PLA5 2018 ER
Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud
Énoncé des motifs

Ottawa, le 7 juin 2019

D’une décision rendue dans le réexamen relatif à l’expiration en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République Tchèque et de la Roumanie.

Décision

Le 24 mai 2019, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration de l’ordonnance rendue le 7 janvier 2014 par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-002 causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

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Résumé

[1] Le 27 décembre 2018, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance rendue le 7 janvier 2014 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-002 concernant le dumping de certaines tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (certaines tôles d’acier laminées à chaud), originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie (les pays visés).

[2] En réponse à l’avis du TCCE concernant le réexamen relatif à l’expiration, le 28 décembre 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI pour déterminer si l’expiration de l’ordonnance risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises en cause sous-évaluées au Canada.

[3] L’ASFC a reçu des réponses à son questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) de la part d’Algoma Steel Inc. (Algoma)Note de bas de page 1 et d’Evraz Inc. NA Canada (Evraz)Note de bas de page 2, des producteurs entièrement intégrés de tôles d’acier laminées à chaud au Canada. Dans son exposé, Evraz a exprimé le point de vue que les importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance des pays visés risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée, et a fourni des renseignements à l’appui de sa position. En plus de leur réponse, Algoma a fourni des renseignements supplémentaires à l’ASFC avant la clôture du dossier et a appuyé la position adoptée par Evraz dans son mémoire.

[4] L’ASFC a reçu des réponses à son QRE de la part des centres de services canadiens suivants, qui produisent aussi les tôles d’acier laminées à chaud en cause : Acier Nova Inc.Note de bas de page 3, Samuel, Son & Co. LimitedNote de bas de page 4 et SSAB Central Inc. (SSAB)Note de bas de page 5. SSAB a exprimé le point de vue que les importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance des pays visés risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée. Acier Nova Inc. et Samuel, Son & Co. Limited n’ont pas exprimé de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance des pays visés si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[5] L’ASFC a reçu des réponses à son QRE de la part des importateurs canadiens suivants de certaines tôles d’acier laminées à chaud : Accucut Profile & Grinding Ltd.Note de bas de page 6, A.M. Castle & Co. (Canada) Inc.Note de bas de page 7, Olbert Metal Sales LimitedNote de bas de page 8 et Russel Metals Inc.Note de bas de page 9 Ces importateurs se trouvent à divers niveaux du circuit de distribution, allant du détaillant au négociant et au centre de services. Un des importateurs a importé une quantité négligeable de marchandises en cause de la République tchèque en 2015. Aucun d’entre eux n’a exprimé de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping des marchandises en cause.

[6] De plus, par suite de l’imposition de sauvegardes provisoires le 25 octobre 2018 par le gouvernement du Canada, l’ASFC a demandé des renseignements supplémentaires aux importateurs et aux producteurs au Canada concernant l’incidence de la surtaxe de sauvegarde provisoire de 25 % sur les importations de tôles lourdes sur le marché canadienNote de bas de page 10. Elle a reçu des réponses des parties suivantes : Algoma, Evraz, Accucut Profile & Grinding Ltd., A.M. Castle & Co. (Canada) Inc. et Olbert Metal Sales Limited. En règle générale, d’après les réponses des centres de services, les prix des tôles d’acier au Canada ont augmenté, les surtaxes ont une incidence sur la rentabilité, et les niveaux de stocks sont de plus en plus faibles en raison des difficultés d’approvisionnement liées aux contingents tarifairesNote de bas de page 11. Pour leur part, les producteurs canadiens indiquent que la concurrence est plus forte pour les marchandises correspondant à la définition des produits qui ne sont pas assujetties aux sauvegardes provisoires. Ils soutiennent que les clients s’approvisionnent en tôles d’acier non assujetties aux sauvegardes provisoires afin d’éviter de payer la surtaxeNote de bas de page 12.

[7] L’ASFC n’a pas reçu de réponse à son QRE de producteurs ou d’exportateurs de certaines tôles d’acier laminées à chaud des pays visés.

