluées ont conquis une part du marché par le gâchage des prix. D’après les données de l’ASFC, dans la PVE, les importations de Borçelik représentaient 11,5 % des importations totales, et malgré les frais d’expédition longue distance, les prix de Borçelik étaient nettement inférieurs à ceux des producteurs canadiensNote de bas de page 15.
[67] D’après l’analyse de l’ASFC des données du SGER, dans la PVE, le prix moyen de Borçelik était nettement inférieur à celui des producteurs nationaux. De même, comme nous l’avons déjà vu, ces prix gâchent ceux de la branche de production nationale en vue de l’obtention de ventes. Cette situation montre que les importations de Borçelik sont à des prix très bas afin de conquérir une part du marché.
Conclusion de l’ASFC : Dommage
[68] Dans l’ensemble, après analyse du fruit de ses propres recherches, des documents douaniers ainsi que des renseignements fournis par la branche de production nationale, l’ASFC conclut que les éléments de preuve donnent une indication raisonnable que le dumping des marchandises en cause de la Türkiye par Borçelik a causé un dommage à la branche de production au Canada, sous la forme d’une hausse des importations de marchandises en cause, d’une perte de part du marché et de ventes, et d’une baisse et d’un gâchage des prix.
Menace de dommage
[69] Les marchandises présumées sous-évaluées menacent de causer encore un dommage sensible aux producteurs nationaux de feuilles d’acier résistant à la corrosion. Les producteurs nationaux ont présenté une trousse d’information pour corroborer certaines des constatations ci-dessous.
Le taux d’augmentation du volume d’importations de marchandises en cause
[70] Après les conclusions positives à l’endroit des pays visés dans COR2, le volume d’importations de marchandises en cause des exportateurs turcs, à l’exception de Borçelik, a été négligeable. Selon les données de l’ASFC, les importations de tous les autres exportateurs turcs représentaient 0,1 %, 0,2 % et 0 % des importations totales en 2021, 2022 et 2023 respectivement. Cependant, le volume d’importations de marchandises en cause de Borçelik a constamment augmenté de 2021 à 2023. En particulier, les importations de Borçelik représentaient 4,7 %, 5,6 % et 8,1 % des importations totales en 2021, 2022 et 2023 respectivement. Même si le volume d’importations de Borçelik a reculé légèrement en 2022 en termes absolus, il a maintenu une tendance à la hausse en termes relatifs. Par ailleurs, les importations de Borçelik de janvier 2023 à septembre 2023 représentaient 7,7 % des importations totales. Lorsqu’on les compare avec la même période en 2024, elles ont beaucoup augmenté, représentant 12,1 % des importations totales, ce qui montre une tendance à la hausse continue.
[71] En outre, selon les déclarations fournies par les producteurs nationaux, ceux-ci s’attendent à deux autres expéditions de marchandises en cause de Borçelik d’ici la fin de 2024Note de bas de page 16.
[72] Comme nous l’avons déjà vu, il se dégage de l’analyse des données de l’ASFC une tendance à la hausse constante des volumes d’importations de marchandises en cause de Borçelik, avec une accélération considérable du taux d’augmentation en 2024. Ainsi, l’ASFC est d’avis qu’il pourrait encore y avoir des hausses des volumes à des prix qui gâchent de façon substantielle ceux des producteurs canadiens, ce qui risque de leur faire perdre encore une part du marché.
Les conditions du marché international et l’attrait du marché canadienNote de bas de page 17
[73] Dans son dernier réexamen relatif à l’expiration dans COR, conclu en juin 2024, l’ASFC a souligné que la croissance économique mondiale était appelée à demeurer faible à modérée. En particulier, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait des taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de 3,1 % en 2024 et de 3,2 % en 2025, en raison de divers facteurs, notamment l’inflation mondiale élevée, les conflits, les perturbations commerciales persistantes, et la contraction du secteur immobilier chinois. Le FMI a souligné que les prévisions pour 2024-2025 étaient inférieures à la moyenne historique de 3,8 % de 2000 à 2019. De même, la Banque mondiale prévoit un taux de croissance de 3,0 % en 2025, vu l’inflation élevée persistante, les taux d’intérêt élevés, la réduction des investissements et les perturbations liées au conflit entre la Russie et l’Ukraine. L’ASFC a par ailleurs souligné que, même si l’inflation et les taux d’intérêt élevés ont eu pour effet de limiter la demande d’acier dans le monde, des signes montrent que la consommation dans des économies avancées entame une reprise modérée, ce qui pourrait faire de ces marchés la cible de feuilles d’acier résistant à la corrosion sous-évaluées.
