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L’évaluation du Programme de filtrage pour la sécurité nationale aux fins d’immigration : Facteurs intervenant dans la réalisation des objectifs

Beaucoup de facteurs influencent l’efficacité de la DFSN dans son rôle, que l’on pense par exemple aux politiques et procédures internes ou bien à la formation offerte aux analystes. Par ailleurs, les processus et charges de travail propres aux partenaires dans le filtrage influencent la quantité comme la qualité des demandes reçues, et à son tour la capacité de la DFSN à respecter les normes de service aussi souvent que le visent ses objectifs de rendement. La DFSN comme ses partenaires ont pris des mesures dans la période d’évaluation pour rendre le Programme plus efficace.

Politiques et formation à l’interne

Politiques et procédures

Constat 10 : Bien que les politiques et procédures de la DFSN se soient améliorées, il existe des possibilités de mieux outiller les analystes, par exemple en s’assurant qu’ils sont tenus au courant de toutes les préoccupations dans le monde.

La DFSN a déployé des efforts importants dans la période d’évaluation pour adopter de nouvelles politiques et procédures et mettre à jour les instructions existantes, le tout en réaction aux difficultés à gérer sa charge de travail. On note aussi une collaboration avec l’Initiative de centre intégré dirigée par le SCRS afin de s’assurer que l’information fournie par ce dernier ait une utilité pratique pour les analystes de la Division.

Les analystes de la DFSN voient généralement les politiques et procédures internes d’un bon œil. La plupart de ceux qui ont répondu au sondage les considèrent comme faciles d’accès (91 %), claires et concises (86 %) et à jour (77 %).

Mais malgré l’ajout de nouvelles politiques et procédures et la mise à jour de celles en place, plusieurs lacunes subsistent. Près des deux tiers (62 %) des analystes de la DFSN s’entendent pour dire que les politiques et procédures internes sur le filtrage de sécurité doivent être améliorées; 37 % citent plus précisément les procédures normales d’exploitation (PNE) de la Division, les contrôles de sécurité préliminaires, les chevauchements de tâches avec les régions, ou encore le fait qu’il ne soit pas obligatoire de lire les fondements des demandes. Seule la moitié des analystes interrogés jugent qu’il y a bien un mécanisme en place pour suivre l’évolution des préoccupationsNote de bas de page 28 dans le monde et en faire part au personnel. Un quart (26 %) soulignent l’impératif d’améliorer ou de normaliser les processus impliquant IRCC, telles les étapes pour obtenir en temps utile les renseignements qui manquent dans les dossiers renvoyés. Une minorité (16 %) indiquent un manque d’uniformité entre les procédures respectives des différents bureaux géographiques, y compris les seuils pour recommander l’interdiction de territoire (à savoir : quels éléments sont suffisants pour lancer le processus). Finalement, les PNE ne précisent pas la façon dont les analystes doivent maximiser l’utilisation de renseignements provenant de sources ouvertes de grande qualité de manière à ce qu’ils puissent servir de fondement solide pour les recommandations. L’utilisation de renseignements de sources ouvertes (par opposition à des renseignements classifiés) contribue à assurer l’équité procédurale, mais cela n’est pas toujours possible.

Formation des analystes de la DFSN

Constat 11 : Les analystes de la DFSN reçoivent une riche formation propre à leur poste, mais celle-ci n’est pas sans lacunes.

Le filtrage de sécurité exige beaucoup de connaissances et d’information. Les analystes de la DFSN doivent s’y retrouver dans une multitude de bases de données; acquérir des renseignements, les absorber, puis les appliquer pour jeter un regard critique sur les cas dont ils sont saisis à la recherche de facteurs d’interdiction de territoire; et enfin, prendre en temps utile des décisions qui seront juridiquement défendables. La nature de leur travail exige beaucoup de formation au départ, ainsi qu’un perfectionnement professionnel et un encadrement continu.

La DFSN offre beaucoup de formation à ses analystes, surtout à leur arrivée. La formation de base dure une semaine et comprend un volet en classe et un autre sur le tas; elle est offerte sur une base régulière et lorsqu’il y a un recrutement massif. Les chefs d’équipe sont tenus d’offrir des occasions de jumelage et de mentorat tant durant la formation de base que par la suite, car ces éléments sont jugés essentiels au développement des compétences et de l’expertise. À cela s’ajoute occasionnellement de la formation propre à une région ou à un bureau géographique, offerte par des experts en la matière. Un fort pourcentage des analystes affirment avoir participé à toutes ces formations (voir la figure 11). Outre le volet juridique de la formation de base, les analystes se voient aussi offrir des séances de formation en droit par le ministère de la Justice et l’UGL.

La figure 11 montre que la plupart des analystes de la <abbr>DFSN</abbr> ont reçu une formation très variée :
Version textuelle : Figure 11

Figure 11 shows that most NSSD analysts took part in a wide variety of training:

  • 91 % ont participé à la formation de base
  • 83 % ont participé à la formation Atelier bur. géo
  • 82 % ont participé à l’observation au poste de travail

Source : Compilé par l’équipe d’évaluation d’après le sondage auprès des analystes de la DFSN, avril 2020

Formation pour reconnaître l’interdiction de territoire au sens de la LIPR

D’après le sondage mené auprès des analystes de la DFSN, la quasi-totalité (97 %) de ces derniers auraient suivi de la formation, reçu un encadrement ou fait un jumelage sur la tâche de reconnaître l’interdiction de territoire au titre des articles 34 et 35 de la LIPR; 94 % font aussi état d’une formation particulière sur l’article 37. Environ quatre analystes sur dix disent avoir reçu une formation particulière du ministère de la Justice sur chaque article de la Loi, tandis qu’un cinquième ont profité des consultations de l’UGL de l’ASFC sur la détermination de l’interdiction de territoire en vertu de la LIPR.

Généralement, les analystes s’estiment capables d’évaluer avec justesse si le demandeur est admissible ou pas. Comme on le voit dans la figure 12, ils ont le plus confiance pour l’interdiction de territoire au titre de l’article 34 (89 %) et un peu moins pour l’article 37 (74 %). [expurgée]

La figure 12 montre le pourcentage d’analystes de la <abbr>DFSN</abbr> confiants dans l’évaluation en fonction des différents articles de la <abbr>LIPR</abbr>.
Version textuelle : Figure 12

Figure 12. Les analystes avaient le plus confiance pour l’art. 34.

