COR 2018 IN
Feuilles d’acier résistant à la corrosion
Énoncé des motifs

Ottawa, le 10 août 2018

De l’ouverture d’une enquête en dumping sur certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud.

Décision

Le 26 juillet 2018, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud.

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Résumé de l’affaire

[1] Le 5 juin 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu, d’ArcelorMittal Dofasco G.P. de Hamilton (Ontario) (ci-après « la plaignante »), une plainte écrite alléguant que les importations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance de la République populaire de Chine (Chine), du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de la République de l’Inde (Inde) et de la République de Corée (Corée du Sud) (ci-après « les pays visés ») sont sous-évaluées. La plaignante allègue que le dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale de marchandises similaires.

[2] Le 26 juin 2018, conformément à l’alinéa 32(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a informé la plaignante que le dossier de plainte était complet. L’ASFC a aussi prévenu les gouvernements de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud en ce sens.

[3] La plaignante a fourni des éléments de preuve à l’appui des allégations indiquant que certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance des pays visés étaient sous-évalués. Ces éléments de preuve indiquent aussi, de façon raisonnable, que le dumping a causé et/ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale de marchandises similaires.

[4] Le 26 juillet 2018, l’ASFC, en vertu du paragraphe 31(1) de la LMSI, a ouvert une enquête en dumping sur certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud.

Parties intéressées

Plaignante

[5] ArcelorMittal Dofasco G.P. a été fondé à Hamilton (Ontario) en 1912, et s’appelait alors Dominion Steel Casting Company. En 2006, Arcelor S.A. a acheté Dofasco, puis fusionné avec Mittal Steel.

[6] ArcelorMittal Dofasco G.P. fabrique certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion dans son usine de Hamilton (Ontario). C’est le plus gros des trois producteurs canadiens connus de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion, responsable d’une grande partie de la production nationale totale de marchandises similaires.

[7] Son adresse est la suivante :

ArcelorMittal Dofasco G.P.
1330, rue Burlington Est
Hamilton (Ontario)  L8N 3J5

[8] Voici les autres fabricants connus de marchandises similaires au Canada :

Stelco Inc
386, rue Wilcox
Hamilton (Ontario)  L8L 8J6

Material Science Corp
1430, chemin Martin Grove
Rexdale (Ontario)  M9W 4Y1

Syndicats

[9] La plaignante a répertorié deux syndicats qui représentent des personnes employées dans la production de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion au Canada :

Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 8782
C.P. 220
Jarvis (Ontario)  N0J 1J0

Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 1005
350, avenue Kenilworth Nord
Hamilton (Ontario)  L8H 4T3

Exportateurs

[10] L’ASFC a recensé 278 exportateurs potentiels des marchandises en cause au moyen de ses documents d’importation et des renseignements fournis dans la plainte. Tous les exportateurs potentiels ont été priés de répondre à la Demande de renseignements (DDR) de l’ASFC sur le dumping. Les exportateurs potentiels établis en Chine ont aussi été priés de répondre à la DDR de l’ASFC relative à l’article 20.

Importateurs

[11] L’ASFC a recensé 82 importateurs potentiels des marchandises en cause au moyen de ses documents d’importation et des renseignements fournis dans la plainte. Tous les importateurs potentiels ont été priés de répondre à la DDR de l’ASFC à l’intention des importateurs.

Gouvernement

[12] À l’ouverture de la présente enquête, l’ASFC a envoyé une DDR relative à l’article 20 au gouvernement de la Chine.

[13] Aux fins de la présente enquête, le « gouvernement de la Chine » s’entend de tous les ordres de gouvernement : le gouvernement fédéral, le gouvernement central, un gouvernement provincial ou d’État, une administration régionale, une administration municipale, une ville, un canton, un village, une administration locale ou une autorité législative, administrative ou judiciaire, individuelle, collective, élue ou nommée. La définition comprend aussi toute personne, tout organisme, toute entreprise ou toute institution agissant pour le compte ou en vertu de l’autorité conférée par toute loi adoptée par le gouvernement de ce pays ou de ce gouvernement provincial, d’État ou administration municipale ou toute autre administration locale ou régionale.

Les produits

Définition

[14] Dans la présente enquête, les marchandises en cause sont définies comme suit :

Feuilles laminées à plat d’acier au carbone résistant à la corrosion, y compris celles contenant les éléments d’alliage suivants :

  • jusqu’à 0,01 % de bore (B);
  • jusqu’à 0,1 % de niobium (Nb);
  • jusqu’à 0,08 % de titane (Ti);
  • jusqu’à 0,3 % de vanadium (V);

en bobines ou coupées à longueur, d’une épaisseur jusque 0,168 po (4,267 mm) et d’une largeur jusque 72 po (1 828,8 mm), plus ou moins les écarts admis par les normes applicables, chimiquement passivées, originaires ou exportées de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud, à l’exclusion cependant de tout ce qui suit :

  • les feuilles d’acier résistant à la corrosion non passivées;
  • les feuilles d’acier résistant à la corrosion devant servir à la fabrication d’automobiles, d’autobus, de camions, d’ambulances ou de corbillards ou encore de châssis ou autres parties, de pièces ou d’accessoires destinés à ces véhicules;
  • les produits d’acier pour la construction aéronautique;
  • les feuilles d’acier revêtu ou plaqué de fer-blanc, de plomb, de nickel, de cuivre, de chrome, d’oxydes de chrome, à la fois de fer-blanc et de plomb (fer mat), ou à la fois de chrome et d’oxydes de chrome (fer chromé);
  • les produits d’acier inoxydable laminés à plat;
  • les feuilles d’acier résistant à la corrosion déjà peintes ou recouvertes d’enduits organiques (non métalliques) – laques, vernis, etc.;
  • le ruban de blindage galvanisé, ruban d’acier plat large de 3 po au plus, traité au zinc par une opération finale, soit de galvanisation par immersion à chaud, soit d’électrozingage, de sorte que toutes les surfaces, y compris les bords, soient recouvertes de zinc;
  • l’acier à outils.

Précisions

[15] La définition du produit comprend les feuilles d’acier résistant à la corrosion dont le substrat est revêtu ou plaqué d’un matériau résistant à la corrosion comme le zinc, l’aluminium ou d’autres alliages. Le revêtement peut être appliqué par divers moyens dont la galvanisation par immersion à chaud et l’électrozingage.

[16] La définition du produit comprend les feuilles d’acier résistant à la corrosion passivé chimiquement par revêtement avec une solution standard ou à l’acrylique, avec ou sans chromate.

[17] La passivation consiste à rendre un matériau « passif », c’est-à-dire moins susceptible d’être affecté ou corrodé par l’environnement où il servira. Elle implique de créer une couche extérieure d’un matériau bouclier, soit appliqué comme micro-revêtement, soit créé par réaction chimique avec le matériau de base, soit généré par oxydation spontanée au contact de l’air. En tant que technique, la passivation est l’utilisation d’un revêtement léger ou d’un matériau protecteur pour donner une couche anticorrosion. La méthode de passivation la plus commune pour les produits d’acier est l’application d’un revêtement standard à base de chrome, ou encore d’un revêtement acrylique avec ou sans chromate.

[18] La feuille d’acier résistant à la corrosion est produite généralement à partir de feuille d’acier au carbone laminé à froid, et parfois à chaud. Cependant l’ajout de certains éléments comme le titane, le vanadium, le niobium ou le bore dans le processus sidérurgique permet de classer l’acier comme « allié »; c’est pourquoi la définition des marchandises en cause comprend l’acier résistant à la corrosion peu importe qu’il ait été produit à partir d’acier au carbone ou d’acier allié.