[8] L’ASFC a reçu un mémoire au nom des producteurs canadiens, AlgomaNote de bas de page 13 et EvrazNote de bas de page 14. De plus, SABB et Acier Nova Inc. ont envoyé des lettres appuyant le mémoire présenté par Algoma. L’ASFC n’a pas reçu de mémoire de toute autre partie. Le mémoire présenté par les deux producteurs canadiens contenait des renseignements à l’appui de leur position selon laquelle les importations de marchandises en cause sous-évaluées risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[9] L’ASFC n’a pas reçu de contre-exposé de toute partie intéressée.

[10] En ce qui concerne la Bulgarie, l’analyse des renseignements au dossier administratif indique que les exportateurs en Bulgarie dépendent largement des exportations de produits de tôles d’acier laminées à chaud; ils vendent à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes; ils sont incapables de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et ils devraient vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien.

[11] En ce qui concerne la République tchèque, l’analyse des renseignements au dossier administratif indique que les exportateurs en République tchèque dépendent largement des exportations pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité; ils vendent à des prix inférieurs aux prix des importations canadiennes; ils ont une propension à faire le dumping des marchandises en cause au Canada; ils sont incapables de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et ils devraient vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien.

[12] En ce qui concerne la Roumanie, l’analyse des renseignements au dossier administratif indique que les exportateurs en Roumanie dépendent largement des exportations pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité; ils vendent à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes; d’autres pays ont pris des mesures commerciales à l’endroit de la Roumanie; les exportateurs en Roumanie sont incapables de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et ils devraient vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien.

[13] Par conséquent, après étude des renseignements pertinents au dossier administratif, et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a jugé, le 24 mai 2019, que l’expiration de l’ordonnance concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping de ces marchandises au Canada.

Contexte

[14] Le 13 juin 2003, à la suite d’une plainte déposée par Algoma Steel Inc. et appuyée par IPSCO (maintenant Evraz Inc. NA Canada) et Stelco Inc. (maintenant Stelco Holdings Inc.), l’ASFC a ouvert une enquête en vertu du paragraphe 31(1) de la LMSI concernant le dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

[15] Le 9 décembre 2003, en vertu du paragraphe 41(1) de la LMSI, le commissaire des douanes et du revenu a rendu une décision définitive de dumping concernant les marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

[16] Le 9 janvier 2004, en vertu du paragraphe 43(1) de la LMSI, le TCCE a jugé dans l’enquête NQ-2003-002 que le dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie a causé un dommage à la branche de production nationale.

[17] Le 24 avril 2008, en vertu du paragraphe 76.03(3) de la LMSI, l’ASFC a ouvert un réexamen relatif à l’expiration concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud. Le 21 août 2008, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, elle a déterminé que l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

[18] Le 8 janvier 2009, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2008-002, le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant ses conclusions à l’égard de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

[19] Le 16 juillet 2010, l’ASFC a conclu son dernier réexamen visant à mettre à jour les valeurs normales et les prix à l’exportation pour certaines tôles d’acier laminées à chaudNote de bas de page 15. Aucun exportateur n’y a coopéré. Par conséquent, toutes les importations des marchandises en cause sont assujetties à des droits antidumping équivalents à 74,6 % du prix à l’exportation déclaré conformément à une prescription ministérielle.

[20] Le 25 avril 2013, en vertu du paragraphe 76.03(3) de la LMSI, l’ASFC a ouvert un réexamen relatif à l’expiration concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud. Le 22 août 2013, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, elle a déterminé que l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

[21] Le 7 janvier 2014, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-002, le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant son ordonnance à l’égard de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

[22] Le 22 juin 2018, le TCCE a informé les parties aux réexamens relatifs à l’expiration RR-2013-002 et RR-2014-002 et à l’enquête NQ-2013-005 de l’ouverture d’un réexamen intermédiaire visant à évaluer l’importance et la performance des centres de services sur le marché canadien de 2012 à 2013. Le TCCE s’inquiétait surtout de ce que le volume de production des centres de services au cours de ces années ait été plus important que celui estimé dans les procédures susmentionnées et, le cas échéant, qu’il ait porté atteinte au bien-fondé de ses décisions de dommage dans ces mêmes procédures.

