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Éconcé des motifs — Décision rendue dans un réexamen relatif à l’expiration : Tôles d’acier au carbone laminées à chaud 5 (PLA5 2024 ER)

D’une décision rendue dans un réexamen relatif à l’expiration en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

Décision

Ottawa, le 

Le 6 mars 2025, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration de l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 31 octobre 2019 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2018-007 ne causerait vraisemblablement pas la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

Sur cette page

Résumé

[1] Le 7 octobre 2024, conformément au paragraphe 76.03(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance rendue le 31 octobre 2019 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2018-007 concernant le dumping de tôles d’acier au carbone laminées à chaud (« certaines tôles d’acier » ou « tôles d’acier ») originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque (Tchéquie) et de la Roumanie (les pays visés).

[2] Par suite du réexamen relatif à l’expiration du TCCE, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, une enquête pour établir si l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause des pays visés.

[3] L’ASFC a reçu une réponse à son questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) d’Algoma Steel Inc. (AlgomaNote de bas de page 1) et d’Evraz Inc. NA Canada (EvrazNote de bas de page 2), des producteurs entièrement intégrés de tôles d’acier laminées à chaud au Canada. Dans leurs exposés, Algoma et Evraz ont exprimé le point de vue que la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud des pays visés est vraisemblable si l’ordonnance du TCCE est annulée, et ont fourni des renseignements à l’appui. De plus, Algoma a fourni à l’ASFC des renseignements supplémentaires avant la clôture du dossier à l’appui de son point de vue.

[4] L’ASFC a reçu des réponses à son QRE des centres de services canadiens suivants, qui produisent aussi des tôles d’acier en cause : Acier Nova Inc.Note de bas de page 3, Coilex Inc.Note de bas de page 4, Janco Steel Ltd.Note de bas de page 5, Russel MetalsNote de bas de page 6 et SSAB Central Inc. (SSABNote de bas de page 7). Aucun des producteurs de centres de services n’a exprimé de point de vue dans leurs réponses au QRE quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping de certaines tôles d’acier des pays visés si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[5] L’ASFC a reçu une réponse à son QRE de l’importateur canadien de certaines tôles d’acier, Olbert Metal Sales LimitedNote de bas de page 8. Olbert Metal Sales Limited n’a pas exprimé de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping des marchandises en cause.

[6] L’ASFC n’a pas reçu de réponse à son QRE de producteurs/exportateurs de certaines tôles d’acier des pays visés.

[7] Des mémoires ont été reçus au nom des producteurs canadiens, AlgomaNote de bas de page 9 et EvrazNote de bas de page 10. De plus, des lettres d’appui au mémoire déposé par Algoma ont été reçues de SSABNote de bas de page 11 et de Nova Steel Inc.Note de bas de page 12.

[8] L’ASFC n’a pas reçu de mémoire de toute autre partie. Les mémoires présentés par les deux producteurs canadiens contenaient des renseignements à l’appui de leur point de vue que la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause est vraisemblable si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[9] Aucune partie intéressée n’a présenté de contre-exposé.

[10] En ce qui concerne la Bulgarie, l’analyse de l’information au dossier indique que : le producteur bulgare de tôles d’acier exporte surtout vers le marché européen; le producteur bulgare de tôles d’acier s’intéresse peu au marché canadien; le producteur bulgare de tôles d’acier vend sur d’autres marchés à des prix non sous-évalués; et d’autres pays n’ont pas pris de mesures antidumping à l’endroit du producteur bulgare de tôles d’acier.

[11] En ce qui concerne la Tchéquie, l’analyse de l’information au dossier indique que : les producteurs tchèques de tôles d’acier ont maintenu des taux d’utilisation de la capacité stables sur un marché européen difficile sans recourir au dumping; les producteurs tchèques de tôles d’acier exportent surtout vers le marché européen; les producteurs tchèques de tôles d’acier s’intéressent peu au marché canadien; les producteurs tchèques de tôles d’acier vendent sur d’autres marchés à des prix non sous-évalués; et d’autres pays n’ont pas pris de mesures antidumping à l’endroit des producteurs tchèques de tôles d’acier.

[12] En ce qui concerne la Roumanie, l’analyse de l’information au dossier indique que : le producteur roumain de tôles d’acier a dû arrêter la production à plusieurs reprises en raison des conditions difficiles du marché; le producteur roumain de tôles d’acier s’intéresse peu au marché canadien; le producteur roumain de tôles d’acier vend sur d’autres marchés à des prix non sous-évalués; les États-Unis ont annulé leurs conclusions à l’égard des tôles d’acier originaires ou exportées de la Roumanie; et d’autres pays n’ont pas pris de mesures antidumping à l’endroit du producteur roumain de tôles d’acier ces dernières années.

[13] C’est pourquoi, après étude des renseignements pertinents au dossier, et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a décidé le 6 mars 2025 que l’expiration de l’ordonnance concernant certaines tôles d’acier originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie ne causerait vraisemblablement pas la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises au Canada.

Contexte

[14] Le 13 juin 2003, à la suite d’une plainte déposée par Algoma Steel Inc. et appuyée par IPSCO (maintenant Evraz Inc. NA Canada) et Stelco Inc. (maintenant Stelco Holdings Inc.), l’ASFC a ouvert une enquête en vertu du paragraphe 31(1) de la LMSI sur le dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[15] Le 9 décembre 2003, en vertu du paragraphe 41(1) de la LMSI, le commissaire des douanes et du revenu a rendu une décision définitive de dumping concernant les marchandises de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[16] Le 9 janvier 2004, en vertu du paragraphe 43(1) de la LMSI, le TCCE a jugé dans l’enquête NQ-2003-002 que le dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie avait causé un dommage à la branche de production nationale (canadienne).

[17] Le 24 avril 2008, en vertu du paragraphe 76.03(3) de la LMSI, l’ASFC a ouvert un réexamen relatif à l’expiration concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud. Le 21 août 2008, conformément à l’alinéa 76.03(7)a), elle a décidé que l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[18] Le 8 janvier 2009, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2008-002, le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant ses conclusions à l’égard de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[19] Le 16 juillet 2010, l’ASFC a conclu son dernier réexamen visant à mettre à jour les valeurs normales et les prix à l’exportation pour certaines tôles d’acier laminées à chaudNote de bas de page 13. Aucun exportateur n’y a coopéré. Par conséquent, toutes les importations de marchandises en cause sont assujetties à des droits antidumping équivalents à 74,6 % du prix à l’exportation déclaré, conformément à une prescription ministérielle.

[20] Le 25 avril 2013, en vertu du paragraphe 76.03(3) de la LMSI, l’ASFC a ouvert un réexamen relatif à l’expiration concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud. Le 22 août 2013, conformément à l’alinéa 76.03(7)a), elle a décidé que l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[21] Le 7 janvier 2014, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-002, le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant son ordonnance à l’égard de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[22] Le 22 juin 2018, le TCCE a informé les parties aux réexamens relatifs à l’expiration RR-2013-002 et RR-2014-002 et à l’enquête NQ-2013-005 de l’ouverture d’un réexamen intermédiaire visant à évaluer l’importance et la performance des centres de services sur le marché canadien de 2012 à 2013. Le TCCE s’inquiétait surtout de ce que le volume de production des centres de services au cours de ces années ait été plus important que celui estimé dans les procédures susmentionnées et, le cas échéant, qu’il ait porté atteinte au bien-fondé de ses décisions de dommage dans ces mêmes procédures.

[23] Le 27 décembre 2018, au sujet du réexamen intermédiaire, le TCCE a prorogé sans modification ses ordonnances et conclusions dans les procédures susmentionnées conformément à l’alinéa 76.01(5)a) de la LMSINote de bas de page 14.

[24] Le 28 décembre 2018, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, l’ASFC a ouvert un réexamen relatif à l’expiration concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud. Le 24 mai 2019, conformément à l’alinéa 76.03(7)a), l’ASFC a décidé que l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[25] Le 31 octobre 2019, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2018-007, le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant son ordonnance à l’égard de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

[26] Le 7 octobre 2024, conformément au paragraphe 76.03(1) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance rendue le 31 octobre 2019 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2018-007.

[27] Le 8 octobre 2024, l’ASFC a ouvert une enquête de réexamen relatif à l’expiration pour établir si l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie.

Les produits

Définition

[28] Les marchandises en cause dans la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration se définissent comme suit :

Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur variant de 24 pouces (+/-610 mm) à 152 pouces (+/-3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/-4,75 mm) à 4 pouces (+/-101,6 mm) inclusivement, originaires ou exportées de la République de Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie, à l’exclusion des tôles fabriquées selon les spécifications A515 et A516M/A516 de l’American Society for Testing and Materials (ASTM), nuance 70, d’une épaisseur supérieure à 3,125 pouces (+/-79,3 mm), des larges-plats, des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux et des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »).

Précisions

[29] Des normes de l’ASTM, par exemple A6/A6M et A20/A20M, reconnaissent les écarts admissibles dans les dimensions.

[30] Il y a lieu de noter que les dimensions métriques équivalentes dans la définition des produits sont des chiffres arrondis, comme les symboles « +/- » l’indiquent.

[31] La fabrication de certaines tôles d’acier laminées à chaud répond à certaines spécifications de l’Association canadienne de normalisation (ACNOR), de l’ASTM ou à d’autres spécifications reconnues; ainsi, les produits de tout fabricant, national ou étranger, sont interchangeables, quelle que soit l’application. Par conséquent, le prix est le facteur le plus important dans le choix d’une source d’approvisionnement. La spécification la plus courante au Canada est G40.21 300W/44W de l’ACNOR.

Classement des importations

[32] Les marchandises en cause s’importent généralement au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  1. 7208.51.00.11
  2. 7208.51.00.12
  3. 7208.51.00.19
  4. 7208.51.00.21
  5. 7208.51.00.22
  6. 7208.51.00.23
  7. 7208.51.00.24
  8. 7208.51.00.25
  9. 7208.51.00.31
  10. 7208.51.00.32
  11. 7208.51.00.33
  12. 7208.51.00.34
  13. 7208.51.00.35
  14. 7208.51.00.41
  15. 7208.51.00.42
  16. 7208.51.00.43
  17. 7208.51.00.44
  18. 7208.51.00.45
  19. 7208.51.00.51
  20. 7208.51.00.52
  21. 7208.51.00.53
  22. 7208.51.00.54
  23. 7208.51.00.55
  24. 7208.51.00.61
  25. 7208.51.00.62
  26. 7208.51.00.63
  27. 7208.51.00.64
  28. 7208.51.00.65
  29. 7208.52.00.11
  30. 7208.52.00.12
  31. 7208.52.00.19
  32. 7208.52.00.81
  33. 7208.52.00.82
  34. 7208.52.00.83
  35. 7208.52.00.84
  36. 7208.52.00.85

[33] Avant le 1er janvier 2022, les marchandises en cause s’importaient généralement au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  1. 7208.51.00.10
  2. 7208.51.00.91
  3. 7208.51.00.92
  4. 7208.51.00.93
  5. 7208.51.00.94
  6. 7208.51.00.95
  7. 7208.52.00.10
  8. 7208.52.00.91
  9. 7208.52.00.92
  10. 7208.52.00.93
  11. 7208.52.00.96

[34] Ces numéros de classement tarifaire sont fournis à titre purement informatif; seule la définition des produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Période visée par le réexamen

[35] La période visée par le réexamen (PVR) pour l’enquête de réexamen relatif à l’expiration de l’ASFC est du 1er janvier 2021 au 30 septembre 2024.

Branche de production nationale

[36] La branche de production nationale de certaines tôles d’acier laminées à chaud comprend les deux aciéries intégrées suivantes :

  • Algoma Steel Inc., de Sault Ste. Marie (Ontario)
  • Evraz Inc. NA Canada, de Regina (Saskatchewan)

Algoma Steel Inc.

[37] Algoma est un important producteur de fer et d’acier. Algoma a une capacité de production annuelle d’environ 3,7 millions de tonnes métriques (tm) d’acier brut et d’environ 3,4 millions tm d’acier fini. Algoma a achevé la phase 1 du projet de modernisation du laminoir à tôles fortes en 2022, et achèvera la phase 2 en 2024. Ce projet augmentera la capacité de production d’Algoma et améliorera la qualité des tôles produites.

[38] Algoma Steel Corporation, Limited a initialement été établie en 1901. Le 1er juin 1992, Algoma est devenue une société constituée en personne morale menant les activités de son prédécesseur. Le 29 janvier 2002, la société a été soumise à une réorganisation selon un plan d’arrangement et de réorganisation au titre de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). En juin 2007, Algoma a fusionné avec Essar Steel Holdings Ltd. Le 8 mai 2008, la société a été rebaptisée Essar Steel Algoma Inc.

[39] Le 9 novembre 2015, Essar Steel Algoma Inc. a entrepris une restructuration financière supervisée par le tribunal après s’être placée sous la protection de la LACC. Le 30 novembre 2018, un groupe de créanciers a acheté les actifs de la société, qui est sortie de la protection de la LACC en tant qu’« Algoma Steel Inc. ».

[40] Le 24 mai 2021, Algoma a annoncé avoir conclu une entente de fusion avec Legato Merger Corp., selon laquelle elle deviendrait une société cotée en bourse dont les actions ordinaires seraient négociées au Nasdaq Stock Market. Le 21 octobre 2021, Algoma est devenue une société ouverte et ses actions ordinaires ont commencé à être négociées au Nasdaq Stock Market et à la Bourse de TorontoNote de bas de page 15.

Evraz Inc. NA Canada

[41] Evraz fabrique des tôles, des feuillards et des produits tubulaires pour le secteur énergétique et d’autres secteurs, en plus de transformer des bobines, le tout dans quatre usines au Canada. Les usines de Calgary, Red Deer et Camrose (Alberta) fabriquent des produits tubulaires. Celle de Regina est le plus gros complexe sidérurgique de l’Ouest canadien, Evraz y fabriquant des tôles, des feuillards et des produits tubulaires. C’est là seulement qu’elle fabrique des tôles d’acier.