  • 89 % des analystes de la DFSN ont déclaré se sentir confiants dans l’évaluation de l’article 34 de la LIPR
  • 83 % des analystes de la DFSN ont déclaré se sentir confiants dans l’évaluation de l’article 35 de la LIPR
  • 74 % des analystes de la DFSN ont déclaré se sentir confiants dans l’évaluation de l’article 37 de la LIPR lié au crime organisé

Dans l’ensemble, les analystes de la DFSN étaient les plus confiants dans l’évaluation par rapport à l’article 34 ou à la LIPR.

Source : Compilé par l’équipe d’évaluation d’après le sondage auprès des analystes de la DFSN, avril 2020

Lacunes en matière de formation

En dépit de la variété des formations offertes aux analystes de la DFSN, il est nécessaire de compter sur davantage de séances de formation ou d’orientation dans certains secteurs. Surtout, les analystes de la DFSN ont fait face à des difficultés lorsqu’ils ont tenté d’avoir accès aux cours sur le renseignement du Bureau du Conseil privé (BCP), qui sont très pertinents à leur travail. Ces cours offrent un nombre de places limité et sont coûteux. L’Agence fait l’attribution des places, et elle a tendance à accorder la priorité aux employés dans les régions. Très peu d’analystes de la DFSN obtiennent une place (seulement 12 % des analystes interrogés ont répondu qu’ils avaient suivi un cours du BCP). La DFSN a donc élaboré une Norme nationale de formation (NNF), qui a rendu certains cours du BCP obligatoires pour ses analystes subalternes (FB-02) et principaux (FB-04)Note de bas de page 29. Cependant, la NNF à elle seule ne garantira probablement pas l’accès à ces cours sur le renseignement en raison de leur disponibilité généralement limitée.

En outre, les analystes de la DFSN ont signalé qu’ils avaient moins confiance en l’évaluation de l’admissibilité des demandeurs menée en vertu de l’art. 37 de la LIPR, comparativement à celle menée en vertu d’autres articles, et que l’on doit offrir une formation plus complète sur la reconnaissance des préoccupations en matière d’interdiction de territoire associées aux activités de criminalité organisée.

Qualité et quantité des dossiers renvoyés

Les indicateurs de filtrage de sécurité comme outils pour gérer les dossiers renvoyés

La qualité et la quantité des dossiers renvoyés à la DFSN sont déterminées, en grande partie, par les agents d’IRCC qui examinent les demandes de résidence temporaire ou permanente et décident quels dossiers renvoyer. Les indicateurs de filtrage de sécurité, qui aident les agents d’IRCC à déceler les demandeurs qui pourraient être interdits de territoire au Canada à la lumière de préoccupations liée à la sécurité, orientent leurs décisions. Les indicateurs couvrent [expurgée] qui pourraient indiquer qu’il existe des motifs d’interdiction de territoire et, au bout du compte, mener à la décision qu’un demandeur est interdit de territoire pour des motifs liés à la sécurité.

Depuis août 2018, certains indicateurs de filtrage de sécurité ont été mis à jour et regroupés dans de nouvelles trousses d’indicateurs thématiques. [expurgée], et les indicateurs reflètent les préoccupations potentielles associées aux [expurgée]. En date d’août 2020, il y avait 16 trousses d’indicateurs thématiques validesNote de bas de page 30. L’objectif est d’élaborer des trousses d’indicateurs thématiques [expurgée], pour veiller à ce que 95 % de toutes les demandes de résidence permanente ou temporaire soient filtrées à l’aide des indicateurs thématiques.

Les nouvelles trousses d’indicateurs thématiques cherchent à atteindre deux objectifs générauxNote de bas de page 31 :

  • Améliorer la qualité des renvois de demandes faits par IRCC;
  • Réduire le nombre de renvois de demandes inutiles faits par IRCC.

Lorsque les nouveaux indicateurs thématiques ont été diffusés, la principale caractéristique distinctive était le pouvoir discrétionnaire accordé aux agents d’IRCC. Contrairement aux indicateurs originaux, les nouvelles trousses leur permettaient d’utiliser leur propre jugement et de tenir compte de tous les critères pour déterminer si un contrôle supplémentaire est nécessaire, ou s’ils ont suffisamment d’information en leur possession pour approuver ou rejeter une demande sans demander l’avis des partenaires du filtrage de sécurité. IRCC utilise toujours les indicateurs originaux pour filtrer les demandeurs provenant de pays pour lesquels il n’existe pas de nouvelles trousses thématiques, mais depuis décembre 2019, ces indicateurs n’exigent plus de renvois obligatoiresNote de bas de page 32. Pour plus d’information sur l’utilisation et l’évaluation des indicateurs de filtrage de sécurité par les agents d’IRCC, voir l’annexe J.

L’évaluation exhaustive de la qualité des demandes renvoyées demeure un défi pour le Programme. La qualité des renvois pourrait être mesurée par la proportion de dossiers incomplets ou de renvois inutiles (c.-à-d. les demandes pour lesquelles l’interdiction de territoire aurait pu être déterminée par IRCC sans recourir à des contrôles de sécurité de partenaires). Cependant, à l’heure actuelle, le PFSNI ne fait pas un suivi rigoureux des demandes renvoyées incomplètes ou inutilesNote de bas de page 33. Par conséquent, il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure les renvois ne répondent pas aux attentes en ce qui a trait à la qualité. IRCC affirme qu’à la suite de consultations récentes auprès de la DFSN sur cette question, la Division n’a considéré que quelques dossiers renvoyés comme étant non justifiés.

The impact of new thematic indicators on referrals

Constat 12 : Les nouveaux indicateurs thématiques pourraient améliorer les demandes renvoyées pour filtrage de sécurité, mais cette amélioration ne s’est pas encore concrétisée.

Les indicateurs de filtrage de sécurité visent à aider les agents d’IRCC à faire des renvois éclairés, de qualité, vers les partenaires du contrôle de sécurité et à réduire le nombre de demandes renvoyées inutilement. Cependant, à la fin de la période visée par l’évaluation, l’utilisation des nouvelles trousses d’indicateurs n’avait toujours pas fait l’objet d’un suivi. L’équipe d’évaluation n’a donc pas été en mesure d’évaluer pleinement l’utilisation ou l’efficacité de ces indicateurs.