[19] Les marchandises en cause (et les marchandises similaires produites par la branche de production nationale) sont appelées à se conformer à certaines spécifications de l’American Society for Testing and Materials (ASTM) ou de la Society of Automotive Engineering (SAE), ou à des spécifications équivalentes, dont voici une liste non exhaustive :

  • ASTM A653/653M
  • ASTM A792/A792M
  • SAE J403
  • SAE J1392
  • SAE J2329
  • SAE J1562

[20] La définition du produit exclut l’acier résistant à la corrosion destiné aux automobiles et pièces d’automobiles, ci-après désigné comme « pour automobiles », dont les utilisateurs finaux sont les fabricants d’équipement d’origine (« OEM ») et fabricants de pièces d’automobiles; ces marchandises exclues pourront relever du numéro tarifaire 9959.00.00.

[21] La définition du produit comprend les marchandises dites « de second choix », c’est-à-dire qui se vendent à rabais parce que ne respectant pas intégralement la spécification d’origine, par exemple par leurs dimensions, leur nuance ou leur revêtement; les marchandises de second choix peuvent inclure aussi les bobines endommagées. Une telle marchandise peut respecter des spécifications ASTM, SAE ou autres, ou bien être recertifiée pour se conformer à une norme. Supposons par exemple une bobine de second choix parce qu’endommagée sur le bord : si l’on en coupait le bord endommagé, on pourrait ensuite la classer comme de premier choix, taillée dans une nouvelle largeur. Les marchandises de second choix sont nuancées et vendues sur une échelle de cinq.

Fabrication

[22] Les feuilles d’acier résistant à la corrosion sont habituellement produites à partir de feuilles d’acier au carbone laminé à froid, et parfois à chaud. La feuille d’acier à enduire est communément appelée le substrat d’acier. La galvanisation par immersion à chaud et l’électrozingage sont les deux procédés possibles pour appliquer, au substrat d’acier, l’enduit de zinc, d’aluminium ou d’autres alliages. La plaignante utilise la galvanisation par immersion à chaud.

[23] Dans le procédé de galvanisation par immersion à chaud, la première étape consiste à nettoyer les surfaces pour améliorer l’adhésion de l’enduit. Après le nettoyage, le substrat est introduit dans un four de recuit contrôlé continu où il est chauffé à la température nécessaire pour obtenir les caractéristiques métallurgiques désirées du produit final. Le substrat entre ensuite dans un bain de matières fondues pour être enduit, et à sa sortie du bain, un essuyeur à l’air, à l’azote ou à la vapeur est utilisé pour régler l’épaisseur de l’enduit. La feuille d’acier galvanisée est ensuite refroidie dans une tour de réfrigération.

[24] Dans certains cas, l’acier galvanisé est ensuite traité pour obtenir des feuilles d’acier recuites après galvanisation. La première étape du recuit après galvanisation consiste à réduire l’épaisseur de l’enduit, soit par un procédé d’essuyage de l’enduit du recuit après galvanisation où des tampons épais sont utilisés pour essuyer la feuille enduite à sa sortie du bain de matières fondues, soit par un procédé d’essuyage à l’air ou à l’azote. La feuille galvanisée passe ensuite dans un four de recuit après galvanisation où la chaleur permet à l’enduit de zinc d’adhérer au fer dans le substrat, lui donnant un revêtement fin d’alliage zinc-fer. En raison de leur enduit plus mince, les feuilles d’acier recuites après galvanisation sont plus faciles à souder et à peindre que les feuilles d’acier galvanisées.

[25] Dans le procédé d’électrozingage, l’acier chargé passe dans le bain de dépôt galvanoplastique, et les charges électriques opposées amènent le bain de zinc à enduire l’acier. Les bobines d’acier laminées à froid sont recuites en paquet dans des fourneaux à cuves multiples ou par un procédé de recuit continu hors ligne, et elles sont aussi souvent écrouies dans un laminoir de finissage, puis elles sont électrozinguées, c’est-à-dire enduites d’une mince couche de zinc, sur une chaîne de transformation continue.

Utilisation du produit

[26] L’acier correspondant à la définition du produit sert communément à fabriquer, entre autres : bâtiments agricoles, cellules à grains, ponceaux, cabanons, matériaux de couverture, bardages, platelages, planchers-terrasses, poteaux muraux, baguettes d’angle de cloisons sèches, portes, cadres de portes, canalisations (et autres dispositifs de chauffage ou de refroidissement), solins, produits de quincaillerie, et composants d’électroménagers.

Classement des importations

[27] Les marchandises présumées sous-évaluées se classent normalement sous les numéros de classement tarifaire (numéros tarifaires) suivants :

  1. 7210.30.00.00
  2. 7210.69.00.10
  3. 7212.50.00.14
  4. 7210.49.00.10
  5. 7210.69.00.20
  6. 7225.91.00.00
  7. 7210.49.00.20
  8. 7212.20.00.00
  9. 7225.92.00.00
  10. 7210.49.00.30
  11. 7212.30.00.00
  12. 7226.99.00.10
  13. 7210.61.00.00
  14. 7212.50.00.00

[28] Les numéros ci-dessus sont fournis à titre purement informatif. Ils n’incluent pas toutes les marchandises en cause, et inversement, ils incluent des marchandises non en cause. Seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Marchandises similaires et catégorie unique

[29] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » en relation avec toutes les autres marchandises, comme des marchandises en tous points identiques aux marchandises en cause ou, à défaut, les marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[30] Selon la plaignante, en ce qui a trait aux marchandises en cause, les marchandises similaires sont les feuilles d’acier résistant à la corrosion produites au pays qui correspondent à la définition du produit. Il est entendu que l’acier exclu de la définition des marchandises en cause (celui pour automobiles par exemple) ne peut être « similaire ».

[31] Les feuilles d’acier résistant à la corrosion produites par la plaignante ont les mêmes caractéristiques matérielles et utilisations ultimes que les marchandises en cause importées des pays désignés. Les marchandises produites au Canada et dans les pays désignés sont tout à fait interchangeables lorsque fabriquées conformément aux normes et aux spécifications de l’industrie, ce qui les place en concurrence directe. Après avoir étudié les questions d’utilisation, les caractéristiques matérielles et tous les autres facteurs pertinents, l’ASFC est d’avis que les feuilles d’acier résistant à la corrosion produites au pays sont « similaires » aux marchandises en cause. En outre, l’ASFC estime que les marchandises en cause et les marchandises similaires constituent une seule et même catégorie de marchandises.

Branche de production nationale

[32] La plainte contient des données sur les ventes et la production canadiennes de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion de la plaignante et de Stelco Inc (Stelco) pour consommation intérieure. Elle contient aussi une lettre d’appui de la part de StelcoNote de bas de page 1.

[33] Material Science Corp (MSC) est un autre producteur de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion au Canada. La plaignante a fait valoir que MSC n’a pas une importante capacité de production de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion et que, par conséquent, son volume réel de production serait minime par rapport au volume de production combiné de la plaignante et de StelcoNote de bas de page 2Note de bas de page 3.

[34] La plaignante et l’autre producteur qui appuie la plainte assurent presque toute la production canadienne de marchandises similaires.

Conditions d'ouverture

[35] Le paragraphe 31(2) de la LMSI prescrit que les conditions suivantes doivent être réunies pour ouvrir une enquête :

  1. la plainte doit être appuyée par des producteurs nationaux dont la production représente plus de 50 % de la production totale de marchandises similaires par les producteurs nationaux qui appuient la plainte ou s’y opposent;
  2. la production des producteurs nationaux qui appuient la plainte doit représenter 25 % ou plus de la production globale de marchandises similaires par la branche de production nationale.

[36] Puisque la plaignante et l’autre producteur qui appuie la plainte assurent la plus grande partie de la production globale de marchandises similaires au Canada, l’ASFC juge que les conditions d’ouverture du paragraphe 31(2) sont satisfaites.

Marché canadien

[37] Dans la plainte est donnée la production annuelle de marchandises similaires de la plaignante et de l’autre producteur qui appuie la plainte pour la période de 2014 au premier trimestre de 2018.

