PETR 2017 IN
Certaines résines de polyéthylène téréphtalate
Énoncé des motifs
Ottawa, le 1er septembre 2017
De l’ouverture d’enquêtes en dumping et en subventionnement sur certaines resines de polyéthylène téréphtalate originaires ou exportées de la République populaire de Chine, de la République de l’Inde, du Sultanat d’Oman ou de la République islamique du Pakistan.
Décision
Le 18 août 2017, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a ouvert des enquêtes sur les présumés dumping et subventionnement dommageables de certaines résines de polyéthylène téréphtalate originaires ou exportées de la République populaire de Chine, de la République de l’Inde, du Sultanat d’Oman ou de la République islamique du Pakistan.
Ce document est disponible en format PDF (1 503 Ko) [aide sur les fichiers PDF]
Résumé de l’affaire
[1] Le 29 juin 2017, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu une plainte écrite où la Compagnie Selenis Canada (Selenis Canada) de Montréal au Québec, ci-après « la plaignante », affirmait premièrement qu’il y avait au Canada dumping de certaines résines de polyéthylène téréphtalate (PET) originaires ou exportées de la République populaire de Chine (Chine), de la République de l’Inde (Inde), du Sultanat d’Oman (Oman), de la République islamique du Pakistan (Pakistan) et de la République de Turquie (Turquie) [ci après « les pays visés »] et subventionnement de certaines résines PET originaires ou exportées de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan, et deuxièmement que ce dumping et ce subventionnement avaient causé et menaçaient de causer encore un dommage à la branche de production nationale.
[2] Le 20 juillet 2017, conformément à l’alinéa 32(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a fait savoir à la plaignante que son dossier de plainte était complet et envoyé un avis en ce sens aux gouvernements de la Chine, de l’Inde, d’Oman, du Pakistan et de la Turquie. À ceux de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan, elle a aussi envoyé la version non confidentielle de la plainte en subventionnement, les invitant du même coup à des consultations en vertu de l’article 13.1 de l’Accord relatif aux subventions et aux mesures compensatoires avant l’ouverture de l’enquête sur ce point.
[3] Lors d’une téléconférence avec celui du Canada le 14 août 2017, le gouvernement d’Oman a exprimé son point de vue sur la preuve donnée dans la version non confidentielle du segment de la plainte concernant le subventionnement. Puis le 17 du même mois, il a fait des observations écrites sur les programmes de subvention présumés. L’ASFC en a tenu compte dans son analyse.
[4] Lors d’une séance de consultation à Ottawa le 15 août, le gouvernement du Pakistan a exprimé à celui du Canada son point de vue sur la preuve donnée dans la version non confidentielle du segment de la plainte concernant le subventionnement; puis le lendemain, il a déposé ses observations écrites sur chacun des programmes présumés. L’ASFC a tenu compte de l’ensemble dans son analyse. Les autres gouvernements n’ont pas demandé de consultations préalables.
[5] La plaignante a fourni des preuves à l’appui de ses allégations de dumping et de subventionnement. Pour tous les pays visés sauf la Turquie, les preuves indiquent aussi de façon raisonnable que le dumping et le subventionnement ont causé et menacent de causer encore un dommage à la branche de production nationale. L’ASFC n’ouvre pas d’enquête en dumping sur les résines PET de la Turquie, puisqu’elle juge que pour ce pays les preuves disponibles n’indiquent pas que le dumping ait causé ou menace de causer un dommage.
[6] Le 18 août 2017 donc, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert des enquêtes sur le dumping et le subventionnement de certaines résines PET de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan.
Parties intéressées
La plaignante
[7] À elle seule, la plaignante assure toute la production canadienne de marchandises similaires.
[8] Ses coordonnées sont les suivantes :
Compagnie Selenis Canada
3498, Broadway
Montréal-Est (Québec) H1B 5B4
[9] L’usine de résines PET de la plaignante a été bâtie à Montréal en 2004 par une coentreprise de Shell International B.V. avec la Société générale de financement (aujourd’hui Investissement Québec) comme usine de poly (triméthylène téréphtalate) [PTTNote de bas de page 1]; l’entreprise s’appelait à l’époque PTT Poly Canada. L’usine a été réaffectée en 2010 à la production de résines PET par Control PET, S.A. (Control PET), filiale du groupe IMO, après que celle-ci l’eût achetée en 2009 et rebaptisée Selenis Canada inc. L’usine a commencé à produire des résines PET en mai 2011, devenant du coup la seule usine canadienne à fabriquer des PET vierges. Le 1er août 2016, DAK Americas LLC (DAK) a conclu une transaction avec Control PET et acquis une participation majoritaire dans Selenis Canada. DAK est filiale à 100 % de l’entreprise mexicaine Alfa S.A.B.; une fois acquise par lui, Selenis Canada est officiellement devenue la « Compagnie Selenis CanadaNote de bas de page 2 ».
Exportateurs
[10] En se fiant à la plainte et à ses propres documents d’importation, l’ASFC a recensé 19 exportateurs potentiels des marchandises en cause. Elle leur a soumis à tous une demande de renseignements (DDR) sur la question du dumping et une autre sur la question du subventionnement.
Importateurs
[11] En se fiant à la plainte et à ses propres documents d’importation, l’ASFC a recensé 31 importateurs potentiels des marchandises en cause. Elle leur a soumis à tous une DDR à l’intention des importateurs.
Gouvernements
[12] À l’ouverture des enquêtes, l’ASFC a envoyé aux gouvernements de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan des DDR sur les présumés programmes de subvention qu’ils mettaient à la disposition des producteurs et exportateurs de marchandises en cause établis sur leur territoire.
[13] Aux fins des enquêtes qui nous intéressent, « gouvernement » (que ce soit celui de la Chine, de l’Inde, d’Oman ou du Pakistan) englobe tous les ordres de gouvernement : gouvernements fédéral, central, provinciaux/étatiques, régionaux; municipalités [villes, cantons, villages, collectivités locales]; autorités législatives, administratives ou judiciaires; indépendamment du fait que ceux-ci soient individuels ou collectifs, élus ou nommés. Le terme englobe aussi toute personne, tout organisme, toute entreprise ou tout établissement agissant pour le gouvernement central de ces pays ou ses gouvernements/administrations provinciaux, étatiques, municipaux, locaux ou régionaux, ou encore sous leur autorité ou en vertu de la législation adoptée par eux.
Les produits
Définition
[14] Dans les enquêtes qui nous intéressent, les marchandises en cause sont définies comme suit.
Résine de polyéthylène téréphtalate (résine PET) ayant une viscosité intrinsèque d'au moins 0,70 décilitres par gramme mais de pas plus de 0,88 décilitres par gramme, y compris une résine PET contenant plusieurs additifs introduits dans le procédé de fabrication, ainsi que des mélanges de résine PET vierge et de PET recyclé contenant une teneur en résine de PET vierge de 50 % ou plus en poids, originaire ou exportée de la République populaire de Chine, de la République de l'Inde, du Sultanat d'Oman ou de la République islamique du Pakistan.
PrécisionsNote de bas de page 3
[15] Le polyéthylène téréphtalate (PET) est un plastique clair, solide et léger appartenant à la famille des polyesters. On l’appelle généralement « polyester » quand il sert à fabriquer des fibres ou des tissus, et « PET » ou « résine PET » quand il sert à fabriquer des bouteilles, des pots, des contenants ou des emballages.
[16] La viscosité intrinsèque (VI) est une des caractéristiques les plus importantes du PET. Elle exprime en décilitres par gramme (dL/g) la longueur de chaîne moléculaire et le poids moléculaire du polymère.
[17] La résine PET peut contenir du matériel recyclé, bien que le contenu recyclé soit généralement limité à 20 % pour celle dont l’utilisation finale est l’emballage (VI de 0,70 à 0,88 dL/g selon la définition de produit) et à 50 % dans tous les cas (plafond inscrit dans la définition de produits).
FabricationNote de bas de page 4
[18] La production de polyéthylène téréphtalate (PET) commence par le mélange d’éthylèneglycol (MEG) et d’acide téréphtalique épuré (PTA) à des températures ambiantes, afin de produire une bouillie. Bien que le PTA soit privilégié comme matière première, on utilise du téréphtalate de diméthyle (TDM) dans certaines installations dotées de technologies moins récentes. La plupart des qualités de polymère de PET coûtent moins cher à produire avec le PTA qu’avec du TDM, ce qui explique pourquoi le TDM n’entre généralement pas dans la production de la résine de PET destinée à la fabrication de biens.
[19] Il existe diverses qualités d’acide téréphtalique (AT). Le PTA est la plus populaire, et celle commercialisée auprès des producteurs de résine PET. Les producteurs peuvent utiliser d’autres qualités d’AT, mais alors ils doivent ajouter des traitements chimiques supplémentaires pour compenser la qualité inférieure.
[20] Le PTA, l’AT et le TDM sont tous produits à partir de paraxylène, un produit pétrochimique. Le MEG pour sa part est produit à partir d’éthylène, un autre produit pétrochimique. La résine PET se compose à environ 65 % de PTA ou d’AT, à approximativement 25 % d’éthylèneglycol et à quelque 10 % de comonomères, d’additifs de base et d’additifs directs.
[21] Parmi les comonomères courants, on compte le diéthylèneglycol (« DEG »), soit un sous produit de la polymérisation d’un monomère de MEG, ainsi que l’acide isophtalique épuré (AI») et le cyclohexanediméthanol (CHDM).
[22] Les additifs de base comprennent des catalyseurs de réaction chimique (Sb, Co, Ti et Ge). On ajoute des toners organiques et/ou du cobalt pour améliorer la couleur, de même que des stabilisateurs thermiques (acide phosphorique/phosphoreux) pour réduire au minimum tout jaunissement en cours de polymérisation et de refonte dans des contenants.
[23] Les additifs directs consistent notamment en des absorbants infrarouges (« IR »), comme le noir de carbone, le graphite et l’antimoine séquestré, ainsi qu’en des extendeurs de chaîne moléculaire et des agents antiadhérents et glissants utilisés pour réduire le frottement sur des surfaces de préforme et de bouteille.
[24] La bouillie est chauffée par estérification, à 290 degrés centigrades, et réagit pour former un monomère. Des additifs et des catalyseurs sont ajoutés au monomère pour donner des caractéristiques de réchauffement et de coloration au produit final. Le monomère est ensuite chauffé sous vide, au cours d’un procédé de polymérisation durant lequel certains gaz sont évacués. Le polymère ainsi obtenu est trempé dans l’eau et coupé en copeaux de « PET amorphe » ou « PETAM ». Le PETAM présente une courte chaîne polymérique et une faible viscosité intrinsèque (VI), laquelle varie habituellement entre 0,50 et 0,65.