[74] Au sujet de l’attrait du marché canadien, l’ASFC a souligné que l’économie canadienne traversait une période de croissance faible mais stable, la Banque du Canada ayant signalé une croissance du PIB canadien de 1,0 % pour 2023 et prévu un redressement, à 2,4 %, en 2025. L’ASFC a par ailleurs souligné que, malgré la prévision de croissance économique faible, le Canada demeure un marché attrayant pour les exportateurs de produits d’acier, en particulier ceux d’acier laminé à plat, à des prix sous-évalués. Comme en témoigne souvent les mesures en vigueur de l’ASFC à l’endroit de l’industrie sidérurgique, cette situation peut s’expliquer par le prix relativement plus élevé des produits d’acier en Amérique du Nord, par rapport à de nombreux autres marchés, ce qui en fait une destination attrayante. Il en va de même pour les entreprises cherchant à maximiser les profits, faisant face à l’affaiblissement de la demande sur leur marché intérieur, et cherchant à se délester de capacité et à vendre à des prix sous-évalués ou subventionnés.
[75] D’après ce qui précède, l’ASFC juge que la conjoncture mondiale volatile continuera de se faire sentir dans divers secteurs de l’acier, dont les feuilles d’acier résistant à la corrosion, et que le Canada représente un marché attrayant pour les producteurs de marchandises en cause afin d’éliminer la capacité excédentaire, ce qui pourrait se traduire par un dumping continu au pays. Cette situation pose une menace à la branche de production nationale, les marchandises exportées par Borçelik étant exclues de la mesure en vigueur dans COR2 à l’égard des feuilles d’acier résistant à la corrosion turques. Borçelik est susceptible d’être motivé à multiplier ses exportations vers le Canada afin de reconquérir la part du marché auparavant occupée par d’autres exportateurs turcs. Les producteurs nationaux font valoir qu’il y aura ainsi un gâchage et une compression des prix et une perte de ventes sur le marché intérieurNote de bas de page 18.
Les mesures commerciales prises par le Canada et d’autres territoires à l’égard de marchandises de même description ou de marchandises similaires
[76] Au pays, il y a déjà des conclusions de dumping et de subventionnement visant les feuilles d’acier résistant à la corrosion turques, à l’exception de celles exportées au Canada en provenance de la Türkiye par Borçelik. Cette situation pose une menace à la branche de production nationale, car Borçelik peut multiplier ses exportations vers le Canada afin de reconquérir la part du marché auparavant occupée par d’autres exportateurs turcs.
[77] Au sujet des recours commerciaux d’autres territoires, les États-Unis et l’Union européenne ont des mesures visant un grand éventail d’importations d’acier, dont les feuilles d’acier résistant à la corrosion turques, sous la forme de tarifs au titre de l’article 232 et de sauvegardes. Les mesures en vigueur dans d’autres territoires à l’égard des feuilles d’acier résistant à la corrosion turques limitent l’accès de Borçelik à ces marchés. Par ailleurs, les États-Unis ont récemment ouvert une enquête sur le dumping des feuilles d’acier résistant à la corrosion de nombreux pays, dont la Türkiye, ce qui inclurait vraisemblablement les marchandises de Borçelik, un important producteur. Si les États-Unis rendent des conclusions positives à l’égard des feuilles d’acier résistant à la corrosion turques, Borçelik est susceptible de se concentrer davantage sur le marché canadien. Borçelik, dont les marchandises sont exclues de la mesure en vigueur dans COR2, sera enclin à tirer parti de cette exclusion et à continuer d’augmenter ses exportations vers le Canada.
