PJ 2016 ER
Certains joints de tubes courts
Énoncé des motifs
D’une décision rendue au terme d’un réexamen relatif à l’expiration sous le régime de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation et portant sur certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la République populaire de Chine.
Le 30 novembre 2016, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a déterminé que l’expiration des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 10 avril 2012 dans l’enquête n NQ-2011-001 :
- entraînerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la République populaire de Chine;
- entraînerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains joints de tubes courts subventionnés originaires ou exportés de la République populaire de Chine.
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Summary
[1] Le 2 août 2016, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), a commencé un réexamen relatif à l’expiration des conclusions qu’il avait rendues le 10 avril 2012 au terme de son enquête n NQ-2011-001 sur le dumping et le subventionnement de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la République populaire de Chine (Chine).
[2] Le 3 août 2016, en réponse à l’avis du TCCE et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert sa propre enquête pour savoir si l’expiration des conclusions risquait de faire reprendre ou se poursuivre les importations de marchandises sous-évaluées ou subventionnées.
[3] Dover Canada ULC – Alberta Oil Tool Division (AOT)Note de bas de page 1 et Tenaris CanadaNote de bas de page 2 ont répondu au questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) adressé aux producteurs. AOT a aussi envoyé un mémoire et un complément de réponse avant la clôture du dossier.Note de bas de page 3
[4] Tenaris Canada dans sa réponse, et AOT dans sa réponse et son mémoire, ont étoffé leur position comme quoi le dumping et le subventionnement des joints de tubes courts en provenance de la Chine risquaient de reprendre ou de continuer si le TCCE annulait ses conclusions.
[5] Hengshui Weijia Petroleum Equipment Manufacturing Co., Ltd. (Weijia)Note de bas de page 4 a répondu au QRE pour les exportateurs, et WestCan Oilfield Supply Ltd. (WestCan)Note de bas de page 5, à celui pour les importateurs. Il faut noter que ces entreprises sont liées : WestCan possède Weijia a 49 %, et il distribue au Canada les joints de tubes courts fabriqués par lui.
[6] WestCan comme Weijia ont soumis des mémoiresNote de bas de page 6 étoffant leur position comme quoi le dumping et le subventionnement des joints de tubes courts en provenance de la Chine risquaient de reprendre ou de continuer si les conclusions du TCCE expiraient. Aucun autre exportateur ni importateur n’a soumis de mémoire ni de contrôle-exposé.
[7] Quant au gouvernement de la Chine, il n’a pas répondu au QRE ni déposé de mémoire.
[8] D’après le dossier, les producteurs chinois de joints de tubes courts ont une grande capacité de production mais sont confrontés à une baisse de la demande intérieure; d’autres pays ont pris des mesures antidumping contre des fournitures tubulaires identiques ou très similaires en provenance de Chine, et les exportateurs n’ont pas su montrer (à l’exception d’un seul) qu’ils puissent être concurrentiels au Canada sans pratiquer le dumping.
[9] Toujours d’après le dossier, les exportateurs chinois continuent à toucher des subventions; ils profitent de l’aide que le gouvernement de la Chine accorde aux producteurs dans l’industrie sidérurgique, et leurs marchandises font aussi l’objet de mesures compensatoires au Canada comme ailleurs.
[10] C’est pourquoi l’ASFC, ayant considéré le dossier, a déterminé le 30 novembre 2016 en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI :
- que l’expiration des conclusions sur le dumping entraînerait vraisemblablement au Canada la poursuite ou la reprise du dumping des joints de tubes courts originaires ou exportés de Chine;
- que l’expiration des conclusions sur le subventionnement entraînerait vraisemblablement la poursuite des importations au Canada de joints de tubes courts subventionnés originaires ou exportés de Chine.
Contexte
[11] Le 12 septembre 2011, après une plainte d’AOT, l’ASFC a ouvert des enquêtes en dumping et subventionnement sur certains joints de tubes courts originaires ou exportés de Chine (ci-après « les marchandises en cause »).
[12] L’ASFC a rendu des décisions définitives de dumping et de subventionnement le 12 mars 2012 et le TCCE a rendu des conclusions de dommage le 10 avril de la même année.
[13] Le 14 décembre 2015, l’ASFC a conclu un réexamen de la valeur normale, du prix à l’exportation et du montant de subvention de certains joints de tubes courts, fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP) et caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine.
[14] Le 13 juin 2016, conformément au paragraphe 76.03(2) de la LMSI, le TCCE a donné un avis comme quoi ses conclusions expireraient le 9 avril 2017. Et sur la foi de ce qu’il a appris dans le processus d’expiration, il a jugé bon de les réexaminer.
[15] Le 2 août 2016, le TCCE a donc ouvert un réexamen relatif à l’expiration de ses conclusions conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI.
[16] Puis le 3 août 2016, l’ASFC a ouvert une enquête de réexamen relatif à l’expiration pour savoir si l’expiration des conclusions risquait d’entraîner la poursuite ou la reprise du dumping ou du subventionnement des marchandises en cause.
Définition des produits
[17] Dans le réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, les marchandises en cause se définissent comme suit :
Précisions
[18] Les joints de tubes courts sont des fournitures tubulaires en acier de la famille des FTPP. Comme les caissons, tubes, tiges de forage et autres FTPP, ils servent au forage et à l’extraction dans les secteurs gazier et pétrolier.
[19] Il s’agit de courts segments pour donner aux tubes et trains de tiges la longueur exacte dont on a besoin, ou encore pour ajuster la profondeur des rames ou des outils pour le travail au fond des puits, surtout quand des lectures de profondeur exactes sont nécessaires à toutes fins données, comme l’installation de valves, de garnitures d’étanchéité, de raccords filetés ou de manchons de circulation. Les joints de tubes courts sont aussi utilisés avec les pompes servant au travail au fond des puits. Leur nombre et leur longueur peuvent varier considérablement d’un puits à l’autre, selon les besoins en matériel et en performance que les ingénieurs auront définis.
[20] Les joints de tubes courts sont appelés à se conformer à la norme 5CT de l’American Petroleum Institute (API) ou à l’équivalent.Note de bas de page 7 Ils peuvent comporter ou non des soudures, mais l’industrie préfère ceux qui n’en ont pas. Et bien qu’offerts dans toutes les longueurs entre 2 et 20 pi, ils se fabriquent et se vendent généralement en longueurs normalisées : 2, 3, 4, 6, 8, 10, ou 12 pi.