[25] Les copeaux de PETAM sont ensuite soumis à une polymérisation à l’état solide (PES). Pour produire une résine PET, on traite les copeaux au moyen d’un procédé de recuit et de cristallisation pendant lequel ils sont cuits par PES dans de grosses tours de réaction cylindriques, au sein desquelles ils circulent à travers une atmosphère d’azote gazeux exempte d’oxygène, à des températures supérieures à 200 °C, pendant 18 à 24 heures. Après la cuisson, des pastilles de résine de PET s’écoulent depuis la base des tours pour ensuite être refroidies à l’air dans un échangeur thermique à circuit fermé, puis entreposées en attendant leur transport par camion ou par train. Le PES accroît la VI des pastilles de PETAM jusqu’à la valeur visée par la plainte. De plus, il élimine tout acétaldéhyde.
[26] Durant son transport, la résine de PET doit être protégée contre l’humidité et les contaminants. Les produits importés et exportés sont généralement expédiés outre-mer dans des sacs de polyéthylène scellés d’une tonne métrique (supersacs), à l’intérieur de grands conteneurs métalliques. Il arrive qu’on retire les produits importés des conteneurs et qu’on les entrepose temporairement, pour disposer de stocks locaux et réduire les frais de surestaries. La résine de PET importée et produite au pays peut être expédiée en vrac sur le continent, sur des plateformes de camion ou dans des wagons spécialement revêtus, en lots de 50 000 ou 200 000 lb.
Utilisation
[27] Les marchandises en cause servent généralement à fabriquer des bouteilles de plastique pour boissons, à emballer des aliments ou des articles fabriqués, à faire des contenants pour produits ménagers et automobiles, et pour les feuillards industriels. Les bouteilles pour eau ou boissons gazeuses sont leur destination la plus commune.
Classement des importations
[28] Avant le 1er janvier 2017, les marchandises en cause se classaient généralement sous les codes suivants du Système harmonisé (SH) :
- 3907.60.00.10
- 3907.60.00.90
[29] Aujourd’hui, c’est plutôt sous les trois codes suivants que les marchandises en cause s’importent en général :
- 3907.61.00.00
- 3907.69.00.10
- 3907.69.00.90
[30] Les numéros ci-dessus sont fournis à titre purement informatif. Ils ne sont pas exclusifs aux marchandises en cause, et ils ne les comprennent pas toutes non plus. Seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.
Marchandises similaires et catégorie unique
[31] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » comme des marchandises identiques aux marchandises en cause ou, à défaut, dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.
[32] Certaines résines PET fabriquées par la plaignante partagent les caractéristiques physiques et utilisations finales des marchandises en cause; les unes et les autres sont donc parfaitement interchangeables pour autant qu’elles soient fabriquées selon les normes et les spécifications de l’industrie. Les marchandises en cause font directement concurrence aux marchandises similaires fabriquées par la plaignante. Compte tenu de tous les facteurs pertinents (utilisation, caractéristiques physiques, etc.), l’ASFC juge que les résines PET de fabrication canadienne sont « similaires » aux marchandises en cause; elle croit aussi que les unes et les autres forment une seule et même catégorie de marchandises.
Branche de production nationale
[33] La plainte contient des données sur les ventes et la production canadiennes de certaines résines PET pour consommation intérieure. Répétons que la plaignante assure seule toute la production canadienne connue de marchandises similaires.
Conditions d’ouverture
[34] Le paragraphe 31(2) de la LMSI n’autorise l’ouverture d’une enquête que si les deux conditions suivantes sont réunies :
- la plainte est appuyée par les producteurs nationaux dont la production compte pour plus de 50 % de la totalité de la production de marchandises similaires par les producteurs qui manifestent leur appui ou leur opposition à la plainte;
- la production de ceux de ces producteurs qui appuient la plainte représente au moins 25 % de la production de marchandises similaires par la branche de production nationale.
[35] Puisque la plaignante est le seul producteur canadien connu des résines PET qui nous intéressent, l’ASFC juge que les conditions d’ouverture prévues au paragraphe 31(2) de la LMSI sont réunies.
Marché canadien
[36] Encore une fois, la plaignante est le seul producteur canadien connu des résines PET qui nous intéressent.
[37] Pour son analyse, l’ASFC a utilisé des documents sur les importations réelles ainsi que le renseignement commercial fourni dans la plainte. Ses conclusions corroborent la tendance décrite par la plaignante.
[38] Bien que les règles de confidentialité l’empêchent de divulguer les volumes et la valeur exacts des importations et de la production nationale, l’ASFC a dressé les tableaux ci dessous pour montrer ce que les marchandises en cause représentent par rapport aux importations totales et au marché canadien apparent selon ses propres estimations.
Pays | 2014 | 2015 | 2016 | Du 1er janvier au 31 mars 2017 | Du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 (PVE) |
---|---|---|---|---|---|
Chine | 25,0 % | 13,5 % | 15,9 % | 9,4 % | 11,0 % |
Inde | 4,9 % | 4,2 % | 3,8 % | 21,2 % | 7,8 % |
Oman | 8,6 % | 15,2 % | 12,1 % | 3,6 % | 12,3 % |
Pakistan | 1,5 % | 7,6 % | 19,1 % | 28,0 % | 25,4 % |
Turquie | 0,2 % | 3,3 % | 3,8 % | 1,9 % | 2,1 % |
Importations totales des pays visés | 40,0 % | 40,5 % | 50,9 % | 64,1 % | 56,5 % |
États-Unis | 56,4 % | 49,2 % | 41,1 % | 32,3 % | 36,4 % |
Autres pays | 3,5 % | 6,9 % | 4,3 % | 3,6 % | 5,0 % |
Importations totales | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % |
*Les sommes pourraient dépasser 100 %, puisqu’il s’agit de pourcentages arrondis.
2014 | 2015 | 2016 | Du 1er janvier au 31 mars 2017 | D’avril 2016 à mars 2017 (PVE) | |
---|---|---|---|---|---|
Branche de production canadienne | 31,6 % | 29,4 % | 24,4 % | 44,0 % | 29,6 % |
Pays visés : | |||||
Chine | 17,1 % | 9,5 % | 12,0 % | 5,3 % | 7,8 % |
Inde | 3,3 % | 3,0 % | 2,9 % | 11,9 % | 5,5 % |
Oman | 5,9 % | 10,7 % | 9,1 % | 2,0 % | 8,7 % |
Pakistan | 1,0 % | 5,4 % | 14,4 % | 15,7 % | 17,9 % |
Turquie | 0,1 % | 2,3 % | 2,8 % | 1,1 % | 1,5 % |
Importations des pays visés | 27,4 % | 30,9 % | 41,2 % | 36,0 % | 41,4 % |
États-Unis | 38,6 % | 34,7 % | 31,1 % | 18,1 % | 25,6 % |
Autres pays non visés | 2,4 % | 4,9 % | 3,2 % | 2,0 % | 3,5 % |
Importations tous pays confondus | 41,0 % | 39,6 % | 34,3 % | 20,1 % | 29,1 % |
Ensemble du marché | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % |
*Les sommes pourraient dépasser 100 %, puisqu’il s’agit de pourcentages arrondis.
[39] La plaignante fait remarquer qu’au Canada la résine PET se vend surtout par l’intermédiaire de courtiers, qui l’achètent (importée ou nationale) pour la revendre aux utilisateurs finaux. Les courtiers achètent pour le compte de ces derniers, et tous ne gardent pas de stocks. Il y aurait six courtiers en résines PET au CanadaNote de bas de page 5.
Preuves de dumping
[40] Selon la plaignante, il y aurait eu dumping dommageable de certaines résines PET importées de la Chine, de l’Inde, d’Oman, du Pakistan et de la Turquie. On parle de dumping quand des marchandises sont sous-évaluées, c’est-à-dire que leur prix à l’exportation au Canada est en-dessous de la valeur normale.
[41] La valeur normale sera généralement soit le prix de vente intérieur des marchandises similaires dans le pays exportateur si le marché y est soumis au jeu de la concurrence; soit la somme du coût de production des marchandises; d’un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente (FFAFV) et d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi.
[42] Le prix à l’exportation des marchandises vendues à un importateur au Canada sera généralement la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix d’achat de l’importateur, moins tous les frais imputables à l’exportation elle-même.
[43] Nous allons voir plus bas les valeurs normales et les prix à l’exportation tels qu’estimés par la plaignante et par l’ASFC.
Valeurs normales
Estimations de la plaignante
Chine :
[44] Pour l’estimation des valeurs normales d’après le prix de vente intérieur des marchandises similaires en Chine, la plaignante rapporte les prix de vente intérieurs tels que publiés par PCI Wood MackenzieNote de bas de page 6. Elle juge toutefois que les prix intérieurs en Chine ne sont pas rentables si on les compare avec les coûts de production dans ce même pays tels qu’estimés par elle selon la méthode que nous verrons plus loin. Aussi, elle affirme qu’on a ici affaire à la non-rentabilité que prévoit l’alinéa 16(2)b) de la LMSI.
[45] Ayant conclu que les prix intériers de Chine n’étaient pas rentables, la plaignante a estimé les valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSI, c’est-à-dire comme étant la somme (i) du coût de production des marchandises, (ii) d’un montant raisonnable pour les FFAFV, et (iii) d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi.
[46] Pour estimer le coût des matières premières, la plaignante a multiplié sa propre consommation d’acide téréphtalique épuré (PTA) et d’éthylèneglycol (MEG) par le prix de ces matières à l’importation en Chine en 2016 tel que publié dans la base de données Comtrade de l’ONUNote de bas de page 7. De son propre taux de consommation par unité d’extrantNote de bas de page 8, la plaignante a multiplié le prix unitaire publié du PTA par 0,85 et celui du MEG par 0,35. Elle qualifie ce calcul de prudent, puisqu’il ne tient pas compte des autres additifs entrant dans la production des résines PET.
[47] La plaignante a estimé les coûts de main-d’œuvre d’après les siens propres, rajustés à la baisse d’après les données de l’Organisation internationale du Travail (OITNote de bas de page 9). Faute de données de l’OIT sur les salaires en Chine, elle a utilisé les salaires de Hong Kong.
[48] Ne trouvant rien sur les coûts indirects de production en Chine, la plaignante les a estimés d’après les siens propres dans l’année 2016Note de bas de page 10.
[49] Quant à estimer un montant raisonnable pour les FFAFV et la marge bénéficiaire (ou « montant pour les bénéfices »), la plaignante s’est fiée aux données financières publiques de Hengyi Petrochemical Co., Ltd et Far Eastern New Century Corp., deux producteurs chinois de résines PETNote de bas de page 11.