[38] À l’aide des données de Statistique Canada, la plaignante a estimé le volume total des importations de marchandises en cause originaires de tous les pays pour la période de 2014 au premier trimestre de 2018. Les numéros tarifaires de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion comprennent à la fois des marchandises en cause et non en cause. C’est pourquoi la plaignante a fait un certain nombre de rajustements afin d’éliminer les marchandises non en cause. Les rajustements les plus importants visaient à éliminer les feuilles d’acier résistant à la corrosion pour automobilesNote de bas de page 4.

[39] Pour son analyse, l’ASFC a utilisé ses documents sur les importations réelles ainsi que le renseignement commercial fourni dans la plainte.

[40] Un examen des données sur les importations a fait ressortir, en ce qui a trait aux importations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion, des tendances et des volumes semblables à ceux décrits dans la plainte.

[41] Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail du volume et de la valeur des importations et de la production nationale de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion. Cela dit, l’ASFC donne dans le tableau suivant la distribution des importations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion au Canada, telle qu’estimée par elle-même.

Tableau 1
Estimation de l’ASFC des importations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion
(en % du volume total)
Pays 2015 2016 2017 Avril  2017-mars 2018
Chine 31,5 % 44,6 % 52,4 % 55,1 %
Taipei chinois 7,2 % 7,0 % 4,8 % 3,9 %
Inde 4,8 % 3,9 % 3,4 % 3,0 %
Corée du Sud 12,1 % 5,9 % 4,8 % 4,2 %
Total des pays visés 55,6 % 61,5 % 65,4 % 66,3 %
Tous les autres pays 44,4 % 38,5 % 34,6 % 33,7 %
Total des importations 100 % 100 % 100 % 100 %

* Les valeurs sont arrondies, et donc pourraient ne pas totaliser 100 %.

[42] L’ASFC continuera de recueillir et d’analyser l’information sur le volume des importations durant la période visée par l’enquête (PVE), du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, dans le cadre de la phase préliminaire de l’enquête en dumping, et elle peaufinera ces estimations.

Preuves de dumping

[43] La plaignante a allégué que les feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud étaient sous-évalués et ont causé un dommage au Canada. Il y a dumping lorsque la valeur normale des marchandises dépasse le prix à l’exportation fait aux importateurs au Canada.

[44] La valeur normale est généralement basée sur le prix de vente intérieur de marchandises similaires dans le pays d’exportation où règne une situation de marché concurrentiel, ou sur la somme du coût de production, d’un montant raisonnable pour les frais administratifs, les frais de vente et tous les autres frais, et d’un montant raisonnable pour les bénéfices.

[45] La plaignante a fourni des renseignements appuyant l’allégation que le secteur des produits d’acier laminés à plat en Chine, qui comprend les certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion, pourrait ne pas se situer dans un marché où joue la concurrence et, par conséquent, que les prix établis sur le marché intérieur pourraient ne pas être fiables aux fins de détermination des valeurs normales. C’est pourquoi la plaignante a fait valoir que les valeurs normales pour la Chine devraient être établies en vertu de l’article 20 de la LMSI.

[46] S’il y a un motif suffisant de croire que les conditions dont fait état l’article 20 de la LMSI existent dans le secteur faisant l’objet de l’enquête, les valeurs normales seront déterminées, si possible, comme étant, soit le prix de vente intérieur, soit le coût de production des marchandises additionné d’un montant raisonnable pour les frais administratifs, les frais de vente et tous les autres frais et d’un montant raisonnable pour les bénéfices réalisés sur les marchandises similaires vendues par des producteurs dans tout pays désigné par l’ASFC, et rectifié pour rendre les prix comparables, ou encore le prix de vente au Canada de marchandises similaires importées de tout pays désigné par l’ASFC et rectifié pour rendre les prix comparables.

[47] Le prix à l’exportation des marchandises vendues aux importateurs au Canada est généralement la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix d’achat de l’importateur, moins tous les frais découlant de l’exportation des marchandises.

[48] Les estimations des valeurs normales et des prix à l’exportation faites par la plaignante et l’ASFC sont traitées ci-après.

Valeurs normales

Estimations de la plaignante

[49] La plaignante a fait valoir qu’elle n’a pas accès à de renseignements précis sur les prix de vente dans les pays visés qui satisfont aux exigences de l’article 15 de la LMSI. Par conséquent, la plaignante n’a pas pu estimer les valeurs normales selon la méthode prévue à l’article 15.

[50] La plaignante a estimé les valeurs normales selon l’approche de coût reconstitué qui est conforme à la méthode prévue à l’alinéa 19b) de la LMSI. Pour chaque trimestre de la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, la plaignante a établi une valeur normale moyenne pondérée pour chaque pays visé en se fondant sur la somme du coût de production des marchandises (matières, main-d’œuvre directe et coûts indirects), d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les frais généraux et les frais administratifs ainsi que les charges financières, et d’un montant raisonnable pour les bénéfices.

[51] La plaignante a fondé les estimations du coût de production des marchandises (matières, main-d’œuvre directe et coûts indirects) sur son propre coût de production pour la période du T1 de 2017 au T4 de 2017, qu’elle a rajusté d’après l’information publique sur les pays visés pour la même période. La plaignante a fait valoir qu’il convient d’estimer les valeurs normales des marchandises importées du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 en utilisant l’information sur les coûts pour la période du T1 de 2017 au T4 de 2017 en raison du délai entre la production et l’expédition des marchandises.

[52] La plaignante a fondé les estimations des coûts des matières sur ses propres coûts. Puisque les feuilles d’acier au carbone laminé à froid sont les principales matières entrant dans la production des feuilles d’acier résistant à la corrosion, la plaignante a rajusté les coûts en fonction des prix publiés des feuilles d’acier au carbone laminé à froid dans chacun des pays visés. En outre, puisque les prix publiés sont généralement ceux de nuances plus chères, la plaignante a réduit ces prix de 44 $/tm pour tenir compte de la réduction applicable aux qualités inférieures d’acier, conformément à sa politique de prixNote de bas de page 5.

[53] Pour la Chine et l’Inde, la plaignante a utilisé le prix des feuilles d’acier au carbone laminé à froid dans chaque pays, tel que déclaré par CRU International Limited (CRU). De même, pour le Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et la Corée du Sud, elle a utilisé le prix des feuilles d’acier au carbone laminé à froid dans chaque pays, tel que déclaré par MEPS International Ltd (MEPS).

[54] La plaignante a fondé les estimations des coûts de la main-d’œuvre sur ses propres coûts, qu’elle a rajustés pour tenir compte des différences entre le Canada et les pays visés. Un rajustement à la baisse a été effectué d’après les comparaisons de coûts de main-d’œuvre rajustés selon la productivité, tels que rapportés dans un article de recherche du Wall Street Journal.

[55] Les coefficients de rajustement de la main-d’œuvre sont les suivants :

[56] La plaignante a fondé l’estimation des coûts indirects sur ses propres coûts indirects de production, non rajustés. Selon la plaignante, aucun rajustement n’est nécessaire puisqu’elle est un producteur efficient et technologiquement avancé de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion, tout comme les producteurs dans les pays visés.

[57] La plaignante a estimé les montants pour les frais de vente, les frais généraux et les frais administratifs ainsi que les charges financières, et ceux pour les bénéfices, d’après les états financiers publics de grandes entreprises cotées en bourse qui produisent des feuilles d’acier résistant à la corrosion dans les pays visés.

[58] Pour la Chine, la plaignante a utilisé les montants déclarés par China Oriental Group Company Ltd dans ses derniers états financiers annuels. De même, pour le Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), l’Inde et la Corée du Sud, la plaignante a utilisé les montants déclarés par Yieh Phui Enterprises Co Ltd, JSW Steel et Hyundai Steel respectivement, dans leurs derniers états financiers annuels. Ces montants pour les frais de vente, les frais généraux et les frais administratifs (FVGA) ainsi que les charges financières, et ceux pour les bénéfices, sont exprimés ci-dessous en pourcentage du coût des marchandises fabriquéesNote de bas de page 10.