[23] Le 27 décembre 2018, au sujet du réexamen intermédiaire, le TCCE a prorogé sans modification ses ordonnances et conclusions dans les procédures susmentionnées conformément à l’alinéa 76.01(5)a) de la LMSINote de bas de page 16.

[24] Le 7 novembre 2018, conformément au paragraphe 76.03(2) de la LMSI, le TCCE a publié un avis concernant l’expiration de son ordonnance, prévue pour le 6 janvier 2019. L’information reçue pendant le processus d’expiration l’a convaincu de procéder à un réexamen.

[25] C’est pourquoi le 27 décembre 2018, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance.

[26] Enfin, le 28 décembre 2018, l’ASFC a ouvert l’enquête qui nous intéresse pour déterminer si l’expiration de l’ordonnance risquait de faire reprendre ou se poursuivre le dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

Les produits

Définition

[27] Les marchandises assujetties à l’ordonnance visée par le réexamen sont les suivantes :

Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur variant de 24 pouces (+/- 610 mm) à 152 pouces (+/-3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/-4,75 mm) à 4 pouces (+/-101,6 mm) inclusivement, originaires ou exportées de la République de Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie, à l’exclusion des tôles fabriquées selon les spécifications A515 et A516M/A516 de l’American Society for Testing and Materials (ASTM), nuance 70, d’une épaisseur supérieure à 3,125 pouces (+/-79,3 mm), des larges-plats, des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux et des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »).

Précisions

[28] La fabrication de certaines tôles d’acier laminées à chaud répond à certaines spécifications de l’Association canadienne de normalisation (ACNOR) et/ou de l’ASTM ou à des spécifications équivalentes.

[29] La spécification ACNOR G40.21 vise l’acier devant servir à des fins de construction générale. Dans l’ASTM, par exemple, la spécification A36M/A36 comprend les tôles de construction; les spécifications A572M/A572 comprennent les tôles d’acier allié résistant à faible teneur et la spécification A516M/A516 comprend les tôles de qualité devant servir à la fabrication des appareils sous pression.

[30] Des normes de l’ASTM, par exemple A6/A6M et A20/A20M, reconnaissent les écarts admissibles dans les dimensions.

[31] Il y a lieu de noter que les dimensions métriques équivalentes dans la définition des produits sont des chiffres arrondis, comme les symboles « +/- » l’indiquent.

Fabrication

[32] L’acier liquide, devant servir à la production de certaines tôles d’acier laminées à chaud, est produit au moyen de hauts fourneaux, de convertisseurs basiques à oxygène et de fours à arc électriques. Bien que les détails puissent varier d’une aciérie à l’autre, le procédé de production de certaines tôles d’acier laminées à chaud au moyen de l’acier liquide est essentiellement le même chez tous les producteurs intégrés et nécessite la production d’une brame, le chauffage de la brame, le décalaminage, le laminage, le dressage, la coupe à dimension, le contrôle et les essais. Certaines tôles d’acier laminées à chaud peuvent avoir subi un traitement thermique qui peut comprendre le recuit, la normalisation, la stabilisation, la trempe, la trempe de refroidissement ou une combinaison de ces opérations.

[33] Certaines tôles d’acier laminées à chaud peuvent aussi être produites par le déroulement de bobines et leur découpage dans différentes longueurs. De telles tôles sont appelées « tôles en bobine » ou « tôles coupées à longueur » et sont habituellement produites par des centres de services.