[50] Bien qu’ayant estimé les valeurs normales de la Chine selon l’alinéa 19b) de la LMSI, la plaignante fait valoir qu’en Chine le prix de la résine PET, largement fixé par le gouvernement, n’est pas ce qu’il serait dans un marché concurrentiel et devrait donc être estimé selon l’alinéa 20(1)a) de la même loi. L’article 20 est une disposition de la LMSI qui peut servir à établir la valeur normale des marchandises dans une enquête en dumping quand certaines conditions sont réunies sur le marché intérieur du pays exportateur. Dans le cas d’un pays désigné en vertu de l’alinéa 20(1)a) de la LMSI, l’ASFC applique la disposition si elle juge que dans un pays donné les prix intérieurs sont largement fixés par le gouvernement, et qu’elle a des motifs de croire que ces prix seraient différents dans un marché concurrentielNote de bas de page 12.
[51] La plaignante a donc aussi estimé la valeur normale des résines PET en Chine d’après l’article 20 de la LMSI, selon la valeur normale estimative qu’auraient les marchandises si elles étaient produites dans un pays de remplacement, en l’occurrence le Taipei chinoisNote de bas de page 13. Elle a additionné aux coûts de production estimatifs dans ce pays un montant raisonnable pour les FFAFV et une marge bénéficiaire raisonnable aussi, selon la méthode prévue au sous alinéa 20(1)c)(ii) de la même loi.
[52] N’ayant pas trouvé le prix des MEG ni des PTA dans le Taipei chinois, la plaignante a utilisé la moyenne 2016 de ses propres coûts matériel directs. Quant aux coûts de main-d’œuvre, elle les a estimés selon les siens propres, révisés à la baisse pour tenir compte des différences de salaireNote de bas de page 14. Or puisque l’OIT n’avait rien publié sur les salaires taïwanais, la plaignante s’est plutôt servie de ce que l’OIT avait publié pour Hong Kong. De même la plaignante n’avait rien trouvé sur les coûts indirects de production dans le Taipei chinois, alors elle a estimé les coûts de production de ce pays à l’aide des siens propres pour 2016. Enfin pour estimer des FFAFV et une marge bénéficiaire raisonnables, elle s’est fiée aux données financières publiques de FENC, un producteur taïwanais de résines PETNote de bas de page 15.
Inde :
[53] Afin d’estimer les valeurs normales d’après le prix de vente intérieur des marchandises similaires en Inde, la plaignante a utilisé le prix de vente intérieur publié des résines PET tel que déclaré dans la publication ICISNote de bas de page 16. Elle écrit toutefois que ces prix ne lui semblent pas rentables quand elle les compare avec les coûts de production estimés par elle-même pour l’Inde selon la méthode décrite plus bas; aussi maintient-elle que la disposition de non-rentabilité [LMSI 16(2)b)] s’applique.
[54] Ainsi jugeant que le prix intérieur des résines PET en Inde n’était pas rentable, la plaignante a estimé les valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSI, qui consiste à faire la somme (i) du coût de production des marchandises; (ii) d’un montant raisonnable pour les FFAFV; et (iii) d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi.
[55] Pour estimer le coût des matières premières, la plaignante a multiplié sa propre consommation de PTA et de MEG par le prix à l’importation de ces matières en Inde en 2016 tel que publié dans la base de données Comtrade de l’ONU. Selon son propre taux de consommation par unité d’extrantNote de bas de page 17, la plaignante a multiplié le prix unitaire publié du PTA par 0,85 et celui du MEG par 0,35. Elle qualifie ce calcul de prudent, puisqu’il ne tient pas compte des autres additifs entrant dans la production des résines PET.
[56] La plaignante a estimé les coûts de main-d’œuvre d’après les siens propres, rajustés à la baisse d’après les données de l’OITNote de bas de page 18 pour tenir compte des différences de salaire entre le Canada et l’Inde.
[57] Ne trouvant rien sur les coûts indirects de production en Inde, la plaignante les a estimés d’après les siens propres dans l’année 2016Note de bas de page 19.
[58] Quant à estimer un montant raisonnable pour les FFAFV et la marge bénéficiaire, la plaignante s’est fiée aux données financières publiques de JBF Industries Limited, producteur indien de résines PETNote de bas de page 20.
Oman :
[59] Ne trouvant rien sur le prix de vente intérieur des résines PET à Oman, la plaignante a estimé les valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSI, qui consiste à faire la somme (i) du coût de production des marchandises; (ii) d’un montant raisonnable pour les FFAFV; et (iii) d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi.
[60] Pour estimer le coût des matières premières, la plaignante a multiplié sa propre consommation de PTA et de MEG par le prix à l’importation de ces matières à Oman en 2016 (PTA) et 2015 (MEG) respectivement tel que publié dans la base de données Comtrade de l’ONUNote de bas de page 21. Selon son propre taux de consommation par unité d’extrantNote de bas de page 22, la plaignante a multiplié le prix unitaire publié du PTA par 0,85 et celui du MEG par 0,35. Elle qualifie ce calcul de prudent, puisqu’il ne tient pas compte des autres additifs entrant dans la production des résines PET.
[61] La plaignante a estimé les coûts de main-d’œuvre d’après les siens propres, rajustés à la baisse d’après les données de l’OIT pour tenir compte des différences de salaire entre le Canada et OmanNote de bas de page 23. Faute de données publiques sur les salaires omanais, la plaignante a plutôt utilisé celles disponibles pour les Émirats arabes unis (EAU), qu’elle voyait comme un bon pays de substitution puisqu’il s’agit d’un pays voisin similaire à Oman par son état de développement économique et son industrie pétrochimique.
[62] Ne trouvant rien sur les coûts indirects de production à Oman, la plaignante les a estimés d’après les siens propres dans l’année 2016Note de bas de page 24.
[63] Quant à estimer un montant raisonnable pour les FFAFV, la plaignante s’est fiée aux données financières publiques de JBF RAK LLC, producteur émirien de résines PET, puisque le seul producteur omanais de ces marchandises ne publie pas ses états financiersNote de bas de page 25. Or JBF RAK LLC vendait à des prix non rentables, c’est pourquoi la plaignante a estimé la marge bénéficiaire plutôt selon les données financières de JBF Industries Limited, producteur indien de résines PET, pour l’année 2016.
Pakistan :
[64] Ne trouvant rien sur le prix de vente intérieur des résines PET au Pakistan, la plaignante a estimé les valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSI, qui consiste à faire la somme (i) du coût de production des marchandises; (ii) d’un montant raisonnable pour les FFAFV; et (iii) d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi.
[65] Pour estimer le coût des matières premières, la plaignante a multiplié sa propre consommation de PTA par le prix à l’importation de cette matière en Inde en 2016Note de bas de page 26, et sa propre consommation de MEG par le prix à l’importation de cette matière au PakistanNote de bas de page 27 en 2015, les prix en question étant ceux publiés dans la base de données Comtrade de l’ONU. Selon son propre taux de consommation par unité d’extrant, la plaignante a multiplié le prix unitaire publié du PTA par 0,85 et celui du MEG par 0,35Note de bas de page 28. Elle qualifie ce calcul de prudent, puisqu’il ne tient pas compte des autres additifs entrant dans la production des résines PET.
[66] La plaignante a estimé les coûts de main-d’œuvre d’après les siens propres, rajustés à la baisse d’après les données de l’OIT pour tenir compte des différences de salaire entre le Canada et le PakistanNote de bas de page 29.
[67] Ne trouvant rien sur les coûts indirects de production au Pakistan, la plaignante les a estimés d’après les siens propres dans l’année 2016Note de bas de page 30.
[68] Quant à estimer un montant raisonnable pour les FFAFV et la marge bénéficiaire, la plaignante s’est fiée aux données financières publiques de Gastron (Industries) Ltd.Note de bas de page 31
Turquie :
[69] Afin d’estimer les valeurs normales d’après le prix de vente intérieur des marchandises similaires en Turquie, la plaignante a utilisé le prix de vente intérieur publié des résines PET tel que déclaré dans ChemOrbisNote de bas de page 32. Elle écrit toutefois que ces prix ne lui semblent pas rentables quand elle les compare avec les coûts de production estimés par elle-même pour la Turquie selon la méthode décrite plus bas; aussi maintient-elle que la disposition de non-rentabilité [LMSI 16(2)b)] s’applique.
[70] Puisqu’elle jugeait que le prix de vente intérieur des résines PET en Turquie n’était pas rentable, la plaignante a estimé les valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSI, qui consiste à faire la somme (i) du coût de production des marchandises; (ii) d’un montant raisonnable pour les FFAFV; et (iii) d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi.
[71] Pour estimer le coût des matières premières, la plaignante a multiplié sa propre consommation de PTA et de MEG par le prix à l’importation de ces matières en Turquie en 2016 tel que publié dans la base de données Comtrade de l’ONU. Selon son propre taux de consommation par unité d’extrant, la plaignante a multiplié le prix unitaire publié du PTA par 0,85 et celui du MEG par 0,35Note de bas de page 33. Elle qualifie ce calcul de prudent, puisqu’il ne tient pas compte des autres additifs entrant dans la production des résines PET.
[72] La plaignante a estimé les coûts de main-d’œuvre d’après les siens propres, rajustés à la baisse d’après les données de l’OIT pour tenir compte des différences de salaires entre le Canada et la TurquieNote de bas de page 34. Faute de données publiques sur les salaires turcs, la plaignante a plutôt utilisé celles disponibles pour l’Indonésie, ce qu’elle décrit comme une substitution raisonnable puisque comme la Turquie, l’Indonésie est une économie émergente majeure avec une main-d’œuvre abondante relativement bon marché.
[73] Ne trouvant rien sur les coûts indirects de production en Turquie, la plaignante les a estimés d’après les siens propres dans l’année 2016Note de bas de page 35.
[74] Quant à estimer un montant raisonnable pour les FFAFV et la marge bénéficiaire, la plaignante s’est fiée aux données financières publiques d’Indorama Ventures Limited, une grande multinationale qui exploite deux usines de résines PET en TurquieNote de bas de page 36.
Estimations de l’ASFC :
[75] Aux fins d’ouverture d’enquête, l’ASFC a estimé comme suit les valeurs normales de chaque pays visé sur une base trimestrielle, pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017.
Chine :
[76] L’ASFC conclut que la méthode de la plaignante pour estimer les valeurs normales de la Chine (selon le prix de vente intérieur) est raisonnable. Elle-même a aussi estimé pour les marchandises en cause de ce pays un coût de production et des FFAFV raisonnables, selon une méthode que nous verrons plus loin.
[77] Trouvant aussi raisonnables les méthodes de la plaignante pour estimer les coûts de production et les FFAFV, l’ASFC a toutefois ajusté les coûts estimés par la plaignante en y intégrant les résultats de ses propres recherches et analyses.
[78] L’ASFC a rajusté aussi les coûts de main-d’œuvre estimatifs attribués à la Chine, jugeant que les données substitutives (Hong Kong) utilisées par la plaignante concernaient les salaires mensuels et non pas annuelsNote de bas de page 37.