Lors de la diffusion des nouveaux indicateurs thématiques, IRCC n’avait pas les moyens de consigner systématiquement quels indicateurs ont déclenché chacun des renvois. Rien n’indiquait à la DFSN si les nouveaux indicateurs étaient appliqués, ou s’ils l’étaient correctement et constamment. On a reconnu la nécessité de consigner l’utilisation de nouveaux indicateurs peu de temps après, mais les indicateurs sont classifiés Secret/Réservé aux Canadiens, [expurgée]. Les partenaires ont donc dû d’abord concevoir un système de numérotation pour être en mesure de faire allusion à ces indicateurs sans en révéler le contenuNote de bas de page 34. Des mises à jour aux systèmes de suivi de l’ASFC et d’IRCC sont en cours, et elles devraient être mises en œuvre d’ici juin 2021.

Incidence des premières trousses d’indicateurs thématiques sur la proportion de demandes renvoyées

En l’absence de paramètres précis pour déterminer si les objectifs des nouveaux indicateurs thématiques ont été atteints, l’évaluation portait principalement sur la comparaison entre le nombre de renvois reçus par la DFSN avant et après la mise en œuvre des quatre premières troussesNote de bas de page 35. L’objectif était de déterminer si la mise en œuvre des nouvelles trousses d’indicateurs a obligé les agents d’IRCC à renvoyer une proportion plus ou moins élevée de dossiers de demandeurs [expurgée]Note de bas de page 36.

Généralement, le pourcentage de demandes renvoyées après l’adoption des indicateurs thématiques semblait suivre la tendance [expurgée]. Cela laisse croire que la mise en œuvre des nouveaux indicateurs thématiques n’a pas eu d’incidence sur la proportion de renvois soumis à la DFSN, au moins jusqu’à mars 2019 (la fin de la période d’évaluation). Plus précisément, comme le montre la figure 13, les proportions de demandeurs [expurgée] dont le dossier a fait l’objet d’un renvoi aux fins de filtrage étaient à la baisse depuis au moins 2016 à 2017. Ce constat correspond à la diminution générale du nombre de nouveaux dossiers renvoyés visant des demandeurs [expurgée] après la flambée de l’ORS ainsi qu’à un changement quant aux indicateurs de contrôle utilisés pour les demandeurs [expurgée]. Pendant la même période, le pourcentage de demandeurs [expurgée], habituellement très bas, a augmenté légèrement. Aucun changement n’a été observé après l’application des nouveaux indicateurs.

La figure 13 montre que les nouveaux indicateurs n’ont pas provoqué d’augmentation ou de diminution mesurable de la proportion de demandes qu’<abbr>IRCC</abbr> a renvoyées pour un contrôle additionnel.
Version textuelle : Figure 13

Figure 13. Les nouveaux indicateurs n’ont pas provoqué d’augmentation ou de diminution mesurable de la proportion de demandes qu’IRCC a renvoyées pour un contrôle additionnel.

Année Proportion de demandes soumis au DFSN
(Pays : expurgé)
Proportion de demandes soumis au DFSN
(Pays : expurgé)
Proportion de demandes soumis au DFSN
(Pays : expurgé)
Proportion de demandes soumis au DFSN
(Pays : expurgé)
2014 à 2015 1,9 % 0,4 % 6,5 % 16,7 %
2015 à 2016 (ORS)   0,4 % 26,6 % 24,4 %
2016 à 2017 2,3 % 0,4 % 33,9 %  
2017 à 2018   0,4 %   20,9 %
2018 à 2019 2,7 0,4 % 25,5 % 12,3 %

Sources : Rapport d’IRCC préparé par Cognos (MBR), consulté le 21 février 2020. Données de l’ASFC tirées du Système de suivi sécuritaire, à jour le 4 février 2020.

Incidence des nouveaux indicateurs sur l’utilisation du pouvoir discrétionnaire et sur la réduction du nombre de demandes renvoyées inutilement

Dans le contexte des nouveaux indicateurs thématiques, les demandes renvoyées inutilement sont celles que la DFSN ne s’attendrait pas à recevoir étant donné l’utilisation par les agents d’IRCC de leur pouvoir discrétionnaire de ne pas renvoyer la demande ou encore, celles qui ne correspondent pas aux indicateurs thématiques pertinentsNote de bas de page 37Note de bas de page 38. Selon les données d’IRCC, les agents d’IRCC n’ont pas commencé à exercer davantage le pouvoir discrétionnaire, comme les nouveaux indicateurs leur permettaient de faire. Une analyse du nombre et du pourcentage de demandeurs de résidence permanente rejetés par les agents d’IRCC lors de leur évaluation initiale (c.-à-d. sans renvoyer les demandes vers des partenaires du domaine de la sécurité) en fonction d’une interdiction de territoire pour raison de sécurité n’a indiqué aucun changement important à la suite de l’adoption des nouveaux indicateurs.

Des conversations avec des intervenants ainsi que les résultats des sondages ont permis de relever plusieurs raisons clés qui expliquent pourquoi les agents d’IRCC pourraient hésiter à exercer leurs nouveaux pouvoirs discrétionnaires de ne pas renvoyer la demande, ou être incapables de le faire :

  • Manque de formation suffisante et donnée en temps opportun sur les nouveaux indicateurs thématiques;
  • Très peu de demandeurs déclareraient honnêtement de l’information qui les rendrait interdits de territoire, comme l’appartenance à un groupe qui mène des activités terroristes ou associées à la criminalité organisée;
  • Les agents d’IRCC sont plus à l’aise lorsqu’ils obtiennent l’opinion de partenaires de sécurité quand ils prennent une décision sur une interdiction de territoire, particulièrement en raison des conséquences d’une telle décision;
  • Les décisions sur l’interdiction de territoire fondées sur des raisons de sécurité sont examinées de près, et les agents d’IRCC préfèrent, dans la mesure du possible, rejeter une demande en se fondant sur d’autres motifs;
  • Certains agents chevronnés d’IRCC évaluent toujours les demandes en fonction de l’ancienne façon de faire, qui consistait à renvoyer la demande sans nécessairement se fier davantage sur leur propre jugement.