[21] Seuls les joints de tubes courts « pour tubes » font partie des marchandises en cause. Ceux « pour caissons » sont exclus des conclusions du TCCE, expressément par la définition des produits.
[22] Les marchandises en cause comprennent aussi les joints de tubes courts perforés, c’est à dire comportant des séries de trous ou de fentes forés sur la longueur. Les intrants pour leur fabrication respectent la norme API 5CT, mais les joints perforés ne la respectent pas eux mêmes puisqu’après la perforation leur limite d’élasticité conventionnelle ne suffit plus. Les joints de tubes courts perforés servent à admettre les fluides dans les tubes de pompage, ou alors comme ancrages de boue.
Procédés de fabrication
[23] Les joints de tubes courts se fabriquent à partir de tubes pour puits de pétrole ou de tubes pour usages mécaniques. Avec ou sans soudure, les tubes intrants sont faits d’un acier au carbone ou d’un acier allié aux propriétés chimiques conformes à la norme API 5CT ou à l’équivalent. Une fois coupé à longueur, le tube passe à la finition et subit les tests nécessaires pour sa norme. Pour ce qui est de la finition, les joints de tubes courts peuvent avoir des extrémités refoulées ou non. Le refoulement consiste en général à chauffer les extrémités au four pour les rendre malléables, puis à les insérer dans une machine à refouler où elles seront fortement aboutées ou compressées de sorte que l’épaisseur des tubes sera la même sur toute la longueur mais un peu plus grande aux extrémités. Le refoulement sert à augmenter l’épaisseur des parois aux extrémités des joints de tubes courts avant le filetage.
[24] Le filetage est une autre étape de finition par laquelle peuvent passer les joints de tubes courts refoulés ou non. À l’aide d’un taraud, on pratique aux deux extrémités le filetage exigé par les spécifications du produit. Les joints peuvent se vendre non filetés (on dira qu’ils sont « à extrémités lisses »), mais non pas servir tels quels sur le terrain puisqu’on ne peut les connecter à aucunes autres FTPP. Achetés ainsi, ils sont généralement envoyés par la suite dans un centre de service pour y être filetés selon une norme de l’API ou bien un procédé spécialisé (raccords de première qualité).
[25] Viennent finalement les tests et le marquage. Mentionnons parmi les tests l’essai d’évasement et les essais hydrostatiques, qui évaluent respectivement la rectitude dans la partie creuse du tube et sa résistance à la pression interne. Quant au marquage, il consiste simplement à marquer au pochoir ou au tampon des renseignements pertinents comme le nom du fabricant, le diamètre, le poids ou la nuance.
Classement des importations
[26] Les joints de tubes courts importés au Canada se classent en général sous les codes suivants du Système harmonisé (SH) :
- 7304.29.00.51
- 7304.29.00.59
- 7304.29.00.61
- 7304.29.00.69
- 7304.29.00.71
- 7304.29.00.79
[27] La liste ci-dessus est fournie à titre purement informatif. Seule la définition des produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.
Période visée par le réexamen
[28] La période visée par le réexamen (PVR) de l’ASFC va du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016.
La branche de production nationale
[29] En l’espèce, la branche de production nationale comprend deux entreprises :
- Dover Canada ULC – Alberta Oil Tool Division (AOT)
- Tenaris Canada
Dover Canada ULC – Alberta Oil Tool Division (AOT)
[30] AOT a débuté comme société fermée en 1951, puis s’est fait acheter par Dover Corporation en 1962. Elle fabrique toute une gamme de matériel d’entretien pour la production pétrolière et gazière, qu’elle vend sous la marque Norris : tiges de pompage, bielles d’entraînement spécialisées, tiges polies, barres de surcharge, tiges de pompage courtes, etc. Parmi ses produits tubulaires, on compte des redresse-tubes, des bouchons forgés à tête hémisphérique, des raccords filetés pour tubes et caissons, des couplages, des couplages à manchons, et des joints de tubes courts.
[31] AOT a commencé à produire des joints de tubes courts dans les années 60. Ses usines d’Edmonton en fabriquent aujourd’hui de trois diamètres : 2 ⅜ po, 2 ⅞ po et 3 ½ po, entre 2 et 12 pi de longueur.Note de bas de page 8
Tenaris Canada
[32] Tenaris est un fabricant de tubes d’acier qui dessert et approvisionne le monde entier, surtout dans le secteur de l’énergie. Arrivé au Canada en 1999, il y exploite aujourd’hui trois usines et neuf centres de services. « Tenaris Canada » ne désignera dans la présente que les entreprises qui fabriquent et distribuent ici des joints de tubes courts, à savoir :
- Fabricants : Prudential Steel ULC de Calgary (Alberta) et Algoma Tubes Inc. de Sault Ste. Marie (Ontario)
- Centre de services : Hydril Canadian Company Limited Partnership, de Nisku (Alberta)
- Vente et distribution : Tenaris Global Services Canada Inc., de Calgary (Alberta)Note de bas de page 9
[33] Il ne s’est pas écoulé une seule année dans la PVR (2013-2016) sans que Tenaris Canada fabrique de joints de tubes courts et en importe au Canada en provenance de pays autres que la Chine.Note de bas de page 10
Marché canadien
[34] Nous ne pouvons révéler en quoi consiste le marché canadien apparent. En effet, la valeur et le volume totaux des joints de tubes courts fabriqués au Canada pour consommation intérieure dans la PVR font partie des renseignements confidentiels soumis par AOT et Tenaris Canada : si nous publiions leurs chiffres d’affaires groupés, chacune pourrait déduire par des calculs les données confidentielles de l’autre. De même, nous ne pouvons révéler la valeur ni la quantité totale de joints de tubes courts importés de Chine dans la PVR, car vu le nombre limité d’importateurs et d’exportateurs, cela reviendrait à divulguer des renseignements protégés par l’article 107 de la Loi sur les douanes.