[79] Quant à estimer un montant raisonnable pour les FFAFV, l’ASFC juge raisonnable la méthode de la plaignante; cela n’empêche pas que pour calculer un coût moyen elle ait ajouté aux données financières publiques de Hengyi Petrochemical Co., Ltd et de Far Eastern New Century Corp celles d’autres producteurs connus de résines PET établis en Chine : Sinochem Group (rapport annuel de 2015), China Petroleum & Chemical Corporation (rapport annuel de 2016), et Indorama Ventures Public Company (rapport annuel de 2016). La comparaison du prix intérieur estimatif avec le coût total estimatif ne lui semblant pas révéler que les prix de vente intérieurs fussent non rentables, l’ASFC a estimé les valeurs normales pour la Chine selon le prix intérieur estimatif des marchandises similaires dans ce pays.
[80] Comme on le verra sous « Allégations en vertu de l’article 20 », l’ASFC ne croit pas que les preuves disponibles justifient d’ouvrir une enquête en vertu de l’article 20 de la LMSI; elle n’a donc pas utilisé la méthode de cet article pour estimer les valeurs normales de la Chine.
Inde :
[81] L’ASFC juge raisonnable la méthode que la plaignante a retenue pour estimer les valeurs normales d’après les prix de vente intérieurs, mais elle constate aussi que ces prix ne sont pas rentables (le coût estimatif de production additionné d’un montant raisonnable pour les FFAFV, selon la méthode ci-dessous).
[82] Aussi, l’ASFC a choisi d’estimer les valeurs normales pour l’Inde comme étant la somme du coût de production estimatif des marchandises, d’un montant raisonnable pour les FFAFV et d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi [alinéa 19b) de la LMSI]. Bien que jugeant raisonnable la méthode de la plaignante, l’ASFC a rajusté les coûts estimés par cette dernière pour y intégrer les fruits de son propre travail de recherche et d’analyse.
[83] L’ASFC a rajusté aussi les coûts de main-d’œuvre estimatifs attribués à l’Inde, jugeant que les données utilisées par la plaignante concernaient le salaire journalier, et non le salaire mensuel comme les données sources de l’OIT.
[84] Pour l’estimation de FFAFV et d’une marge bénéficiaire raisonnables également, l’ASFC trouve que la méthode de la plaignante était raisonnable. Elle-même cependant a choisi d’utiliser le rapport annuel public de JBF pour l’exercice terminé le 31 mars 2017, plutôt que les rapports trimestriels comme la plaignante. L’ASFC a aussi ajouté, et intégré à la moyenne, des données de trois autres producteurs indiens de résines PET : Dhuseri Petrochem Limited (rapport annuel de 2017), Reliance Industry Limited (rapport annuel de 2017) et IVL (rapport annuel de 2016).
Oman :
[85] Faute de données suffisantes sur les prix intérieurs à Oman, l’ASFC a estimé les valeurs normales de ce pays comme étant la somme du coût de production estimatif des marchandises, d’un montant raisonnable pour les FFAFV et d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi [alinéa 19b) de la LMSI]. Elle trouve que la méthode de la plaignante était raisonnable, mais sa propre marge bénéficiaire estimative repose sur toutes les données financières disponibles pour l’Inde (voir ci-dessus la section sur l’Inde) plutôt que seulement sur celles de l’entreprise indienne JBF Industries Limited.
Pakistan :
[86] Faute de données suffisantes sur les prix intérieurs au Pakistan, l’ASFC a estimé les valeurs normales pour ce pays comme étant la somme du coût de production estimatif des marchandises, d’un montant raisonnable pour les FFAFV et d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi [alinéa 19b) de la LMSI]. Bien que jugeant raisonnable la méthode de la plaignante, l’ASFC a rajusté les coûts estimés par cette dernière pour y intégrer les fruits de son propre travail de recherche et d’analyse.
[87] Elle a rajusté par exemple les coûts de main-d’œuvre estimatifs, jugeant que les données de l’OIT concernaient les salaires journaliers et non pas mensuelsNote de bas de page 38.
[88] Pour l’estimation de FFAFV et d’une marge bénéficiaire raisonnables également, l’ASFC trouve que la méthode de la plaignante était raisonnable dans les grandes lignes. Elle-même cependant a choisi d’utiliser le rapport annuel public de Gastron (Industries) Ltd. pour l’exercice terminé le 30 juin 2016, plutôt que les états financiers trimestriels comme la plaignante. L’ASFC a aussi estimé la marge bénéficiaire d’après l’ensemble des données financières disponibles pour l’Inde (voir ci-dessus la section sur l’Inde) et non d’après les seules données de l’entreprise indienne JBF Industries Limited, puisque d’après ses données financières publiques les plus récentes Gastron (Industries) Ltd. n’avait pas fait de profits.
Turquie :
[89] L’ASFC juge raisonnable la méthode que la plaignante a retenue pour estimer les valeurs normales d’après les prix de vente intérieurs, mais elle constate aussi que ces prix ne sont pas rentables (le coût estimatif de production additionné d’un montant raisonnable pour les FFAFV, selon la méthode ci-dessous).
[90] Aussi, l’ASFC a choisi d’estimer les valeurs normales pour la Turquie comme étant la somme du coût de production estimatif des marchandises, d’un montant raisonnable pour les FFAFV et d’une marge bénéficiaire raisonnable aussi [alinéa 19b) de la LMSI]. Bien que jugeant raisonnable la méthode de la plaignante, l’ASFC a rajusté les coûts de main d’œuvre estimés par cette dernière. En effet la plaignante, disant qu’elle ne disposait pas de données pour la Turquie, avait plutôt utilisé les salaires indonésiens tels que publiés par l’OIT. L’ASFC cependant s’est rendu compte que l’OIT avait bien publié des données pour la Turquie, en 2014 : elle a donc utilisé celles-ci plutôt que celles de l’Indonésie.
Prix à l’exportation
[91] Le prix à l’exportation de marchandises vendues à un importateur au Canada sera généralement déterminé selon l’article 24 de la LMSI, comme étant la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix auquel l’importateur aura acheté ou convenu d’acheter les marchandises, moins tous les frais, droits et taxes imputables à l’exportation elle-même.
[92] Les prix à l’exportation estimés par la plaignante ont pour fondement les données d’importation publiques obtenues de Statistique Canada pour les codes SH 3907.60.00.10 et 3907.60.00.90 (période d’avril à décembre 2016), et 3907.61.00.00, 3907.69.00.10 et 3907.69.00.90 (période de janvier à mars 2017). La plaignante a estimé un prix à l’exportation moyen pour chaque pays visé selon la moyenne pondérée des valeurs en douane déclarées à la tonne métrique pour chaque trimestre de la période visée par les enquêtes (PVE)Note de bas de page 39.
[93] Quant à l’ASFC, elle a estimé les prix à l’exportation pour chaque pays visé, pour chaque trimestre, d’après la valeur en douane déclarée dans la documentation douanière ainsi que les rapports créés par le Système de gestion de l’extraction de renseignements (SGER) pour chaque expédition particulière importée dans la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017. À l’examen des déclarations de résines PET ayant pénétré au Canada, l’ASFC a aussi corrigé les erreurs de quantités et de valeur dans les données du SGER.
Marges estimatives de dumping
[94] L’ASFC a estimé une marge de dumping pour chaque pays visé en comparant pour ce pays la moyenne pondérée des valeurs normales estimatives avec celle des prix à l’exportation estimatifs, et elle estime en conclusion que les marchandises en cause importées au Canada en provenance de tous les pays visés dans la PVE étaient sous évaluées. Ci-dessous, les marges estimatives de dumping.
Pays | Marge estimative de dumping en pourcentage du prix à l’exportation |
---|---|
Chine | 13,8 % |
Inde | 32,8 % |
Oman | 31,4 % |
Pakistan | 25,6 % |
Turquie | 12,0 % |
Allégations en vertu de l’article 20
[95] L’article 20 est une disposition de la LMSI qui peut servir à établir la valeur normale des marchandises dans une enquête en dumping quand certaines conditions sont réunies sur le marché intérieur du pays exportateur. Dans le cas d’un pays désigné en vertu de l’alinéa 20(1)a) de la LMSI, l’ASFC applique la disposition si elle juge que dans un pays donné les prix intérieurs sont largement fixés par le gouvernement, et qu’elle a des motifs de croire que ces prix seraient différents dans un marché concurrentielNote de bas de page 40.
[96] Les dispositions de l’article 20 s’appliquent à un secteur d’un pays et non à un pays en entier. Le secteur étudié ne comprendra en général que l’industrie qui produit et exporte les marchandises visées par l’enquête en dumping.
[97] Dans une enquête en vertu de l’article 20, l’ASFC se renseigne auprès de diverses sources pour se faire une opinion sur la présence ou non, dans le secteur à l’étude, des conditions décrites au paragraphe 20(1) de la LMSI. L’ASFC doit toujours commencer par vérifier que les preuves disponibles (celles données dans la plainte comme celles recueillies par elle-même) justifient l’ouverture d’une telle enquête.
[98] La plaignante affirme que les conditions décrites à l’article 20 existent dans le secteur chinois des polyesters; elle soutient que la concurrence ne joue pas dans ce secteur, et que donc le prix intérieur des résines PET en Chine n’est pas une base fiable pour calculer les valeurs normalesNote de bas de page 41.
[99] La plaignante apporte des preuves variées qu’en Chine le prix intérieur des résines PET est largement fixé par le gouvernement. Elle rappelle des avis que l’ASFC a exprimés sur divers secteurs de l’industrie par application de l’article 20. Elle fait remarquer que l’industrie pétrochimique, qui produit les matières premières entrant dans la fabrication du MEG et du paraxylène, est assujettie au contrôle de l’État parce que considérée comme une industrie « stratégique ». De plus, la plaignante parle de la nationalisation des producteurs des matières premières entrant dans la fabrication des résines PET; parle de politiques particulières comme le plan du 13e quinquennat pour l’industrie pétrochimique; et enfin, cite des prix relevés en Chine, en Inde, en Turquie, en République de Corée (Corée), au Taipei chinois et en Europe de l’Ouest qui montrent que les prix ne suivent pas la même tendance en Chine qu’ailleurs.
[100] En plus d’étudier la plainte, l’ASFC a fait ses propres recherches sur les politiques macroéconomiques du gouvernement de Chine et sur ses mesures dans le secteur du polyester. Elle a regardé aussi les prix du paraxylène, du PTA et du MEG en Corée, en Europe de l’Ouest et en Chine pour l’année 2016Note de bas de page 42. De son travail de comparaison, il ressort que le prix moyen de ces matières premières en Chine a été légèrement plus élevé en 2016.