Poste budgétaire Chine Taipei chinois Inde Corée du Sud
FVGA 2,6 % 6,3 % 17,0 % 6,5 %
Charges financières 0,0 % 0,6 % 15,0 % 1,3 %
Bénéfices 18,8 % 2,8 % 12,0 % 7,2 %

[59] La plaignante a fourni des renseignements appuyant l’ouverture d’une enquête en vertu de l’article 20 en ce qui concerne les marchandises présumées sous-évaluées en provenance de la Chine. La plaignante a fait valoir que les prix de vente intérieurs en Chine sont fortement influencés par les politiques gouvernementales et qu’ils ne devraient pas être utilisés dans le calcul des valeurs normales puisqu’ils ne reflètent pas un marché où joue la concurrence. Par conséquent, la plaignante a aussi estimé les valeurs normales pour la Chine selon la méthode prévue à l’article 20 en utilisant des renseignements de pays de remplacementNote de bas de page 11.

[60] La plaignante a estimé les valeurs normales pour la Chine d’après la somme du coût estimatif de production, d’un montant raisonnable pour les FVGA, et d’un autre pour les bénéfices réalisés sur les marchandises similaires vendues par les producteurs dans un pays de remplacement, selon la méthode prévue au sous-alinéa 20(1)c)(ii) de la LMSI. La plaignante a fait valoir que la Corée du Sud est un bon pays de remplacement, étant donné que les producteurs dans ce pays exportent d’importants volumes de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion et qu’ils utilisent des matières dont les coûts se fondent sur les prix du marché international de l’acier. Par conséquent, les valeurs normales estimées pour les marchandises en provenance de la Corée du Sud selon la méthode prévue à l’alinéa 19b), comme nous l’avons déjà vu, ont servi à estimer les valeurs normales des feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance de la Chine.

Estimations de l’ASFC

[61] L’ASFC n’a pas estimé les valeurs normales pour chaque type de produit particulier. Plutôt, la plaignante a estimé, à l’égard des marchandises de chaque pays visé, une valeur normale pour chaque trimestre du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 en se fondant, en partie, sur la moyenne du coût de production de toutes les marchandises similaires durant chaque période trimestrielle du T1 de 2017 au T4 de 2017, tel que rajusté. Même si elle reconnaît qu’il peut y avoir des différences entre les coûts et les prix des divers types de feuilles d’acier résistant à la corrosion, l’ASFC juge l’approche raisonnable, compte tenu de l’information limitée dont disposait la plaignante.

[62] L’ASFC a utilisé la même méthode pour estimer les valeurs normales pour les marchandises en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud en effectuant les rajustements ci-dessous.

[63] En ce qui a trait aux coûts des matières du substrat (c.-à-d. feuilles d’acier au carbone laminé à froid) au Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et en Corée du Sud, l’ASFC a remarqué que la plaignante à fait référence aux mauvais prix dans le rapport publié de MEPS. L’ASFC a effectué les rajustements nécessaires.

[64] En ce qui concerne les montants pour les FVGA, les charges financières et les bénéfices, les estimations de la plaignante se fondaient sur l’information d’un seul producteur dans chacun des pays visés. Pour obtenir des estimations représentatives, l’ASFC a révisé ces montants en faisant la moyenne des données tirées des derniers états financiers annuels d’au moins deux producteurs dans chaque pays visé.

[65] Pour le Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), l’ASFC a utilisé les montants déclarés par Yieh Phui Enterprises Co LtdNote de bas de page 12 et China Steel IncNote de bas de page 13 Pour l’Inde, elle a utilisé ceux déclarés par JSW SteelNote de bas de page 14 et Tata SteelNote de bas de page 15 et, pour la Corée du Sud, ceux déclarés par Hyundai SteelNote de bas de page 16 et POSCONote de bas de page 17.

[66] L’ASFC a par ailleurs jugé que la plaignante n’a pas fourni d’élément de preuve indiquant que le délai entre la production et l’expédition des marchandises était suffisamment important pour justifier l’utilisation des données sur les coûts pour les périodes trimestrielles du T1 de 2017 au T4 de 2017. Par conséquent, pour établir les valeurs normales selon la méthode prévue à l’alinéa 19b), l’ASFC a plutôt utilisé l’information sur les coûts estimatifs pour chaque période trimestrielle correspondante du 1er avril 2017 au 31 mars 2018.

[67] Comme nous l’avons déjà vu, s’il y a un motif suffisant de croire que les conditions dont fait état l’article 20 de la LMSI existent dans le secteur faisant l’objet de l’enquête, les valeurs normales seront déterminées au titre de ce même article comme étant, soit le prix de vente intérieur, soit le coût de production des marchandises, additionné d’un montant raisonnable pour les FVGA et d’un autre pour les bénéfices réalisés sur les marchandises similaires vendues par des producteurs dans tout pays désigné par l’ASFC, et rectifié pour rendre les prix comparables, ou encore le prix de vente au Canada de marchandises similaires importées de tout pays désigné par l’ASFC et rectifié pour rendre les prix comparables.

[68] Comme nous le verrons dans la section « Enquête en vertu de l’article 20 » du présent Énoncé des motifs, l’ASFC a des preuves qu’en Chine le prix des feuilles d’acier résistant à la corrosion est sans doute fortement influencé par les politiques gouvernementales, et serait probablement différent dans un marché concurrentiel. L’ASFC a donc estimé les valeurs normales pour la Chine selon la méthode prévue à l’article 20 de la LMSI.

[69] L’ASFC est d’accord avec la plaignante pour dire que la Corée du Sud est un bon pays de remplacement aux fins d’établissement des valeurs normales, car le pays se trouve près de la Chine et, ainsi, affiche des tendances commerciales semblables; de plus, il est le troisième exportateur de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion vers le Canada, derrière la Chine et les États-Unis. Par conséquent, l’ASFC a estimé les valeurs normales pour la Chine selon la méthode prévue au sous-alinéa 20(1)c)(ii) de la LMSI en utilisant l’information pour la Corée du Sud, c’est-à-dire les valeurs normales estimées pour les marchandises en provenance de la Corée du Sud selon la méthode prévue à l’alinéa 19b) de la LMSI.

Prix à l'exportation

[70] Le prix à l’exportation de marchandises vendues à un importateur au Canada sera généralement déterminé selon l’article 24 de la LMSI, comme étant la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix auquel l’importateur aura acheté ou convenu d’acheter les marchandises, moins tous les frais, droits et taxes imputables à l’exportation elle-même.

[71] Les prix à l’exportation établis par la plaignante reposent sur des données d’importation publiques obtenues de Statistique Canada pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018. Puisque les données de Statistique Canada comprennent à la fois des marchandises en cause et non en cause, la plaignante a fait un certain nombre de rajustements pour éliminer les marchandises non en cause. La plaignante a estimé un prix moyen à l’exportation pour chaque pays visé d’après la moyenne pondérée de la valeur en douane déclarée de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion importées du 1er avril 2017 au 31 mars 2018Note de bas de page 18.

[72] Pour sa part, l’ASFC a estimé la moyenne pondérée du prix à l’exportation de chaque pays visé d’après la valeur en douane déclarée dans la documentation douanière ainsi que les rapports créés par le Système de gestion de l’extraction de renseignements (SGER) pour chaque expédition importée du 1er avril 2017 au 31 mars 2018. Dans le cadre de son examen des déclarations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion importées au Canada, l’ASFC a corrigé, le cas échéant, des erreurs de quantités et de valeur en douane dans les données du SGER, et elle a éliminé les feuilles d’acier résistant à la corrosion non en cause.