[42] L’usine de Regina d’Evraz correspond à l’ancienne IPSCO Inc. (« IPSCO »), qui a été constituée en société en 1956 sous le nom de Prairie Pipe Manufacturing Co. Ltd. Elle a entamé les activités en 1957 après avoir terminé la construction d’une usine de fabrication de tuyaux soudés par résistance électrique à Regina. En 1959, la société a acheté les actifs d’Interprovincial Steel Corp. Ltd. et, en 1960, a commencé à produire de l’acier laminé à plat, y compris les marchandises en cause. Depuis, la société a renforcé ses capacités de fabrication et a créé des entreprises de ferraille au Canada et aux États-Unis en achetant et en construisant des usines.

[43] Le 17 juillet 2007, SSAB, une filiale à part entière de l’entreprise suédoise, SSAB Svenkst Stahl, a acheté toutes les actions d’IPSCO et de ses filiales. Sous la direction de SSAB, IPSCO a été réorganisée pour ne détenir que l’usine de Regina et celles de Calgary, Camrose et Red Deer, ainsi que celle de Surrey auparavant détenue, notamment par l’intermédiaire d’une filiale à part entière, IPSCO Canada Inc.

[44] Le 12 juin 2008, Evraz Group S.A., maintenant une filiale à part entière d’Evraz plc, a acheté IPSCO et ses filiales à SSAB par une acquisition d’actions.

[45] Le 15 octobre 2018, IPSCO et IPSCO Canada Inc. ont été rebaptisées Evraz Canada et Evraz Inc. NA Canada West respectivement. Le 1er janvier 2009, Evraz Inc. NA Canada West a été intégrée à Evraz Canada.

[46] Le 13 décembre 2013, Evraz a vendu à Samuel, Son & Co toute son usine de tôles coupées à longueur à Surrey (Colombie-Britannique).

[47] Le 27 juin 2014, Evraz a vendu à Varsteel sa chaîne de produits coupés à longueur et ses actifs connexes à Regina (Saskatchewan). Evraz y a conservé sa chaîne de production de tôles fortesNote de bas de page 16.

Centres de services de l'acier

[48] Même si leurs procédés de fabrication diffèrent dans une certaine mesure de ceux d’Algoma et d’Evraz, les centres de services de l’acier fabriquent et vendent les mêmes produits sur le marché canadien, aux mêmes utilisateurs finaux, pour essentiellement les mêmes utilisationsNote de bas de page 17. Par conséquent, la branche de production nationale de certaines tôles d’acier laminées à chaud se compose aussi des centres de services de l’acier suivants :

  • Acier Nova Inc.
  • Coilex Inc.
  • Janco Steel
  • Métal Pless
  • Russel Metals Ltd.
  • Samuel, Son & Co., Limited
  • SSAB Central Inc.

Marché canadien

[49] Le marché canadien apparent de certaines tôles d’acier dans la PVR est présenté dans le tableau 1 et le tableau 2 ci-dessous.

Tableau 1 : Marché canadien apparent de certaines tôles d’acierNote de bas de page 18
(valeur en dollars canadiens)
Provenance 2021 2022 2023 2024 (janv.-sept.)
Ventes intérieures canadiennes 787 979 338 832 152 955 700 057 776 532 020 957
Bulgarie 0 0 0 0
Tchéquie 0 0 0 0
Roumanie 0 0 0 0
Total des marchandises en cause 0 0 0 0
Tous les autres pays 630 759 834 632 149 170 581 054 701 309 688 526
Total des importations 630 759 834 632 149 170 581 054 701 309 688 526
Marché total 1 418 739 172 1 464 302 125 1 281 112 477 841 709 483
Tableau 2 : Marché canadien apparent de certaines tôles d’acierNote de bas de page 19
(quantité en tonnes métriques)
Provenance 2021 2022 2023 2024 (janv.-sept.)
Ventes intérieures canadiennes 471 460 392 378 386 858 313 583
Bulgarie 0 0 0 0
Tchéquie 0 0 0 0
Roumanie 0 0 0 0
Total des marchandises en cause 0 0 0 0
Tous les autres pays 435 525 309 063 314 096 196 532
Total des importations 435 525 309 063 314 096 196 532
Marché total 906 986 701 441 700 954 510 115

Production canadienne

[50] D’après les chiffres sur le marché canadien apparent dans le tableau 1 ci-dessus, les ventes au Canada de certaines tôles d’acier provenant de la production nationale ont diminué au cours de la PVR. En particulier, la valeur des ventes totales a diminué de 11,2 %, passant de 787 millions de dollars en 2021 à 700 millions de dollars en 2023.

[51] Les ventes au Canada de certaines tôles d’acier provenant de la production nationale, en pourcentage du marché canadien apparent, ont aussi diminué dans la PVR, passant de 55,5 % en 2021 à 54,6 %, en 2023. Cependant, à la fin du troisième trimestre (T3) 2024, ces ventes avaient augmenté dans l’ensemble par rapport aux années précédentes pour représenter 63,2 % du marché.

[52] Vu l’augmentation de la part du marché des ventes provenant de la production nationale au T3 2024, il y a eu une baisse globale de la valeur des ventes d’une année à l’autre de 2023 à 2024, si l’on calcule au prorata les chiffres du T3 2024 pour l’année complète.

[53] Si l’on prend le volume de ventes selon le tableau 2, les tendances sont similaires. Les ventes ont diminué de 17,9 %, passant de 471 460 tm en 2021 à 386 858 tm en 2023. De même, le marché canadien total a diminué de 23,0 %, de 909 986 tm en 2021 à 700 954 tm en 2023.

[54] D’après les données présentées dans le tableau 2, la part des producteurs nationaux du marché canadien apparent en pourcentage du volume total a augmenté, de 52,0 % en 2021 à 55,2 % en 2022, puis a encore augmenté pour atteindre 61,5 % à la fin du T3 2024.

Importations des pays visés

[55] Dans la PVR, il n’y a eu aucune importation de marchandises en cause des pays visés.

Importations des pays visés

[56] Dans la PVR, la valeur totale en dollars des tôles d’acier laminées à chaud des autres pays (c.-à-d. les pays non visés) en pourcentage du marché canadien apparent était de 44,5 % en 2021, de 43,2 % en 2022, de 45,4 % en 2023 et de 36,8 % dans les neuf premiers mois de 2024. Le volume des importations des autres pays en pourcentage du marché canadien apparent était de 48,0 % en 2021, de 44,1 % en 2022, de 44,8 % en 2023 et de 38,5 % dans les neuf premiers mois de 2024. Par conséquent, les importations de marchandises en cause des autres pays ont diminué constamment depuis 2021 et ont encore diminué dans les neuf premiers mois de 2024.

Perception des droits

[57] Aux fins d’exécution de l’ordonnance du TCCE dans la PVR, comme on peut le voir dans le tableau 3 ci-dessous, des droits antidumping n’ont pas été perçus puisqu’il n’y a eu aucune importation de marchandises en cause des pays visésNote de bas de page 20.

Tableau 3 : Perception des droits — importations de marchandises en cause de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la RoumanieNote de bas de page 21
(valeur en dollars canadiens)
Provenance 2021 2022 2023 2024 (janv.-sept.)
Bulgarie 0 0 0 0
Tchéquie 0 0 0 0
Roumanie 0 0 0 0

Renseignements pris en compte par l'ASFC

[58] Le 8 octobre 2024, l’ASFC a envoyé un avis d’ouverture d’enquête de réexamen relatif à l’expiration et un QRE aux producteurs canadiens, importateurs et exportateurs connus.

[59] Les QRE demandaient des renseignements nécessaires à la prise en compte par l’ASFC des facteurs pertinents de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).

[60] Sept producteurs canadiens (deux aciéries intégrées et cinq centres de services) et un importateur ont participé à l’enquête de réexamen relatif à l’expiration et ont répondu au QRE. Aucun des exportateurs avec qui l’ASFC a communiqué aux fins de la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration n’a répondu au QRE qu’elle leur a envoyé à l’ouverture.

[61] L’ASFC a reçu des mémoires au nom des plaignantes, Algoma, Evraz et SSAB. Elle n’a reçu aucun autre mémoire ou contre-exposé de toute autre partie qu’elle a avisée au moment d’ouvrir l’enquête de réexamen relatif à l’expiration.

Dossier administratif

[62] Les renseignements que l’ASFC a pris en compte aux fins de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse figurent au dossier administratif. Ce dossier contient les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l’ASFC, laquelle comprend les pièces justificatives de l’ASFC et les renseignements présentés par les parties intéressées, notamment ceux qu’elles estiment pertinents pour la décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping en l’absence de l’ordonnance du TCCE. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités au Canada ou ailleurs, des documents d’organismes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et des réponses au QRE présentées par des producteurs au Canada, des exportateurs et des importateurs.

[63] Dans toute enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut être versé au dossier administratif; ici, c’était le 27 novembre 2024. Il s’agit en effet de donner le temps aux participants de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après ce qui se trouve au dossier administratif en date de sa clôture.

Position des parties : Dumping

Parties selon qui le dumping risque fort de se poursuivre ou de reprendre

Algoma

[64] Algoma, un producteur canadien, a présenté des observations dans son mémoire à l’appui de son point de vue que la poursuite ou la reprise du dumping en provenance de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie est vraisemblable si l’ordonnance est annulée. Par conséquent, Algoma fait valoir que la mesure devrait être maintenue.

[65] Les principaux facteurs recensés par Algoma peuvent se résumer comme suit :

  • la COVID-19 et le marché international des tôles;
  • les conditions du marché international de l’acier;
  • les conditions dans les pays visés;
  • les conditions du marché canadien;
  • et la concurrence à bas prix en provenance d’autres sources d’importation.
La COVID-19 et le marché international des tôles

[66] Algoma souligne que, pour évaluer la preuve et appliquer les facteurs prévus au RMSI, l’ASFC doit tenir compte des effets de la pandémie de COVID-19 sur les marchés des tôles dans la PVR. Aux fins de la présente procédure, Algoma résume les effets les plus pertinents de la COVID-19 en deux facteurs.

[67] Premièrement, la COVID-19 a causé une volatilité importante des prix sur les marchés des tôles à l’échelle mondiale. Algoma soutient que les prix en Amérique du Nord ont atteint un creux en août 2020 après le début de la pandémie aux T1-T2 2020, mais ont ensuite augmenté chaque trimestre jusqu’à la fin de 2021. Algoma souligne qu’il s’agissait d’une tendance mondiale et que chaque marché suivi par la publication sur les prix de l’acier de MEPS International a affiché de fortes hausses à partir du T4 2020 et jusqu’à au moins le T2 2022. Algoma affirme que la montée des prix après le ralentissement initial dû à la COVID-19 a entraîné des prix record de l’acier, qui se sont depuis modérés et se situent bien en deçà des pics de 2021-2022Note de bas de page 22.

[68] Deuxièmement, la COVID-19 a provoqué des pénuries généralisées dans l’économie mondiale en 2021, alors que la demande se redressait. Algoma soutient que, lors des confinements initiaux dus à la COVID-19, de nombreux producteurs ont vidé leurs stocks d’acier et ont mis à l’arrêt leurs capacités de production. Lorsque la demande s’est redressée, les chaînes d’approvisionnement n’étaient pas prêtes à y répondre. La pression sur l’offre, jumelée à la pénurie mondiale de conteneurs d’expédition, a entraîné une flambée des prix des tôles à la fin de 2021 et au début de 2022Note de bas de page 23.

Les conditions du marché international

[69] Algoma soutient que les conditions du marché international apportent un élément de contexte important pour les tendances macroéconomiques influant sur les tôles. En particulier, on fait valoir que plusieurs développements mondiaux influent actuellement sur le marché des tôles, lesquels rendraient le marché intérieur canadien vulnérable à la reprise du dumping si l’ordonnance est annulée. Ces développements sont approfondis ci-dessous.

La capacité excédentaire mondiale de fabrication d’acier

[70] Algoma affirme que la capacité mondiale continue d’augmenter à un rythme soutenu, malgré la faiblesse des perspectives de la demande d’acier et de l’économie mondiale en général. À la réunion ministérielle d’octobre 2024 du Forum mondial sur la capacité excédentaire d’acier (FMCEA) à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les ministres et hauts représentants de 27 pays ont exprimé de graves préoccupations concernant la tendance à l’accroissement de la capacité excédentaire mondiale d’acier brut et les effets néfastes sur leurs industries sidérurgiques. Selon le rapport de la réunion ministérielle, la capacité excédentaire mondiale pourrait avoir entraîné la perte de 134 000 à 190 000 emplois dans le secteur parmi les économies membres du FMCEA au cours de la dernière décennieNote de bas de page 24.

[71] Algoma renvoie à plusieurs rapports sur la capacité mondiale actuelle et prévue de fabrication d’acier. Selon l’OCDE, la capacité mondiale a augmenté de 2,3 %, pour atteindre 2,432 milliards tm, de 2018 à 2023. En 2023, la capacité excédentaire mondiale a dépassé les exportations mondiales de près de 80 %, créant un potentiel important de croissance des exportations. Malgré un écart de 610 millions tm entre la capacité et la production en 2023, la capacité mondiale est appelée à augmenter de 158 millions tm supplémentaires de 2024 à 2026Note de bas de page 25.

[72] On cite des affirmations du TCCE dans des procédures antérieures concernant des tôles d’acier laminées à chaud pour illustrer l’effet que la surcapacité mondiale peut avoir sur le commerce, en particulier le marché des tôles. Par le passé, le TCCE a affirmé que la capacité excédentaire mondiale était directement liée au dumping opportuniste de tôles sur des marchés pouvant commander un prix plus élevé, en particulier le marché canadienNote de bas de page 26.

Le fléchissement de la demande et la volatilité de la conjoncture économique mondiale

[73] Algoma soutient que les facteurs géopolitiques défavorables et les risques d’inflation à l’échelle mondiale se sont multipliés en 2024, ce qui augmente les risques de taux d’intérêt élevés soutenus et de déstabilisation continue des prix. Par ailleurs, l’escalade des tensions commerciales pourrait exacerber ces risques inflationnistes en augmentant le coût des marchandises importées dans la chaîne d’approvisionnement. Algoma cite des renseignements au dossier concernant la faiblesse des tendances de consommation des deux dernières annéesNote de bas de page 27.

La contraction de la demande en Europe

[74] Algoma soutient que les tendances de la demande ont été particulièrement négatives sur le marché européen de l’acier, s’agissant du marché intérieur élargi des pays visés. Après un recul important de la demande en 2022, des facteurs défavorables persistants, comme nous venons de le voir, ont entraîné une contraction de 9 % de la consommation d’acier de l’Union européenne (UE) en 2023Note de bas de page 28.