[101] L’ASFC a comparé aussi le prix à l’exportation « franco à bord » (FAB) des copeaux de PET de qualité bouteille en Indonésie, en Corée, en Inde et en ChineNote de bas de page 43; il en ressort qu’en 2016 les prix FAB eux-mêmes et leur évolution ont été très semblables dans ces quatre pays.
[102] Ni les données de la plaignante ni les recherches de l’ASFC sur le secteur des polyesters ne portent à croire que les prix intérieurs en Chine soient largement fixés par le gouvernement, en droit ou dans les faits. De surcroît, les faits connus ne donnent aucun motif de croire que ces prix seraient différents dans un marché concurrentiel. À l’heure actuelle, bref, il n’y a pas de quoi ouvrir une enquête en vertu de l’article 20 sur le secteur chinois des polyesters.
Preuves de subventionnement
[103] Une subvention au sens de l’article 2 de la LMSI est une contribution financière du gouvernement d’un pays étranger qui confère un avantage aux personnes faisant la production, la commercialisation à un stade quelconque, le transport, l’exportation ou l’importation de marchandises données. Ce peut être aussi toute forme de soutien du revenu ou des prix, au sens de l’article XVI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 figurant à l’annexe 1A de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui confère un avantage.
[104] Le paragraphe 2(1.6) précise qu’une contribution financière peut prendre les formes suivantes :
- des pratiques gouvernementales comportant un transfert direct de fonds ou d’éléments de passif ou des transferts indirects de fonds ou d’éléments de passif;
- des sommes qui, en l’absence d’une exonération ou d’une déduction, seraient perçues par le gouvernement ou des recettes publiques qui sont abandonnées ou non perçues;
- le gouvernement fournit des biens et des services autres qu’une infrastructure générale, ou achète des biens;
- le gouvernement permet à un organisme non gouvernemental d’accomplir l’un des gestes mentionnés aux alinéas a) à c) – ou le lui ordonne – dans les cas où le pouvoir ou l’obligation de les accomplir relèverait normalement du gouvernement, et cet organisme accomplit ces gestes essentiellement de la même manière le gouvernement.
[105] Une entreprise d’État (EE) est du « gouvernement » au sens du paragraphe 2(1.6) de la LMSI si elle a ou exerce une autorité gouvernementale. L’ASFC pourra guetter par exemple les signes suivants, combinés ou non : 1) l’EE s’est vu octroyer l’autorité ou en est investie de par la loi; 2) l’EE exerce une fonction gouvernementale; ou 3) l’EE est largement contrôlée par le gouvernement.
[106] Une subvention donne lieu à des mesures compensatoires si elle est spécifique, c’est à dire soit limitée en droit ou dans les faits à une entreprise donnée, soit prohibée (le terme « entreprise » s’étend ici aux groupes d’entreprises, aux branches de production et aux groupes de branches de production, selon sa définition dans la LMSI). Une subvention subordonnée en tout ou en partie aux résultats à l’exportation ou bien à l’utilisation de marchandises produites dans le pays d’exportation ou qui en proviennent est prohibée, et donc spécifique au sens du paragraphe 2(7.2) de la LMSI dans le contexte d’une enquête en subventionnement.
[107] Même si elle n’est pas restreinte en droit, le paragraphe 2(7.3) prévoit qu’il peut être conclu à la spécificité d’une subvention :
- si elle est utilisée exclusivement par un nombre restreint d’entreprises;
- si elle est surtout utilisée par une entreprise donnée;
- si des montants de subvention disproportionnés sont accordés à un nombre restreint d’entreprises;
- si l’autorité qui l'accorde, par la façon dont elle utilise son pouvoir discrétionnaire, montre que la subvention n’est pas généralement accessible.
[108] Dans ses enquêtes en subventionnement, l’ASFC qualifie les subventions spécifiques de « donnant lieu à une action », comme quoi elles entraîneront des mesures compensatoires.
[109] La plaignante dit d’une part que les marchandises en cause originaires ou exportées de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan sont subventionnées, et d’autre part que les exportateurs de marchandises en cause dans ces pays ont tiré un avantage de subventions accordées par différents ordres de gouvernement et donnant lieu à une action.
[110] Dans son analyse des allégations de la plaignante, l’ASFC a considéré la plainte ainsi que des renseignements de sources publiques pour juger si les programmes recensés étaient, d’une part des contributions financières au sens des paragraphes 2(1) et (1.6) de la LMSI, et d’autre part des subventions spécifiques au sens du paragraphe 2(7.2) ou 2(7.3) de la même loi.
[111] Ci-dessous un sommaire, pays par pays, des programmes auxquels l’enquête s’intéressera.
Programmes chinois
[112] La plaignante a recensé 167 programmes ayant peut-être conféré un avantage aux exportateurs chinois des marchandises en cause, ce qui du point de vue canadien en ferait des subventions donnant lieu à une actionNote de bas de page 44.
[113] Elle rappelle que 20 de ces programmes donnent lieu à une action d’après la décision définitive que le département du Commerce des États-Unis (USDOC) a rendue récemment, comme quoi certaines résines PET en provenance de Chine étaient subventionnéesNote de bas de page 45. Pour les 147 autres programmes qui avantageraient les producteurs et les exportateurs chinois, elle cite d’autres cas de mesures compensatoires (imposées généralement par l’ASFC, le USDOC ou l’Union européenneNote de bas de page 46). Elle ajoute qu’en Chine le gouvernement se mêle beaucoup de l’industrie des résines PET, ayant déposé en 2016 un plan pour le 13e quinquennat qui se concentre sur les produits chimiques destinés aux consommateursNote de bas de page 47.
[114] Outre les documents qui accompagnaient la plainte, l’ASFC a examiné le fruit de ses propres recherches, dont le dernier avis de subvention de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les avis de décision publics émis au terme des enquêtes en subventionnement auxquels la plaignante fait référence (p. ex. les énoncés de motifs des décisions définitives de l’ASFC elle-même). Ces sources corroborent généralement les allégations de la plaignante comme quoi les marchandises en cause provenant de la Chine sont subventionnées.
[115] L’ASFC a conclu de son analyse que pour beaucoup de ces programmes elle n’avait pas de preuve qu’ils soiennt à la disposition des producteurs et exportateurs de résines PET, et aussi que plusieurs séries de noms ne correspondaient pas à des programmes distincts mais bien à des noms différents pour un même programme. Bref, elle a retiré 51 noms de programmes de la liste pour son enquête, mais elle en a aussi ajouté 27 à la lumière de ses propres recherches. De ces 27 programmes, huit résultent de la division d’un seul qui avait été nommé à l’origine par la plaignante, entre autres parce que le simple nom de « subvention financière » était trop large aux yeux de l’ASFC. Quant aux autres programmes ajoutés par l’ASFC, sept d’entre eux se sont avérés avoir servi dans deux enquêtes récentes dont l’analyse de la plaignante ne tenait pas compteNote de bas de page 48, tandis que 12 ont été recensés par l’Agence pendant son étude de l’avis de subvention déposé à l’OMC par la Chine. L’Agence a pris soin de ne pas ajouter de programmes qui seraient faciles à inclure sous d’autres noms déjà dans la liste.
[116] Finalement, elle a changé quelques-uns des noms proposés par la plaignante à des fins de regroupement, pour être plus inclusive, etc.
[117] En tout, la liste de l’ASFC comprend 143 programmes de subvention susceptibles de conférer un avantage aux producteurs et exportateurs chinois de résines PET; son analyse révèle que les programmes en question sont autant de contributions financières potentielles du gouvernement de Chine conférant un avantage à qui en bénéficie, et donc, autant de subventions au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI. Un examen plus poussé enfin l’a portée à croire que les programmes seraient spécifiques en droit ou dans les faits au sens des paragraphes 2(7.2) et (7.3) de la LMSI.
[118] L’annexe 1 donne la liste des 143 programmes de subvention sur lesquels portera l’enquête, divisés en six catégories.
[119] Si d’autres renseignements se font jour plus tard dans l’enquête selon lesquels dans la PVE les exportateurs/producteurs de marchandises en cause auraient tiré un avantage de programmes absents de la liste, l’ASFC étendra son enquête à ces programmes et demandera des réponses complètes à leur sujet au gouvernement ainsi qu’aux exportateurs/producteurs de marchandises en cause.
Programmes indiens
[120] La plaignante a recensé 41 programmes ayant peut-être conféré un avantage aux exportateurs indiens des marchandises en cause, ce qui du point de vue canadien en ferait des subventions donnant lieu à une actionNote de bas de page 49.
[121] Elle rappelle que 25 de ces programmes donnent lieu à une action d’après la décision définitive que le USDOC a rendue récemment, comme quoi certaines résines PET en provenance de l’Inde étaient subventionnéesNote de bas de page 50. La plaignante invoque aussi à l’appui de ses allégations, non seulement les résultats publics de plusieurs enquêtes de l’ASFC ou d’autres autorités comme le USDOC, mais aussi des publications exhaustives du gouvernement central et des États de l’Inde, des documents de l’OMC, et des données publiées par des groupes d’experts-conseil.
[122] Outre les documents qui accompagnaient la plainte, l’ASFC a examiné le dernier avis de subvention de l’Inde auprès de l’OMC. Elle a également fouillé le site Web de nombreux organismes des gouvernements central et étatiques, pour recueillir des données complètes et à jour sur certains encouragements comme la politique sur le commerce extérieur (laquelle s’applique du 1er avril 2015 au 31 mars 2020) du ministère central du Commerce, la documentation publique du gouvernement du Maharashtra sur sa série d’encouragements (2013), et le site Web du gouvernement du Goudjarat. L’ASFC a étudié enfin les avis de décisions publics des enquêtes mentionnées par la plaignante.
[123] En général, les documents de référence examinés par l’ASFC tendent à confirmer que les marchandises en cause de l’Inde sont subventionnées. Sur 41 noms de programmes fournis par la plaignante, l’Agence en a supprimé sept [soit parce qu’il y avait dédoublement (plusieurs noms pour un même programme), soit par manque de preuves que ces programmes fussent à la disposition des producteurs de résines PET], ajouté quatre d’après ses propres recherchesNote de bas de page 51, et enfin modifié quelques-uns.
[124] En tout, la liste de l’ASFC comprend 38 programmes de subvention susceptibles de conférer un avantage aux producteurs et exportateurs indiens de résines PET; son analyse révèle que les programmes en question sont autant de contributions financières potentielles du gouvernement de l’Inde conférant un avantage à qui en bénéficie, et donc, autant de subventions au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI. Un examen plus poussé enfin l’a portée à croire que les programmes seraient spécifiques en droit ou dans les faits au sens des paragraphes 2(7.2) et (7.3) de la LMSI.
[125] L’annexe 1 donne la liste des 38 programmes indiens auxquels l’enquête de l’ASFC va s’intéresser.