Marges estimatives de dumping

[73] Pour estimer les marges de dumping, l’ASFC a comparé la moyenne pondérée des valeurs normales estimatives avec celle des prix à l’exportation estimatifs pour chacun des pays visés pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018. Il ressort de cette analyse l’estimation que les feuilles d’acier résistant à la corrosion importées au Canada en provenance de chacun des pays visés étaient sous-évaluées. Les marges estimatives de dumping pour chaque pays sont indiquées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2
Marges estimatives de dumping de l’ASFC
Pays Marges estimatives de dumping
(en % du prix à l’exportation)
Chine 27,1 %
Taipei chinois 3,5 %
Inde 35,8 %
Corée du Sud 21,9 %

Enquête en vertu de l'article 20

[74] L’article 20 est une disposition de la LMSI qui peut servir à établir la valeur normale des marchandises dans une enquête en dumping quand certaines conditions sont réunies sur le marché intérieur du pays exportateur. Dans le cas d’un pays désigné au titre de l’alinéa 20(1)a) de la LMSI, l’ASFC applique la disposition si elle juge que le gouvernement de ce pays fixe, en majeure partie, les prix intérieurs et qu’il y a un motif suffisant de croire que les prix en question seraient différents dans un marché où jouerait la concurrenceNote de bas de page 19.

[75] Les dispositions de l’article 20 s’appliquent par secteur et non par pays. Le secteur étudié ne comprendra en général que l’industrie qui produit et exporte les marchandises visées par l’enquête en dumping.

[76] Dans une enquête en vertu de l’article 20, l’ASFC se renseigne auprès de diverses sources pour pouvoir se faire une opinion sur la présence ou non, dans le secteur à l’étude, des conditions décrites au paragraphe 20(1) de la LMSI. L’ASFC doit toujours commencer par vérifier si les preuves disponibles (celles données dans la plainte comme celles recueillies par elle-même) justifient l’ouverture d’une telle enquête.

[77] La plaignante prétend que les conditions décrites à l’article 20 existent dans le secteur des produits d’acier laminés à plat en Chine, qui comprend les certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion. Autrement dit, elle affirme que ce secteur en Chine n’est pas soumis au jeu de la concurrence, et donc que les prix établis sur le marché intérieur pour les feuilles d’acier résistant à la corrosion établis n’y sont pas fiables aux fins de détermination des valeurs normalesNote de bas de page 20.

[78] La plaignante a soumis des preuves à l’appui de son allégation que le gouvernement de la Chine fixe, en majeure partie, les prix intérieurs des feuilles d’acier résistant à la corrosion. Entre autres, elle a soumis des preuves de contrôles à l’exportation, et de la présence de nombreuses entreprises d’État dans le secteur des produits d’acier laminés à plat. Enfin, elle a cité des politiques gouvernementales précises, comme la Politique de 2015 sur le rajustement de l’industrie sidérurgique et le Treizième Plan quinquennal de la ChineNote de bas de page 21.

[79] Les renseignements dont dispose actuellement l’ASFC indiquent qu’en Chine plusieurs politiques industrielles mises en œuvre par le gouvernement influencent l’industrie sidérurgique et le secteur des produits d’acier laminés à plat, qui comprend les certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion. D’autres enquêtes en vertu de l’article 20 ont déjà révélé qu’en Chine les plans industriels du gouvernement influençaient fortement les décisions des entreprises sidérurgiques.

[80] En ce qui a trait au secteur des produits d’acier laminés à plat, qui comprend les certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion, l’ASFC dispose de renseignements qui montrent que les prix peuvent être fortement influencés par les politiques du gouvernement de la Chine et, par conséquent, que les prix des feuilles d’acier résistant à la corrosion en Chine seraient différents dans un marché où jouerait la concurrence.

[81] Bref, l’ASFC croit qu’il y a suffisamment de preuves justifiant de s’intéresser à l’allégation qu’en Chine, les mesures gouvernementales influencent fortement les prix dans le secteur des produits d’acier laminés à plat, qui comprend les certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion, et que les prix en question seraient différents dans un marché concurrentiel.

[82] Par conséquent, le 26 juillet 2018, l’ASFC a ajouté à son enquête en dumping une enquête en vertu de l’article 20 afin de déterminer si les conditions énoncées à l’alinéa 20(1)a) de la LMSI existent en Chine dans le secteur des produits d’acier laminés à plat, qui comprend les certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion.

[83] Pour cette enquête, l’ASFC a envoyé à tous les producteurs et exportateurs potentiels de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion en Chine, ainsi qu’au gouvernement de la Chine, des questionnaires selon l’article 20 leur demandant des renseignements détaillés sur le secteur des produits d’acier laminés à plat en Chine, qui comprend les certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion.

[84] Pour calculer les valeurs normales selon l’alinéa 20(1)a) de la LMSI, le cas échéant, l’ASFC n’a pas eu besoin de demander de renseignements sur les prix intérieurs et les coûts à des producteurs de pays non visés puisqu’il y avait déjà de bons « pays de remplacement » parmi les pays visés. L’ASFC a par ailleurs demandé des renseignements aux importateurs canadiens sur leurs ventes de feuilles d’acier résistant à la corrosion importées d’autres pays.

[85] Si l’ASFC est d’avis qu’en Chine le prix intérieur des feuilles d’acier résistant à la corrosion est, en majeure partie, fixé par le gouvernement, et si elle a des motifs suffisants de croire qu’il serait différent dans un marché concurrentiel, les valeurs normales des marchandises visées par l’enquête seront établies, conformément à l’alinéa 20(1)c), si possible, comme étant, soit le prix de vente intérieur, soit la somme du coût de production des marchandises, d’un montant raisonnable pour les FVGA et d’un autre pour les bénéfices sur les marchandises similaires vendues par des producteurs dans tout pays désigné par l’ASFC, et rectifié pour rendre les prix comparables, ou encore, conformément à l’alinéa 20(1)d), si possible, comme étant le prix de vente au Canada des marchandises similaires importées de tout pays désigné par l’ASFC et rectifié pour rendre les prix comparables.

Preuves de dommage

[86] La plaignante allègue que les marchandises en cause étaient sous-évaluées et que ce dumping a causé ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale de marchandises similaires au Canada.

[87] La LMSI mentionne le dommage sensible causé aux producteurs nationaux de marchandises similaires au Canada. L’ASFC a conclu que les feuilles d’acier résistant à la corrosion produites par la branche de production nationale sont des marchandises similaires aux marchandises en cause en provenance des pays visés.

[88] À l’appui de ses allégations de dommage, la plaignante a fourni des preuves d’une hausse du volume des marchandises en cause, de la perte de ventes, du gâchage et de la compression des prix, de mauvais résultats financiers, de la sous-utilisation de la capacité de production, de la réduction de l’emploi et d’une menace pour les investissements continus.

Hausse du volume des marchandises en cause

[89] Comme nous l’avons mentionné dans la section « Marché canadien » du présent Énoncé des motifs, les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail du volume et de la valeur des importations et de la production nationale de feuilles d’acier résistant à la corrosion.

[90] L’information confidentielle estimée par l’ASFC montre que le volume total des importations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion en provenance des pays visés a augmenté de 2015 au 31 mars 2018. De plus, l’information confidentielle indique qu’il y a eu une hausse considérable du volume des importations des marchandises en cause en provenance de la Chine durant cette période alors que le volume des importations de marchandises en cause en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud a diminué.

Perte de ventes

[91] La plaignante a fourni des déclarations détaillant des exemples précis de perte de ventes aux marchandises présumées sous-évaluées en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du SudNote de bas de page 22. La plaignante a également fourni des documents à l’appui, y compris des cotations de prix et des rapports internes, qui appuient la corrélation entre la perte de ventes et les marchandises en cause.

[92] En plus des exemples donnés par la plaignante, Stelco, l’autre producteur canadien qui appuie la plainte, a donné des exemples semblablesNote de bas de page 23.

[93] Même si la plainte contient un certain nombre de preuves de perte de ventes propres à des comptes en raison des marchandises présumées sous-évaluées en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du Sud, ni la plaignante ni Stelco n’ont donné d’exemples précis de perte de ventes aux marchandises présumées sous-évaluées en provenance de l’Inde.

[94] L’ASFC conclut que la perte de ventes a abouti à une réduction globale considérable de la part de marché de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion de production nationale et, ainsi, par une perte de recettes potentielles, de 2015 au 31 mars 2018.