[75] De plus, on fait valoir que les importations exercent une pression supplémentaire sur les producteurs d’acier de l’Europe. Algoma cite les rapports trimestriels de 2024 d’EUROFER sur l’économie et le marché de l’acier, qui indiquent que les importations totales, en tant que part de la consommation apparente de l’UE, étaient historiquement très élevées pendant tout 2023 et au premier semestre (S1) 2024, ayant atteint 27 % au T1 2024 et 28 % au T2 2024Note de bas de page 29.

Les conditions du marché mondial des tôles

[76] Algoma fait valoir que la croissance de la production et de la capacité sur le marché mondial des tôles affichait des tendances comparables à celles observées sur le marché de l’acier dans son ensemble, souffrant de niveaux de demande tout aussi faibles, voire pires.

La capacité et la production

[77] Au sujet de la capacité et de la production, Algoma a versé au dossier des données détaillées sur la capacité, la production et la demande de tôles selon CRU, une société de renseignements d’affaires offrant des analyses, des actualités et des chiffres sur les marchés de l’acier. Algoma souligne que les chiffres de CRU sous-estiment probablement le montant véritable de la capacité de production mondiale en raison de la sous-déclaration de la Chine. Cependant, à partir des données de CRU, Algoma a dressé un tableau résumant la capacité de production mondiale à l’aide de matériel pouvant servir à fabriquer des tôles; le volume de production de ce matériel; et la demande de produits fabriqués à l’aide de celui-ci. De plus, le tableau illustre la capacité excédentaire et l’utilisation de la capacité de production à l’aide de tout ce matérielNote de bas de page 30.

[78] D’après l’information dans le tableau 1 du mémoire d’Algoma, la capacité de production à l’aide de matériel pouvant servir à fabriquer des tôles a constamment augmenté dans les quatre dernières années. Malgré les appels de l’OCDE et du FMCEA à réduire la capacité, CRU prévoit une croissance constante de la capacité de production à l’aide de ce matériel jusqu’en 2027Note de bas de page 31.

[79] Pour les laminoirs réversibles, Algoma a donné des preuves indiquant que la production de 2024 à 2026 est appelée à augmenter de millions de tonnes métriques, tandis que la capacité augmentera d’un montant marginal en comparaison. Algoma fait valoir que l’augmentation prévue de la production des laminoirs réversibles pour la seule année 2025 est supérieure à la consommation combinée de tôles du Canada dans l’ensemble de la PVR et que le marché canadien demeurera largement exposé aux millions de tonnes de capacité de production excédentaire des laminoirs réversibles qui subsisteront jusqu’en 2026Note de bas de page 32.

Les prix

[80] Algoma affirme que les prix des tôles ont augmenté de façon spectaculaire en 2021 et en 2022 après un ralentissement au début de la pandémie de COVID-19, même s’ils ont baissé depuis. Algoma a fourni des données de CRU sur les prix de transactions nationales pour les tôles d’acier sur des marchés sélectionnés afin d’illustrer la tendance mondiale, malgré les fluctuations d’un marché à l’autre. Les données indiquent que, jusqu’en 2027, tous les marchés répertoriés devraient afficher des prix inférieurs à ceux de 2022 et que les prix nord-américains demeureront nettement supérieurs à ceux d’autres régionsNote de bas de page 33.

Une crise de la demande de tôles en Chine ayant des conséquences mondiales

[81] Algoma soutient que le marché intérieur chinois des tôles est en crise et que, vu sa part de la production mondiale, cela entraîne une crise mondiale. Algoma invoque des preuves indiquant que la demande de tôles en Chine pourrait chuter jusqu’à 8 % de 2024 à 2028. Algoma cite des rapports selon lesquels les fabricants d’acier chinois, confrontés à une faible demande intérieure et à une réduction des bénéfices, cherchent désespérément à diriger leurs excédents vers des marchés d’exportation non protégés, et ont déjà augmenté les exportations de 24 % au S1 2024 par rapport au S1 2023. On fait valoir que les exportations de tôles chinoises refléteront ces tendancesNote de bas de page 34.

[82] Par ailleurs, Algoma affirme que la capacité excédentaire chinoise a surtout été dirigée vers d’autres marchés asiatiques, ce qui a créé un effet d’entraînement dans les pays de la région, qui à leur tour exportent leurs excédents vers l’UE et l’Amérique du NordNote de bas de page 35.

Les droits au titre des articles 232 et 301

[83] Algoma a présenté dans son mémoire les effets et les conséquences futures possibles de l’imposition de droits au titre des articles 232 et 301. Algoma soutient que les droits ont eu une incidence dramatique sur les importations, la production et les prix des produits d’acier aux États-Unis, et ont eu un effet en cascade sur les marchés de l’acier à l’échelle mondiale, y compris le Canada, car les produits auparavant destinés au marché américain doivent désormais être détournés vers d’autres marchésNote de bas de page 36.

[84] On fait remarquer que le Canada a aussi imposé une surtaxe de 25 % sur les importations de produits d’acier et d’aluminium de la Chine, ce qui limite les possibilités d’exportation de ce pays en Amérique du Nord. Algoma fait valoir que la prise de ces mesures extraordinaires par les États-Unis et le Canada témoigne encore du fait que les marchés mondiaux de l’acier sont dans un état de bouleversement et d’incertitude sans précédent, ajoutant que de telles conditions pousseraient les exportateurs, y compris ceux dans les pays visés, à se livrer à une concurrence féroce pour conquérir des parts de marché partout où ils le peuventNote de bas de page 37.

Les conditions dans les pays visés
Les tendances en matière de capacité excédentaire et de production
Tous les pays visés

[85] Algoma affirme que les pays visés ont une capacité de production excédentaire importante et persistante à l’aide de matériel pouvant servir à fabriquer des tôles. Algoma cite à l’appui de multiples rapports indiquant que les pays visés ont une capacité excédentaire importante, avec un taux d’utilisation de 33-51 % de 2020 à 2027Note de bas de page 38.

Tchéquie

[86] Au sujet du taux global d’utilisation de la capacité en Tchéquie, Algoma cite des preuves au dossier indiquant que le pays a constamment maintenu un taux de moins de 50 % depuis 2020, précisant qu’il n’a pu augmenter sa production à des niveaux durables dans cette période. Par ailleurs, le taux d’utilisation en Tchéquie devrait encore diminuer de 2025 à 2027 par rapport aux niveaux de 2024Note de bas de page 39.

[87] Algoma souligne que deux producteurs dans le pays visé ont éprouvé des difficultés dans la PVR en raison de pertes croissantes et de la détérioration des conditions du marché.

[88] Premièrement, l’usine d’Ostrava de Liberty Steel, qui exploite un laminoir Steckel, représente plus de la moitié de la capacité totale de la Tchéquie. Liberty Steel a mis à l’arrêt son dernier haut fourneau en activité en octobre 2023 et a entamé une procédure de faillite au T1 2024. En novembre 2024, Liberty Steel était toujours à la recherche d’un acheteur pour l’usine. Algoma fait valoir que [notre traduction] :

« […] les pressions financières inciteront à adopter des stratégies offensives d’établissement des prix et de production pour préserver la présence sur le marché et les sources de revenus, y compris en exportant des tôles à des prix réduits pour générer un débit et couvrir les coûts fixesNote de bas de page 40. »

[89] Le deuxième producteur, Vítkovice Steel, exploite le plus grand laminoir réversible en Tchéquie. Algoma cite un article indiquant que Vítkovice Steel était rentable en 2023 après plusieurs années de pertes. Algoma soutient que, malgré ses antécédents financiers médiocres, Vítkovice Steel a annoncé des plans pour renforcer la capacité de feuillards de l’usine, ce qui aggraverait encore la surcapacité de production à l’aide de matériel pouvant servir à fabriquer des tôles au paysNote de bas de page 41.

Roumanie

[90] Algoma cite des renseignements au dossier concernant la baisse de l’utilisation de la capacité de production de tôles de la Roumanie depuis 2021, avec des taux inférieurs à 35 % en 2023 et en 2024Note de bas de page 42.

[91] Algoma souligne que Liberty Galati (la plus grande aciérie et l’unique producteur actif de tôles en Roumanie) a suspendu les activités à deux reprises au S1 2024 en raison des conditions défavorables du marché. Dans les deux cas, les activités n’ont repris qu’après la promesse de soutien du gouvernement roumain, y compris l’octroi de garanties étendues pour un prêt de 150 millions d’euros. Algoma affirme [notre traduction] :

« De telles difficultés financières engendrent une approche commerciale offensive et désespérée, des marchés d’exportation ouverts à prix plus élevés pouvant offrir une bouée de sauvetage vitale. Il est donc raisonnable de supposer que Liberty Galati se recentrerait sur le Canada en l’absence de la protection des droits LMSINote de bas de page 43. »

[92] Par ailleurs, Algoma soutient que, malgré les difficultés de Liberty Galati, la société d’investissement turque, Ussuri Capital, a annoncé des plans en mars 2024 pour construire une nouvelle usine d’acier laminé à plat à faible émission de carbone en Roumanie. L’usine, qui sera dotée d’une chaîne de coulée en bande mince continue d’une capacité annuelle de 1,2 million de tonnes de bobines laminées à chaud, devrait être mise en service entre 2027 et 2030. Ainsi, on fait valoir que la capacité de production annuelle totale de la Roumanie augmentera, laquelle pourrait servir à fabriquer les marchandises en cause, tout en exerçant une pression supplémentaire sur les prix et les volumes de Liberty GalatiNote de bas de page 44.

[93] Algoma conclut à partir de l’information au dossier que, vu la faiblesse de la demande européenne, l’ajout de capacité par Ussuri Capital pourrait contribuer à une baisse encore plus importante du taux d’utilisation de la Roumanie et exacerber le risque de dumping sur les marchés d’outre-mer.

Bulgarie

[94] Algoma cite des renseignements au dossier concernant la capacité de l’unique producteur bulgare de tôles d’acier, Stomana Industry. Faute de renseignements accessibles sur la production de tôles en Bulgarie, Algoma a présenté une méthode d’estimation de la capacité et de la production du laminoir réversible au pays à partir de renseignements au dossier.

[95] D’après l’estimation d’Algoma, la Bulgarie avait un taux d’utilisation inférieur à 70 % de 2024 à 2026. De plus, l’estimation d’Algoma indique qu’en 2023, la capacité excédentaire de la Bulgarie représentait 21 % de l’ensemble du marché canadien, dépassant le volume total d’importations de marchandises similaires au Canada en provenance de toutes les sources autres que les États-UnisNote de bas de page 45.

La détérioration de la conjoncture nationale dans les pays visés
La faiblesse de la demande intérieure

[96] Algoma cite des renseignements au dossier concernant les tendances et prévisions de consommation totale d’acier et de tôles pour la Tchéquie et la Roumanie. Au sujet de la Tchéquie, la demande de tôles d’acier, qui a atteint un pic en 2024, devrait se contracter en 2025 et en 2026. Algoma souligne que le potentiel de croissance des principaux secteurs manufacturiers tchèques qui consomment des tôles dépend fortement de la conjoncture en Allemagne, qui devrait connaître une croissance économique faible dans les années à venirNote de bas de page 46.

[97] Algoma souligne que les perspectives de la demande en Roumanie sont aussi très faibles. Selon des données de CRU, la consommation annuelle de tôles de 2022 à 2024 était inférieure aux niveaux de 2020, et ne devrait pas renouer avec ces niveaux avant 2026. Algoma affirme que cette tendance est conforme à celle de la consommation totale d’acier en Roumanie, qui a diminué de 2021 à 2023 en raison de l’inflation élevée persistante, des conditions de financement strictes et de la contraction de la production manufacturièreNote de bas de page 47.

La forte concurrence des importations et la hausse des coûts de production

[98] Algoma a présenté le tableau ci-dessous, fondé sur des données de Comtrade de l’Organisation des Nations Unies (ONU), pour illustrer la tendance des importations de tôles d’acier dans les pays visés :

Tableau 4 : Importations mondiales de tôles en Bulgarie, Tchéquie et Roumanie (codes 7208.51 et 7208.52 du Système harmonisé [SH])
Volume (tm)
  2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 S1 2024
Bulgarie 55 982 57 293 52 703 43 854 73 418 72 099 58 875 36 607
Tchéquie 499 362 517 209 474 505 394 636 513 888 483 450 486 229 209 261
Roumanie 196 911 142 846 151 692 139 231 167 788 158 840 202 438 111 777
Total 752 255 717 347 678 900 577 720 755 095 714 390 747 542 357 646

[99] Algoma souligne que les importations ont constamment augmenté par rapport aux niveaux d’avant la pandémie de COVID-19 et représentent actuellement une très large part des marchés des pays visés. Algoma soutient que le degré de saturation des importations limite la capacité des producteurs des pays visés de se tourner vers leurs marchés intérieurs pour absorber la production supplémentaire de tôles et que, vu les conditions du marché chinois des tôles, la concurrence des importations est susceptible de s’intensifier dans les 12 à 24 prochains moisNote de bas de page 48.

[100] Au sujet de l’incidence sur les producteurs des pays visés, Algoma cite une déclaration publique de juin 2024 de Liberty Steel de la Tchéquie, qui confirmait les difficultés financières infligées à ses activités et à l’industrie sidérurgique tchèque dans son ensemble par les importations [notre traduction] :

« L’éclatement de la guerre en Ukraine a entraîné une baisse importante de la demande des produits d’Ostrava. Les importations ont augmenté pour représenter plus de 27 % du marché européen, ce qui s’est répercuté sur les producteurs nationaux tchèques, confrontés à des coûts réglementaires et de décarbonisation bien plus élevés que leurs concurrentsNote de bas de page 49. »

[101] Algoma mentionne également des attitudes similaires en Roumanie, où le producteur, Liberty Galati, a attribué ses mauvais résultats au coût élevé de l’énergie, à la hausse des prix des matières premières et à la concurrence de l’acier importé meilleur marchéNote de bas de page 50.