Classement des importations

[34] Les marchandises en cause sont habituellement importées au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  1. 7208.51.00.10
  2. 7208.51.00.91
  3. 7208.51.00.92
  4. 7208.51.00.93
  5. 7208.51.00.94
  6. 7208.51.00.95
  7. 7208.52.00.10
  8. 7208.52.00.91
  9. 7208.52.00.92
  10. 7208.52.00.93
  11. 7208.52.00.96

[35] Avant le 1er janvier 2017, les marchandises en cause étaient habituellement importées au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  1. 7208.51.00.10
  2. 7208.51.00.91
  3. 7208.51.00.92
  4. 7208.51.00.93
  5. 7208.51.00.94
  6. 7208.51.00.95
  7. 7208.52.00.10
  8. 7208.52.00.91
  9. 7208.52.00.92
  10. 7208.52.00.93
  11. 7208.52.00.94
  12. 7208.52.00.95

[36] Ces numéros de classement tarifaire sont fournis à titre indicatif seulement. Ils peuvent comprendre des marchandises non en cause, et des marchandises en cause peuvent être importées au Canada sous d’autres numéros de classement tarifaire. Seule la définition des produits fait autorité sur les marchandises en cause.

Période visée par le réexamen

[37] La période visée par le réexamen (PVR) de l’ASFC va du 1er janvier 2015 au 31 octobre 2018.

Branche de production nationale

[38] La branche de production nationale de certaines tôles d’acier laminées à chaud comprendles deux aciéries intégrées suivantes :

  • Algoma Steel Inc., de Sault Ste. Marie (Ontario)
  • Evraz Inc. NA Canada, de Regina (Saskatchewan)

Algoma Steel Inc.

[39] Algoma est un important producteur de fer et d’acier. En 2018, Algoma a une capacité de production annuelle d’environ 3,7 millions de tonnes métriques (Mtm) d’acier brut et de 3,4 Mtm d’acier fini. Algoma a produit sa première tôle d’acier laminée à chaud en 1959. Sur son laminoir à tôles fortes de 166 pouces (po) et son laminoir à bandes larges de 106 po, Algoma produit des tôles d’acier au carbone d’une largeur maximale de 152 po (3 860 mm) et d’une épaisseur maximale de 4 po (101 mm) ainsi que d’autres tôles d’acier au carbone et tôles laminées à chaud non similaires. Enfin, Algoma produit des tôles laminées à froid dans ses installations.

[40] La société a été constituée le 1er juin 1992. Le 29 janvier 2002, elle a été réorganisée dans le cadre d’un plan d’arrangement et de réorganisation aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Elle a été fusionnée avec Essar Steel Holdings Limited en juin 2007. Le 8 mai 2008, elle a été renommée Essar Steel Algoma Inc.

[41] Le 9 novembre 2015, Essar Steel Algoma Inc. a entamé les procédures de restructuration supervisées par les tribunaux aux termes de la LACC. Le 30 novembre 2018, un groupe de créanciers a acheté les actifs de la société, et celle-ci a cessé d’avoir recours à la protection de la LACC en tant qu’« Algoma Steel Inc. »Note de bas de page 17

Evraz Inc. NA Canada

[42] Evraz produit des tôles d’acier, des feuilles d’acier et des produits tubulaires et transforme des bobines dans quatre emplacements au Canada, dont Calgary, Red Deer et Regina. Les installations d’Evraz en Alberta fabriquent des produits tubulaires. Ses installations de Regina, qui forment le plus grand complexe industriel de l’acier dans l’Ouest canadien, produisent des tôles d’acier, des feuilles d’acier et des produits tubulaires. Ce sont aussi les seules installations, parmi les quatre emplacements de fabrication, à produire des tôles d’acier.

[43] Les installations d’Evraz à Regina étaient auparavant connues sous le nom d’IPSCO Inc. (IPSCO), société constituée en 1956 sous le nom de Prairie Pipe Manufacturing Co. Ltd., qui a commencé les activités en 1957 avec l’ouverture d’une usine de tuyauterie soudée par résistance électrique. En 1959, la société a acquis les actifs d’Interprovincial Steel Corp. Ltd. et, en 1960, a commencé à fabriquer des produits d’acier laminé à plat, y compris les marchandises en cause. Depuis, elle a élargi ses capacités de fabrication et a établi des ferrailleurs au Canada et aux États-Unis au moyen d’acquisitions et par la construction d’usines.