Gâchage des prix

[95] La plaignante soutient que les marchandises présumées sous-évaluées en provenance des pays visés ont capturé des parts de marché en cassant les prix de la branche de production nationale. À l’appui de cette allégation, la plaignante a donné des exemples précis de marchandises en cause vendues à des prix nettement inférieurs aux siensNote de bas de page 24.

[96] La plaignante a aussi présenté des preuves montrant que, de 2015 au 31 mars 2018, les prix moyens des marchandises en cause en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du Sud étaient, pour la plupart, inférieurs à ses prixNote de bas de page 25. L’ASFC a jugé que cette information était conforme à sa propre estimation des prix moyens à l’importation.

[97] En ce qui concerne les importations en provenance de l’Inde, la plaignante n’a pas donné d’exemples de gâchage des prix propres à des comptes. Similairement, selon les données utilisées par l’ASFC pour estimer les prix moyens à l’importation, les prix moyens des marchandises en cause en provenance de l’Inde étaient constamment supérieurs à ceux de la plaignante.

Compression des prix

[98] La plaignante a fait état dans sa plainte de cas où elle a été contrainte à réduire les prix ou à perdre des ventes en raison des importations des marchandises en cause présumées sous-évaluées. À l’appui de cette allégation, la plaignante a donné des exemples précis d’offres des marchandises en cause à des prix nettement inférieurs aux siensNote de bas de page 26.

[99] D’après les estimations de l’ASFC, les prix moyens de marchandises similaires produites au Canada ont augmenté d’une année à l’autre, de 2015 à 2017. En règle générale, ce type de tendance n’appuierait pas une allégation de compression des prix. Cependant, la plaignante a fait valoir que cette tendance devrait plutôt être examinée sous l’angle du prix au comptant aux États-Unis. En particulier, la plaignante affirme que le marché nord-américain des feuilles d’acier résistant à la corrosion est intégré et que, donc, les prix devraient généralement être les mêmes dans le Nord-Est des États-Unis et le Centre du Canada. Elle ajoute que le prix au comptant pour le Midwest américain selon CRU devrait refléter celui dans le Centre du Canada, étant donné qu’il se fonde sur les prix de vente actuels dans le Nord-Est des États-UnisNote de bas de page 27.

[100] D’après l’information contenue dans la plainte, l’ASFC est d’accord avec la plaignante pour dire que le prix des feuilles d’acier résistant à la corrosion dans le Midwest américain devrait refléter le prix au comptant des mêmes marchandises dans le Centre du Canada. L’ASFC mentionne qu’en parallèle avec le prix dans le Midwest américain, le prix intérieur moyen de la plaignante a augmenté de 2015 à 2017. Toutefois, même si le prix de vente moyen de la plaignante a augmenté durant cette période, le taux d’augmentation a été nettement inférieur à celui du prix pour le Midwest américain, ce qui a fait croître l’écart entre ces deux prix. L’ASFC estime que cet écart est indicatif que les prix sur le marché canadien n’ont pas augmenté comme ils l’auraient fait si les marchandises présumées sous-évaluées en provenance des pays visés n’avaient pas été présentes.

Mauvais résultats financiers

[101] La plaignante voit dans les mauvais résultats financiers de la branche de production nationale de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion une illustration du dommage causé par les marchandises présumées sous-évaluées en provenance des pays visés. À l’appui de cette allégation, la plaignante a présenté ses états financiers combinés à ceux de Stelco pour la période de 2014 au premier trimestre de 2018Note de bas de page 28.

[102] L’ASFC a examiné les états financiers de la plaignante et de Stelco, notamment les états des résultats du produit pour les feuilles d’acier résistant à la corrosionNote de bas de page 29. L’ASFC mentionne que les résultats financiers de la plaignante et de Stelco se sont améliorés, de 2015 au 31 mars 2018.

[103] L’ASFC conclut que la tendance à l’amélioration des résultats financiers n’appuie pas l’allégation de dommage financier, surtout que les volumes d’importations en provenance des pays visés ont fortement augmenté durant la même période. Cela dit, l’ASFC reconnaît toutefois que les volumes croissants de marchandises en cause ainsi que les faibles prix de celles-ci pourraient avoir limité la croissance de la branche de production nationale.

Sous-utilisation de la capacité de production

[104] La plaignante a soutenu que la présence des marchandises présumées sous-évaluées en provenance des pays visés a nui au taux d’utilisation de la capacité de la branche de production nationale de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion. À l’appui de cette allégation, la plaignante a fourni des données regroupées sur la branche de production nationale qui exposent la capacité et la quantité de production combinée de la plaignante et de Stelco pour la période de 2014 au premier trimestre de 2018Note de bas de page 30.

[105] L’ASFC a examiné cette information et a constaté que le taux d’utilisation de la capacité est demeuré presque constant de 2015 à 2017. Au cours de la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, toutefois, il y a eu des fluctuations trimestrielles plus marquées. En particulier, le taux d’utilisation a nettement reculé, du T2 de 2017 au T4 de 2017, avant de se raffermir quelque peu au cours du T1 de 2018.

[106] Puisque le T3 de 2017 et le T4 de 2017 coïncident à la période où la part de marché totale des marchandises en cause a été la plus élevée depuis 2015, d’après l’information confidentielle analysée, l’ASFC croit que ce recul est signe du dommage que le présumé dumping des marchandises en cause en provenance des pays visés a causé à la branche de production nationale de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion.

Réduction de l'emploi

[107] La plaignante prétend que la concurrence à prix déloyaux fait perdre des emplois dans l’industrie. À l’appui de cette allégation, elle a fourni ses données sur l’emploi pour la période de 2014 au premier trimestre de 2018Note de bas de page 31.

[108] L’ASFC a examiné cette information et a constaté que le nombre d’emplois de la plaignante a baissé de 2015 au premier trimestre de 2018.

Menace pour les investissements continus

[109] La plaignante a fait valoir que la présence de marchandises présumées sous-évaluées en provenance des pays visés met en péril sa capacité d’attirer des investissements de capitaux de sa société mère. La plaignante a donné un exemple précis concernant l’appui éventuel de sa société mère pour investir au CanadaNote de bas de page 32.

[110] L’ASFC conclut que l’allégation, telle que décrite dans la plainte, ne semble pas être un signe de dommage, car aucune preuve n’indique que la plaignante a subi de dommage en ce sens. L’ASFC voit plutôt cette information comme un facteur à prendre en compte dans l’analyse de la menace de dommage représentée par les marchandises en cause en provenance des pays visés.

Conclusion de l'ASFC sur la question de dommage

[111] D’après les preuves fournies dans la plainte ainsi que les données supplémentaires provenant de ses propres recherches et de la documentation douanière, l’ASFC est convaincue qu’il y a une indication raisonnable que le dumping des marchandises en cause en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du Sud ait causé un dommage, c’est-à-dire la perte de ventes, le gâchage et la compression des prix, la sous-utilisation de la capacité de production, et la réduction de l’emploi.

[112] En ce qui a trait à l’Inde, le volume des importations en provenance de l’Inde a diminué au cours de la période visée par l’examen et la plaignante n’a pas donné d’exemples précis de perte de ventes ou de gâchage ou de compression des prix. Par conséquent, l’ASFC est d’avis que la preuve n’indique pas, de façon raisonnable, que le dumping présumé des marchandises en cause en provenance de l’Inde a causé un dommage.

Menace de dommage

[113] La plaignante affirme que les marchandises présumées sous-évaluées en provenance des pays visés menacent de causer d’autres dommages sensibles à la branche de production nationale. Elle fait valoir que cette menace est rendue explicite par plusieurs facteurs susceptibles de se faire sentir dans les 18 à 24 prochains moisNote de bas de page 33.

[114] La plaignante a fourni l’information ci-dessous à l’appui de l’allégation que les marchandises en cause en provenance des pays visés menacent de causer d’autres dommages à la branche de production nationale.