Les perspectives incertaines pour l’activité économique et la consommation de tôles

[102] Algoma soutient que les perspectives économiques générales des pays visés sont aussi décevantes. Algoma renvoie à plusieurs rapports et articles faisant état de taux d’inflation élevés, d’une croissance lente du produit intérieur brut (PIB), et de difficultés spécifiques à chacun des pays visés qui ont une incidence directe sur la consommation intérieure et européenne de tôlesNote de bas de page 51.

[103] Algoma conclut à partir de renseignements au dossier que la conjoncture générale révèle de profondes faiblesses structurelles dans les économies des pays visés, qui continueront de peser sur la consommation intérieure sur les marchés nationaux de l’acier. Comme l’affirme Algoma [notre traduction] :

« Ces faiblesses – une gouvernance institutionnelle faible et une incapacité de maîtriser la dette et l’inflation et d’établir des liens économiques plus étroits avec le reste de l’UE – pèsent lourdement sur la croissance et la stabilité des prix. Elles contribuent à la volatilité de la demande et nuisent à la capacité de ces pays de maintenir et de développer des chaînes d’approvisionnement efficaces. Ces réalités économiques compromettent la stabilité à long terme du marché de l’acier dans les pays visés, particulièrement en ce qui concerne la demande intérieure dans les industries consommatrices d’acierNote de bas de page 52. »
La hausse des exportations et l’orientation vers l’exportation des producteurs des pays visés

[104] Algoma soutient que les producteurs de tôles des pays visés sont fortement orientés vers l’exportation, citant des données de Comtrade de l’ONU pour les codes 7208.51 et 7208.52 du SH se rapportant aux volumes de production des laminoirs réversibles des trois pays. Le tableau fourni indique que les niveaux d’exportation de tôles sont très élevés; ainsi, les producteurs de chaque pays visé dépendent fortement des exportations et sont très vulnérables aux chocs et aux ralentissements potentiels sur les marchés mondiauxNote de bas de page 53.

[105] Algoma cite des renseignements des sites Web de producteurs de tôles d’acier confirmant qu’ils sont orientés vers l’exportation. Le producteur bulgare, Stomana Industry, indique qu’il exporte plus de 90 % de sa production de tôles d’acier, tandis que le plus grand producteur tchèque de tôles de laminoir réversible, Vítkovice Steel, affirme qu’il exporte vers plus de 50 pays et que 70 % de ses produits sont vendus à l’étranger. L’autre producteur tchèque de tôles de laminoir réversible, Třinecké Železárny, affirme aussi avoir exporté 70 % de ses produits d’acier de 2020 à 2022.

La baisse de la demande de tôles sur les principaux marchés d’exportation des pays visés

[106] Algoma cite des données de Comtrade de l’ONU qui indiquent que les principaux pays de destination des exportations de marchandises en cause des pays visés sont la Pologne, la Türkiye et l’Allemagne. Réunis, ces trois pays ont absorbé 52 % de toutes les exportations de tôles des pays visés de 2022 à 2023Note de bas de page 54.

[107] Dans son mémoire, Algoma a donné des preuves de la faiblesse de la conjoncture et des perspectives économiques des principaux pays de destination des exportations de marchandises en cause des pays visés dans la PVR. On soutient que la situation économique de ces principaux marchés d’exportation et de l’Europe en général offre des perspectives sombres aux producteurs des pays visés. Algoma fait valoir que, même si la demande sur ces marchés d’exportation parvenait à dépasser la fourchette haute des prévisions de croissance en 2025 et en 2026, les producteurs des pays visés seraient toujours confrontés à la forte concurrence croissante des importations de tôles à bas prix en provenance de l’AsieNote de bas de page 55.

[108] Algoma conclut que les renseignements au dossier témoignent d’une détérioration des conditions d’exportation dans l’UE; ainsi, les producteurs des pays visés sont susceptibles de dépendre davantage de nouveaux marchés d’outre-mer comme le Canada pour maintenir le débit.

L’incapacité de vendre selon des valeurs normales

[109] Algoma renvoie au tableau du marché de l’ASFC, qui donne les volumes et les valeurs des importations de tôles au Canada en provenance des pays visés et des autres pays. Le tableau montre qu’il n’y a eu aucune importation des pays visés dans la PVR. Pour Algoma, cela appuie l’inférence selon laquelle les producteurs et exportateurs des pays visés sont incapables de vendre les tôles au Canada à des prix non sous-évaluésNote de bas de page 56.

Les preuves du dumping par les pays visés sur d’autres marchés

[110] Algoma fait valoir que les pays visés ont pratiqué le dumping sur des marchés d’exportation depuis 2020. Le producteur canadien cite les prix selon MEPS des tôles laminées à chaud de la Tchéquie, MEPS ne publiant pas ces prix pour la Bulgarie ou la Roumanie. Algoma soutient que, puisque tous les pays visés font partie du marché unique de l’UE et partagent des conditions et liens économiques régionaux solides, les prix de référence tchèques sont une valeur de remplacement raisonnable pour les prix sur les marchés intérieurs des trois pays. On souligne aussi que les prix intérieurs des tôles tchèques suivent de très près les tendances des prix moyens européens, même s’ils sont généralement inférieurs de 1-3 % à la moyenne de l’UENote de bas de page 57.

[111] Algoma a présenté une comparaison des prix des pays visés à l’annexe 1 de son mémoire, comparant les prix trimestriels en Tchéquie avec la moyenne trimestrielle des prix à l’exportation mondiaux des pays visés. Cela a donné un total de 42 comparaisons trimestrielles au cours de la PVR. Dans 27 des 42 comparaisons (ou 64 %), les prix à l’exportation moyens des pays visés étaient inférieurs aux prix sur le marché intérieur tchèqueNote de bas de page 58.

[112] Algoma conclut que son analyse montre clairement la propension au dumping de chacun des pays visés sur les marchés d’exportation. On souligne par ailleurs que les prix sur les marchés intérieurs selon MEPS sont des prix de base, tandis que les prix à l’exportation de Comtrade de l’ONU comprendraient des ventes commandant des suppléments de prix pour des caractéristiques comme la nuance, les dimensions, la composition chimique et les tests. Ainsi, l’ampleur du dumping est probablement sous-évaluéeNote de bas de page 59.

[113] Enfin, Algoma souligne que la propension au dumping des exportateurs roumains est étayée par le fait que le Mexique et la Thaïlande ont aussi des conclusions antidumping en vigueur à l’égard de tôles de la RoumanieNote de bas de page 60.

Les conditions du marché canadien
La conjoncture économique générale

[114] S’appuyant sur le recul des pressions inflationnistes, Algoma affirme que l’économie canadienne entre dans une période de croissance modérée, mais relativement stable, qui la rendrait attrayante pour les exportateurs des pays visés advenant l’expiration de l’ordonnance.

[115] Selon le rapport sur la politique monétaire d’octobre 2024 de la Banque du Canada, l’économie canadienne a progressé d’environ 2 % au S1 2024, mais la croissance du PIB devrait ralentir pour s’établir à environ 1,5 % au T3. Algoma renvoie aussi à un rapport du Fonds monétaire international (FMI) indiquant que le PIB du Canada a augmenté de 1,2 % en 2023 et prévoyant des tendances de croissance tout aussi modestes de 1,3 % en 2024 et de 2,4 % en 2025Note de bas de page 61.

[116] Algoma souligne aussi qu’une administration américaine dirigée par le président élu, Trump, pèsera sur les perspectives économiques du Canada, en particulier en 2025 et en 2026. Algoma renvoie à un rapport de The Economist affirmant que les effets négatifs de la nouvelle administration Trump se feront sentir par deux voies principales [notre traduction] :

« des effets directs résultant des barrières tarifaires imposées au commerce entre les États-Unis et le Canada et des effets indirects résultant d’un ralentissement de l’économie américaine dû à une perturbation des échanges commerciaux qui réduira la demande d’exportations canadiennesNote de bas de page 62. »

[117] Algoma fait valoir que, pour les principaux secteurs de l’économie canadienne consommant des tôles, une politique commerciale américaine plus protectionniste sous la nouvelle administration Trump pose à nouveau une menace particulièrement aiguë puisque les États-Unis demeurent le plus grand marché pour les produits manufacturiers canadiens.

Les conditions du marché canadien des tôles

[118] Algoma soutient que le marché canadien des tôles a connu une volatilité importante depuis le début de 2020, en particulier au T1 2020 et au T3 2022. Des données de CRU ont été fournies par Algoma pour illustrer les tendances et les prévisions de la demande intérieure de tôles de 2019 à 2026. Elles montrent que la demande intérieure a été très stable depuis 2023 et est appelée à augmenter de quelques points de pourcentage d’ici 2026. Algoma fait valoir que la stabilité et la croissance tendent à entraîner une concurrence accrue des importations, et a elle-même observé une hausse marquée des offres d’importations à bas prix dans cette périodeNote de bas de page 63.

L’attrait des marchés canadien et nord-américain des tôles

[119] Algoma fait valoir que le Canada est une destination d’importation clé pour l’acier à l’échelle mondiale. Selon les chiffres de 2024 de la World Steel Association, le Canada était le 18e importateur mondial d’acier en 2023. Algoma fait valoir que le marché canadien sera attrayant pour les exportateurs bulgares, tchèques et roumains disposant d’un excédent de tôles en raison des prix plus élevés au Canada par rapport à d’autres marchés. Ces prix courants plus élevés rendent les importations sous-évaluées encore plus attrayantes pour les clients, ce qui permettrait aux pays visés de rapidement stimuler la demande pour leurs exportationsNote de bas de page 64.

[120] Algoma cite des données indiquant que les prix des tôles au Canada sont plus élevés que ceux sur d’autres marchés depuis 2020, cette tendance étant appelée à se poursuivre jusqu’en 2024. Algoma souligne aussi que les prix des tôles sur les principaux marchés d’exportation des producteurs des pays visés sont nettement inférieurs à ceux sur le marché canadienNote de bas de page 65.

[121] Algoma conclut que ces prix élevés au Canada permettraient aux exportateurs des pays visés de gâcher les prix intérieurs selon une marge particulièrement élevée, ce qui stimulerait la demande pour leurs exportations et leur donnerait la possibilité de vendre des volumes importants.

L’intérêt continu des exportateurs roumains et bulgares envers le marché canadien de l’acier

[122] Algoma fait valoir que les exportateurs d’acier roumains et bulgares ont manifesté leur attrait envers le marché canadien en augmentant de façon appréciable les exportations d’autres produits d’acier au Canada en 2023. Algoma cite le rapport sur les importations d’acier du ministère du Commerce qui indique qu’en 2023, la Roumanie était le quatrième fournisseur d’acier semi-fini et la Bulgarie, le septième fournisseur de produits d’acier longs au Canada. Algoma affirme qu’en comparaison, les importations des deux pays au Canada étaient négligeables en 2021 et en 2022. Algoma soutient que cette croissance rapide des importations met en évidence la capacité des exportateurs des pays visés de réorienter rapidement de grands volumes vers le CanadaNote de bas de page 66.

[123] Algoma souligne que la Bulgarie fait actuellement l’objet d’une enquête en dumping sur les barres d’armature pour béton exportées vers le Canada, dans laquelle une marge de dumping provisoire de 18,1 % a été calculée pour l’exportateur bulgareNote de bas de page 67.

[124] Algoma conclut que la présence d’autres produits offre désormais des canaux établis pour le retour au Canada des tôles des pays visés advenant l’annulation de l’ordonnance. Si l’ordonnance est annulée, il est raisonnable de supposer que les exportateurs roumains tireraient parti de ces canaux pour vendre des tôles en tant que produits à valeur ajoutée par rapport à l’acier semi-fini.

La concurrence à bas prix en provenance d’autres sources d’importation

[125] Algoma allègue que les importations de tôles d’acier au Canada ont grandement augmenté ces dernières années. Si l’ordonnance est annulée, les marchandises en cause exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie devraient concurrencer des sources étrangères à bas prix en offrant des prix encore plus bas pour reconquérir une part du marché canadien. Algoma fait par ailleurs valoir que les percées réalisées par ces autres fournisseurs étrangers confirment qu’il continue d’y avoir au Canada une demande de tôles étrangères à bas prix ainsi que des circuits de distribution actifs dont les exportateurs des pays visés pourraient tirer partiNote de bas de page 68.

Les statistiques sur les importations moyennes pour la période

[126] Algoma renvoie à des données de Statistique Canada et de l’ASFC qui montrent que les importations de la France, de la Corée du Sud et du Taipei chinois ont beaucoup augmenté dans la PVR, tandis que celles de la Türkiye demeurent également appréciables. Selon les données fournies, la part combinée des importations de tôles de la France, de la Corée du Sud et du Taipei chinois est passée de 17,4 % des importations totales en 2021 à 29,8 % en janvier-septembre 2024. On fait valoir que ces volumes indiquent que les exportateurs de ces pays ont établi des liens solides avec des clients canadiens dans la PVRNote de bas de page 69.

[127] Algoma souligne aussi que les volumes d’importation signalés par l’ASFC pour la Corée du Sud dans la PVR étaient largement inférieurs à ceux signalés par Statistique Canada. L’ASFC a reconnu cet écart dans les statistiques sur les importations de la Corée du Sud et en tiendra dûment compte dans son analyse.

Les preuves propres aux comptes

[128] Algoma réitère qu’elle a été confrontée à une concurrence importante et croissante à bas prix en provenance de nouvelles sources étrangères, qui ont conquis une part du marché canadien en gâchant les prix intérieurs. Algoma a déposé à l’appui des preuves commerciales de cas particuliers de concurrence des tôles de sources étrangères pour illustrer l’ampleur du gâchage des prix. Algoma donne plusieurs exemples figurant au dossier d’importations du Maroc, de la Corée du Sud, du Taipei chinois et de la Türkiye à des prix gâchant ceux sur le marché canadienNote de bas de page 70.

Evraz

[129] Evraz affirme avoir examiné l’exposé public d’Algoma et appuyer sa position dans la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration. Evraz est d’accord avec la notion selon laquelle, advenant l’expiration de l’ordonnance, les exportateurs de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie sont susceptibles de reprendre le dumping des marchandises en cause sur le marché canadien pour les raisons suivantes.

[130] Evraz renvoie aux renseignements au dossier concernant la conjoncture économique dans les pays visés, la faiblesse générale du marché européen, et l’incidence des droits et des contingents au titre de l’article 232 des États-Unis sur les exportations de l’UE. De plus, Evraz souligne que les pays visés continuent d’investir massivement dans leurs activités en raison des difficultés à vendre sur le marché européen. Evraz conclut que, réunis, ces développements illustrent la vraisemblance de la reprise du dumping en provenance de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie si l’ordonnance est annuléeNote de bas de page 71.