[126] Si d’autres renseignements se font jour plus tard dans l’enquête selon lesquels dans la PVE les exportateurs/producteurs de marchandises en cause auraient tiré un avantage de programmes absents de la liste, l’ASFC étendra son enquête à ces programmes et demandera des réponses complètes à leur sujet au gouvernement ainsi qu’aux exportateurs/producteurs de marchandises en cause.
Programmes omanais
[127] La plaignante a recensé neuf programmes ayant peut-être conféré un avantage aux exportateurs omanais des marchandises en cause, ce qui du point de vue canadien en ferait des subventions donnant lieu à une actionNote de bas de page 52.
[128] Dans le cas d’Oman, la plaignante fonde ses allégations de subvention sur l’information publiée récemment par le USDOC avec ses décisions définitives concernant le subventionnement de certaines résines PET (décision négativeNote de bas de page 53) et les tuyaux circulaires soudés en acier au carbone en provenance de ce pays, sur les publications du gouvernement d’Oman, et sur celles de plusieurs groupes d’experts-conseils.
[129] Lors d’une téléconférence avec celui du Canada le 14 août 2017, le gouvernement d’Oman a exprimé son point de vue sur la preuve donnée dans la version non confidentielle du segment de la plainte concernant le subventionnement. Puis le 17 du même mois, il a fait des observations écrites sur les programmes de subvention présumés. L’ASFC en a tenu compte dans son analyse.
[130] L’ASFC a aussi passé en revue les documents qui accompagnaient la plainte, le dernier avis de subvention d’Oman auprès de l’OMCNote de bas de page 54, et les décisions publiées au terme des enquêtes mentionnées par la plaignante; l’ensemble tend à confirmer qu’à Oman les producteurs de résines PET disposent de programmes de subvention. Le USDOC a conclu par la négative dans son enquête en subventionnement parce que le montant de subvention était minimal. Or l’ASFC n’arriverait pas nécessairement aux mêmes conclusions ici, puisque les bénéficiaires des programmes, la PVE et les méthodes d’établissement de la valeur ne sont pas necessairement les mêmes.
[131] L’ASFC a noté que la plaignante avait listé comme deux programmes distincts l’ancienne et la nouvelle version d’un même programme.
[132] En tout, la liste de l’ASFC comprend huit programmes de subvention susceptibles de conférer un avantage aux producteurs et exportateurs omanais de résines PET; son analyse révèle que les programmes en question sont autant de contributions financières potentielles du gouvernement d’Oman conférant un avantage à qui en bénéficie, et donc, autant de subventions au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI. Un examen plus poussé enfin l’a portée à croire que les programmes seraient spécifiques en droit ou dans les faits au sens des paragraphes 2(7.2) et (7.3) de la LMSI.
[133] L’annexe 1 donne la liste des huit programmes omanais auxquels l’enquête de l’ASFC va s’intéresser.
[134] Si d’autres renseignements se font jour plus tard dans l’enquête selon lesquels dans la PVE les exportateurs/producteurs de marchandises en cause auraient tiré un avantage de programmes absents de la liste, l’ASFC étendra son enquête à ces programmes et demandera des réponses complètes à leur sujet au gouvernement ainsi qu’aux exportateurs/producteurs de marchandises en cause.
Programmes pakistanais
[135] La plaignante a recensé 18 programmes ayant peut-être conféré un avantage aux exportateurs pakistanais des marchandises en cause, ce qui du point de vue canadien en ferait des subventions donnant lieu à une actionNote de bas de page 55.
[136] Pour justifier ses allégations de subventionnement dans le cas du Pakistan, la plaignante invoque largement la décision de l’Union européenne (UE) consistant à imposer des droits compensateurs sur les résines PET originaires de ce pays, et celle de l’ASFC à l’égard des silicates de potassium solides originaires de ce pays. Citant à l’appui le cadre stratégique 2015 2018 sur le commerce (publié par le ministère du même nom), la plaignante affirme aussi que le gouvernement du Pakistan applique un régime monétaire, tarifaire et fiscal préférentiel pour des exportations plus compétitivesNote de bas de page 56.
[137] Lors d’une séance de consultation à Ottawa le 15 août, le gouvernement du Pakistan a exprimé à celui du Canada son point de vue sur la preuve donnée dans la version non confidentielle du segment de la plainte concernant le subventionnement; puis le lendemain, il a déposé ses observations écrites sur chacun des programmes présumés. L’ASFC a tenu compte de l’ensemble dans son analyse.
[138] Ayant aussi pris connaissance de la plainte et des décisions publiées au terme des enquêtes mentionnées par la plaignante, l’ASFC constate qu’en général ces sources tendent à corroborer les allégations de subventionnement. Cela dit, elle juge que pour 10 des 18 programmes la plaignante n’a pas su prouver que les producteurs/exportateurs de résines PET les utilisent ou les aient à leur disposition : la seule source qu’elle invoque est une enquête en subventionnement où l’autorité n’a pas conclu que le programme fût disponible et donnât lieu à une action.
[139] En tout, la liste de l’ASFC comprend huit programmes de subvention susceptibles de conférer un avantage aux producteurs et exportateurs pakistanais de résines PET; son analyse révèle que les programmes en question sont autant de contributions financières potentielles du gouvernement du Pakistan conférant un avantage à qui en bénéficie, et donc, autant de subventions au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI. Un examen plus poussé enfin l’a portée à croire que les programmes seraient spécifiques en droit ou dans les faits au sens des paragraphes 2(7.2) et (7.3) de la LMSI.
[140] L’annexe 1 donne la liste des huit programmes pakistanais auxquels l’enquête de l’ASFC va s’intéresser.
[141] Si d’autres renseignements se font jour plus tard dans l’enquête selon lesquels dans la PVE les exportateurs/producteurs de marchandises en cause auraient tiré un avantage de programmes absents de la liste, l’ASFC étendra son enquête à ces programmes et demandera des réponses complètes à leur sujet au gouvernement ainsi qu’aux exportateurs/producteurs de marchandises en cause.
Montants de subvention estimatifs
[142] Pour les marchandises en cause importées de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan, la plaignante n’a pas su estimer les montants de subvention par programme. Elle a plutôt fait son estimation en calculant la différence entre les coûts de production estimatifs et les prix à l’exportation correspondants; selon elle, la différence prouve que les marchandises en cause de tous ces pays se vendent au Canada pour beaucoup moins cher que leur coût de production, d’où un montant de subvention considérable.
[143] Pour estimer le montant de la subvention conférée aux producteurs en Chine, en Inde, à Oman et au Pakistan, l’ASFC a comparé le coût total estimatif des marchandises en cause avec la moyenne pondérée de leurs prix à l’exportation, tels qu’estimés plus haut sous « Preuves de dumping ».
[144] L’analyse de l’ASFC porte à croire que les marchandises en cause importées au Canada dans la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 étaient subventionnées. Ci dessous, les montants de subvention estimatifs en pourcentage du prix à l’exportation pour chacun des pays.
Pays | Montant de subvention estimatif en pourcentage du prix à l’exportation |
---|---|
Chine | 22,8 % |
Inde | 12,2 % |
Oman | 20,4 % |
Pakistan | 14,6 % |
Preuves de dommage
[145] La plaignante affirme, premièrement que certaines résines PET ont été sous évaluées ou subventionnées, et deuxièmement que ces dumping et subventionnement ont causé et menacent de causer encore un dommage sensible à la branche de production nationale.
[146] La LMSI définit la branche de production nationale comme étant l’ensemble des producteurs canadiens de marchandises similaires, et l’ASFC a conclu en l’espèce que les résines PET produites au Canada étaient « similaires » aux marchandises en cause.
[147] À l’appui de ses allégations, la plaignante soumet des preuves de gâchage et d’effritement des prix, de ventes perdues, d’un recul de sa part de marché, de mauvais résultats financiers, et de pertes d’emplois.
Volumes d’importations sous-évaluées et subventionnées
[148] La plaignante affirme premièrement que de 2014 à 2016, si globalement les importations (en termes de volumes) ont reculé légèrement dans un marché en pleine croissance, celles des pays visés en revanche ont bondi (sauf en 2015), deuxièmement que les importations des pays visés ont beaucoup progressé au premier trimestre de 2017 en glissement annuel, et troisièmement qu’elles sont sous-évaluées et subventionnées.
[149] Le tableau 1 du présent énoncé de motifs porte à le croire effectivement, les pays visés se taillent rapidement une part collective croissante des importations totales : celle ci est passée de 40 % en 2014 à 50,9 % en 2016, puis à 64,1 % au premier trimestre de 2017. Cependant, la tendance varie d’un pays à l’autre : les importations de Chine reculent mais restent massives, tandis que celles de Turquie sont demeurées très basses dans toute la période (2,1 % du total au cours de la PVE). L’augmentation collective s’explique surtout par le fait que la part du Pakistan est passée de 1,5 % en 2014 à 19,1 % en 2016 puis à 28 % au premier trimestre de 2017. La part de l’Inde aussi a bondi au premier trimestre de 2017 : elle se trouve maintenant à 21 %, contre 4,9 % en 2014.
[150] Quant à la répartition du marché canadien apparent (tableau 2 du présent énoncé de motifs), la part collective des pays visés a grandi de 2014 à 2016 (passant de 27,4 % à 41,2 %) au détriment de la branche de production canadienne (de 31,6 % à 24,4 %). Au premier trimestre de 2017, cette dernière a toutefois regagné une part de marché non négligeable en remontant à 44 %, tandis que les pays visés subissaient un léger recul jusqu’à 36 %. Le tableau 2 porte aussi à croire que ce regain de la branche de production canadienne s’est fait surtout aux dépens de l’industrie américaine, dont la part de marché a reculé de 38,6 % en 2014 à 18,1 % au premier trimestre de 2017; l’acquisition de Selenis Canada par DAK n’y est peut-être pas étrangère.
[151] Bien que la plaignante vienne de récupérer une part de marché, le dossier montre que les importations augmentent rapidement en provenance des pays visés pris collectivement et qu’elles exercent une pression de plus en plus forte sur les prix, ce qui tend à confirmer ses allégations de dommage. Dans le cas de la Turquie cependant, l’ASFC juge que les quantités importées sont très faibles et que leur corrélation avec le dommage présumé n’est pas évidente.
Gâchage et effritement des prix
[152] D’après la principale intéressée, les résines PET sous-évaluées et subventionnées auraient ravi des parts de marché à la plaignante parce que beaucoup moins chères que les siennes – même compte tenu des dépenses de fretNote de bas de page 57.
[153] La plaignante soumet des preuves que de 2014 au premier trimestre de 2017 les prix de vente moyens de la Chine, de l’Inde, d’Oman, du Pakistan et de la Turquie ont toujours été beaucoup plus bas que les siensNote de bas de page 58. Elle cite avec preuves à l’appui des cas de gâchage de prix et des cas où elle a dû demander moins cher pour ne pas perdre des ventes au profit d’exportateurs chinois, indiens, omanais ou pakistanaisNote de bas de page 59. Mais dans ces exemples, il n’est jamais question de la Turquie.