Production nationale
[35] AOT, le producteur qui domine le marché canadien, affirme que ses ventes de joints de tubes courts ont été plus basses en 2015 qu’en 2014, et dans la première moitié de 2016 que dans celle de 2015.Note de bas de page 11
Importations
[36] L’ASFC ne peut fournir le marché canadien apparent, faute de pouvoir divulguer le chiffre d’affaires des producteurs canadiens et les importations de Chine. Il n’est pas, donc, pertinant de rapporter les importations en provenance des autres pays.
Mesures d’exécution
[37] Le Canada a importé des marchandises en cause dans chaque année de la PVR et aussi dans la première moitié de 2016. Des droits ont été perçus sur ces importations en vertu de la LMSI, mais les règles de confidentialité nous empêchent de révéler combien.
Parties intéressées
[38] Le 3 août 2016, l’ASFC a envoyé aux producteurs, importateurs et exportateurs éventuels ainsi qu’au gouvernement de la Chine un avis comme quoi elle ouvrait une enquête pour le réexamen relatif à l’expiration. Cet avis s’accompagnait d’un QRE.
[39] L’ASFC demandait dans le QRE l’information dont elle aurait besoin pour étudier les facteurs de réexamen relatif à l’expiration selon le paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).
[40] Parmi les 15 producteurs canadiens éventuels de joints de tubes courts, seulement deux ont répondu au QRE : AOT et Tenaris Canada. AOT a aussi envoyé un mémoire.
[41] Parmi les 142 exportateurs chinois éventuels de joints de tubes courts, seul Weijia a répondu au QRE envoyé à l’ouverture de l’enquête. Il a également soumis un mémoire.
[42] Parmi les 17 importateurs canadiens éventuels, seul WestCan a répondu au QRE. Il a aussi envoyé un mémoire.
[43] Le gouvernement de la Chine n’a pas répondu au QRE ni présenté de mémoire.
Renseignements étudiés par l’ASFC
Dossier administratif
[44] Les renseignements que l’ASFC a considérés pour le réexamen relatif à l’expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier comprend les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l’ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l’expiration; ainsi que les pièces justificatives de l’ASFC et les renseignements présentés par les parties intéressées, y compris les renseignements qu’elles estiment pertinents pour déterminer si le dumping et le subventionnement, le cas échéant, se poursuivrait ou reprendrait selon toute vraisemblance advenant l’expiration des conclusions. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités du Canada ou d’un autre pays, des documents d’organismes telle l’Organisation mondiale du commerce, et des réponses au QRE présentées par des producteurs canadiens, des importateurs, des exportateurs ou des gouvernements étrangers.
[45] Dans tout réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut plus être versé au dossier administratif; ici, c’était le 21 septembre 2016. Ainsi, les participants ont le temps de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après les renseignements qui figurent au dossier administratif à la date de clôture.
Questions de procédure
[46] L’ASFC n’a pas l’habitude de prendre en compte les nouveaux renseignements que les participants présentent après la date de clôture du dossier, mais cela peut devenir nécessaire dans certains cas exceptionnels. L’ASFC tiendra compte des facteurs suivants pour décider d’accepter ou non les nouveaux renseignements présentés après la date de clôture du dossier :
- la nature, la pertinence, l’importance et la quantité des nouveaux renseignements;
- la difficulté que les parties ont pu avoir à obtenir ou soumettre l’information à temps (parce que celle-ci n’était pas disponible, que des questions nouvelles ou imprévues se sont fait jour, etc.);
- la possibilité raisonnable pour l’ASFC de tenir compte des nouveaux renseignements dans sa décision, c.-à-d. entre autres le temps de les vérifier;
- le risque que l’utilisation des renseignements porte préjudice à d’autres parties (en ne leur laissant pas, par exemple, la possibilité d’y répondre);
- le risque qu’en acceptant les renseignements l’ASFC s’empêche de compléter les procédures à temps; et
- tous autres facteurs pertinents.
[47] Les participants qui souhaitent présenter de nouveaux renseignements après la date de clôture du dossier, soit séparément, soit dans des mémoires ou des contre-exposés, doivent désigner ces renseignements afin que l’AFSC puisse décider si elle les versera au dossier pour en tenir compte dans sa décision.
[48] En l’espèce, les mémoires renvoyaient à des données datées du 21 septembre 2016, date de clôture du dossier (correspondant à la pièce justificative no 37 de l’ASFC), mais qu’en fait l’ASFC n’avait jamais eues avant les mémoires d’AOT et de Weija eux-mêmes (soit le 3 octobre). Et dans le cas le Weija, ce n’étaient pas là les seules données en retard.
[49] L’ASFC a fait part de ce problème aux avocats d’AOT, de WestCan et de Weijia dans des lettres datées du 31 octobre 2016. Elle y a expliqué que puisque les renseignements en question n’avaient pas été soumis avant le 21 septembre 2016 (date de clôture du dossier) bien qu’ils fussent déjà disponibles, elle n’en tiendrait pas compte, pas plus que des arguments qui les utilisaient.
Position des parties sur la question du dumping
Parties selon qui la poursuite ou la reprise du dumping serait vraisemblable
[50] Les producteurs canadiens dans leur réponse au QRE, et AOT dans son mémoire aussi, étoffent leur position comme quoi les mesures antidumping devaient demeurer puisque l’expiration des conclusions du TCCE risque d’entraîner la poursuite ou la reprise du dumping.
[51] Weijia, exportateur des marchandises en cause, et WestCan, son importateur lié au Canada, font valoir la même chose chacun dans son mémoire et sa réponse au QRE.
[52] Puisque les quatre répondants sont unanimes, on ne s’étonnera pas que leurs arguments se ressemblent. Nous allons voir en quoi ces arguments consistent, en commençant par les plus larges.
[53] Les mémoires et réponses au QRE d’AOT, de Tenaris Canada, de Weijia et de WestCan (bref, des quatre parties) donnent des exemples de mesures en vigueur dans d’autres pays contre les produits de l’acier et produits apparentés en provenance de la ChineNote de bas de page 12, mesures présentées comme autant de preuves que les exportateurs chinois ont tendance à pratiquer le dumping un peu partout.
[54] Les quatre répondants donnent aussi des exemples de droits antidumping dont les autorités canadiennes frappent actuellement les produits de l’acier et produits apparentés en provenance de la Chine.Note de bas de page 13 Dans les nombreuses conclusions rendues ici contre ces produits à ce jour, ils voient une autre preuve que les exportateurs chinois n’arrivent pas à être compétitifs au Canada sans pratiquer le dumping.