Autres producteurs canadiens

[131] Deux centres de services canadiens, SSAB Central Inc.Note de bas de page 72 et Nova Steel Inc.Note de bas de page 73, ont présenté des lettres d’appui au mémoire déposé par Algoma, étant d’accord avec la notion selon laquelle, advenant l’expiration de l’ordonnance, la poursuite et/ou la reprise du dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie seraient vraisemblables.

Parties selon qui le dumping ne risque pas de se poursuivre ou de reprendre

[132] Aucune des parties ne soutient que la reprise ou la poursuite du dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie n’est pas vraisemblable si l’ordonnance est annulée.

Considération et analyse

[133] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’expiration d’une ordonnance causerait la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[134] Avant de présenter l’analyse propre à la Bulgarie, à la Tchéquie et à la Roumanie en ce qui concerne la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping en l’absence de l’ordonnance du TCCE, il convient d’aborder les questions suivantes qui touchent les marchandises en général :

  • le statut de produit de base des tôles d’acier laminées à chaud;
  • la forte intensité capitalistique de la production d’acier; et
  • la guerre entre la Russie et l’Ukraine et son incidence sur les tôles d’acier sur le marché européen.

Le statut de produit de base des tôles d’acier laminées à chaud

[135] En règle générale, les tôles d’acier laminées à chaud fabriquées selon une spécification donnée par un producteur dans un pays donné sont interchangeables sur le plan matériel avec celles fabriquées selon la même spécification dans tout autre pays. Ainsi, les marchandises se font concurrence les unes aux autres, peu importe leur origine, et ont les mêmes circuits de distribution et les mêmes clients potentiels. Cette caractéristique signifie que les tôles d’acier laminées à chaud doivent livrer concurrence sur un marché qui est extrêmement sensible au prix, où celui-ci est un des facteurs déterminants des décisions d’achat des clients. Par ailleurs, en raison de ce degré élevé de sensibilité, les prix sur un marché donné tendent à converger vers les plus bas au fil du temps.

[136] Vu le statut de produit de base des marchandises en cause, lorsque des mesures sont prises à l’endroit d’un pays, d’autres sources émergent, comme en témoigne le nombre de mesures passées et actuelles au Canada à l’égard des tôles.

La forte intensité capitalistique de la production d’acier

[137] Comme l’a déjà souligné le TCCE : « Les aciéries sont des entreprises capitalistiques à frais fixes élevés. Pour recouvrer les frais fixes, elles doivent fonctionner à un taux élevé de leur capacité de production. Lorsque la demande sur le marché national baisse, les producteurs tentent d’accéder à des marchés étrangers pour maintenir le taux d’utilisation de leur capacité et recouvrir leurs frais fixesNote de bas de page 74. » On parle souvent de la « rentabilité de la production d’acier ». Les conditions de surcapacité exacerbent cette caractéristique, car un producteur pourra décider qu’il est plus pratique de vendre la surproduction sur des marchés étrangers à des prix réduits plutôt que de diminuer la production, pourvu qu’il récupère ses coûts variables.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine et son incidence sur les tôles d’acier sur le marché européen

[138] Avant l’invasion russe, l’Ukraine a fourni à l’UE plus de 2 millions de tonnes de brames en 2021. Cependant, dans les 10 premiers mois de 2022, les livraisons n’ont été que de 365 000 tonnesNote de bas de page 75.

[139] Dans le cas de la Russie, ses aciéries ont expédié 3,9 millions de tonnes de brames vers l’UE en 2021 et 3,03 millions de tonnes en janvier-octobre 2022. En raison de fortes pressions des relamineurs européens, les brames d’origine russe ont initialement été exclues des sanctions imposées à la Russie. Cependant, en octobre 2022, le Conseil européen a voté l’imposition de sanctions supplémentaires à la Russie, y compris l’interdiction des importations d’acier semi-fini russe. Cela a limité la quantité de brames d’origine russe pouvant être importée dans l’UE. Par suite du conflit, les relamineurs de l’UE ont dû s’approvisionner auprès d’autres marchés internationaux, où les volumes de brames adaptées à la production de tôles sont limitésNote de bas de page 76.

[140] Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a aussi entraîné une réduction des importations de tôles d’acier dans l’UE en provenance de sources traditionnelles. Selon un article de Fastmarkets publié en février 2024, l’Ukraine était un fournisseur clé de l’UE avant l’invasion russe en 2022. En 2021, l’Ukraine avait expédié 864 637 tonnes vers l’UE, ou 43 % du total de 2,02 millions de tonnes importées cette année-là. Cependant, en 2022, les exportations de l’Ukraine vers l’UE n’étaient plus que de 195 719 tonnes, et en 2023, elles étaient tombées à zéro. Cela s’explique par la destruction des principaux actifs de production de tôles d’acier de l’Ukraine à MarioupolNote de bas de page 77.

[141] L’article de Fastmarkets souligne également la sortie de la Russie – auparavant le deuxième fournisseur de l’UE – du marché européen des tôles d’acier en raison de l’interdiction imposée sur l’acier fini russe le 5 mars 2022, en réponse à l’invasion. Par conséquent, l’UE a dû compter sur les livraisons accrues de fournisseurs asiatiques, même si ces volumes ne peuvent compenser entièrement le déficit laissé par l’Ukraine et la RussieNote de bas de page 78.

[142] Dans l’ensemble, le marché des tôles d’acier de l’UE a été confronté à des difficultés importantes en raison de la guerre en cours entre la Russie et l’Ukraine. Le surstockage initial causé par le conflit, jumelé à la réduction de la demande des utilisateurs finaux, a entraîné une baisse des prix par rapport à leur pic historique d’avril 2022.

Bulgarie

[143] L’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé du producteur connu en Bulgarie. Elle s’est donc fiée aux renseignements présentés par les parties participantes ainsi qu’aux autres renseignements au dossier administratif pour établir si le dumping des marchandises en cause de la Bulgarie risquait fort de reprendre ou de se poursuivre advenant l’expiration de l’ordonnance.

[144] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et tenant compte des documents au dossier administratif, l’ASFC a mené l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Son travail d’analyse se résume aux points suivants :

  • la forte dépendance à l’exportation de la Bulgarie et la destination de ses exportations de tôles;
  • le manque d’intérêt envers le marché canadien;
  • les données sur les prix qui semblent indiquer que la Bulgarie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés; et
  • l’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays.

[145] Dans l’enquête initiale de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) en 2003, Stomana Industry S.A. (Stomana) était le seul producteur/exportateur connu ayant expédié les marchandises en cause au Canada dans la période visée par l’enquête (PVENote de bas de page 79). Stomana n’a participé ni à l’enquête initiale ni aux trois derniers réexamens, conclus en 2006, en 2008 et en 2010Note de bas de page 80. Faute de coopération de l’unique exportateur en Bulgarie dans l’enquête initiale et les trois réexamens subséquents, les valeurs normales pour Stomana ont été fixées par prescription ministérielle, sur la base d’une majoration de 74,6 % du prix à l’exportation.

La forte dépendance à l’exportation de la Bulgarie et la destination de ses exportations de tôles

[146] Selon son propre site Web, Stomana a une capacité de production annuelle de 400 000 tm dans son laminoir de produits platsNote de bas de page 81. Cette information a été corroborée par la preuve donnée par la plaignante. De plus, la preuve de la plaignante indique qu’aucune augmentation de la capacité de tôles de la Bulgarie n’est prévue dans les années à venirNote de bas de page 82.

[147] Au sujet de la production de tôles d’acier, le dossier administratif ne contient aucune donnée propre au pays pour la Bulgarie. Cependant, d’après des données tirées de publications sur les tôles d’acier, la plaignante a pu estimer la production bulgare dans les trois premières années de la PVR de l’ASFC (2021, 2022 et 2023). Les estimations de la plaignante indiquent que le taux d’utilisation de la Bulgarie a diminué dans l’ensemble de la PVR. Toutefois, des données montrent que la production est appelée à augmenter légèrement en 2024 et en 2025Note de bas de page 83.

[148] Les données de Comtrade de l’ONU indiquent une tendance similaire à l’égard des exportations de tôles sous les codes 7208.51 et 7208.52 du SH. Selon la base de données, les exportations bulgares ont diminué de 4,03 %, passant de 223 624 tm en 2021 à 214 616 tm en 2023Note de bas de page 84. D’après les chiffres sur la production estimative et les données sur les exportations de Comtrade de l’ONU pour 2023, la Bulgarie a exporté environ 84 % de ses tôles d’acier, ce qui illustre sa forte dépendance à l’exportation.

[149] L’orientation vers l’exportation de la Bulgarie est corroborée par la déclaration faite par son unique producteur, Stomana Industry, sur son propre site Web [notre traduction] :

« Stomana a été l’une des sociétés les plus orientées vers l’exportation du groupe Sidenor, exportant plus de 90 % de sa production de tôles d’acier de la Bulgarie vers plus de 30 pays couvrant une vaste zone géographique (les Balkans, l’Europe, l’Afrique du Nord, l’Amérique), et figurant constamment au haut de la liste des fournisseurs de nombreux grands groupes internationaux de distribution de produits de l’acierNote de bas de page 85. »

[150] Cette déclaration appuie les données susmentionnées qui indiquent qu’une part importante des tôles d’acier bulgares sont exportées. Cependant, le rapport annuel 2022 de Stomana révèle que 99 % du chiffre d’affaires total est généré par le marché européen, tandis que le 1 % restant provient des ventes aux États-Unis, en Afrique et en AsieNote de bas de page 86. Il en ressort que les exportations de Stomana sont avant tout destinées au marché européen.

[151] L’orientation européenne de Stomana est aussi confirmée par les données au dossier administratif fournies par Algoma. Ayant analysé les données de Comtrade de l’ONU, l’ASFC estime que plus de 95 % des exportations de tôles d’acier bulgares étaient destinées au marché européen en 2022 et en 2023Note de bas de page 87. Ainsi, advenant l’expiration de l’ordonnance, la Bulgarie n’est pas susceptible de reprendre le dumping des marchandises en cause au Canada puisqu’elle est axée sur le marché européen.

Le manque d’intérêt envers le marché canadien

[152] Dans l’enquête initiale, les volumes d’importation de la Bulgarie représentaient 3,1 % des importations totales au Canada en provenance de tous les paysNote de bas de page 88. Dans la PVR qui nous intéresse, il n’y a eu aucune expédition de marchandises en cause de la Bulgarie au Canada. Par ailleurs, d’après le dossier administratif, il n’y a eu aucune expédition sur le marché canadien depuis au moins 2015Note de bas de page 89. De plus, aucun exportateur bulgare n’a demandé de réexamen des valeurs normales dans cette période.

[153] L’absence de participation de l’exportateur bulgare au présent réexamen est conforme au désintérêt général dont il a fait preuve depuis l’ouverture de l’enquête initiale en 2003. L’ASFC ne perçoit pas l’absence de coopération comme une indication de la vraisemblance ou de la non-vraisemblance de la reprise du dumping en provenance de la Bulgarie; cependant, elle dénoterait un manque d’intérêt général envers le marché canadien.

[154] Par ailleurs, en 2006, l’ASFC a annulé des conclusions concernant certains feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, originaires ou exportés de la BulgarieNote de bas de page 90. Depuis l’annulation des conclusions, il n’y a pas eu poursuite ou reprise du dumping au Canada par des producteurs bulgares de feuillards laminés à chaud, ni conclusions subséquentes à l’égard des mêmes produits. Cela témoigne à nouveau d’un manque d’intérêt des producteurs bulgares d’acier laminé à plat envers le marché canadien.

[155] Par le passé, l’ASFC a jugé que l’absence d’expéditions et de participation dénotait une incapacité du producteur bulgare de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués. Néanmoins, vu les volumes relativement faibles de marchandises sous-évaluées dans l’enquête initiale en 2003, l’absence d’exportations au Canada depuis au moins 2015, l’absence de demandes de révision ou de réexamen, malgré la fluctuation des prix de l’acier, et l’orientation européenne de l’unique producteur bulgare des marchandises en cause, l’ASFC est d’avis que celui-ci n’est pas susceptible de renouveler son intérêt envers le marché canadien advenant l’expiration de l’ordonnance.

Les données sur les prix qui semblent indiquer que la Bulgarie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés

[156] L’examen des données sur les prix au dossier administratif donne à penser que les exportations de tôles d’acier de la Bulgarie vers d’autres marchés dans la PVR pourraient être à des prix supérieurs aux prix de vente intérieurs en Europe.

[157] Algoma a fourni des renseignements sur les prix à l’appui de son point de vue que la Bulgarie a pratiqué le dumping sur des marchés d’exportation depuis 2020. Pour établir les prix sur le marché intérieur bulgare, Algoma s’est fiée aux prix des tôles laminées à chaud publiés par MEPS International. Cependant, puisque la publication ne donne pas les prix des tôles d’acier bulgares, Algoma a proposé d’utiliser les prix de la Tchéquie comme valeur de remplacement raisonnable. Dans son analyse, Algoma a comparé les prix trimestriels en Tchéquie avec la moyenne trimestrielle des prix à l’exportation mondiaux de la Bulgarie selon Comtrade de l’ONU. Il en est ressorti que les prix à l’exportation moyens de la Bulgarie étaient supérieurs aux prix sur le marché intérieur tchèque dans seulement cinq des 14 comparaisons de prix de 2021 au S1 2024Note de bas de page 91.

[158] Dans son analyse, l’ASFC s’est fiée aux prix mondiaux des tôles d’acier publiés par Fastmarkets. Fastmarkets donne les prix sortie-usine des tôles d’acier nationales en Europe du Sud, qui servent de valeurs de remplacement raisonnables pour les prix sur le marché intérieur bulgare, la Bulgarie faisant partie de cette sous-région européenne. Le site Web de Fastmarkets expose sa méthode de déclaration des prix, qui comporte des spécifications claires pour les niveaux de prix couvertsNote de bas de page 92. Dans le cas de l’Europe du Sud, Fastmarkets donne les prix sortie-usine des tôles de nuance S235JRNote de bas de page 93 en quantités commerciales dans la PVR. N’ayant pu trouver de renseignements publics sur la méthode d’établissement des prix de MEPS International, et faute de renseignements à ce sujet au dossier administratif, l’ASFC estime que l’information de Fastmarkets est plus représentative des prix intérieurs bulgares.