[154] La plaignante affirme que les résines concernées des pays visés sont des fixeurs de prix sur le marché canadien et que la tendance bien nette au gâchage va en s’aggravant de période en période depuis 2014, causant un grave effritement qui la force elle-même à rester en dessous des tendances de prix généralesNote de bas de page 60.
[155] Il y a des preuves, conclut l’ASFC, que le dumping et le subventionnement des marchandises en provenance de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan entraînent à la baisse le prix des marchandises similaires.
Ventes perdues et recul de la part de marché
[156] La plaignante écrit que les résines PET sous-évaluées et subventionnées lui ravissent des parts de marché à coups de prix plus bas, qui sont dommageables. Elle donne des exemples concrets de ventes perdues au profit de la Chine, de l’Inde, d’Oman ou du Pakistan dans la période de 2013 jusqu’au premier trimestre de 2017 inclusivementNote de bas de page 61. Mais encore une fois, aucun exemple ne concerne les résines de la Turquie.
[157] À l’examen des preuves, l’ASFC juge que la plaignante a bien su montrer l’existence d’un dommage sous la forme de pertes de ventes et de parts de marché, et montrer une corrélation avec le dumping et le subventionnement de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan.
Mauvais résultats financiers
[158] La plaignante montre ses propres résultats financiers de 2014 au premier trimestre de 2017 comme preuves des dégâts que causent le dumping et le subventionnementNote de bas de page 62.
[159] L’ASFC convient que les résultats financiers de la plaignante sont effectivement mauvais, la part de marché collective des pays visés continuant de grossir tandis que l’effritement des prix au Canada se poursuit. Elle conclut des preuves observées qu’il est raisonnable d’attribuer ces résultats aux ventes perdues ainsi qu’au gâchage et à l’effritement des prix que provoquent les marchandises sous-évaluées et subventionnées en provenance de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan.
Pertes d’emplois
[160] La plaignante affirme que la concurrence à prix déloyaux fait perdre des emplois dans l’industrie. Les données qu’elle soumet à l’appui montrent effectivement chez elle une réduction des emplois directsNote de bas de page 63 entre 2014 et le premier trimestre de 2017Note de bas de page 64.
Conclusion de l’ASFC sur la question du dommage
[161] Il est raisonnable d’affirmer que la branche de production canadienne des résines PET a subi un dommage sensible, lequel est bien documenté en termes de ventes perdues, de recul de la part de marché, de gâchage et d’effritement des prix, de mauvais résultats financiers, et enfin de pertes d’emplois. L’ASFC juge aussi raisonnable d’attribuer ce dommage aux marchandises présumément sous-évaluées et subventionnées en provenance de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan. Quant aux résines PET de la Turquie, elle trouve plutôt que les preuves sont insuffisantes et ne donnent pas d’indication raisonnable que le dumping cause ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.
Menace de dommage
[162] Si l’on en croit la plaignante, le dumping et le subventionnement menaceraient de causer encore un dommage à la branche de production nationale, ce qui serait évident au vu de nombreux facteurs susceptibles de se faire sentir dans les 18 à 24 prochains moisNote de bas de page 65.
[163] Les facteurs en question seraient la surcapacité massive au niveau mondial comme dans les pays visés, la faiblesse des marchés, le fait que les résines PET soient un produit de base, l’impératif de production, les recours commerciaux des autres pays, la hausse des importations en provenance des pays visés, et les tendances de prix. La plaignante croit que, sans protection, elle risquerait des dommages supplémentaires.
L’état du marché dans les pays visés
[164] Dans les pays visés selon la plaignante, bien que le marché soit généralement déprimé et en situation de surcapacité, on projetterait non seulement des hausses de production majeures mais encore le maintien d’une surcapacité considérableNote de bas de page 66.
[165] Le maintien de la demande intérieure sous les niveaux de production (en général) continue de pousser vers l’exportation les producteurs de résines PET des pays visés.
[166] Des preuves observées, l’ASFC conclut que les perspectives générales du marché pour les résines PET sont peu encourageantes, influencées par un déséquilibre de l’offre qui continue de s’aggraver dans les pays visés. Elle conclut aussi que l’état du marché dans les pays visés risque de pousser les producteurs de résines PET vers l’exportation, ce qui implique une menace de dommage pour la branche de production canadienne.
Les résines PET comme produit de base et l’impératif de production
[167] La plaignante fait valoir que pour un produit de base comme les résines PET, la décision d’acheter ou non dépend surtout du prixNote de bas de page 67. Elle ajoute que dans un secteur aussi capitalistique, il faut protéger ses investissements de capital en maintenant la production si l’on veut pouvoir vendre au coût marginalNote de bas de page 68.
[168] L’ASFC reconnaît que, parce qu’il existe un impératif de production et que les résines PET sont un produit de base, il est d’autant plus probable que les importations à bas prix continuent de livrer une concurrence féroce, laquelle représente une menace de dommage futur pour la branche de production nationale.
Recours commerciaux à l’étranger
[169] Pour la plaignante, les mesures antidumping et compensatoires en place dans plusieurs pays montrent que certains producteurs des pays visés ont tendance à exporter des résines PET sous-évaluées et subventionnéesNote de bas de page 69. On peut en effet lire dans la plainte que sept membres de l’OMC ont soit ouvert, soit conclu par l’affirmative, des enquêtes en dumping et en subventionnement sur les résines PET en provenance des pays visésNote de bas de page 70.
[170] Plusieurs pays membres de l’OMC ont conclu que des exportateurs de Chine, d’Inde et de Turquie faisaient le dumping de pellicules, de feuilles et de bandes de PETNote de bas de page 71; il a été conclu aussi que le gouvernement de l’Inde subventionnait ces mêmes produitsNote de bas de page 72. Puisque la production des pellicules, des feuilles et des bandes de PET utilise largement les mêmes intrants, le même matériel et les mêmes procédés que celle des résines PET, les mesures commerciales en vigueur font craindre à la plaignante que les capacités de production dans les trois pays susmentionnés soient réaffectées à la fabrication de résines PET qui seraient ensuite exportées au CanadaNote de bas de page 73.
[171] La plaignante juge que par suite des mesures commerciales en vigueur les producteurs des pays visés vont s’intéresser à des marchés comme celui du Canada, sans mesures antidumping ni compensatoiresNote de bas de page 74. Cette menace lui semble particulièrement aiguë pour la Chine, Oman et l’Inde, qui exportaient massivement aux États-Unis avant que les autorités de ce pays n’imposent des droits antidumping et compensateursNote de bas de page 75.
[172] À l’examen des preuves, l’ASFC juge bien fondée l’allégation que les marchandises en cause de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan pourraient très bien continuer d’être importées au Canada, vu la réaffectation causée par les mesures commerciales en place dans d’autres pays. Quant à la Turquie, compte tenu des volumes faibles et de la tendance à la baisse, l’ASFC ne croit pas que la seule perspective d’une réaffectation par suite de la décision des autorités brésiliennes sur certaines pellicules de PET équivale à une menace de dommage pour la branche de production canadienne.
Évolution probable des volumes et des prix des marchandises en cause
[173] La plaignante juge que les producteurs confrontés aux mauvaises conditions de leur marché intérieur et de leurs marchés d’exportation ordinairesNote de bas de page 76 voient le Canada comme un marché attrayant, et qu’ils vont continuer d’y exporter massivement des marchandises sous évaluées et subventionnées dommageables pour la branche de production canadienneNote de bas de page 77.
[174] La plaignante rappelle qu’en 2016 les importations de marchandises en cause ont bondi malgré la contraction du marché canadienNote de bas de page 78. La hausse des importations en provenance des pays visés en 2016 et dans le premier trimestre de 2017, affirme-t-elle, signifie que beaucoup plus de marchandises sous-évaluées et subventionnées sont entrées au pays. La plaignante ajoute que ces produits d’importation se revendent ici à des prix extrêmement basNote de bas de page 79, phénomène qui montre par sa persistance que le dumping et le subventionnement dommageables vont continuerNote de bas de page 80.
[175] Comme on l’a déjà vu, les données de l’ASFC montrent qu’effectivement la part des importations des pays visés a monté en flèche entre 2014 et 2016, tout comme leur part du marché canadien. Elles ne tendent pas cependant à démontrer que le marché canadien ait décliné dans cette période. Compte tenu des volumes passés et potentiels de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan, de leurs pratiques de prix et de leur subventionnement présumé, il est probable que leurs volumes et leurs prix futurs confirmeront les dernières tendances. Quant à la Turquie, les preuves disponibles ne suffisent pas selon l’ASFC pour affirmer que les importations de résines PET en provenance de ce pays vont augmenter avant un certain temps.
Conclusion de l’ASFC sur la menace de dommage
[176] La plainte donne des preuves raisonnables que les marchandises en cause vont continuer de s’importer de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan en quantités toujours aussi importantes, voire davantage, étant donné l’état du marché dans ces pays, la menace de réaffectation due aux mesures commerciales prises ailleurs, et l’impératif de production. La concurrence féroce que les quatre pays se livrent, conjuguée à l’impératif de production et au fait que les résines PET soient un produit de base, rend probable que les marchandises en cause vont continuer d’être sous-évaluées et subventionnées, offertes pour beaucoup moins cher que leurs équivalents produits au Canada. D’après l’ASFC, bref, la plainte contient des preuves raisonnables que ces importations vont probablement causer un dommage sensible encore un certain temps. Cette conclusion ne s’applique pas aux résines PET de la Turquie.
Lien de causalité entre le dumping/subventionnement et le dommage
[177] L’ASFC conclut que la plaignante établit un lien assez net entre d’une part le dommage qu’elle a subi et d’autre part le dumping et le subventionnement de certaines résines PET en provenance de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan importées au Canada. Ce dommage prend la forme de ventes perdues, d’un recul de la part de marché, d’un gâchage et d’un effritement des prix, et enfin de mauvais résultats financiers.
[178] Le dommage s’explique directement par l’avantage concurrentiel que le dumping et le subventionnement donnent aux résines PET importées de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan sur les marchandises similaires produites au Canada. La plaignante a prouvé ce lien par des listes de prix ainsi que des données sur les marchés et des données financières et autres sur sa propre production et ses propres ventes de marchandises similaires au Canada.
[179] Enfin, l’ASFC juge que les preuves soumises par la plaignante indiquent de façon raisonnable que si le dumping et le subventionnement des marchandises en cause importées au Canada en provenance de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan continuent, ils risqueront de causer encore un dommage à la branche de production nationale (canadienne).