En ce qui a trait à la réduction de ces renvois inutiles, il n’y a actuellement aucune façon systématique de relever quels renvois ont déjà été jugés inutiles et, par conséquent, de savoir si leur nombre global a diminué avec l’adoption des nouveaux indicateurs thématiques. La DFSN, en collaboration avec IRCC, a entrepris plusieurs initiatives afin d’évaluer l’efficacité des nouveaux indicateurs thématiques, mais les résultats n’ont permis de tirer aucune conclusion (voir l’annexe F). Certaines des mesures aussi adoptées en vertu du Plan d’action pour la transformation et la réduction de l’arriéré (voir Plan d’action pour la transformation et la réduction de l’arriéré) visaient particulièrement à réduire le nombre de renvois à faible risque. Selon les membres de la direction de la DFSN, les mesures relatives au Plan d’action pour la transformation et la réduction de l’arriéré, comme le fait de ne plus renvoyer les personnes au foyer à faible risque, avaient une incidence importante sur la réduction du nombre de demandes renvoyées inutilement.

Enfin, il n’y a aucune surveillance en place pour déterminer la mesure dans laquelle les demandeurs ne font pas l’objet d’un renvoi vers la DFSN même s’ils présentent de possibles préoccupations en matière de sécurité (en appliquant les indicateurs de contrôle de sécurité ou par un autre moyen). Cela est très important, surtout en raison du fait que la version précédente des indicateurs qu’utilisaient les agents d’IRCC pour les demandes de résidence permanente ou temporaire contenait des indicateurs qui provoquaient des renvois obligatoires, alors que les décisions de renvoyer les demandeurs sont maintenant fondées sur le pouvoir discrétionnaire.

Utilisation et évaluation des indicateurs par les agents d’IRCC

Pour que les indicateurs de filtrage de sécurité soient efficaces, ils doivent être facilement accessibles et utilisés régulièrement par les agents d’IRCC autorisés. Les indicateurs de filtrage de sécurité sont classifiés Secret/Réservé aux Canadiens, ce qui oblige à les conserver de façon sécuritaire dans des classeurs verrouillés dans des endroits isolés de la mission. Il peut donc être coûteux de les extraire, ce qui dissuade les agents de les consulter, au besoin. Néanmoins, selon les résultats d’un sondage, la majorité (79 %) des agents d’IRCC qui travaillent dans des missions à l’étranger ont indiqué n’avoir aucun problème à avoir accès aux indicateursNote de bas de page 39. Le sondage indiquait aussi que la majorité (72 %) des agents consultent régulièrement les indicateurs et qu’ils les trouvent généralement très utiles (78 %). Les agents d’IRCC qui ne trouvaient pas les indicateurs très utiles ont indiqué avoir les difficultés suivantes :

  • les indicateurs sont de nature générale, ce qui rend leur application difficile (38 %);
  • les indicateurs nécessitent de l’information sur le demandeur qui n’est pas facilement accessible (21%);
  • de nombreux indicateurs doivent être consultés (17 %).
Participation des employés recrutés sur place au traitement des demandes

Les missions d’IRCC à l’étranger embauchent des employés qui ne sont généralement pas citoyens canadiens. Ils sont appelés « employés recrutés sur place » (ERP)Note de bas de page 40. Les rôles et responsabilités des ERP varient en fonction des missions, allant de tâches de soutien administratif à la prise de décisions. Conformément au Guide de contrôle de l’immigration – Chapitre 1, on peut demander aux ERP de préparer et de transmettre les demandes de filtrage de sécurité seulement lorsque celles-ci ne contiennent aucune information classifiée ou de nature sensible (soutien administratif), alors que les agents d’IRCC examinent les demandes de RT et de RP pour vérifier qu’elles sont complètes et prennent des décisions quant à l’admissibilité et la recevabilité (ce qui implique d’accéder aux indicateurs de filtrage de sécurité)Note de bas de page 41. Cependant, les ERP qui ne sont pas citoyens canadiens et qui ne détiennent pas une cote de sécurité de niveau « Secret » valide ne sont pas autorisés à examiner les indicateurs de contrôle de sécurité qui sont utilisés dans le filtrage initial des demandes. Selon le sondage d’évaluation, 16 % des agents d’IRCC (en poste dans 15 bureaux des visas différents d’IRCC) ont indiqué que les ERP au sein de leur mission participaient au traitement des demandes en tant que tel. De plus, 4 % des agents (six personnes), en poste dans quatre missions d’IRCC, ont indiqué que les ERP de leur mission utilisaient les indicateurs de filtrage de sécurité. Avant tout, la participation des ERP au traitement des demandes, même si elle n’est pas répandue, fait naître des difficultés et des risques particuliers pour l’intégrité du processus de filtrage de sécurité. Les ERP qui traitent des demandes sans consulter les indicateurs de filtrage de sécurité n’ont pas en leur possession toute l’information nécessaire pour déceler les préoccupations potentielles en matière de sécurité, et ceux qui ne sont pas citoyens canadiens mais qui ont accès aux indicateurs commettent une infraction de sécurité.

Considération : On encourage le PFSNI à discuter avec ses partenaires de la participation des ERP au traitement des demandes dans les missions à l’étranger afin de s’assurer que ces personnes effectuent leurs tâches conformément aux politiques et procédures opérationnelles.

Formation fournie aux agents d’IRCC

Constat 13 : La plupart des agents d’IRCC avaient reçu une formation sur les indicateurs de la DFSN et l’avaient trouvée utile, mais une orientation additionnelle sur l’évaluation de l’interdiction de territoire est toujours nécessaire.

En 2019, les experts de la DFSN ont offert des séances de formation personnalisées sur les indicateurs thématiques aux agents d’IRCC, et aux ERP dans certains casNote de bas de page 42, dans plusieurs missions à l’étranger. L’objectif ultime était d’accroître la qualité des renvois provenant des missions d’IRCC. La grande majorité (88 %) des agents d’IRCC qui ont répondu au sondage avaient de l’expérience dans l’utilisation des nouveaux indicateurs thématiques. Parmi ces agents, la moitié ont indiqué qu’ils avaient suivi une formation sur les indicateurs thématiques offerte par le personnel de la DFSN. La plupart (83 %) des agents qui faisaient partie de ce sous-ensemble ont trouvé la formation très utile ou quelque peu utile (voir la figure 14).