[55] AOT comme WestCan affirment que si les conclusions expirent, il y aura un danger que des joints de tubes courts en provenance de la Chine soient réaffectés des États-Unis d’Amérique (États-Unis) au Canada, certains cherchant par ce moyen à éviter les droits antidumping et compensateurs que les autorités américaines imposent actuellement sur les FTPP (ce dont les joints de tubes courts forment un sous-ensemble) de Chine.Note de bas de page 14
[56] Afin de savoir combien il en coûterait à une entreprise canadienne d’acheter ses joints de tubes courts en Chine, AOT a activement demandé des prix à plusieurs producteurs dans ce pays, pour des joints de nuances et de tailles variées.Note de bas de page 15 Elle a ensuite comparé leurs réponses (nombreuses) aux valeurs normales qu’elle-même avait estimées en additionnant ses propres coûts de production; ses propres frais, notamment de vente et d’administration; et une marge bénéficiaire.Note de bas de page 16 Sa conclusion est la suivante :
« D’après nos calculs[29], si on laisse expirer les conclusions, la marge de dumping estimative des joints de tubes courts en provenance de Chine s’élèvera à [###] du prix à l’exportation.
Voilà une preuve patente que selon toute vraisemblance le dumping reprendrait à plus ou moins [Confidentiel], soit assez proche de 173 %, la marge que la décision définitive au terme de l’enquête initiale avait attribuée aux exportateurs non coopératifs ».Note de bas de page 17>
[57] WestCan s’est livrée au même exercice.Note de bas de page 18 Elle a comparé les prix obtenus avec les valeurs normales communiquées à sa société sœur (Weijia) par l’ASFC en février 2016Note de bas de page 19, pour en arriver à la conclusion suivante :
« Le tableau comparatif montre que les fournisseurs chinois vendent les quatre produits de référence bien moins cher que les valeurs normales communiquées à Hengshui Weijia. Selon la méthode de l’ASFC, la marge de dumping serait 72,97 % du prix affiché. »Note de bas de page 20
[58] Comme sa société sœur WestCan, Weijia redoute que des joints de tubes courts à bas prix en provenance de la Chine soient réintroduits sur le marché canadien. Puisque les prix demandés sur le marché canadien sont plus bas que ceux de WestCan, dit-elle, le dumping reprendrait aux mêmes niveaux qu’avant les conclusions de 2012 et la marge de dumping ne serait pas minimaleNote de bas de page 21, de sorte qu’elle se verrait forcée de vendre elle-même des joints de tubes courts sous-évalués au Canada pour demeurer concurrentielle.Note de bas de page 22
[59] Trois des quatre répondants, soit AOT, WestCan et Weijia, parlent d’efforts délibérés pour contourner les mesures antidumping. AOT affirme que certains exportateurs chinois de joints de tubes courts proposent d’envoyer leurs marchandises dans des pays non visés pour que les acheteurs évitent les droits antidumpingNote de bas de page 23, tandis que selon WestCan et Weijia un certain exportateur canadien aurait importé des joints de tubes courts fabriqués en Chine mais faussement déclarés comme venant d’un pays non visé.Note de bas de page 24
[60] Pour les deux producteurs canadiens, comme pour WestCan et Weijia, il existe des preuves patentes que le marché d’ici intéresse toujours autant les producteurs et exportateurs chinois de joints de tubes courts. WestCan et Weijia font aussi cette interprétation des présumées tentatives de contournement ci dessus.Note de bas de page 25 AOT croit que les producteurs chinois ont clairement manifesté leur intérêt par la vitesse à laquelle ils ont répondu à ses demandes de prix.Note de bas de page 26 Tenaris Canada fait remarquer pour sa part qu’au dernier réexamen des joints de tubes courts, des FTPP et des caissons sans soudure 16 usines chinoises avaient répondu à l’ASFC de façon assez complète pour qu’elle leur attribue des valeurs normales particulières : cela signifie clairement à son avis que les producteurs chinois tiennent toujours autant à approvisionner le Canada.Note de bas de page 27
[61] AOT, Tenaris Canada et Weijia notent qu’en mars 2016 la Chine comptait 84 producteurs agréés de joints de tubes courts API 5CT.Note de bas de page 28 Leur nombre, conjugué à la grande faiblesse du marché des FTPP au Canada, signifie pour Tenaris Canada que si les conclusions expirent il s’ensuivra une concurrence féroce et que les prix chuteront bien plus bas que ceux du marché qui aujourd’hui font pourtant l’objet de droits antidumping.Note de bas de page 29
[62] WestCan a compté six entreprises chinoises dont la capacité de production combinée totalise 126 016 tonnes par année.Note de bas de page 30 Elle fait remarquer que le marché canadien est non seulement bien en dessous de ce chiffre, mais aussi plus modeste que la capacité de production de la moindre de ces six entreprises.
[63] AOT fait remarquer que depuis plusieurs années l’offre de pétrole progresse plus vite que la demande, ce qui s’explique en partie par le ralentissement de l’économie mondiale et par la hausse de production des grands producteurs comme l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Cette surabondance a fait chuter le prix du baril à 27 $US en janvier 2016Note de bas de page 31 par rapport à 115 $US en 2014. Tenaris Canada ne manque pas de constater que les travaux de forage en Amérique du Nord ont suivi les cours du pétrole dans leur effondrement de 2014, passant de 11 000 puits par année en 2013 et 2014 à 5 300 en 2015, jusqu’à (prévision) 3 400 en 2016.Note de bas de page 32
[64] Parallèlement au déclin du forage, AOT déclare que ses ventes intérieures de joints de tubes courts ont reculé de 5 % en 2014 par rapport à 2013, que ses ventes ont dégringolé de 39 % en 2015 et que ce n’est pas fini d’après le cumul annuel au 30 juin 2016.Note de bas de page 33 Vu l’état actuel du marché pétrolier canadien – faiblesse de la demande, rareté des travaux de forage, fortes tensions sur les coûts – les producteurs canadiens jugent fort probable que le dumping reprenne si jamais les conclusions expirent.