Taux d'augmentation considérable du volume des marchandises en cause

[115] La plaignante a allégué que le taux d’augmentation du volume des marchandises en cause importées des pays visés était considérable. À l’appui de cette allégation, la plaignante a fourni des statistiques sur les importations en provenance des pays visés pour la période de 2014 à 2017Note de bas de page 34.

[116] La plaignante a reconnu que, même si les volumes d’importations en provenance de la Chine ont considérablement augmenté de 2014 à 2017, ceux en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud, pris collectivement et individuellement, ont diminué durant cette même période. La plaignante a attribué cette baisse à la montée rapide des importations en provenance de la Chine.

[117] L’analyse des données de l’ASFC sur les importations, pour la période de 2015 à 2017, révèle des tendances semblables, et indique qu’il y a eu une hausse considérable des importations totales des marchandises présumées sous-évaluées en provenance des pays visés. Comme nous l’avons déjà vu, cette hausse globale s’explique par la montée des importations en provenance de la Chine.

Surcapacité et hausse de la capacité au niveau mondial ainsi que dans les pays visés

[118] La plaignante a fait valoir qu’il y a une capacité excédentaire mondiale dans l’industrie sidérurgique en général et celle des feuilles d’acier résistant à la corrosion en particulier. Plus précisément, la plaignante a allégué qu’il y a une surcapacité considérable de production de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion dans chacun des pays visés. À l’appui de cette allégation, la plaignante a fourni un certain nombre de rapports et de publications de l’industrieNote de bas de page 35.

[119] D’après son analyse de l’information fournie dans la plainte, l’ASFC conclut que les producteurs dans chacun des pays visés ont une surcapacité massive de production des feuilles d’acier résistant à la corrosion, en particulier par rapport à la taille du marché canadien. L’ASFC reconnaît que, même si un petit pourcentage de la capacité excédentaire de production était utilisé pour produire des marchandises en cause destinées au marché canadien, cette production répondrait à la demande de tout le marché canadien de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion, et il y aurait une hausse considérable du volume des marchandises en cause en provenance des pays visés.

Mauvais état des marchés international et intérieur

[120] La plaignante a fait valoir que le marché mondial de l’acier demeure vulnérable et que, confrontés à une demande intérieure faible et à une capacité excédentaire, les producteurs de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion dans les pays visés augmenteraient leurs exportations des marchandises en cause au cours des 18 à 24 prochains mois. À l’appui de ces allégations, la plaignante a fourni des publications de l’industrie prévoyant l’évolution de la demande et de la productionNote de bas de page 36.

[121] En ce qui concerne le marché de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion au Canada, la plaignante a fourni des preuves indiquant que le secteur manufacturier au Canada, un important utilisateur de feuilles d’acier résistant à la corrosion, demeure vulnérable, et que le marché canadien des feuilles d’acier résistant à la corrosion devrait se contracter en 2019Note de bas de page 37.

[122] D’après son analyse de l’information fournie dans la plainte, l’ASFC conclut que le mauvais état du marché international, tel que décrit ci-dessus, pourrait inciter des producteurs des feuilles d’acier résistant à la corrosion dans les pays visés à augmenter leurs exportations vers certains marchés, notamment le Canada. De même, l’ASFC reconnaît que la faiblesse du marché canadien pourrait rendre celui-ci particulièrement vulnérable à une hausse considérable du volume des importations en provenance des pays visés.

Incidence des marchandises en cause sur le prix de marchandises similaires

[123] La plaignante a soutenu que le présumé dumping des marchandises en cause a fait baisser le prix de marchandises similaires au Canada. De même, la plaignante a affirmé que les marchandises en cause en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du Sud ont gâché le prix de marchandises similaires, ce qui a fait perdre de nombreuses ventes. La plaignante a en outre allégué que la tendance des prix accrocheurs pour les marchandises en cause en provenance de ces pays se poursuivrait, et qu’elle serait de plus en plus dommageable pour la branche de production nationale. À l’appui de ces allégations, la plaignante a fourni des renseignements propres à des comptes détaillant des offres des marchandises en cause à des prix inférieurs aux siensNote de bas de page 38.

[124] D’après sa propre estimation des prix moyens à l’importation, ainsi que l’information fournie dans la plainte, l’ASFC conclut que la plus grande partie des marchandises en cause en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du Sud ont été importées sur le marché canadien à faible prix, ce qui a fait baisser le prix de marchandises similaires.

Recours commerciaux étrangers et risque de détournement

[125] La plaignante a fait valoir qu’il est probable que les marchandises en cause en provenance des pays visés seront détournées vers le marché canadien puisqu’elles font actuellement l’objet d’un certain nombre de recours commerciaux portant sur le dumping. À l’appui de ces allégations, la plaignante a fourni un certain nombre de documents et de rapports de décisions publiés par plusieurs pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)Note de bas de page 39.

[126] Par ailleurs, la plaignante a cité la récente imposition d’un tarif américain de 25 % sur les importations d’acier aux États-Unis, ce qui pourrait rendre la branche de production nationale encore plus vulnérable aux marchandises en cause en provenance des pays visés. Dans le même ordre d’idées, la plaignante a fait valoir que la récente enquête de sauvegarde de l’Union européenne sur les produits de l’acier, y compris les feuilles d’acier résistant à la corrosion, pourrait entraîner le détournement d’un volume considérable de marchandises en cause vers le marché canadienNote de bas de page 40.

[127] L’ASFC reconnaît que la présence de recours commerciaux, comme décrit ci-dessus, pourrait avoir une incidence sur les exportations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion des pays visés. L’ASFC reconnaît également que ces contraintes pourraient avoir une incidence considérable sur le marché canadien par l’effet du détournement.

Risque de réorientation des produits

[128] La plaignante a affirmé que les feuilles d’acier résistant à la corrosion constituent un produit en aval des feuilles d’acier au carbone laminé à chaud et à froid. Même si les feuilles d’acier au carbone laminé à chaud et à froid constituent des marchandises distinctes, elles sont aussi les principaux intrants de plusieurs produits de l’acier. C’est pourquoi la plaignante a fait valoir que, si un recours commercial est intenté contre les feuilles d’acier au carbone laminé à chaud et/ou à froid en amont, au Canada ou dans un autre pays, il est probable que les producteurs étrangers touchés réorienteront la production et augmenteront les exportations des marchandises ne faisant pas l’objet du recours commercial, par exemple le certaines feuilles d’acier résistant à la corrosionNote de bas de page 41.

[129] La plaignante a cité un certain nombre de mesures antidumping actuellement en vigueur à l’endroit de feuilles d’acier au carbone laminé à chaud et à froid en provenance des pays visés, et elle a fait valoir qu’il est probable que les producteurs touchés en Chine, au Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), en Inde et en Corée du Sud réorienteront leur production et augmenteront leurs exportations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion. La plaignante a également allégué que le nombre élevé de recours commerciaux contre les pays visés indique que ceux-ci ont une propension au dumping, ainsi qu’une liste de plus en plus limitée de produits et de marchés d’exportationNote de bas de page 42.

[130] L’ASFC reconnaît que la présence de recours commerciaux contre les feuilles d’acier au carbone laminé à chaud/ou à froid en amont, comme décrit ci-dessus, pourrait avoir une incidence sur les exportations de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion des pays visés. L’ASFC reconnaît également que ces contraintes pourraient avoir une incidence considérable sur le marché canadien par l’effet de la réorientation des produits.

Conclusion de l'ASFC sur la menace de dommage

[131] L’ASFC est d’avis que la preuve indique, de façon raisonnable, que les importations des marchandises présumées sous-évaluées en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud menacent de causer un dommage sensible à la branche de production nationale de certaines feuilles d’acier résistant à la corrosion.