[159] Pour l’analyse de l’ASFC, les prix intérieurs trimestriels des tôles d’acier de l’Europe du Sud (MB-STE-0035Note de bas de page 94) selon Fastmarkets ont été comparés avec la moyenne trimestrielle des prix à l’exportation mondiaux de la Bulgarie selon Comtrade de l’ONUNote de bas de page 95. De 2021 au S1 2024, les prix à l’exportation moyens de la Bulgarie étaient supérieurs aux prix sur le marché intérieur de l’Europe du Sud dans 10 des 14 comparaisons, et le sont restés depuis le T3 2022. Par ailleurs, une comparaison du prix moyen sur le marché intérieur avec le prix à l’exportation moyen dans l’ensemble de la PVR ne révèle aucun dumping, le prix à l’exportation bulgare étant supérieur au prix sur le marché intérieur de l’Europe du Sud.

[160] Aux fins de la présente analyse, il importe de noter que la flambée des prix des tôles d’acier en 2021 et au début de 2022 selon Fastmarkets s’explique probablement par des tendances économiques anormales causées par la pandémie de COVID-19, comme nous l’avons déjà vu. C’est pourquoi l’ASFC a aussi examiné les prix d’une période plus isolée de la PVR lorsque les marchés mondiaux des tôles d’acier s’étaient remis des conditions atypiques non cycliques causées par la pandémie.

[161] L’analyse a révélé que, pendant la partie de la PVR où l’incidence de la pandémie sur le marché s’était estompée, le prix à l’exportation des tôles d’acier de la Bulgarie était nettement supérieur en moyenne au prix intérieur, les marchandises n’ayant pas été sous-évaluées.

[162] L’ASFC souligne que son analyse des prix se fonde sur les meilleurs renseignements accessibles au dossier administratif. Par conséquent, il ne s’agit pas de renseignements sur les prix intérieurs et à l’exportation réels de producteurs des marchandises en cause en Bulgarie. Ainsi, l’analyse des prix dans le présent réexamen serait plus fiable et aurait plus de poids si des renseignements directs sur les prix de la Bulgarie étaient accessibles. L’ASFC en tiendra compte lorsqu’elle se penchera sur le prix comme facteur pour déterminer la vraisemblance de la reprise du dumping par des producteurs bulgares advenant l’expiration de l’ordonnance.

L’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays

[163] L’ASFC n’a actuellement qu’une autre mesure antidumping en vigueur à l’égard de produits d’acier de la Bulgarie, soit les barres d’armature pour bétonNote de bas de page 96.

[164] L’information au dossier administratif indique que seul un autre pays a une mesure antidumping à l’endroit de la Bulgarie. Cette mesure a été prise en 2006 par la Türkiye à l’égard de raccords de tuyauterie. Cependant, aucun autre pays n’a de mesures antidumping à l’égard de tôles d’acier ou de produits d’acier laminés à plat de la BulgarieNote de bas de page 97.

[165] Vu l’absence de mesures antidumping dans d’autres territoires à l’égard des marchandises en cause, et l’absence générale de mesures commerciales à l’égard de toutes autres marchandises de la Bulgarie, il est raisonnable d’établir que l’expiration de l’ordonnance ne causerait vraisemblablement pas la reprise du dumping de certaines tôles d’acier de la Bulgarie.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping

[166] D’après la preuve au dossier concernant : la destination des produits de tôles d’acier bulgares; le manque d’intérêt envers le marché canadien; les données sur les prix qui semblent indiquer que la Bulgarie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés; et l’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays, l’ASFC a décidé que l’expiration de l’ordonnance ne causerait vraisemblablement pas la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier de la Bulgarie.

Tchéquie

[167] L’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé d’exportateurs en Tchéquie. Elle s’est donc fiée aux renseignements présentés par les parties participantes ainsi qu’aux autres renseignements au dossier administratif aux fins de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration en ce qui concerne la Tchéquie.

[168] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et tenant compte des documents au dossier administratif, l’ASFC a mené l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Son travail d’analyse se résume aux points suivants :

  • la capacité et la production de tôles d’acier de la Tchéquie sur un marché européen difficile;
  • la forte dépendance à l’exportation de la Tchéquie et la destination de ses exportations de tôles;
  • le manque d’intérêt envers le marché canadien;
  • les données sur les prix qui semblent indiquer que la Tchéquie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés; et
  • l’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays.

[169] Dans l’enquête initiale de l’ADRC en 2003, Vítkovice Steel a.s. (Vítkovice) était le seul producteur/exportateur connu ayant expédié les marchandises en cause au Canada dans la PVENote de bas de page 98. Bien que Vítkovice ait participé à l’enquête, l’ADRC a jugé que les données sur les coûts n’étaient pas fiables, et les valeurs normales pour la Tchéquie ont été fixées par prescription ministérielle, sur la base d’une majoration de 74,6 % du prix à l’exportation.

[170] Aucun exportateur n’a coopéré aux deux réexamens subséquents, conclus en 2006 et en 2008. Dans le réexamen de 2010, Vítkovice était l’unique répondant, ayant présenté une lettre dans laquelle elle a indiqué ne pas avoir expédié de marchandises en cause dans la période visée et ne pas compter le faire dans un avenir proche.

[171] Vítkovice a participé à l’enquête de réexamen relatif à l’expiration de 2013 de l’ASFC, faisant valoir que la poursuite du dumping des marchandises en cause de la Tchéquie n’était pas vraisemblable. À l’époque, Vítkovice et Evraz Canada étaient sous propriété directe commune, et Vítkovice avait affirmé que toute nouvelle vente potentielle au Canada serait entièrement coordonnée avec sa filiale, Evraz CanadaNote de bas de page 99. En 2014, Vítkovice a été rachetée par un groupe d’investisseurs privés, et donc, n’est plus associée à Evraz CanadaNote de bas de page 100. Vítkovice n’a participé à aucune procédure de l’ASFC liée à la mesure en l’espèce depuis l’enquête de réexamen relatif à l’expiration de 2013.

La capacité et la production de tôles d’acier de la Tchéquie sur un marché européen difficile

[172] Selon son propre site Web, le producteur connu, Vítkovice, a une capacité annuelle de 755 000 tm dans son laminoir de produits de tôlesNote de bas de page 101. Bien que Vítkovice soit l’unique producteur connu à participer aux procédures de l’ASFC liées à la mesure en l’espèce, l’information au dossier administratif indique qu’il y a deux autres producteurs potentiels des marchandises en cause en Tchéquie : Liberty Steel Ostrava (Liberty Ostrava), qui exploite un laminoir Steckel d’une capacité annuelle de 1,3 million tmNote de bas de page 102, et Třinecké Železárny (contrôlée par Moravia Steel), qui fabrique des produits plats dans son laminoir réversible.

[173] Algoma a présenté une estimation de la capacité de production totale de tôles d’acier de la Tchéquie et la preuve donnée n’indiquait aucune augmentation prévue de la capacité dans les années à venirNote de bas de page 103.

[174] Selon les perspectives du marché de l’acier de CRU, dans la PVR, la production de tôles d’acier de la Tchéquie a diminué, sauf pour une légère augmentation en 2024. Les chiffres indiquent que le taux d’utilisation de la Tchéquie est demeuré inférieur à 50 % dans l’ensemble de la PVR, diminuant par rapport aux niveaux atteints en 2021 et demeurant en deçà de ceux-ci pendant tout 2022 et 2023Note de bas de page 104.

[175] Selon des articles de Fastmarkets, les relamineurs de tôles d’acier tchèques opèrent à des taux réduits depuis 2021 en raison de la pénurie de brames de la Russie et de l’Ukraine. Par le passé, ces deux pays représentaient 93 % des livraisons totales de brames de l’UENote de bas de page 105.

[176] Comme nous l’avons déjà vu, la guerre entre la Russie et l’Ukraine a perturbé l’offre de produits d’acier semi-finis et finis dans l’UE. Par conséquent, les producteurs tchèques ont été confrontés à une difficulté particulière pour maintenir ou augmenter leurs taux d’utilisation afin de répondre à la demande de l’UE puisque l’offre d’intrants était limitée.

[177] L’information au dossier administratif indique que les producteurs de tôles d’acier en Tchéquie ont connu des degrés de réussite variables pour s’adapter à la nouvelle situation géopolitique, qui a été compliquée par d’autres difficultés. Par exemple, le producteur, Liberty Ostrava, mentionne l’éclatement de la guerre en Ukraine, la hausse des importations d’acier dans l’UE et les coûts réglementaires et de décarbonisation plus élevés comme facteurs contribuant à la détérioration des conditions du marché européen de l’acierNote de bas de page 106. Liberty Ostrava, qui représente plus de la moitié de la capacité totale de la Tchéquie, a subi des pertes croissantes, a mis à l’arrêt son dernier haut fourneau en activité en octobre 2023, et a entamé une procédure de faillite au T1 2024.

[178] Le producteur de tôles d’acier, Vítkovice, a exprimé un sentiment similaire, mentionnant les prix énergétiques élevés, le resserrement de la réglementation environnementale, les importations bon marché de pays non européens et le fléchissement de la demande comme facteurs pesant sur l’industrie sidérurgique tchèque. Cependant, malgré les difficultés de l’industrie, et une perte de 550 millions de couronnes tchèques (CZK) (32 millions de dollars canadiens) en 2022, Vítkovice a signalé ses meilleurs résultats en 15 ans en 2023, invoquant une bonne organisation de la production et une demande favorable. Vítkovice a déclaré avoir obtenu de bons résultats sur les marchés tchèque, slovaque et polonais et avoir commencé à livrer en UkraineNote de bas de page 107.

[179] Moravia Steel a aussi reconnu dans son rapport annuel 2022 que la situation générale s’était compliquée depuis la pandémie de COVID-19, surtout en raison de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui a entraîné une hausse sans précédent des prix énergétiques et une inflation à deux chiffres. Cependant, Moravia Steel a déclaré avoir réagi à toutes ces circonstances graves et avoir été en mesure de fournir des matières premières suffisantes pour maintenir une production fluide à Třinecké Železárny et dans d’autres filiales en avalNote de bas de page 108. Malgré les difficultés nationales, Moravia Steel a pu générer des bénéfices dans les périodes de référence de 2022 et de 2023.

[180] Malgré ces difficultés, la majorité des producteurs de tôles d’acier en Tchéquie ont réussi à s’adapter aux conditions changeantes du marché, atteignant une rentabilité globale, tout en maintenant leur présence sur le marché européen. Cette adaptation est reflétée par les taux d’utilisation enregistrés par les laminoirs réversibles depuis 2022.

Tableau 5 : Taux d’utilisation de la capacité des laminoirs réversibles tchèquesNote de bas de page 109
  2021 2022 2023 2024p 2025p 2026p
Taux d’utilisation (laminoirs réversibles) 59,6 % 45,3 % 63,9 % 76,3 % 66,4 % 64,5 %

[181] Les données pour les laminoirs réversibles ne comprennent pas les chiffres sur la production de Liberty Ostrava, qui exploite un laminoir Steckel et a arrêté les activités en 2023. Si l’on se concentre uniquement sur les laminoirs réversibles, l’information au dossier administratif indique que les taux d’utilisation se sont redressés par rapport aux creux signalés en 2022 et devraient grandement augmenter en 2024. Les niveaux signalés en 2024 devraient diminuer en 2025 et demeurer stables en 2026.

[182] D’après la preuve au dossier, les producteurs de tôles d’acier en Tchéquie ont éprouvé plusieurs difficultés depuis la pandémie de COVID-19, y compris, sans s’y limiter, les facteurs géopolitiques, les coûts réglementaires et de décarbonisation plus élevés, et les importations de pays non européens. Malgré ces difficultés, la majorité des producteurs ont réussi à maintenir ou à retrouver la rentabilité et à augmenter les taux d’utilisation des usines en approvisionnant le marché européen. Ainsi, il est raisonnable d’établir que l’expiration de l’ordonnance ne causerait vraisemblablement pas la reprise du dumping au Canada de tôles d’acier de la Tchéquie.

La forte dépendance à l’exportation de la Tchéquie et la destination de ses exportations de tôles

[183] La preuve au dossier administratif indique que les producteurs tchèques pourraient être fortement orientés vers l’exportation. Le tableau ci-dessous résume l’information fournie dans le mémoire d’Algoma, qui compare les exportations de tôles d’acier relevant des codes 7208.51 et 7208.52 du SH avec les volumes des laminoirs réversibles des producteurs en Tchéquie.

Tableau 6 : Production et exportations de tôles de la TchéquieNote de bas de page 110
Volume (million tm)
  2021 2022 2023 2024pNote de bas de page 111
Production totale (laminoir réversible) 0,486 0,369 0,521 0,622
Exportations totales 0,353 0,287 0,335 0,107
Pourcentage de la production exportée 72,6 % 77,8 % 64,3 % 34,4 %

[184] Comme on peut le voir dans le tableau ci-dessus, les niveaux d’exportation de tôles sont très élevés, représentant en moyenne 70,9 % de la production totale en Tchéquie de 2021 à 2023. Cependant, il convient de noter que la plaignante a exclu les chiffres sur la production des laminoirs Steckel de son analyse des exportations en vue de la détermination de la capacité excédentaire du pays. Comme il est indiqué en note de bas de page de l’ordonnance et des motifs rendus par le TCCE dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2018-007 :

« Les laminoirs réversibles servent exclusivement à la production de tôles fortes, les laminoirs Steckel peuvent être utilisés pour produire à la fois des tôles fortes et de la tôle en bobines, et les laminoirs à bande à chaud peuvent servir à produire de la tôle en bobines et des tôles laminées à chaudNote de bas de page 112. »

[185] Puisque les renseignements sur les exportations de Comtrade de l’ONU ne font pas la distinction entre les tôles fortes produites par des laminoirs réversibles et celles produites par des laminoirs Steckel, dans son analyse, l’ASFC a inclus la production des deux types pour déterminer les exportations tchèques en pourcentage de la production nationale (voir le tableau ci-dessous). Néanmoins, elle reconnaît que les chiffres obtenus pourraient être sous-évalués puisque la totalité de la production des laminoirs Steckel n’est peut-être pas en cause.