La figure 14 montre que la plupart des agents d’<abbr>IRCC</abbr> ont trouvé utile la formation sur les indicateurs thématiques.
Version textuelle : Figure 14

Figure 14 : La plupart des agents d’IRCC ont trouvé utile la formation sur les indicateurs thématiques

  • 47 % ont trouvé la formation très utile
  • 36 % ont trouvé la formation quelque peu utile
  • 14 % ont trouvé la formation pas très utile
  • 3 % ont trouvé la formation pas du tout utile

Source : Données compilées par l’équipe d’évaluation à l’aide du sondage d’IRCC auprès des agents

La direction de la DFSN croit que la formation des agents d’IRCC est essentielle à la réception de renvois de grande qualité, notamment de seulement des renvois qui nécessitent un filtrage. Les agents d’IRCC interrogés dans le cadre du sondage ont trouvé la formation utile, mais peu de données démontrent l’incidence que celle-ci a eue sur le nombre de demandes renvoyées à la DFSN et leur qualité. De plus, cette formation est coûteuse pour la DFSN pour ce qui est du temps que les employés doivent y consacrer et en raison des frais de déplacement. Donc, avant de poursuivre cette formation, la DFSN devrait d’abord recueillir davantage de données sur sa véritable incidence.

Au total, près de 40 % des agents d’IRCC croyaient qu’ils avaient besoin d’une formation supplémentaire et/ou d’une orientation additionnelle pour les aider à évaluer l’interdiction de territoire des demandeurs pour des motifs de sécurité. Les domaines les plus souvent nommés étaient le contexte régional (p. ex. les conditions sociales, économiques ou politiques changeantes; 36 %) et la formation en cours/les cours d’appoint portant sur les indicateurs (34 %).

Dossiers incomplets provenant des missions d’IRCC et des bureaux régionaux de l’ASFC

Les intervenants de la DFSN ont indiqué qu’un nombre important de dossiers étaient reçus sans toute l’information nécessaire, ce qui a des répercussions sur la capacité de la Division de formuler des recommandations dans le cadre de la cible de rendement établie en matière de norme de service. Du point de vue d’IRCC, un des facteurs contributifs jusqu’à récemment était l’absence d’orientation et de définitions pour déterminer ce qui constitue un dossier complet. Si un dossier renvoyé est incomplet, la DFSN doit assurer un suivi auprès de l’agent d’IRCC à la mission (ou de l’agent régional de l’ASFC dans le cas des demandes d’asile) afin de demander l’information manquante, et le temps nécessaire à l’obtention de l’information fait partie du temps de traitement de la DFSN.

Une analyse des données relatives à la gestion des cas a indiqué que la proportion de dossiers soumis à la DFSN qui ne contenaient pas toute l’information nécessaire a diminué pendant la période d’évaluation, à l’exception de la proportion de dossiers de RT. La plupart des missions d’IRCC renvoient des dossiers complets, mais certaines d’entre elles présentaient une proportion élevée de renvois incomplets. Entre 2014 à 2015 et 2018 à 2019, un quart (26 %) des renvois provenant de Chandigarh étaient incomplets, tout comme 18 %-19 % des renvois provenant de Guangzhou et d’Ho Chi Minh. Parmi les régions de l’ASFC, 16 % des renvois de la RGT étaient incomplets, tout comme 13 % de ceux provenant de la région du Sud de l’Ontario. La proportion de dossiers incomplets a diminué au fil du temps, mais le temps d’attente pour recevoir les renseignements manquants a augmenté. En moyenne, la DFSN attendait environ 1 ou 2 semaines de plus avant que les partenaires lui présentent l’information manquante en 2018 à 2019, comparativement à 2014 à 2015. Cependant, les données montraient aussi que, généralement, les dossiers incomplets étaient traités plus rapidement que ceux soumis avec toute l’information nécessaire (l’annexe E contient des renseignements supplémentaires).

La DFSN a collaboré avec IRCC pour traiter du problème que représentent les dossiers incomplets dans les missions concernées. Dans ce contexte, les agents d’IRCC ont maintenant reçu l’orientation requise dans le cadre des Instructions sur l’exécution des programmes pour les alertes d’information d’IRCC existantes, et IRCC a aussi lancé un projet pilote ciblant ces missions en particulier afin de réduire le nombre de renvois incomplets.

Collaboration avec les partenaires et à l’ASFC

L’ASFC, le SCRS et IRCC travaillent de concert pour exécuter le PFSNI. La mesure dans laquelle les partenaires collaborent de façon efficace influence considérablement l’intégrité générale et le succès du continuum du contrôle de sécurité ainsi que la capacité d’atteindre des résultats dans l’ensemble du gouvernement.

Relations de travail entre les partenaires fédéraux

Constat 14 : Généralement, la DFSN a des relations de travail efficaces avec IRCC et le SCRS. La participation de la GRC au processus de filtrage de sécurité serait très bénéfique.

Les rôles et les responsabilités des partenaires du filtrage de sécurité sont clairement définis dans de nombreux documents, comme la LIPR, les protocoles d’entente bilatéraux entre les partenaires et les politiques et procédures relatives au programmeNote de bas de page 43. Les partenaires croyaient généralement que les rôles et les responsabilités étaient clairs, mais que certains aspects nécessitaient d’autres améliorations. Notamment, l’absence d’un protocole d’entente trilatéral, durant la période d’évaluation, était un enjeu reconnu, tout comme l’absence de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans le processus de filtrage de sécurité.

Protocole d’entente trilatéral entre l’ASFC, IRCC et le SCRS

Les intervenants des trois organismes partenaires croyaient que le nouveau protocole d’entente trilatéral profiterait au processus de filtrage de sécurité en définissant et en décrivant les tâches particulières exécutées par chaque partenaire, et les interdépendances entre les activités clés des partenaires. Élaboré à la fin de l’exercice 2020 à 2021, les partenaires peuvent tirer profit du protocole d’entente pour améliorer plusieurs domaines :

  • en attribuant des responsabilités relatives à la mesure du rendement dans l’ensemble du continuum du contrôle de sécurité;
  • en établissant un mécanisme de surveillance pour déterminer si tous les demandeurs qui devraient être orientés vers un filtrage le sont;
  • en appuyant la collaboration visant à offrir une formation régulière aux agents d’IRCC;
  • en adoptant une approche pangouvernementale pour l’établissement des normes de service.

Les trois organismes ont approuvé l’intention d’élaborer un protocole d’entente à la mi-2020; il était en cours d’approbation au moment de la rédaction du présent rapport.