Lien de causalité entre le dumping, le dommage et la menace

[132] L’ASFC estime que la plaignante a bien su associer le dommage que la branche de production nationale a subi, en termes de perte de ventes, de gâchage et de compression des prix, de sous-utilisation de la capacité de production et de réduction de l’emploi, au présumé dumping des marchandises en cause en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du Sud. L’ASFC est convaincue que le dommage que la branche de production nationale a subi est directement lié à l’avantage concurrentiel des marchandises en cause en provenance de ces trois pays par l’effet dumping.

[133] La plaignante a également fait valoir que le dumping continu des marchandises en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Comme nous l’avons déjà vu, l’ASFC est d’avis que cette allégation de menace de dommage est raisonnablement étayée en ce qui a trait aux pays visés.

[134] En résumé, l’ASFC est d’avis que l’information fournie dans la plainte indique, de façon raisonnable, que le dumping présumé a causé et/ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Conclusion

[135] D’après l’information fournie dans la plainte et les autres renseignements disponibles, dont les documents de l’ASFC sur les importations, l’ASFC s’est fait l’opinion qu’il y avait des élément de preuve que les feuilles d’acier résistant à la corrosion originaires ou exportées de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud étaient sous-évaluées. La preuve révèle aussi, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois) et de la Corée du Sud a causé un dommage à la branche de production nationale et que le dumping des marchandises en cause en provenance de la Chine, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen, Matsu (Taipei chinois), de l’Inde et de la Corée du Sud menace de causer encore un dommage à la branche de production nationale. C’est pourquoi, le 26 juillet 2018, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, une enquête en dumping a été ouverte.

Portée de l'enquête

[136] L’ASFC enquête pour savoir s’il y a eu dumping des marchandises en cause.

[137] L’ASFC a posé des questions à tous les exportateurs et importateurs potentiels, pour être en mesure de juger si les marchandises en cause importées au Canada durant la PVE (du 1er avril 2017 au 31 mars 2018) étaient sous-évaluées. Leurs réponses lui serviront à déterminer les valeurs normales, les prix à l’exportation, et les marges de dumping le cas échéant.

[138] L’ASFC a demandé des renseignements aux producteurs et exportateurs de feuilles d’acier résistant à la corrosion en Chine, ainsi qu’au gouvernement de la Chine, pour déterminer si les conditions dont fait état l’article 20 existent dans le secteur visé par l’enquête.

[139] Toutes les parties ont été clairement avisées des renseignements dont l’ASFC a besoin et du temps dont elles disposent pour les fournir.

Mesures à venir

[140] Le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) fera une enquête préliminaire pour juger si les éléments de preuve donnent une indication raisonnable que le présumé dumping des marchandises a causé ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Le TCCE doit rendre sa décision dans les 60 jours après l’ouverture de l’enquête; si sa décision est négative, il mettra fin à l’enquête.

[141] Si la décision de dommage du TCCE est positive et que l’ASFC conclut à son enquête préliminaire effectivement à un dumping, l’ASFC rendra une décision provisoire en dumping dans les 90 jours après avoir ouvert son enquête, soit d’ici, soit d’ici le 24 octobre 2018. Si les circonstances le justifient, cette période pourrait être portée à 135 jours à compter de la date d’ouverture de l’enquête.

[142] Si à tout moment avant d’avoir rendu une décision provisoire, l’ASFC acquiert la conviction que le volume de marchandises en provenance d’un pays donné est négligeable, l’article 35 de la LMSI l’obligera à mettre fin à l’enquête sur les marchandises de ce pays.

[143] Les importations de marchandises en cause que l’ASFC dédouane à compter du jour d’une décision provisoire de dumping (selon laquelle la marge de dumping n’est pas minimale) seront éventuellement frappées de droits provisoires ne pouvant pas dépasser leur marge estimative de dumping.

[144] Si l’ASFC rend une décision provisoire de dumping, l’enquête se poursuivra en vue d’une décision définitive dans les 90 jours suivant la date de la décision provisoire.

[145] Si, après la décision provisoire, l’enquête de l’ASFC révèle que les importations de marchandises en cause d’un exportateur donné n’étaient pas sous-évaluées ou l’étaient pour une marge de dumping minimale, il sera mis fin au volet de l’enquête sur ces marchandises.

[146] Advenant une décision définitive de dumping, le TCCE poursuivra son enquête et tiendra des audiences publiques sur la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale. Le TCCE a 120 jours après la décision provisoire de l’ASFC pour rendre des conclusions à l’égard des marchandises auxquelles s’applique la décision définitive de dumping.

[147] Si le TCCE rend des conclusions de dommage, les marchandises en cause importées et dédouanées après cette date seront frappées de droits antidumping équivalents à leur marge de dumping.

Droits rétroactifs sur les importations massives

[148] Lorsque le TCCE mène son enquête sur le dommage causé à la branche de production nationale, il peut se demander si les marchandises sous-évaluées importées un peu avant ou après l’ouverture de l’enquête constituent des importations massives sur une courte période ayant causé un dommage à la branche de production nationale.

[149] Si le TCCE en conclut ainsi, des droits antidumping rétroactifs pourront s’appliquer aux marchandises en cause importées au Canada et dédouanées par l’ASFC dans les 90 jours avant que cette dernière n’ait rendu sa décision provisoire de dumping.

Engagements

[150] Après que l’ASFC a pris une décision provisoire de dumping, sauf dans les cas où il est déterminé que la marge de dumping des marchandises est minimale, un exportateur peut prendre l’engagement écrit de réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage.

[151] Seuls sont acceptables les projets d’engagements qui englobent toutes ou presque toutes les exportations au Canada de marchandises sous-évaluées. Après le dépôt d’un projet d’engagement, les parties intéressées ont neuf jours pour indiquer si elles le trouvent acceptable. L’ASFC tiendra une liste des parties intéressées, et les avisera des projets d’engagements reçus. Quiconque veut être avisé doit fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique à l’une des personnes ressources ci-après sous « Renseignements ».

[152] Dès l’acceptation d’un engagement, l’enquête et la perception des droits provisoires sont suspendues. Mais même alors, un exportateur peut demander que l’ASFC termine son enquête en dumping et le TCCE, son enquête en dommage.

Publication

[153] L’avis de l’ouverture de l’enquête est publié dans la Gazette du Canada, conformément au sous-alinéa 34(1)a)(ii) de la LMSI.

Renseignements

[154] Nous invitons les parties intéressées à présenter par écrit des exposés renfermant les faits, arguments et éléments de preuve qui, selon elles, ont trait au présumé dumping. Elles devront les adresser au Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI.

[155] Pour la phase préliminaire de l’enquête, l’ASFC ne tiendra compte que des renseignements qu’elle aura reçus au plus tard le 4 septembre 2018.

[156] Tous les renseignements que les parties intéressées auront présentés à l’ASFC pour cette enquête seront considérés comme publics à moins de porter clairement la mention « confidentiel ». La partie qui soumet un exposé confidentiel doit présenter en même temps une version non confidentielle dudit exposé, à laquelle les autres parties intéressées auront accès sur demande.

[157] Les renseignements confidentiels présentés à l’ASFC seront communiqués, sur demande écrite, à l’avocat indépendant des parties aux présentes procédures, sous réserve des conditions protégeant la confidentialité des renseignements. Les renseignements confidentiels peuvent aussi être communiqués au TCCE, aux tribunaux canadiens, et aux groupes spéciaux de règlement des différends de l’OMC/ALÉNA. Pour connaître la politique de la Direction sur la communication des renseignements en vertu de la LMSI, on pourra s’adresser à l’une des personnes mentionnées ci-dessous ou bien consulter le site Web de l’ASFC.

[158] Le calendrier de l’enquête et une liste complète des pièces justificatives et des renseignements sont disponibles à l’adresse suivante : www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/menu-fra.html. La liste sera tenue à jour.

[159] Le présent Énoncé des motifs a été remis aux personnes directement intéressées aux présentes procédures. Il est aussi publié sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Voici à qui s’adresser pour en savoir plus :

Renseignements

Adresse :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Joël Joyal : 613-954-7173
  • Denis Chénier : 613-952-7547
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site web :

www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/menu-fra.html

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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