[65] AOT, WestCan et Weijia rappellent que depuis l’entrée en vigueur des conclusions du TCCE le 10 avril 2012, les seules marchandises en cause importées au Canada sont celles que WestCan achète à sa société sœur Weijia. L’une et l’autre ont participé à l’enquête initiale comme au réexamen conclu le 14 décembre 2015. Elles affirment toutes deux que WestCan achète à Weijia des joints de tubes courts pour un prix qui correspond aux valeurs normales communiquées à cette dernière par l’ASFC, donc sans avoir à payer de droits antidumping.Note de bas de page 34 L’absence des autres exportateurs est présentée comme une preuve qu’ils ne peuvent être concurrentiels au Canada sans pratiquer le dumping.
[66] AOT donne encore d’autres preuves que les droits antidumping et compensateurs ont fait abandonner le marché canadien à plusieurs exportateurs. D’après ses échanges avec les fournisseurs chinois, les clients canadiens auraient cessé d’acheter des joints de tubes courts en décembre 2011 à l’imposition des droits.Note de bas de page 35
[67] Si les conclusions expirent, il ne fait aucun doute pour Weijia que les importations de joints de tubes courts sous-évalués et subventionnés en provenance de la Chine vont reprendre, et que donc pour demeurer compétitive elle sera forcée d’affronter ses concurrents bille en tête et d’imiter leurs pratiques.Note de bas de page 36
Considérations et analyse sur la question du dumping
[68] Lorsqu’elle doit décider sous le régime de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si l’expiration de conclusions données risque d’entraîner la poursuite ou la reprise du dumping, l’ASFC peut considérer tous facteurs pertinents y compris ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.
[69] Comme nous l’avons déjà dit, quatre parties ont répondu au QRE de l’ASFC : les producteurs canadiens AOT et Tenaris Canada, l’importateur WestCan, et son exportateur lié Weijia. Le premier, le second et le quatrième ont également soumis des mémoires. Tous quatre font valoir dans leurs exposés que le dumping des joints de tubes courts en provenance de la Chine va vraisemblablement reprendre ou se poursuivre si le TCCE annule ses conclusions.
[70] Dans la PVE de l’ASFC, soit du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016, le marché sidérurgique chinois a connu une augmentation de l’offre. Qu Xiuli, secrétaire général en second de la China Iron and Steel Association (CISA), affirmait en mars 2014 que la suroffre serait difficile à réduire rapidement et qu’elle durerait sans doute jusqu’à la fin de 2014 étant donné que les aciéries n’avaient pas réduit leur production malgré leurs stocks imposants et leurs coûts de financement élevés. En janvier-février 2014, la production chinoise d’acier en lingots avait atteint un nouveau sommet de 2 217 millions de tonnes métriques (Mtm) par jour bien que les prix intérieurs diminuassent depuis septembre 2013.Note de bas de page 37
[71] À plus petite échelle, le diagnostic est semblable pour le marché des tubes sans soudure, dont les joints de tubes courts forment un petit sous-ensemble. D’après son office national de la statistique, le pays a atteint en 2013 une production record de 29,63 Mtm, grâce entre autres à une capacité nouvellement développée. China Metallurgical News, affilié à la CISA, avait fait la prédiction que la suroffre et l’attiédissement de la demande intérieure maintiendraient en 2014 les pressions à la baisse sur l’industrie des tubes en acier, et lancé l’avertissement que l’accélération de la production continuerait probablement, la surcapacité risquant d’aggraver le surplus dans les années à venirNote de bas de page 38. Pour 2013, la China Steel Pipe Association (CSPA) chiffre la capacité de production nationale de tubes sans soudure à 42 Mtm et son taux d’utilisation à 67 %, ce qu’elle décrit comme un signe de surcapacité importanteNote de bas de page 39 – à peu près 14 Mtm, en effet, qui pourraient être produits chaque année mais qui ne le sont pas.
[72] En Chine, alors même que des producteurs de tubes sans soudure augmentaient sensiblement leur production jusqu’à battre des records, les deux plus gros producteurs de pétrole et de gaz (PetroChina et Sinopec) réduisaient leurs dépenses d’immobilisation, ce qui a fait prédire une baisse de la demande intérieure de FTPP.Note de bas de page 40 Un administrateur de la CSPA a d’ailleurs affirmé en 2014 :
« La concurrence va être très féroce encore cette année. Certaines aciéries continueront de recourir à des pratiques déloyales, comme des prix beaucoup trop bas, pour décrocher des ventes. »
[73] Mettant cette concurrence malsaine au compte de la suroffre et de la faible concentration de l’industrie, cet administrateur accusait les aciéries de vendre des FTPP à perteNote de bas de page 41 – et sur les marchés d’exportation, le fait de vendre à perte s’appelle du dumping.
[74] En l’espèce, il est difficile de connaître précisément la production et les capacités des producteurs chinois. Les joints de tubes courts sont en effet un très petit sous-ensemble de la grande famille des FTPP (qui est composée surtout de caissons, de tubes, et de tiges de forage). Ils sont produits en petites quantités et rapportent relativement peu, de sorte que beaucoup d’entreprises n’en font pas une comptabilisation distincte. Les producteurs de FTPP, qui songent d’abord à fabriquer et à vendre des tubes et des caissons pleine longueur, peuvent très bien inclure les données de production des joints de tubes courts parmi celles des tubes ou des caissons en général, puisque à leurs yeux c’est ce qu’ils sont – en des tailles plus petites simplement. Mais si difficile qu’il soit de trouver des données exactes sur la production des joints de tubes courts, directement auprès des producteurs ou dans les publications spécialisées, le dossier de l’ASFC est assez complet en ce qui concerne les FTPP en général et aussi quelques producteurs chinois de joints de tubes courts.