Tableau 7 : Exportations de la Tchéquie en pourcentage de la productionNote de bas de page 113
Volume (million tm)
  2021 2022 2023 2024pNote de bas de page 114
Pourcentage de la production exportée 35,0 % 34,3 % 38,1 % 23,0 %

[186] Comme on peut le voir dans le tableau ci-dessus, les exportations sont beaucoup plus faibles, ne représentant en moyenne que 35,8 % de la production totale en Tchéquie de 2021 à 2023. Cela indiquerait que la plus grande partie de la production de tôles d’acier en Tchéquie est consommée sur le marché intérieur. Cependant, malgré ces chiffres, la preuve au dossier administratif corrobore le point de vue que les producteurs tchèques sont orientés vers l’exportation, comme ils le confirment eux-mêmes.

[187] Le plus grand producteur tchèque de tôles de laminoir réversible, Vítkovice, affirme exporter 70 % de ses produits vers plus de 50 paysNote de bas de page 115. Cela est confirmé par un article publié par le syndicat de l’acier tchèque, qui affirme [notre traduction] :

« Les principaux marchés de la société sont des pays de l’UE. Récemment, la demande en Allemagne a été faible, mais la société a obtenu de bons résultats sur les marchés tchèque, slovaque et polonais et a commencé à livrer en UkraineNote de bas de page 116. »

[188] L’autre producteur national de tôles de laminoir réversible, Třinecké Železárny (contrôlée par Moravia Steel), a aussi déclaré avoir exporté 70 % de ses produits de 2021 à 2023Note de bas de page 117. Le rapport annuel 2022 de Moravia Steel précise qu’en 2022, les importations totales d’acier en Tchéquie s’élevaient à 210 milliards CZK, et les exportations, à 133 milliards CZK. En outre, les principaux marchés de l’acier tchèque demeurent des États membres de l’UE, notamment la Pologne, l’Allemagne et la Slovaquie. Le rapport indique que les exportations d’acier vers des pays hors de l’UE s’élevaient à environ 15 milliards CZK (ou 10,1 %Note de bas de page 118). De plus, selon le rapport annuel 2023 de Moravia Steel, plus de 94 % de tous ses produits ont été exportés vers l’UE ou d’autres pays européens dans chaque année de la PVR qui nous intéresseNote de bas de page 119.

[189] Les données de Comtrade de l’ONU indiquent une tendance similaire à l’égard de la destination des exportations de tôles de la Tchéquie. Selon la base de données, les exportations vers l’Allemagne, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie représentaient à elles seules plus de 90 % du total dans les années 2021 à 2023 (voir le tableau ci-dessous).

Tableau 8 : Données de Comtrade de l’ONU – exportations de tôles de la Tchéquie (Codes 7208.51 et 7208.52 du SHNote de bas de page 120)
Volume (million tm)
  2021 2022 2023
Allemagne 0,101 0,077 0,073
Hongrie 0,012 0,013 0,010
Pologne 0,154 0,111 0,166
Slovaquie 0,063 0,059 0,071
Total des pays d’exportation clés 0,330 0,260 0,320
Exportations totales de la Tchéquie 0,353 0,287 0,335
Pays d’exportation clés en % des exportations totales de la Tchéquie 93,5 % 90,6 % 95,4 %

[190] Les données et les déclarations susmentionnées des sociétés indiquent clairement que les producteurs tchèques de tôles d’acier, étant orientés vers l’exportation, se concentrent principalement sur le marché européen. Par conséquent, advenant l’expiration de l’ordonnance, la Tchéquie n’est pas susceptible de reprendre le dumping des marchandises en cause au Canada, vu sa forte orientation européenne.

Le manque d’intérêt envers le marché canadien

[191] Dans la PVR qui nous intéresse, il n’y a eu aucune expédition de marchandises en cause de la Tchéquie au Canada. De plus, d’après le dossier administratif, il n’y a eu aucune expédition sur le marché canadien depuis au moins 2015Note de bas de page 121. Par ailleurs, aucun exportateur tchèque n’a demandé de réexamen des valeurs normales dans cette période.

[192] L’absence de participation de l’exportateur tchèque au présent réexamen est conforme au désintérêt général dont il a fait preuve envers la mesure en l’espèce depuis la conclusion de l’enquête initiale en 2003. Pendant le réexamen de 2010, le producteur, Vítkovice, a présenté une lettre dans laquelle il a indiqué ne pas avoir expédié de marchandises en cause au Canada dans la période visée et ne pas compter le faire dans un avenir procheNote de bas de page 122.

[193] L’ASFC ne perçoit pas l’absence de coopération à la présente procédure comme une indication de la vraisemblance ou de la non-vraisemblance de la reprise du dumping en provenance de la Tchéquie; cependant, elle dénoterait un manque d’intérêt général envers le marché canadien.

[194] Par le passé, l’ASFC a jugé que l’absence d’expéditions et de participation dénotait une incapacité des producteurs tchèques de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués. Néanmoins, vu l’absence d’exportations au Canada depuis au moins 2015, l’absence de demandes de révision ou de réexamen, et l’orientation européenne des producteurs tchèques de tôles d’acier, l’ASFC est d’avis que ceux-ci ne sont pas susceptibles de renouveler leur intérêt envers le marché canadien advenant l’expiration de l’ordonnance.

Les données sur les prix qui semblent indiquer que la Tchéquie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés

[195] L’examen des données sur les prix au dossier administratif donne à penser que les exportations de tôles d’acier de la Tchéquie vers d’autres marchés dans la PVR pourraient être à des prix supérieurs aux prix de vente intérieurs en Europe.

[196] Algoma a fourni des renseignements sur les prix à l’appui de son point de vue que la Tchéquie a pratiqué le dumping sur des marchés d’exportation depuis 2020. Pour établir les prix sur le marché intérieur tchèque, Algoma s’est fiée aux prix des tôles laminées à chaud publiés par MEPS International. Puisque la publication donne les prix des tôles d’acier tchèques, aucune valeur de remplacement n’était nécessaire. Dans son analyse, Algoma a comparé les prix trimestriels en Tchéquie selon MEPS avec la moyenne trimestrielle des prix à l’exportation mondiaux de la Tchéquie selon Comtrade de l’ONU. Il en est ressorti que les prix à l’exportation moyens de la Tchéquie étaient supérieurs aux prix sur le marché intérieur tchèque dans seulement six des 14 comparaisons de prix de 2021 au S1 2024Note de bas de page 123.

[197] Dans son analyse, l’ASFC a pris en compte la preuve donnée par la plaignante, notant que MEPS International publie les prix sur le marché intérieur tchèque. Pour les raisons susmentionnées, et à des fins d’uniformité entre les pays visés, l’ASFC utilisera les prix mondiaux des tôles d’acier publiés par Fastmarkets.

[198] Fastmarkets donne les prix sortie-usine des tôles d’acier nationales en Europe du Nord et en Europe du Sud. Les prix moyens des deux régions serviront de valeurs de remplacement pour le marché intérieur tchèque. L’ASFC juge que les renseignements de Fastmarkets sont plus fiables puisque son site Web expose sa méthode de déclaration des prix, qui comporte des spécifications claires pour les niveaux de prix couvertsNote de bas de page 124. Dans le cas de ces deux régions européennes, Fastmarkets donne les prix sortie-usine des tôles nationales de nuance S235JRNote de bas de page 125 en quantités commerciales dans la PVR.

[199] Pour l’analyse de l’ASFC, les prix trimestriels moyens des tôles d’acier nationales de l’Europe du Nord (MB-STE-0035) et de l’Europe du Sud (MB-STE-0035Note de bas de page 126) selon Fastmarkets ont été comparés avec la moyenne trimestrielle des prix à l’exportation mondiaux de la Tchéquie selon Comtrade de l’ONUNote de bas de page 127. De 2021 au S1 2024, les prix à l’exportation moyens de la Tchéquie étaient supérieurs aux prix sur le marché intérieur européen dans huit des 14 comparaisons, et le sont restés depuis le T3 2022, à l’exception du T1 2023. Par ailleurs, une comparaison du prix moyen sur le marché intérieur avec le prix à l’exportation moyen dans l’ensemble de la PVR révèle un dumping possible, le prix à l’exportation tchèque étant inférieur au prix moyen sur le marché intérieur européen.

[200] Aux fins de la présente analyse, il importe de noter que la flambée des prix des tôles d’acier en 2021 et au début de 2022 selon Fastmarkets s’explique probablement par des tendances économiques anormales causées par la pandémie de COVID-19, comme nous l’avons déjà vu. C’est pourquoi l’ASFC a aussi examiné les prix d’une période plus isolée de la PVR lorsque les marchés mondiaux des tôles d’acier s’étaient remis des conditions atypiques non cycliques causées par la pandémie.

[201] L’analyse a révélé que, pendant la partie de la PVR où l’incidence de la pandémie sur le marché s’était estompée, le prix à l’exportation des tôles d’acier de la Tchéquie était supérieur en moyenne au prix intérieur, les marchandises n’ayant pas été sous-évaluées.

[202] L’ASFC souligne que son analyse des prix se fonde sur les meilleurs renseignements accessibles au dossier administratif. Par conséquent, il ne s’agit pas de renseignements sur les prix intérieurs et à l’exportation réels de producteurs des marchandises en cause en Tchéquie. Ainsi, l’analyse des prix dans le présent réexamen serait plus fiable et aurait plus de poids si des renseignements directs sur les prix de la Tchéquie étaient accessibles. L’ASFC en tiendra compte lorsqu’elle se penchera sur le prix comme facteur pour déterminer la vraisemblance de la reprise du dumping par des producteurs tchèques advenant l’expiration de l’ordonnance.

L’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays

[203] L’ASFC n’a pas d’autre mesure antidumping en vigueur à l’égard de produits de la Tchéquie.

[204] L’information au dossier administratif indique que seul un autre pays a une mesure antidumping à l’endroit de la Tchéquie. Cette mesure a été prise en 2021 par les États-Unis à l’égard de tubes normalisés, tubes de canalisation et conduites sous pression sans soudure en acier au carbone et en acier allié. Cependant, aucun autre pays n’a de mesures antidumping à l’égard de tôles d’acier ou de produits d’acier laminés à plat de la TchéquieNote de bas de page 128.

[205] L’ASFC souligne qu’en plus des conclusions de 2004 (NQ-2003-002) dans le présent réexamen relatif à l’expiration, la Tchéquie a par le passé été mise en cause dans le dumping de tôles au Canada, des conclusions antérieures ayant été annulées en 1998Note de bas de page 129. Cette tendance au dumping de tôles au Canada pourrait être indicative du comportement futur probable des producteurs en Tchéquie si l’ordonnance est annulée. Cependant, aucun renseignement public ou au dossier administratif concernant le détail de cette procédure ne permet à l’ASFC de tirer des parallèles entre celle-ci et l’ordonnance en l’espèce, le cas échéant.

[206] Néanmoins, même si les conclusions en l’espèce sont en vigueur depuis plus de 20 ans, les producteurs de tôles d’acier en Tchéquie n’ont pas participé à une procédure depuis 2013. L’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays à l’égard de tôles d’acier ou de produits d’acier laminés à plat de la Tchéquie témoigne de la propension des producteurs tchèques à vendre sur les marchés d’exportation à des prix non sous-évalués.

[207] Vu l’absence de mesures antidumping dans d’autres territoires à l’égard des marchandises en cause, et le peu de mesures antidumping en vigueur à l’égard de toutes autres marchandises tchèques, il est raisonnable de conclure que l’expiration de l’ordonnance ne causerait vraisemblablement pas la reprise du dumping au Canada de certaines tôles d’acier de la Tchéquie.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping

[208] D’après la preuve au dossier concernant : la capacité et la production de tôles d’acier de la Tchéquie sur un marché européen difficile; la forte dépendance à l’exportation de la Tchéquie et la destination de ses exportations de tôles; le manque d’intérêt envers le marché canadien; les données sur les prix qui semblent indiquer que la Tchéquie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés; et l’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays à l’endroit de la Tchéquie, l’ASFC a décidé que l’expiration de l’ordonnance ne causerait vraisemblablement pas la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier de la Tchéquie.

Roumanie

[209] L’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé d’exportateurs en Roumanie. Elle s’est donc fiée aux renseignements présentés par les parties participantes ainsi qu’aux autres renseignements au dossier administratif aux fins de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration en ce qui concerne la Roumanie.

[210] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et tenant compte des documents au dossier administratif, l’ASFC a mené l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Son travail d’analyse se résume aux points suivants :

  • la capacité et la production de tôles d’acier de la Roumanie sur un marché européen difficile;
  • le manque d’intérêt envers le marché canadien;
  • les données sur les prix qui semblent indiquer que la Roumanie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés; et
  • l’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays ces dernières années.

[211] Dans l’enquête initiale de l’ADRC en 2003, Ispat Sidex S.A. (maintenant Liberty Galati) était l’unique producteur/exportateur ayant expédié les marchandises en cause au Canada dans la PVE. Ispat Sidex S.A. a participé à l’enquête initiale ainsi qu’aux deux réexamens subséquents, conclus en 2006 et en 2008. Cependant, aucun exportateur n’a participé au dernier réexamen, conclu en 2010Note de bas de page 130.

[212] Faute de coopération d’exportateurs roumains dans le réexamen de 2010, les valeurs normales auparavant attribuées ont été annulées et de nouvelles ont été fixées par prescription ministérielle, sur la base d’une majoration de 74,6 % du prix à l’exportationNote de bas de page 131. Aucun producteur/exportateur roumain n’a participé à une procédure de l’ASFC depuis.

La capacité et la production de tôles d’acier de la Roumanie sur un marché européen difficile

[213] Liberty Galati est la plus grande aciérie et l’unique producteur actif de tôles de la Roumanie. Selon l’information au dossier administratif, le pays a une capacité annuelle d’environ 5 millions tm, une petite partie provenant de laminoirs réversibles et le reste, de laminoirs à bande à chaudNote de bas de page 132. Selon les perspectives du marché de l’acier de CRU, aucune augmentation de la capacité de tôles de la Roumanie n’est prévue dans les années à venirNote de bas de page 133.