Renseignements de la GRC manquants pour l’évaluation des activités de criminalité organisée

On note l’absence de la GRC du processus de filtrage de sécurité. Jusqu’à il y a environ 10 ans, la GRC participait aux activités de filtrage et apportait une aide précieuse au processus de détermination de l’interdiction de territoire en raison de criminalité organisée. Les partenaires du contrôle de sécurité, et la DFSN en particulier, ont convenu qu’il faudrait envisager de faire participer à nouveau la GRC. Un exercice sur table entre la DFSN et la GRC était prévu pour le début de 2020, mais il a été reporté en raison de la pandémie de COVID-19. À la suite de cet exercice, la DFSN et ses partenaires connaîtront mieux les possibilités de collaboration avec la GRC, ainsi que les conséquences, les avantages et les inconvénients qui pourraient en découler. Par ailleurs, outre la remobilisation de la GRC, il pourrait exister d’autres options qui permettraient d’obtenir davantage d’informations et de renseignements pour aider les analystes de la DFSN dans les évaluations en matière d’interdiction de territoire pour activités de criminalité organiséeNote de bas de page 44.

Communication entre la DFSN et ses partenairesNote de bas de page 45

La DFSN estime que pendant la période visée par l’évaluation, des mécanismes efficaces étaient en place pour faciliter la communication entre la Division et ses partenaires du contrôle de sécurité. Les membres de plusieurs comités de surveillance de la haute direction se sont rencontrés régulièrement et ont offert aux partenaires une plateforme afin de discuter du rendement des programmes et des défis. On considère de tels comités de surveillance comme essentiels pour la détection précoce des problèmes qui pourraient avoir une incidence sur l’efficacité du processus de contrôle de sécurité, comme une flambée du nombre de demandes de résidence permanente ou temporaire provenant de certaines régions.

Initiatives d’amélioration inter-partenaires avec IRCC

Pendant la période d’évaluation, plusieurs initiatives conjointes ont été mises en œuvre pour améliorer l’exécution du programme. Citons, entre autres, des groupes de travail interministériels visant à élaborer des indicateurs de filtrage et à les mettre à jour, la réalisation d’études afin d’évaluer l’utilisation des indicateurs de filtrage, et l’échange de connaissances entre les analystes de la DFSN et les agents d’IRCC (l’annexe F contient des renseignements supplémentaires). Ces initiatives cherchaient à répondre à divers besoins dans le continuum de contrôle de sécurité, mais la plupart de ces efforts portaient principalement sur l’évaluation initiale des demandes par des agents d’IRCC afin de veiller à ce que ces derniers renvoient seulement les dossiers des demandeurs qui devraient faire l’objet d’un filtrage.

Interdépendances avec le SCRS

Aussi bien la DFSN que le SCRS doivent filtrer les demandes renvoyées en vue d’un filtrage en raison de préoccupations liées à l’interdiction de territoire en vertu de l’article 34 de la LIPR. Entre avril 2014 et mars 2019, [expurgée] de tous les renvois faisaient partie de cette catégorie et ont fait l’objet d’un filtrage de la part des deux partenaires. La DFSN et le SCRS recevaient et évaluaient chaque renvoi simultanément et suivaient la même norme de service, mais la DFSN devait attendre les commentaires du SCRS avant de mettre la dernière main aux recommandations et de les diffuser. La capacité de la DFSN de respecter les normes de service dépendait donc, dans une certaine mesure, de la capacité du SCRS d’effectuer son filtrage à temps. Le nombre moyen de jours civils que le SCRS prenait pour traiter les renvois a augmenté au cours de la période d’évaluation dans les trois secteurs d’activité, mais particulièrement en ce qui a trait aux demandes de résidence permanente. Le temps nécessaire au SCRS pour filtrer les demandes de résidence permanente s’est multiplié par plus de 15 fois entre 2016 à 2017 et 2018 à 2019. Au 31 mars 2019, la fin de la période d’évaluation, la majeure partie (52 %) de l’inventaire de la DFSN (5 790 renvois) était constituée de dossiers qui étaient déjà traités par la DFSN, mais pour lesquels on attendait l’évaluation du SCRSNote de bas de page 46Note de bas de page 47.

Il est important de noter que la DFSN et le SCRS ont des responsabilités différentes; le SCRS fournit des renseignements sur les préoccupations en matière de sécurité, alors que la DFSN est chargée de formuler des recommandations quant à l’admissibilité. De plus, les deux partenaires utilisent des seuils et des techniques d’enquête différents dans leurs évaluations, comme le prévoit leur loi habilitante respective. La DFSN applique les motifs raisonnables de croire (tels que déterminés par la LIPR) alors que le SCRS utilise les motifs raisonnables de soupçonner (tels qu’établis par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité). Puisque le seuil du SCRS est moins élevé que celui de la DFSN, l’information recueillie pendant le filtrage mené par le SCRS peut être insuffisante pour que la DFSN détermine que la personne est interdite de territoire. Pour cette raison, entre autres, la DFSN et le SCRS ont officiellement lancé l’Initiative de centre intégré (ICI) en 2018 à 2019, dans le cadre de laquelle des analystes de la DFSN provenant de trois ou quatre bureaux géographiques ont collaboré, en personne, avec leurs homologues du SCRS une fois ou deux par semaine. Cette entente a permis la tenue de discussions en personne au sujet de cas particuliers, pour veiller à ce que le SCRS fournisse de l’information utile dont la DFSN pouvait se servir.

Collaboration entre la DFSN et les régions de l’ASFC dans le filtrage des demandeurs d’asile

Les demandes d’asile sont filtrées à l’aide du processus de contrôle de sécurité préliminaire, mené par la DFSN avec l’appui des unités régionales d’audiences et d’enquête (vous trouverez davantage de renseignements sur les secteurs de chevauchement sous la rubrique 1.3.3 et à l’annexe H). La différence majeure dans le contrôle de sécurité mené par chaque organisme est que la DFSN filtre toutes les demandes d’asile présentées par des adultes, alors que les régions filtrent et enquêtent uniquement sur certaines personnes, dans la plupart des cas celles qui ont été signalées à la suite du contrôle régional ou (moins fréquemment) lors de la réception de la demande d’asile.

Si la DFSN décèle de graves préoccupations en matière de sécurité, elle envoie le dossier à l’unité régionale d’audiences et d’enquête pour effectuer une enquête plus poussée. En pratique, cependant, les enquêtes régionales portant sur les préoccupations potentielles que représentent les demandeurs d’asile et la préparation des audiences devant la CISR commencent souvent avant que la DFSN termine son filtrage et envoie les résultats à la région. Puisque les régions n’attendent pas de recevoir les résultats de la DFSN et utilisent leurs propres critères de triage, elles peuvent aussi enquêter sur les demandeurs d’asile pour lesquels le filtrage effectué par la DFSN était favorable.