[75] En 2013, 70 % de tous les laminoirs de tubes d’acier sans soudure au monde se trouvaient en ChineNote de bas de page 42, et le pays avait pour les FTPP une capacité de production dépassant les 10 Mtm par année. En 2014, c’est cinq des dix plus gros producteurs de tubes d’acier sans soudure au monde qui se trouvaient en Chine.Note de bas de page 43
[76] Parmi les producteurs chinois de FTPP qui fabriquent aussi des joints de tubes courts, mentionnons Shandong Molong Petroleum Machinery, qui se vante de pouvoir produire 650 000 tm/annéeNote de bas de page 44; Hengyang Valin Steel Tube, qui se dit capable de laminer 2 Mtm/année de tubes sans soudure grâce entre autres au nouveau laminoir qu’elle a installé en 2012Note de bas de page 45; Jiangsu Changbao Steel Tube, qui vante une capacité déjà disponible de 650 000 tm/année en plus de s’être procuré en 2014 un nouveau four à traitement thermique et une nouvelle machine à fileterNote de bas de page 46; et enfin WSP Holdings Ltd., qui serait capable de laminer jusqu’à 950 000 tm/année de tubes sans soudure.Note de bas de page 47
[77] En ce qui concerne plus particulièrement les joints de tubes courts, 84 producteurs chinois seraient agréés par l’API actuellement d’après la liste de l’organisme en date de mars 2016.Note de bas de page 48 Des recherches en ligne, sur alibaba.com par exemple, révèlent que beaucoup d’entre eux proposent leurs joints de tubes courts sur le Web. En plus de leurs prix de vente, ils affichent leurs capacités d’approvisionnement (c.-à-d. de production), lesquelles vont de 60 000 pièces par année à 6 000 tm/moisNote de bas de page 49 d’après les réponses données par six d’entre eux dont la capacité combinée avoisine les 126 000 tm/année. Compte tenu qu’il se rapporte à un échantillon très modeste, ce chiffre montre clairement que tous les producteurs chinois réunis pourraient fabriquer des joints de tubes courts en quantité énorme.
[78] Devant la concurrence féroce causée par la baisse des ventes et la surcapacité notable sur leur marché intérieur, les producteurs chinois de FTPP vont devoir compter encore sur l’exportation pour survivre; les conditions ne sont pas faciles pour eux, ni dans leur pays, ni sur le marché mondial de l’énergie. D’après le dossier, l’un aurait « haussé son objectif d’exportation », tandis qu’un autre aurait constaté qu’il devait « se concentrer sur l’exportationNote de bas de page 50 ». Considérée depuis des années comme le premier pays exportateur de FTPPNote de bas de page 51, la Chine n’est pas près de perdre ce titre si l’on en juge par l’imposant problème de surcapacité de ses producteurs et par les compressions chez les plus gros joueurs de son industrie gazière et pétrolière.
[79] Déjà, beaucoup de mesures antidumping sont en vigueur dans d’autres pays pour protéger les branches de production nationales contre l’acier sous-évalué de la Chine. L’Australie impose des droits sur 8 produits; l’Union européenne, sur 12; et les États-Unis, sur 24.Note de bas de page 52 Parmi les 44 produits de l’acier visés actuellement, 16 sont tubulaires. Revêt un intérêt particulier ici une conclusion des autorités américaines contre les FTPP (qui comprennent les joints de tubes courts) de Chine, à réviser dans cinq ans : en mai 2015, la U.S. International Trade Commission a effectivement déterminé que si les ordonnances contre les FTPP de Chine étaient révoquées, le dumping et le subventionnement continueraient ou recommenceraient assez rapidement à causer un dommage sensible causé à l’industrie américaine.Note de bas de page 53
[80] Au Canada, 11 différents produits de l’acier en provenance de Chine (sans compter les joints de tubes courts) sont aujourd’hui frappés de droits antidumping. Soulignons ici que beaucoup sont tubulaires, par exemple les tubes soudés en acier au carbone, les tubes pour pilotis, et surtout les tubes de canalisation, les FTPP et les caissons sans soudureNote de bas de page 54, ces trois derniers produits étant spécialement conçus pour l’industrie gazière et pétrolière à l’instar des joints de tubes courts. Les nombreuses mesures antidumping en vigueur un peu partout contre les produits tubulaires de Chine, mais surtout le fait que le Canada et les États-Unis prennent les mêmes mesures contre les FTPP, montre que les exportateurs de Chine sont toujours aussi offensifs pour vendre ce genre de marchandises à l’exportation.
[81] Répétons qu’en plus d’être assujettis à des conclusions au Canada, les joints de tubes courts en provenance de la Chine sont visés par une ordonnance aux États-Unis parce qu’englobés par la définition des FTPP de Chine. En mai 2015, la U.S. International Trade Commission a prolongé de cinq ans ses ordonnances de droits antidumping contre celles ci. Et puisque l’Amérique du Nord est un des plus gros marchés du monde pour les FTPP et que les marchés canadien et américain sont largement intégrés avec beaucoup d’acteurs en commun, il serait fort possible de voir les joints de tubes courts en provenance de la Chine réaffectés des États-Unis au Canada pour y être vendus à des prix sans plancher si l’ordonnance venait à expirer.
[82] Dans la première enquête en dumping sur les joints de tubes courts en provenance de la Chine (ouverte en 2011) comme dans le réexamen de 2015, Weijia a été le seul exportateur à participer. L’ASFC l’a avisé chaque fois par une lettre de décision qu’elle lui enverrait, mensuellement, des valeurs normales basées en partie sur le prix de vente des tubes vendus aux États Unis d’après la publication Pipe Logix. Il faut souligner que pendant la PVR Weijia était le seul exportateur chinois à vendre encore des marchandises en cause au Canada, en l’occurrence à son importateur lié WestCan. En ne collaborant pas au dernier réexamen et en se retirant du marché canadien bien que Weijia y demeurât, tous les autres exportateurs ont montré de façon éloquente qu’ils n’arrivent pas à être concurrentiels au Canada sans pratiquer le dumping.
[83] Tout aussi révélateurs sont les commentaires que certains producteurs chinois ont adressés à AOT après qu’elle a voulu connaître leurs prix : d’après ces commentaires, les clients canadiens auraient cessé d’acheter des joints de tubes courts en décembre 2011 à l’imposition des droits antidumping et compensateurs.Note de bas de page 55 Ces remarques portent à croire que certains exportateurs de Chine qui vendaient au Canada avant l’arrivée des droits antidumping n’en ont plus été capables par la suite.