Les prix susceptibles d’entraîner une baisse ou une compression importante
[78] Les marchandises en cause sont importées sur le marché canadien à des prix susceptibles d’entraîner une baisse ou une compression des prix des marchandises similaires et de faire augmenter la demande pour des importations supplémentaires des marchandises, ce qui obligera encore la branche de production nationale à abaisser ses prix et, ainsi, lui fera perdre des recettes et réduira sa rentabilité. Les déclarations fournies par les producteurs nationaux incluent des éléments de preuve indiquant que les prix des marchandises en cause ont gâché ceux de la branche de production nationale de 2021 à 2024.
[79] D’après l’analyse de l’ASFC de ses propres données sur les importations, le prix moyen des marchandises en cause de Borçelik de janvier à septembre 2024 correspondait au prix moyen le plus bas depuis 2021. Il était aussi inférieur à celui enregistré dans la même période en 2023, ce qui montre une tendance à la baisse continue. D’après les données fournies par les producteurs nationaux, le prix de ces importations était nettement inférieur au prix intérieur moyen dans la période de janvier à septembre 2024Note de bas de page 19. Par ailleurs, les producteurs nationaux indiquent qu’une des expéditions de Borçelik attendues en 2024 sera également à un prix bien en deçà des prix intérieursNote de bas de page 20. En l’absence de conclusions, il est fort probable que Borçelik continuera d’exporter les marchandises en cause à des prix qui entraîneront une baisse ou une compression des prix, ses volumes d’importations ayant aussi augmenté dans les mêmes périodes.
Les mauvais résultats financiers
[80] Dans les déclarations fournies par les producteurs nationaux, ceux-ci soutiennent que la baisse des prix causée par les importations à bas prix de Borçelik a eu une incidence sur leurs résultats financiers. AMD a fourni à l’appui son analyse financière des ventes de feuilles d’acier résistant à la corrosion de 2018 au quatrième trimestre de 2024, tandis que Stelco a fourni sa propre analyse pour la période de 2021 au troisième trimestre de 2024Note de bas de page 21.
[81] Ayant examiné cette information, l’ASFC note que les résultats financiers de ces entreprises sont mauvais depuis 2021. Comme nous l’avons déjà vu, les prix des importations de Borçelik, qui ne cessent de baisser, gâchent les prix intérieurs. Cette tendance semble indiquer que le gâchage des prix est susceptible de s’accroître, avec les importations à bas prix de Borçelik posant une menace de dommage considérable à la branche de production nationale.
Les investissements
[82] Dans les déclarations fournies par les producteurs nationaux, ceux-ci soutiennent qu’ils ont fait des investissements substantiels dans leurs activités liées aux feuilles d’acier résistant à la corrosion et planifient d’autres investissements dans un avenir proche. Ils affirment que ces investissements seraient à risque s’ils devaient continuer de concurrencer les volumes élevés d’importations à bas prix de BorçelikNote de bas de page 22. Stelco soutient que les importations sous-évaluées de Borçelik auraient une incidence négative sur sa capacité de tirer profit de son plan d’investissement stratégique et pourraient mettre en péril ses investissements futurs ainsi que l’emploi associé à ceux-ci. De même, AMD soutient qu’il s’attend à faire des investissements substantiels dans la production de feuilles d’acier résistant à la corrosion et d’intrants pour ces marchandises dans la période de 2024 à 2026Note de bas de page 23. Il ajoute que les importations sous-évaluées de Borçelik auraient une incidence négative sur ses résultats financiers.
[83] Après examen des renseignements fournis par les producteurs nationaux, l’ASFC juge qu’ils confirment une menace de dommage pour les investissements.
Le risque de réorientation de la productionNote de bas de page 24
[84] Les feuilles d’acier résistant à la corrosion sont un produit en aval d’acier laminé à chaud (ALC) et d’acier laminé à froid (ALF). Même si l’ALC et l’ALF sont des produits autonomes, ils constituent également des intrants primaires pour un certain nombre de produits d’acier différents. Ainsi, si une mesure commerciale est prise à l’égard de produits d’ALC et/ou d’ALF en amont, au Canada ou ailleurs, le producteur étranger concerné est susceptible de réorienter la production et d’augmenter les exportations de marchandises non assujetties, telles les feuilles d’acier résistant à la corrosion. Un certain nombre de mesures commerciales visent actuellement des produits d’acier liés aux feuilles d’acier résistant à la corrosion de la Türkiye, notamment dans l’Union européenne, au Maroc, en Thaïlande, aux États-Unis, au Brésil, en Australie, en Indonésie et en MalaisieNote de bas de page 25. Elles sont susceptibles d’encourager Borçelik à multiplier les exportations de marchandises en cause vers le Canada, sa liste de produits et de marchés d’exportation pour les marchandises liées aux feuilles d’acier résistant à la corrosion étant de plus en plus restreinte.