Constat 15 : Il y a un manque de coordination et de communication entre la DFSN et les régions, ce qui mène à une harmonisation insuffisante entre leurs activités de filtrage respectives.

La DFSN et les régions mènent leurs activités de façon plus ou moins indépendante. Chacune d’entre elles recueille des données provenant de diverses sources pour ses propres fins. Certains analystes de la DFSN ont exprimé de la frustration au sujet du manque de coordination entre les activités de filtrage de la Division et celles des régions. Plus particulièrement, ils avaient l’impression que les recommandations de la DFSN étaient ignorées par les agents régionaux de l’ASFC, qui se fiaient plutôt à leur propre filtrage. D’autre part, les agents régionaux responsables des audiences et les agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (AELBI) ne savaient pas exactement en quoi consistait le processus de filtrage de la DFSN, ni dans quelle mesure il était fiable. Les régions ont indiqué qu’elles ne recevaient typiquement que les résultats du filtrage de la DFSN (c.-à-d. favorable ou non favorable) et de l’information limitée dans le cas de filtrages non favorables, même si la Division affirme qu’elle envoie le document d’information complet lorsque le résultat est non favorable. Les régions menaient donc souvent au moins une partie des mêmes vérifications, dont un examen des médias sociauxNote de bas de page 48.

Dans les régions qui reçoivent moins de demandes d’asile et/ou qui possèdent une plus grande capacité de traitement, les enquêtes peuvent commencer immédiatement après l’étape du triage régional, et peuvent prendre fin avant que la DFSN n’ait terminé son filtrage. Les représentants de certaines régions ont soutenu que, dans de tels cas, le résultat du filtrage de la DFSN est reçu trop tard et n’ajoute aucune valeur. C’était notamment le cas au plus fort de l’arriéré de la DFSN en 2017 à 2018. Dans une région, les intervenants croyaient que, pendant la période touchée par l’arriéré, la qualité du filtrage de la DFSN était inférieure ou moins prévisible, ce qui a mené certains agents régionaux responsables des audiences et AELBI à ne plus faire confiance aux vérifications de sécurité de la Division. Malgré certaines améliorations dans la qualité et le traitement (constatées par ces intervenants), certains agents se fient toujours à leur propre filtrage plutôt que sur celui effectué par la DFSN.

Le manque de coordination a été souligné lors d’études antérieures (Évaluation du Programme des audiences de l’ASFC de 2018; Examen du processus de contrôle de sécurité préliminaire de 2017, mené par Deloitte). Ces secteurs de chevauchement relevés par Deloitte lors de son étude ont été examinés et mis à jour grâce à des consultations menées auprès des intervenants dans le cadre de la présente évaluation, et ils sont énumérés à l’annexe H.

Il existe des voies de communication entre la DFSN et les régions, mais elles sont utilisées de façon ponctuelle, soit par la DFSN pour demander que les régions recueillent des renseignements supplémentaires auprès des demandeurs, ou par les régions pour s’informer au sujet de l’état d’un contrôle de sécurité pour lequel une audience devant la CISR est déjà prévue. La DFSN et les régions ne communiquent pas régulièrement pour faire le point sur les processus de contrôle, pour échanger de l’information sur les tendances ou les pratiques exemplaires, ou pour mieux comprendre les rôles et les responsabilités de l’autre ainsi que ses procédures d’exploitation. Par ailleurs, il n’y a pas suffisamment de mobilisation stratégique entre la DFSN et les dirigeants régionaux. Les régions ont aussi souligné la nécessité de partager les outils et/ou de recevoir davantage d’aide de la DFSN pour avoir accès à des ressources clés, comme des bases de données avec abonnement, pour faire des recherches sur certains demandeurs.

Systèmes de données et infrastructure des TI

Le traitement efficace et efficient des demandes de filtrage de sécurité dans l’ensemble du continuum de contrôle de sécurité dépend de la capacité des partenaires de transférer les données d’une organisation à une autre, et d’échanger l’information rapidement et de façon fiable. Puisque chaque organisation utilise un système de gestion des cas différent, l’interopérabilité des systèmes est un facteur clé pour assurer des enquêtes efficaces. De plus, la propre infrastructure de TI de la DFSN joue un rôle important pour déterminer à quelle vitesse la Division peut traiter les demandes, particulièrement lors des périodes très occupées.

Systèmes de données utilisés par les partenaires

Chaque partenaire de filtrage de sécurité utilise son propre système de gestion des cas : IRCC utilise le Système mondial de gestion des cas (SMGC), la DFSN utilise le Système de suivi sécuritaire (SSS) et le SCRS possède son propre système sécuritaire. Cependant, comme les activités d’IRCC, de la DFSN et du SCRS se déroulent dans un continuum, les données et l’information doivent circuler sans heurt, efficacement et en temps opportun entre les divers systèmes.

Constat 16 : Le manque d’interopérabilité entre les systèmes de données des partenaires pose problème depuis longtemps, mais les analystes de la DFSN croyaient qu’ils disposaient de l’information dont ils avaient besoin pour effectuer le filtrage.

Puisque chaque système de données utilisé dans le processus de contrôle de sécurité est principalement conçu pour atteindre les objectifs de l’organisation qui l’utilise, les fonctions ne sont pas nécessairement conçues pour permettre un transfert sans heurt de l’information entre les systèmes. Selon les résultats du sondage, 64 % des analystes de la DFSN croyaient que les erreurs systémiques et humaines étaient les causes les plus communes d’un transfert de données incomplet (voir la figure 15).