[84] Pour juger à quels prix les joints de tubes courts en provenance de Chine risquaient de revenir sur le marché canadien en l’absence des conclusions, WestCan a relevé les prix de plusieurs fournisseurs chinoisNote de bas de page 56, puis elle en a comparé un échantillon avec les valeurs normales communiquées en février 2016 à sa société sœur Weijia pour les mêmes produitsNote de bas de page 57 – valeurs normales qui se sont avérées beaucoup plus élevées.Note de bas de page 58 Certes, seule une petite fraction des prix proposés ont été examinés et les fournisseurs n’avaient aucune idée comment l’ASFC détermine les valeurs normales, mais la démarche de WestCan aura quand même été utile puisqu’elle révèle où pourraient aller les prix de certains joints de tubes courts si l’ordonnance venait à être annulée.
[85] Pour établir si la poursuite ou la reprise du dumping est vraisemblable, il faut regarder au Canada la situation de l’industrie pétrolière et gazière, où les FTPP sont indispensables. Après avoir plafonné près de 115 $US en 2014, le prix du baril de pétrole a chuté à 27 $US en janvier 2016 et se tient depuis sous la barre des 50 $US. Ce déclin rapide, avec la faiblesse prolongée des cours du gaz, a frappé de plein fouet les travaux de forage au Canada : de 11 000 puits par année en 2013 et 2014, on est effectivement passé à 5 300 en 2015 puis à 3 400 en 2016 (prévision pour l’ensemble de l’année).Note de bas de page 59 Toute l’industrie a répondu à l’effondrement des cours par une compression radicale de ses dépenses. Moins de forage et de dépenses dans le secteur signifie plus de pression sur les prix des joints de tubes courts, pour les producteurs canadiens comme étrangers.
Décision concernant la probabilité que le dumping se poursuive ou reprenne
[86] D’après l’information au dossier indiquant l’imposante capacité des producteurs chinois de joints de tubes courts et autres FTPP, conjuguée au recul de la demande intérieure pour ces produits dans leur pays; les mesures antidumping que plusieurs pays dont le Canada prennent déjà contre ces produits ou contre des produits étroitement apparentés en provenance de Chine; et l’incapacité de tous les exportateurs sauf un à vendre des joints de tubes courts au Canada sans pratiquer le dumping, l’ASFC détermine que l’expiration de l’ordonnance sur les joints de tubes courts originaires ou exportés de Chine entraînera vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping de ceux-ci.
Position des parties sur la question du subventionnement
Parties selon qui il serait vraisemblable que l’importation de marchandises en cause subventionnées se poursuive ou reprenne
[87] AOT, Tenaris Canada, Weijia et WestCan considèrent toutes comme vraisemblable que les importations de joints de tubes courts subventionnés en provenance de Chine se poursuivent ou reprennent si jamais les conclusions du TCCE viennent à expirer.
[88] AOT note qu’au début du dernier réexamen des joints de tubes courts, FTPP et caissons sans soudure la liste de l’ASFC contenait 67 programmes de subvention chinois pouvant peut être donner lieu à une action, et qu’à la fin du réexamen le 14 décembre 2015 elle en contenait 46 de plus. Tous ces programmes offerts aux producteurs et exportateurs sont une preuve patente selon AOT que le gouvernement de la Chine continue de perturber le libre échange international en subventionnant son secteur manufacturier.Note de bas de page 60
[89] Weijia rappelle qu’il est le seul exportateur chinois de joints de tubes courts à avoir participé au réexamen de l’ASFC conclu en décembre 2015, preuve patente selon lui que les autres ne sont pas en mesure de vendre des joints de tubes courts au Canada à juste prix.Note de bas de page 61
[90] WestCan fait remarquer que le montant de subvention attribué à Weijia par l’ASFC est passé de 563,9 renminbi la tonne métrique (RMB/tm) au terme de l’enquête initiale jusqu’à un maigre 0,04 RMB pièce au terme du réexamen de 2015. WestCan affirme que sa société sœur ne s’est pas prévalue des subventions après l’enquête initiale, preuve qu’elle avait l’intention d’exporter au Canada à juste prix.Note de bas de page 62
[91] Par son taux de subvention et sa participation à l’enquête et au réexamen, Weijia se démarque nettement des autres producteurs et exportateurs chinois, qui n’ont participé ni à l’enquête initiale ni au réexamen de 2015. Au terme de son enquête initiale, l’ASFC avait fixé le montant de subvention pour tous les autres exportateurs à 9 125,6 RMB/tm, mesure qui selon WestCan s’est avérée efficace pour empêcher les importations de marchandises en cause subventionnées dans la PVR. Quant à la non-participation des autres producteurs et exportateurs, WestCan l’interprète comme un signe qu’ils ne peuvent pas et ne veulent pas non plus exporter sans se prévaloir de subventions.Note de bas de page 63
[92] AOT, Tenaris Canada, Weijia et WestCan donnent toutes, dans leur mémoire ou leur réponse au QRE, des exemples de droits compensateurs dont d’autres pays frappent les produits de l’acier et produits tubulaires en provenance de Chine.Note de bas de page 64 Elles font valoir qu’avec des mesures compensatoires aussi nombreuses, il est plus que vraisemblable que les importations de marchandises en cause subventionnées se poursuivraient si le TCCE laissait expirer ses conclusions.
[93] Les quatre parties donnent aussi des exemples de mesures compensatoires en vigueur au Canada contre des marchandises semblables en provenance de Chine.Note de bas de page 65 Que ces mesures s’avèrent aussi nombreuses est une preuve selon elles que, les producteurs chinois ayant tendance à exporter des marchandises subventionnées, ils recommenceraient à le faire pour les joints de tubes courts si les conclusions venaient à expirer.
Considérations et analyse sur la question du subventionnement
[94] Pour déterminer en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si l’expiration des conclusions risque de faire reprendre ou se poursuivre les importations de marchandises en cause subventionnées de la Chine, l’ASFC peut considérer tous facteurs pertinents, y compris ceux au paragraphe 37.2(1) du RMSI.