Conclusion
[180] À la lumière de la plainte et des autres renseignements disponibles dont ses propres documents internes sur les importations, l’ASFC émet l’opinion qu’il y a des preuves que certaines résines PET originaires ou exportées de la Chine, de l’Inde, d’Oman, du Pakistan et de la Turquie ont été sous-évaluées; que certaines résines PET originaires ou exportées de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan ont été subventionnées; et enfin que les preuves indiquent de façon raisonnable que ce dumping et ce subventionnement, outre le dumping de la Turquie, ont causé et menacent de causer encore un dommage à la branche de production nationale. C’est pourquoi le 18 août 2017, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, elle a ouvert une enquête en dumping et une enquête en subventionnement sur certaines résines PET originaires ou exportées de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan.
[181] Quant aux résines PET originaires ou exportées de Turquie, l’ASFC juge que les preuves sont insuffisantes et ne donnent pas d’indication raisonnable que le dumping ait causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Elle remarque en particulier que leur volume d’importation est faible, à 2,1 % de toutes les marchandises de même description dédouanées au Canada en provenance de tous pays dans la PVE. Voilà pourquoi, conformément au paragraphe 33(1) de la LMSI, l’ASFC n’ouvrira pas d’enquête sur les résines PET originaires ou exportées de Turquie.
Portée des enquêtes
[182] L’ASFC va enquêter pour savoir s’il y a eu dumping et/ou subventionnement des marchandises en cause.
[183] L’ASFC a adressé des questions à tous les exportateurs et producteurs potentiels pour savoir si les marchandises en cause importées au Canada dans la PVE (du 1er avril 2016 au 31 mars 2017) étaient sous évaluées. Leurs réponses vont lui permettre de calculer les valeurs normales, les prix à l’exportation et les marges de dumping s’il y en a.
[184] De même, l’ASFC a adressé des questions au gouvernement et à tous les producteurs/exportateurs de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan pour savoir si les marchandises en cause importées au Canada dans la PVE (du 1er avril 2016 au 31 mars 2017) étaient subventionnées. Leurs réponses vont lui permettre de calculer les montants de subvention le cas échéant.
[185] Toutes les parties ont été clairement avisées des renseignements requis et du délai dont elles disposent pour les fournir.
Mesures à venir
[186] Le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) va mener une enquête préliminaire pour déterminer si les preuves indiquent de façon raisonnable que les présumés dumping et subventionnement ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale, ce qu’il doit faire au plus tard 60 jours après l’ouverture des enquêtes de l’ASFC; celles-ci seront closes s’il conclut par la négative.
[187] Si la décision de dommage du TCCE est positive et que les enquêtes préliminaires de l’ASFC concluent effectivement à un dumping et/ou subventionnement, l’ASFC rendra des décisions provisoires en conséquence dans les 90 jours après avoir ouvert ses enquêtes, soit d’ici le 16 novembre 2017. Ce délai peut être prolongé à 135 jours si les circonstances le justifient.
[188] Si avant d’avoir rendu aucune décision provisoire l’ASFC devient convaincue que les marchandises d’un pays donné ne se sont importées au pays qu’en quantités négligeables, l’article 35 de la LMSI l’obligera à mettre fin au volet de ses enquêtes portant sur ce pays.
[189] Les marchandises en cause importées et dédouanées à compter du jour des décisions provisoires de dumping/subventionnement, si leur description ne correspond pas à celle de marchandises dont il a été décidé que leur marge de dumping ou leur montant de subvention était négligeable, peuvent être frappées de droits provisoires ne dépassant pas leur marge estimative de dumping ou leur montant de subvention estimatif.
[190] Si l’ASFC rend des décisions provisoires de dumping et/ou de subventionnement, elle continuera d’enquêter pour en arriver à des décisions définitives dans les 90 jours après les décisions provisoires.
[191] Après les décisions provisoires, si ses enquêtes révèlent que les marchandises d’un exportateur donné n’ont pas été sous-évaluées par une marge de dumping non négligeable ou n’étaient pas subventionnées pour un montant de subvention non négligeable, l’ASFC exclura de son enquête en dumping et/ou subventionnement les marchandises de cet exportateur.
[192] Advenant des décisions définitives de dumping ou de subventionnement, le TCCE continuera son enquête et tiendra des audiences publiques sur la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale. Il aura 120 jours après les décisions provisoires de l’ASFC pour rendre ses conclusions sur les marchandises auxquelles ces décisions provisoires s’appliquent.
[193] Si le TCCE rend des conclusions de dommage, les marchandises en cause importées et dédouanées après cette date seront frappées de droits antidumping équivalents à leur marge de dumping et de droits compensateurs équivalents à leur montant de subvention. S’il y a à la fois des droits antidumping et des droits compensateurs, les premiers pourront être réduits de l’équivalent de la subvention à l’exportation.
Droits rétroactifs sur les importations massives
[194] Lorsque le TCCE mène son enquête sur le dommage causé à la branche de production nationale, il peut se demander si les marchandises sous-évaluées ou subventionnées importées un peu avant ou après l’ouverture de l’enquête constituent des importations massives sur une courte période ayant causé un dommage à la branche de production nationale.
[195] S’il conclut par l’affirmative, alors les importations de marchandises en cause dédouanées auprès de l’ASFC dans les 90 jours précédant la date de la décision provisoire pourraient être frappées de droits antidumping ou compensateurs.
[196] Quant au subventionnement, la disposition sur les importations massives dommageables ne s’applique que si l’ASFC a conclu à une subvention partiellement ou totalement prohibée (voir « preuve de subventionnement ») : alors les droits compensateurs imposés à titre rétroactif correspondront à la part de la subvention qui est prohibée.
Engagements
[197] Après que l’ASFC a pris une décision provisoire de dumping, un exportateur peut prendre l’engagement écrit de réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage.
[198] De même, après une décision provisoire de subventionnement, un gouvernement étranger peut prendre l’engagement écrit, soit d’abolir le subventionnement des marchandises exportées, soit d’en éliminer l’effet dommageable en limitant le montant de subvention ou la quantité de marchandises exportées au Canada. Autre solution, les exportateurs peuvent avec la permission écrite de leur gouvernement s’engager à réviser leurs prix de vente pour éliminer le montant de subvention ou le dommage.
[199] Seuls sont acceptables les projets d’engagement qui englobent toutes les exportations ou presque de marchandises sous-évaluées vers le Canada. Après le dépôt d’un projet d’engagement, les parties intéressées ont neuf jours pour formuler leurs observations. L’ASFC tiendra une liste des parties intéressées, et les avisera des projets reçus. Quiconque souhaite être avisé doit fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique à l’une des personnes ressources ci après sous « Renseignements ».
[200] Dès l’acceptation d’un engagement, l’enquête et la perception des droits provisoires sont suspendus. Mais même alors, un exportateur peut demander que l’ASFC termine ses enquêtes en dumping et subventionnement, et le TCCE, sa propre enquête en dommage.
Publication
[201] L’ouverture des deux enquêtes est annoncée dans la Gazette du Canada, comme le veut le sous-alinéa 34(1)a)(ii) de la LMSI.
Renseignements
[202] Les parties intéressées sont invitées à soumettre par écrit, au Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI, les faits, les arguments et les preuves qu’elles jugent se rapporter aux présumés dumping et subventionnement.
[203] Ne seront pris en compte à la phase préliminaire des enquêtes que les exposés reçus au plus tard le 25 septembre 2017.
[204] Ce que l’ASFC recevra pour les enquêtes de la part des parties intéressées sera considéré comme public, à moins de porter clairement la mention « confidentiel »; tout exposé portant cette mention devra s’accompagner dès son dépôt initial d’une version non confidentielle, que les autres parties intéressées pourront consulter sur demande.
[205] Les éléments confidentiels seront communiqués sur demande écrite aux avocats indépendants des parties, contre engagement à protéger leur confidentialité. Ils pourront être communiqués également au TCCE, à toute cour canadienne, et aux groupes spéciaux de l’OMC ou de l’ALÉNA pour le règlement des différends. Pour connaître la politique de la Direction sur la communication de renseignements sous le régime de la LMSI, on pourra s’adresser aux personnes ci-dessous ou bien visiter le site Web de l’ASFC.
[206] Le calendrier des enquêtes et la liste complète de toutes les pièces se trouvent au www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/menu-fra.html, et la liste sera tenue à jour.
[207] Le présent énoncé de motifs a été remis aux personnes que la procédure intéresse directement; il est aussi disponible sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Pour en savoir plus, on consultera les personnes ci-dessous :
Renseignements
- Adresse :
-
Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0L8
Canada - Téléphone :
-
- Denis Chénier : 613-952-7547
- Courriel :
- Site web :
Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band
Annexe – Incitatifs et autres programmes recensés
Les preuves fournies par la plaignante et obtenues par l’Agence des services frontaliers du Canada portent à croire que les gouvernements de la République populaire de Chine (Chine), de la République de l’Inde (Inde), du Sultanat d’Oman (Oman) et de la République islamique du Pakistan (Pakistan) auraient donné aux producteurs/exportateurs de marchandises en cause un appui prenant les formes suivantes.
Chine
Prêts à des taux préférentiels et garanties de prêts
Aides et leurs équivalents
Programmes fiscaux à taux préférentiels
Exonération de droits et de taxes sur les intrants, les matières et la machinerie
Réduction des droits d’utilisation des sols
Produits et services que l'État fournit pour moins cher que la juste valeur marchande
Inde
- Zones économiques spéciales (ZES)
- Programmes pour les unités axées sur les exportations (UAE)
- Aides et leurs équivalents
- Prêts à des taux préférentiels et garanties de prêts
- Programmes fiscaux à taux préférentiels
- Exonération de droits et de taxes sur les intrants, les matières et la machinerie
- Programmes offerts par l’État du Goudjarat
- Programmes offerts par l’État du Maharashtra
Oman
Pakistan
Qualité de subventions et spécificité
Les faits connus portent à croire que les programmes susmentionnés pourraient être autant de contributions financières des gouvernements de la Chine, de l’Inde, d’Oman et du Pakistan au sens du paragraphe 2(1.6) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), contributions sous la forme : de transferts directs ou indirects de fonds ou d’éléments de passif; de l’abandon total ou partiel de créances, conférant aux bénéficiaires un avantage équivalent aux montants abandonnés ou non perçus; et enfin de fourniture de biens ou de services autres qu’une infrastructure générale.
De plus, les avantages sont probablement limités aux entreprises de certains types ou situées dans certaines zones géographiques, ce qui rendrait les subventions correspondantes « spécifiques » au sens de l’alinéa 2(7.2)a) de la LMSI. D’autres programmes pourraient s’avérer spécifiques au sens du paragraphe 2(7.3) de la même loi pour la raison que l’autorité qui les accorde, par la manière dont elle exerce son pouvoir discrétionnaire, porte à croire qu’ils ne sont pas généralement disponibles.
- Date de modification :