[85] L’ASFC souligne que la réorientation de la production par suite des restrictions décrites ci-dessus pourrait grandement augmenter la capacité de Borçelik pour les feuilles d’acier résistant à la corrosion. L’ASFC reconnaît par ailleurs que cette situation pourrait, à son tour, entraîner une hausse des volumes de marchandises en cause offertes à bas prix afin de conquérir une part du marché canadien.
Conclusion de l’ASFC : Menace de dommage
[86] La tendance à la hausse du volume d’importations; les conditions volatiles du marché international et l’attrait du marché canadien; les mauvais résultats financiers et les investissements; la baisse supplémentaire ou la compression des prix; le risque de réorientation de la production; et la propension au dumping de l’acier donnent une indication raisonnable que les marchandises en cause menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.
Lien de causalité entre le dumping et le dommage
[87] L’ASFC juge que les marchandises en cause causent un dommage, sous la forme d’une hausse des importations, d’une perte de part du marché et de ventes, et d’une baisse et d’un gâchage des prix.
[88] Ce dommage est directement lié au prix avantageux découlant du dumping apparent des importations de marchandises en cause de Borçelik par rapport au prix des marchandises similaires produites au Canada. Les éléments de preuve indiquent également que le présumé dumping continu des marchandises en cause causerait encore un dommage à l’avenir. En résumé, l’information disponible donne une indication raisonnable que le présumé dumping a causé et menace de causer un dommage.
Conclusion
[89] D’après l’information au dossier et ses propres documents d’importation, l’ASFC est d’avis que des éléments de preuve indiquent que les feuilles d’acier résistant à la corrosion originaires ou exportées de la Türkiye, par Borçelik, ont fait l’objet d’un dumping. Par ailleurs, les éléments de preuve donnent une indication raisonnable que ce dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, le 5 décembre 2024, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert, de sa propre initiative, une enquête en dumping.
Portée de l’enquête
[90] L’ASFC enquête pour établir si les marchandises en cause ont fait l’objet d’un dumping.
[91] L’ASFC a demandé des renseignements à Borçelik et aux importateurs potentiels afin d’établir si les marchandises en cause importées au Canada dans la période visée par l’enquête (1er octobre 2023-30 septembre 2024) étaient sous-évaluées. Les renseignements demandés serviront à déterminer les valeurs normales, les prix à l’exportation et les marges de dumping, s’il y a lieu.
[92] Toutes les parties ont été clairement avisées des renseignements dont l’ASFC a besoin et du temps dont elles disposent pour les fournir.
Mesures à venir
[93] Le TCCE fera une enquête préliminaire pour décider si les éléments de preuve donnent une indication raisonnable que le présumé dumping des marchandises a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Le TCCE doit rendre sa décision dans les 60 jours après l’ouverture de l’enquête; si elle est négative, il mettra fin à l’enquête.
[94] Si le TCCE constate que les éléments de preuve révèlent de façon raisonnable qu’un dommage a été causé à la branche de production nationale, et que l’enquête de l’ASFC révèle que les marchandises ont été sous-évaluées, celle-ci rendra une décision provisoire de dumping dans les 90 jours suivant la date d’ouverture de l’enquête, c’est-à-dire au plus tard le 5 mars 2025. Si les circonstances le justifient, cette période pourrait être portée à 135 jours à compter de la date d’ouverture de l’enquête.
[95] Si, avant d’avoir rendu une décision provisoire, l’ASFC acquiert la conviction que le volume de marchandises importées d’un pays est négligeable, l’article 35 de la LMSI l’obligera à mettre fin à l’enquête à l’égard des marchandises importées de ce pays.
[96] Les marchandises en cause importées et dédouanées à compter du jour de la décision provisoire de dumping, si leur description ne correspond pas à celle de marchandises dont il a été décidé que leur marge de dumping était négligeable, peuvent être frappées de droits provisoires ne dépassant pas leur marge estimative de dumping.