[95] Weijia est le seul exportateur à avoir participé à l’enquête initiale de 2011 sur la question du subventionnement. L’ASFC a constaté à ce moment-là qu’il avait tiré un avantage de deux programmes :
- Politiques fiscales préférentielles pour les entreprises à participation étrangère
- Aide à l’exportationNote de bas de page 66
Le montant de subvention total pour ces deux programmes combinés a été chiffré à 563,9 RMB/tm. L’Énoncé des motifs de la décision définitive explique en détail en quoi ces programmes consistent et pourquoi ils donnent lieu à des droits compensatoires.Note de bas de page 67
[96] Pour les exportateurs non coopératifs, c.-à-d. tous les autres, le montant de subvention a été fixé à 9 125,6 RMB/tm par une prescription ministérielle en vertu du paragraphe 30.4(2) de la LMSI.Note de bas de page 68
[97] Il y a eu plus tard un réexamen, qui s’est conclu le 14 décembre 2015. Encore une fois, seul Weijia y a participé; son montant de subvention est descendu à 0,04 RMB pièce, tandis que celui des exportateurs non coopératifs demeurait à 9 125,6 RMB/tm.Note de bas de page 69
[98] Que ce soit dans l’enquête initiale de 2011 ou dans le réexamen de 2015, le gouvernement de la Chine n’a pas donné une réponse assez complète pour que l’ASFC puisse déterminer le montant de subvention selon le paragraphe 30.4(1) de la LMSI.Note de bas de page 70 Et dans le réexamen relatif à l’expiration qui fait l’objet de la présente, il n’a pas répondu au QRE. Ses subventions à Weijia par le passé indiquent une probabilité que les joints de tubes courts de la Chine continueront d’être subventionnés si le TCCE annule ses conclusions.
[99] Le gouvernement de la Chine s’avère avoir conféré un avantage aux producteurs, non seulement de joints de tubes courts, mais de FTPP – la grande famille à laquelle appartiennent les joints de tubes courts. L’ASFC a fait en 2015 un réexamen des valeurs normales, des prix à l’exportation et des montants de subvention de certains caissons sans soudure, FTPP et joints de tubes courts en provenance de Chine. Au terme de celui-ci le 14 décembre 2015, elle a attribué des montants de subvention à 11 exportateurs différents de caissons sans soudure et de FTPP qui avaient participé au réexamen; ces montants de subvention allaient de 2,20 à 1 066,56 RMB/tm.Note de bas de page 71 Il faut souligner que neuf des 11 exportateurs détiennent un agrément API 5CT confirmant qu’ils sont aussi capables de fabriquer des joints de tubes courts.Note de bas de page 72 Autant de signes que les programmes de subvention chinois ne se limitent pas aux seuls producteurs de marchandises en cause, mais s’adressent aux producteurs de FTPP en général, un secteur beaucoup plus vaste de l’industrie sidérurgique.
[100] Au début du réexamen susmentionné, la liste de l’ASFC contenait 67 programmes de subvention à la disposition des producteurs et exportateurs chinois et susceptibles de donner lieu à une action. Mais pendant le réexamen, 46 se sont ajoutés à mesure que l’ASFC vérifiait et examinait les réponses des exportateurs participants.Note de bas de page 73 Ce nombre imposant, et toujours croissant, montre que le gouvernement de la Chine offre beaucoup d’encouragements aux producteurs de FTPP et de joints de tubes courts dans son pays.
[101] Aujourd’hui, six produits de l’acier tubulaires en provenance de Chine sont frappés de droits compensateurs au Canada : les tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, les tubes soudés en acier au carbone, les gros tubes de canalisation, les FTPP, les tubes pour pilotis, et les caissons sans soudure. Trois (les tubes de canalisation, les FTPP et les caissons sans soudure) sont destinés spécialement à l’industrie pétrolière et gazière. À cela s’ajoutent cinq produits d’acier non tubulaires. Que tant de mesures compensatoires soient en vigueur au Canada contre les produits d’acier de ce pays porte certainement à croire que le gouvernement de la Chine accorde beaucoup d’importance à son industrie sidérurgique nationale et qu’il la subventionne en conséquence.
[102] De nombreuses mesures compensatoires contre les produits tubulaires et autres produits d’acier de la Chine sont en vigueur en Australie et aux États-Unis.Note de bas de page 74 Soulignons en particulier que le département du Commerce des États-Unis impose des droits compensateurs sur les FTPP, et que sa définition des FTPP comprend les joints de tubes courts – ceux-là même qui font l’objet de droits au Canada. En mai 2015, la U.S. International Trade Commission a prolongé de cinq ansNote de bas de page 75 ses mesures compensatoires contre les FTPP de Chine, encore un signe que les producteurs chinois de joints de tubes courts et autres FTPP continuent à obtenir de leur gouvernement des avantages pouvant donner lieu à une action.
Décision concernant la probabilité que se poursuivent ou reprennent les importations de marchandises subventionnées
[103] D’après l’information au dossier indiquant que les exportateurs chinois continuent à toucher des subventions; ils profitent de l’aide que le gouvernement de la Chine accorde aux producteurs dans l’industrie sidérurgique, et leurs marchandises font aussi l’objet de mesures compensatoires au Canada comme ailleurs, l’ASFC détermine que l’importation au Canada de joints de tubes courts subventionnés originaires ou exportés de Chine va reprendre selon toute vraisemblance si l’ordonnance doit expirer.
Conclusion
[104] Afin de prendre une décision en l’espèce, l’ASFC a procédé à une analyse selon les facteurs du paragraphe 37.2(1) du RMSI. Ainsi le 30 novembre 2016, d’après son étude des facteurs pertinents et son analyse des éléments de preuve au dossier, l’ASFC détermine conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI que l’expiration des conclusions rendues par le TCCE le 10 avril 2012 dans l’enquête n NQ-2011-001 entraînerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise :
- du dumping au Canada de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de Chine;
- de l’importation au Canada de certains joints de tubes courts subventionnés originaires ou exportés de Chine.
Mesures à venir
[105] Le 1er décembre 2016, le TCCE a ouvert son enquête pour déterminer si la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des joints de tubes courts en provenance de Chine causerait vraisemblablement un dommage; d’après le calendrier, il rendra sa décision d’ici le 7 avril 2017.
[106] Si le TCCE détermine que l’expiration de ses ordonnances causera vraisemblablement un dommage, il les prorogera, avec ou sans modification. Alors l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées, et des droits compensateurs sur les importations subventionnées de marchandises en cause.
[107] Si au contraire le TCCE détermine que l’expiration de ses ordonnances ne causera vraisemblablement pas de dommage, il les annulera, et aucuns droits antidumping ni compensateurs ne seront plus perçus sur les importations de marchandises en cause.
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