La figure 15 montre que les analystes de la <abbr>DFSN</abbr> attribuent la plupart des problèmes d’interopérabilité des données a des erreurs humaines et de système :
Version textuelle : Figure 15

Figure 15 : Les analystes de la DFSN attribuaient la plupart des problèmes d’interopérabilité des données à des erreurs humaines et de système

  • 32 % des analystes ont attribué les problèmes d’interopérabilité des données à des erreurs de système
  • 32 % des analystes ont attribué les problèmes d’interopérabilité des données à des erreurs humaines
  • 17 % des analystes n’ont indiqué aucun problème d’interopérabilité des données
  • 11 % des analystes ont attribué les problèmes d’interopérabilité des données à la classification de sécurité des informations
  • 9 % des analystes ont attribué les problèmes d’interopérabilité des données à d’autres facteurs

Source : Données compilées par l’équipe d’évaluation à l’aide des données de sondage des analystes de la DFSN, avril 2020

Certaines mises à jour des systèmes ont été mises en place, mais plusieurs défis existent toujours, notamment :

  • Le transfert de données est de nature ponctuelle. Les analystes de la DFSN doivent effectuer des recherches manuellement dans le SMGC pour vérifier si IRCC a modifié le dossier entre le renvoi et le moment où la DFSN termine son filtrage.
  • Les pièces jointes d’IRCC ne peuvent pas être lues par les autres systèmes. Les pièces jointes d’IRCC (p. ex. les notes d’entrevues en format PDF) ne peuvent pas être lues dans les systèmes de données de la DFSN et du SCRS; par conséquent, leur analyse exige un examen manuel. [expurgée]Note de bas de page 49.
  • Les systèmes actuels ne consignent pas les transferts d’information défectueux. L’assurance de la qualité des transferts de données et l’intégrité demeurent peu élevées dans l’ensemble des systèmesNote de bas de page 50. Les partenaires sont au courant de problèmes particuliers, mais on ignore dans quelle mesure des erreurs surviennent lors des transferts de données.

Les problèmes associés au transfert de données et à l’interopérabilité des systèmes de données des partenaires ont déjà été documentés, notamment dans le rapport du BVG de 2011 sur l’octroi des visas, la vérification interne de 2017 portant sur l’ORS et le rapport du BVG de 2019 sur le traitement des demandes d’asile. Cependant, selon les résultats du sondage, la plupart des analystes de la DFSN croyaient, au moins dans une certaine mesure, que le transfert de données parmi les divers systèmes était exact (86 %) et rapide (77 %)Note de bas de page 51.

En fait, malgré les difficultés liées aux systèmes, la plupart des analystes de la DFSN (85 %) ont indiqué qu’ils reçoivent toujours l’information dont ils ont besoin des systèmes de données afin d’être en mesure d’effectuer le filtrage de sécurité, ou qu’ils la reçoivent la plupart du temps (voir la figure 16).

La figure 16 montre que la plupart des analystes de la <abbr>DFSN</abbr> ont toujours reçu l’information requise des systèmes de données, ou ils l’ont reçue la plupart du temps.
Version textuelle : Figure 16

Figure 16 : La plupart des analystes de la DFSN ont toujours reçu l’information requise des systèmes de données, ou ils l’ont reçue la plupart du temps

  • 9 % ont indiqué toujours recevoir les informations requises des systèmes de données
  • 76 % ont indiqué recevoir les informations requises des systèmes de données la plupart du temps
  • 14 % ont indiqué recevoir parfois les informations requises des systèmes de données
  • 2 % ont indiqué recevoir rarement les informations requises des systèmes de données

Source : Données compilées par l’équipe d’évaluation à l’aide des données de sondage des analystes de la DFSN, avril 2020

Initiative d’automatisation du filtrage de sécurité

Durant la période d’évaluation, le filtrage de la DFSN dépendait largement de plusieurs tâches manuelles effectuées par les analystes. Le traitement manuel limite non seulement la capacité de traitement de la Division, mais il est aussi plus susceptible aux erreurs humaines. À cette fin, l’ASFC mène actuellement une initiative d’automatisation du filtrage de sécurité.

Constat 17 : L’automatisation représente la vision d’avenir du Programme, mais elle comporte des risques connexes et ne devrait pas être complètement mise en œuvre avant l’exercice 2023 à 2024 au plus tôt.

L’initiative d’automatisation du filtrage de sécurité constitue un investissement de 40 millions de dollars qui permettra d’automatiser la fonction de triage de la DFSN « en permettant l’examen systématique des indicateurs de contrôle et de préoccupation pour chaque demande »Note de bas de page 52. L’objectif est d’élaborer et de déployer l’automatisation afin de permettre à la DFSN de recentrer les efforts des analystes sur les cas présentant un profil de risque plus élevé. Les objectifs précis sont de compter sur un système et des indicateurs plus exacts, de favoriser l’adaptation dans le filtrage pour changer les conditions relatives à un pays ou à une région, de réduire l’erreur humaine et de générer des recommandations plus objectives.

L’initiative d’automatisation du filtrage doit être mise en œuvre au cours d’une période de trois ans entre l’exercice 2020 à 2021 et l’exercice 2023 à 2024, et elle changera fondamentalement le modèle opérationnel de la DFSN. Comme avec tout autre projet de TI d’envergure, il y a de nombreux risques, qui sont surveillés et gérés pour assurer l’atteinte des objectifs du projet. Par exemple, le financement permanent pour le maintien du projet après sa mise en œuvre initiale qui n’a pas encore été obtenu, les retards potentiels dans l’acquisition de TI, les dépendances entre l’initiative d’automatisation du filtrage et les autres initiatives, comme le Projet d’interopérabilité en matière d’asile dirigé par IRCC. L’initiative d’automatisation du filtrage prévoit d’intégrer une fonction d’analyse de texte pour les évaluations du risque subjectives en tirant profit d’une plateforme d’analyse avancée infonuagiqueNote de bas de page 53. Il sera important de veiller à ce que cette capacité fonctionne comme prévu avant que la DFSN adopte complètement le nouvel environnement automatisé, pour éliminer le risque que représente l’approbation de cas pour lesquels de l’information désobligeante est uniquement incluse dans du texte non structuré. Enfin, une fois mise en œuvre, l’initiative d’automatisation du filtrage accroîtra la pression sur le SCRS afin qu’il termine ses évaluations plus rapidement, puisque la DFSN sera en mesure de mener ses activités de filtrage plus rapidement. Si le SCRS n’est pas en mesure de suivre le rythme, la DFSN verra l’arriéré augmenter.

Remarque : En octobre 2019, la DFSN a entamé des démarches pour se procurer un logiciel d’automatisation robotisée des processus (ARP), comme solution provisoire pour aider à combler les lacunes des systèmes actuels. L’ARP est censée accélérer le processus de filtrage, permettant ainsi aux agents de la DFSN de se concentrer davantage sur l’analyse des renseignements et sur la détermination du risque.

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