[97] Si l’ASFC rend une décision provisoire de dumping, elle continuera d’enquêter pour en arriver à une décision définitive dans les 90 jours après la décision provisoire.
[98] Après la décision provisoire, si son enquête révèle que les marchandises d’un exportateur donné n’ont pas été sous-évaluées par une marge de dumping non négligeable, l’ASFC exclura de son enquête en dumping les marchandises de cet exportateur.
[99] Advenant une décision définitive de dumping, le TCCE continuera son enquête et tiendra des audiences publiques sur la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale. Il aura 120 jours après la décision provisoire de l’ASFC pour rendre ses conclusions sur les marchandises auxquelles cette décision définitive s’applique.
[100] Si le TCCE rend des conclusions de dommage, les marchandises en cause importées et dédouanées après cette date seront frappées de droits antidumping équivalents à leur marge de dumping.
Droits rétroactifs sur les importations massives
[101] Lorsque le TCCE mène son enquête sur le dommage causé à la branche de production nationale, il peut se demander si les marchandises sous-évaluées importées un peu avant ou après l’ouverture de l’enquête constituent des importations massives sur une courte période ayant causé un dommage à la branche de production nationale.
[102] S’il conclut par l’affirmative, alors les importations de marchandises en cause dédouanées auprès de l’ASFC dans les 90 jours précédant la date de la décision provisoire pourraient être frappées de droits antidumping.
Engagements
[103] Après que l’ASFC a pris une décision provisoire de dumping selon laquelle la marge estimative de dumping n’est pas minimale, un exportateur peut prendre l’engagement écrit de réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage.
[104] Seuls sont acceptables les projets d’engagement qui englobent toutes les exportations ou presque de marchandises sous-évaluées vers le Canada. Après le dépôt d’un projet d’engagement, les parties intéressées ont neuf jours pour présenter leurs observations. L’ASFC tiendra une liste des parties intéressées, et les avisera des projets reçus. Quiconque souhaite être avisé doit fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone et son adresse électronique à l’agent dont le nom figure ci-après sous Communiquer avec nous.
[105] Dès l’acceptation d’un engagement, l’enquête et la perception des droits provisoires sont suspendues. Mais même alors, un exportateur peut demander que l’ASFC termine son enquête en dumping, et le TCCE, sa propre enquête en dommage.
Publication
[106] Un avis d’ouverture de la présente enquête sera publié dans la Gazette du Canada conformément au sous-alinéa 34(1)a)(ii) de la LMSI.
Communiquer avec nous
[107] Nous invitons les parties intéressées à présenter par écrit des exposés renfermant les faits, arguments et éléments de preuve qui, selon elles, ont trait au présumé dumping. Les exposés écrits doivent être envoyés à l’attention du Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI.
[108] Pour être pris en considération dans le cadre de la présente enquête, tous les renseignements doivent être reçus par l’ASFC au plus tard le 15 avril 2025 à midi, heure de l’Est.
[109] Tous les renseignements présentés à l’ASFC par les parties intéressées au sujet de la présente enquête seront considérés comme publics, sauf s’ils portent clairement la mention « confidentiel ». Lorsque l’exposé d’une partie intéressée est confidentiel, une version non confidentielle de l’exposé doit être fournie en même temps. La version non confidentielle sera mise à la disposition des autres parties intéressées sur demande.
[110] Les éléments confidentiels seront communiqués sur demande écrite aux avocats indépendants des parties, contre engagement à protéger leur confidentialité. Ils pourront être communiqués également au TCCE, à toute cour canadienne, et aux groupes spéciaux de l’Organisation mondiale du commerce ou de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique pour le règlement des différends. Pour en savoir plus sur la politique de l’ASFC concernant la communication de renseignements au titre de la LMSI, on pourra communiquer avec le Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI.
[111] Le calendrier de l’enquête et une liste complète des pièces justificatives et renseignements sont disponibles.
[112] Le présent Énoncé des motifs est disponible sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Pour de plus amples renseignements, on communiquera avec l’agent dont le nom figure ci-après :
- Téléphone :
- Wayne Tian : 343-553-1583
Courriel : simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca
Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Sean P. Borg
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