[214] Au sujet de la production, selon les perspectives du marché de l’acier de CRU, la production estimative de tôles de la Roumanie a grandement diminué dans la PVR. Les chiffres indiquent aussi que le taux d’utilisation est demeuré inférieur à 50 % dans l’ensemble de la PVRNote de bas de page 134.

[215] La baisse des taux d’utilisation résulte de la réduction de la production à l’aide de matériel pouvant servir à fabriquer les marchandises en cause de Liberty Galati. Selon un article au dossier administratif, du 17 octobre au 8 novembre 2023, le seul haut fourneau en activité de Liberty Galati en Roumanie a été arrêté. La société a attribué l’arrêt au coût élevé de l’énergie et au coût croissant des matières. De plus, en juillet 2023, les ateliers de laminage de la société étaient à l’arrêt en raison d’une pénurie de matières premières et d’un carnet de commandes peu rempli. Bien que les ateliers de laminage aient été remis en service en août 2023, la société prévoyait de les arrêter à nouveau après avoir laminé les brames restantes et avoir relaminé les bobines laminées chaudNote de bas de page 135.

[216] La pénurie de matières premières et les coûts croissants de ces matières peuvent être attribués à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui a grandement perturbé l’offre de produits d’acier semi-finis et finis dans l’UE. La guerre a aggravé les difficultés des producteurs roumains comme Liberty Galati pour maintenir ou augmenter les taux d’utilisation en raison de l’offre limitée d’intrants afin de répondre à la demande de tôles d’acier de l’UE.

[217] De plus, Liberty Ostrava, une société sœur en Tchéquie qui produit les marchandises en cause, mentionne les coûts réglementaires et de décarbonisation plus élevés comme facteurs de la détérioration des conditions du marché européen de l’acierNote de bas de page 136. Ces facteurs ont probablement eu la même incidence sur Liberty Galati, les deux sociétés opérant dans un contexte économique et réglementaire similaire.

[218] Au sujet des coûts réglementaires et de décarbonisation, Liberty Galati a sollicité le soutien du gouvernement roumain, demandant une aide pour la distribution des certificats de CO2 et le maintien des incitations actuelles pour les grands consommateurs d’énergieNote de bas de page 137. De plus, Liberty Galati a engagé des consultations avec le gouvernement pour étudier des solutions afin de réduire les coûts énergétiques de la production d’acier. L’énergie représente actuellement près de 40 % du coût de la tonne d’acier, contre seulement 8 % en 2019Note de bas de page 138. En 2023, Liberty Galati n’a pu reprendre les activités qu’après l’octroi par la banque d’État d’un prêt de 150 millions d’euros assorti de garanties gouvernementalesNote de bas de page 139.

[219] Vu les difficultés économiques éprouvées, y compris les coûts énergétiques élevés, les prix croissants des matières et les pressions réglementaires, Liberty Galati demeure soumise à de fortes contraintes pour maintenir sa capacité de production. Néanmoins, la preuve au dossier indique que Liberty Galati a géré ses activités avec prudence. Malgré les difficultés financières et opérationnelles, rien au dossier administratif n’indique que la société a eu recours à des pratiques commerciales offensives ou désespérées pour maintenir un niveau élevé de production et d’utilisation de la capacité afin de réduire les coûts moyens.

Le manque d’intérêt envers le marché canadien

[220] Dans la PVR, il n’y a eu aucune expédition de marchandises en cause de la Roumanie au Canada. De plus, d’après le dossier administratif, il n’y a eu aucune expédition sur le marché canadien depuis au moins 2015Note de bas de page 140. Par ailleurs, aucun exportateur roumain n’a demandé de réexamen des valeurs normales dans cette période.

[221] L’absence de participation de l’exportateur roumain au présent réexamen est conforme au désintérêt général dont il a fait preuve envers le marché canadien des marchandises en cause depuis la conclusion du réexamen des valeurs normales en 2008Note de bas de page 141.

[222] L’ASFC ne perçoit pas l’absence de coopération à la présente procédure comme une indication de la vraisemblance ou de la non-vraisemblance de la reprise du dumping en provenance de la Roumanie. Cependant, une absence continue de participation à toutes les procédures de l’ASFC depuis 2008 dénoterait un manque d’intérêt général envers le marché canadien. L’ASFC souligne que, depuis que l’exportateur roumain s’est vu attribuer des valeurs normales en 2008, il n’a pas vendu de marchandises en cause au Canada, et n’a participé à aucun autre réexamen subséquent ou réexamen relatif à l’expirationNote de bas de page 142.

[223] Par ailleurs, en 2004, le TCCE a annulé ses conclusions concernant certains feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, originaires ou exportés de la RoumanieNote de bas de page 143. Depuis l’annulation des conclusions, il n’y a pas eu poursuite ou reprise apparente du dumping au Canada de feuillards laminés à chaud roumains, ni de conclusions subséquentes à l’égard des mêmes produits. En outre, le producteur roumain assujetti aux conclusions concernant les feuillards laminés à chaud, Ispat Sidex S.A., est le même que celui assujetti à l’ordonnance en l’espèce. Cela témoigne à nouveau d’un manque d’intérêt des producteurs roumains d’acier laminé à plat envers le marché canadien.

[224] Par le passé, l’ASFC a jugé que l’absence d’expéditions et de participation dénotait une incapacité des producteurs roumains de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués. Néanmoins, vu l’absence d’exportations au Canada, l’absence de demandes de révision ou de réexamen, l’absence historique d’exportations, et le fait que le producteur roumain connu des marchandises en cause n’a pas repris le dumping d’autres produits d’acier plats auparavant assujettis à des conclusions qui ont depuis été annulées, l’ASFC est d’avis que les producteurs roumains ne sont pas susceptibles de renouveler leur intérêt envers le marché canadien advenant l’expiration de l’ordonnance.

Les données sur les prix qui semblent indiquer que la Roumanie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés

[225] L’examen des données sur les prix au dossier administratif donne à penser que les exportations de tôles d’acier de la Roumanie vers d’autres marchés dans la PVR pourraient être à des prix supérieurs aux prix de vente intérieurs en Europe.

[226] Algoma a fourni des renseignements sur les prix à l’appui de son point de vue que la Roumanie a pratiqué le dumping sur des marchés d’exportation depuis 2020. Pour établir les prix sur le marché intérieur roumain, Algoma s’est fiée aux prix des tôles laminées à chaud publiés par MEPS International. Cependant, puisque la publication ne donne pas les prix des tôles d’acier roumaines, Algoma a proposé d’utiliser les prix de la Tchéquie comme valeur de remplacement raisonnable. Dans son analyse, Algoma a comparé les prix trimestriels en Tchéquie avec la moyenne trimestrielle des prix à l’exportation mondiaux de la Roumanie selon Comtrade de l’ONU. Il en est ressorti que les prix à l’exportation moyens de la Roumanie étaient supérieurs aux prix sur le marché intérieur tchèque dans seulement quatre des 14 comparaisons de prix de 2021 au S1 2024Note de bas de page 144.

[227] Dans son analyse, l’ASFC s’est fiée aux prix mondiaux des tôles d’acier publiés par Fastmarkets. Fastmarkets donne les prix sortie-usine des tôles d’acier nationales en Europe du Sud, qui servent de valeurs de remplacement raisonnables pour les prix sur le marché intérieur roumain, la Roumanie faisant partie de cette sous-région européenne. Le site Web de Fastmarkets expose sa méthode de déclaration des prix, qui comporte des spécifications claires pour les niveaux de prix couvertsNote de bas de page 145. Dans le cas de l’Europe du Sud, Fastmarkets donne les prix sortie-usine des tôles de nuance S235JRNote de bas de page 146 en quantités commerciales dans la PVR. N’ayant pu trouver de renseignements publics sur la méthode d’établissement des prix de MEPS International, et faute de renseignements à ce sujet au dossier administratif, l’ASFC estime que l’information de Fastmarkets est plus représentative des prix intérieurs roumains.

[228] Pour l’analyse de l’ASFC, les prix intérieurs trimestriels des tôles d’acier de l’Europe du Sud (MB-STE-0035Note de bas de page 147) selon Fastmarkets ont été comparés avec la moyenne trimestrielle des prix à l’exportation mondiaux de la Roumanie selon Comtrade de l’ONUNote de bas de page 148. De 2021 au S1 2024, les prix à l’exportation moyens de la Roumanie étaient supérieurs aux prix sur le marché intérieur de l’Europe du Sud dans 10 des 14 comparaisons, et le sont restés depuis le T3 2022. Par ailleurs, une comparaison du prix moyen sur le marché intérieur avec le prix à l’exportation moyen dans l’ensemble de la PVR ne révèle aucun dumping, le prix à l’exportation roumain étant supérieur au prix sur le marché intérieur de l’Europe du Sud.

[229] Aux fins de la présente analyse, il importe de noter que la flambée des prix des tôles d’acier en 2021 et au début de 2022 selon Fastmarkets s’explique probablement par des tendances économiques anormales causées par la pandémie de COVID-19, comme nous l’avons déjà vu. C’est pourquoi l’ASFC a aussi examiné les prix d’une période plus isolée de la PVR lorsque les marchés mondiaux des tôles d’acier s’étaient remis des conditions atypiques non cycliques causées par la pandémie.

[230] L’analyse a révélé que, pendant la partie de la PVR où l’incidence de la pandémie sur le marché s’était estompée, le prix à l’exportation des tôles d’acier de la Roumanie était nettement supérieur en moyenne au prix intérieur, les marchandises n’ayant pas été sous-évaluées.

[231] L’ASFC souligne que son analyse des prix se fonde sur les meilleurs renseignements accessibles au dossier administratif. Par conséquent, il ne s’agit pas de renseignements sur les prix intérieurs et à l’exportation réels de producteurs des marchandises en cause en Roumanie. Ainsi, l’analyse des prix dans le présent réexamen serait plus fiable et aurait plus de poids si des renseignements directs sur les prix de la Roumanie étaient accessibles. L’ASFC en tiendra compte lorsqu’elle se penchera sur le prix comme facteur pour déterminer la vraisemblance de la reprise du dumping par des producteurs roumains advenant l’expiration de l’ordonnance.

L’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays ces dernières années

[232] L’ASFC n’a pas d’autre mesure antidumping en vigueur à l’égard de produits de la RoumanieNote de bas de page 149.

[233] L’information au dossier administratif indique que seuls deux autres pays ont des mesures antidumping à l’égard de marchandises de la Roumanie qui peuvent être similaires aux marchandises en cause ou produites à l’aide du même matériel. En particulier, le Mexique a une mesure en vigueur à l’égard de tôles d’acier au carbone en feuillards, tandis que la Thaïlande en a une à l’égard d’acier laminé à plat en bobines et non en bobines, de la RoumanieNote de bas de page 150.

[234] L’information au dossier administratif ne permet pas à l’ASFC d’établir si les mesures prises par le Mexique et la Thaïlande visent des produits également fabriqués par l’unique producteur roumain connu des marchandises en cause. Néanmoins, l’ASFC souligne que le producteur roumain a changé de mains plusieurs fois depuis les conclusions initiales en 2004Note de bas de page 151. Bien qu’un changement de propriétaire n’exclue pas des conclusions les propriétaires subséquents de l’usine, l’ASFC se concentrera davantage sur les mesures prises à l’endroit du propriétaire actuel.

[235] Selon la base de données de l’OMC sur les recours commerciaux, aucune mesure récente n’a été prise à l’égard de tôles d’acier roumaines. L’ASFC souligne que les conclusions du Mexique sont en vigueur depuis 2005 et celles de la Thaïlande, depuis 2003Note de bas de page 152. Même si les propres constatations de l’ASFC sont en vigueur depuis plus de 20 ans, les producteurs de tôles d’acier en Roumanie n’ont pas participé à une procédure depuis 2008Note de bas de page 153.

[236] De plus, en janvier 2007, les États-Unis ont annulé les conclusions antidumping à l’égard de tôles d’acier de la RoumanieNote de bas de page 154. Les producteurs roumains de tôles d’acier n’ont pas fait l’objet de conclusions antidumping aux États-Unis depuis 2007; cependant, l’ASFC reconnaît que les droits au titre de l’article 232, mis en œuvre en mars 2018, ont créé des barrières tarifaires pour les exportateurs d’acier à l’échelle mondiale, malgré l’absence de conclusions américaines.

[237] Vu l’absence de mesures antidumping récentes dans d’autres territoires à l’égard des marchandises en cause, et l’annulation des conclusions américaines à l’égard de tôles d’acier roumaines en 2007, il est raisonnable d’établir que l’expiration de l’ordonnance ne causerait vraisemblablement pas la reprise du dumping de certaines tôles d’acier de la Roumanie.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping

[238] D’après la preuve au dossier concernant : la capacité et la production de tôles d’acier de la Roumanie sur un marché européen difficile; le manque d’intérêt envers le marché canadien; les données sur les prix qui semblent indiquer que la Roumanie n’est pas susceptible de pratiquer le dumping sur d’autres marchés; et l’absence de mesures antidumping prises par d’autres pays à l’endroit de la Roumanie ces dernières années, l’ASFC a décidé que l’expiration de l’ordonnance ne causerait vraisemblablement pas la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier de la Roumanie.

Conclusion

[239] Aux fins de la décision dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI et aux autres facteurs pertinents dans les circonstances. Ayant considéré les facteurs pertinents et les renseignements au dossier administratif, elle a décidé le 6 mars 2025, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration de l’ordonnance rendue par le TCCE le 31 octobre 2019 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2018-007 à l’égard de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie ne causerait vraisemblablement pas la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises.

Mesures à venir

[240] Puisque l’ASFC a décidé que l’expiration de l’ordonnance à l’égard de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie ne causerait vraisemblablement pas la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises, le TCCE ne prendra pas en compte celles-ci dans sa décision concernant la vraisemblance d’un dommage sensible, et rendra une ordonnance annulant l’ordonnance à l’égard des marchandises. Par conséquent, les importations de ces marchandises de la Bulgarie, de la Tchéquie et de la Roumanie ne seront plus assujetties à des droits antidumping à compter de la date à laquelle l’ordonnance sera annulée.

Communiquer avec nous

[241] Pour en savoir plus, prière de communiquer avec le Centre de dépôt LMSI :

Courriel : simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Le directeur exécutif p.i.
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Sean Borg

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