[44] Le 17 juillet 2007, SSAB, une filiale en propriété exclusive de SSAB Svenkst Stahl de la Suède, a racheté IPSCO et ses filiales en acquérant la totalité des actions. SSAB a réorganisé IPSCO, qui ne possède plus que les installations de Regina, celles de Calgary, Camrose et Red Deer et celles de Surrey, lui appartenant auparavant, par l’entremise d’une filiale en propriété exclusive, IPSCO Canada Inc.

[45] Le 12 juin 2008, Evraz Group S.A., maintenant une filiale en propriété exclusive d’Evraz plc., a racheté IPSCO et ses filiales à SSAB par une acquisition d’actions.

[46] Le 15 octobre 2008, IPSCO et IPSCO Canada Inc. ont été renommées Evraz Canada et Evraz Inc. NA Canada West respectivement. Le 1er janvier 2009, Evraz Inc. NA Canada West a été fusionnée avec Evraz CanadaNote de bas de page 18.

Centres de services de l’acier

[47] Même si leurs procédés de fabrication diffèrent dans une certaine mesure de ceux d’Algoma et d’Evraz, les centres de services de l’acier fabriquent et vendent les mêmes produits sur le marché canadien, aux mêmes utilisateurs finaux, pour essentiellement les mêmes utilisationsNote de bas de page 19. Par conséquent, la branche de production nationale de certaines tôles d’acier laminées à chaud est aussi composée des centres de services de l’acier suivants :

  • Acier Nova Inc.
  • Alliance Steel Corporation
  • Coilex Inc.
  • Del Metals
  • Janco Steel
  • Russel Metals Ltd.
  • Samuel, Son & Co., Limited
  • SSAB Central Inc.Note de bas de page 20
  • Varsteel Ltd.

Marché canadien

[48] Le marché canadien apparent de certaines tôles d’acier laminées à chaud au cours de la PVR est présenté dans le tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1
Marché canadien apparent au cours de la PVRNote de bas de page 21
(Valeur en $CA et quantité en tonnes métriques)
Valeur ($CA)
Provenance 2015 2016 2017 2018 (janv. - oct.)
Valeur % Valeur % Valeur % Valeur %
Ventes intérieures CAN 240 035 599 36,9 % 213 675 573 35,1 % 281 753 705 38,3 % 306 992 243 48,4 %
Bulgarie 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Rép. tchèque 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Roumanie 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Total des pays visés 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Tous les autres pays 410 189 848 63,1 % 394 957 504 64,9 % 454 133 830 61,7 % 327 202 517 51,6 %
Total des importations 410 189 848 63,1 % 394 957 504 64,9 % 454 133 830 61,7 % 327 202 517 51,6 %
Marché CAN total 650 225 447 100% 608 633 077 100% 735 887 535 100% 634 194 760 100%
Quantité (tm)
Provenance 2015 2016 2017 2018 (janv. - oct.)
Quantité % Quantité % Quantité % Quantité %
Ventes intérieures CAN 256 394 33,2 % 247 538 34,1 % 274 121 35,2 % 248 717 44,1 %
Bulgarie 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Rép. tchèque 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Roumanie 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Total des pays visés 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 % 0 0,0 %
Tous les autres pays 515 548 66,8 % 479 445 65,9 % 505 046 64,8 % 315 849 55,9 %
Total des importations 515 548 66,8 % 479 445 65,9 % 505 046 64,8 % 315 849 55,9 %
Marché CAN total 771 942 100% 726 983 100% 779 167 100% 564 566 100%

Production canadienne

[49] D’après les chiffres présentés dans le tableau 1, la part du marché canadien apparent détenue par les producteurs canadiens, pour ce qui est de la valeur en dollars, était de 36,9 % en 2015, de 35,1 % en 2016, de 38,3 % en 2017 et de 48,4 % au cours des dix premiers mois de 2018. La part du marché canadien apparent détenue par les producteurs canadiens, en pourcentage du volume total, était de 33,2 % en 2015, de 34,1 % en 2016, de 35,2 % en 2017 et de 44,1 % au cours des dix premiers mois de 2018. Donc, la part du marché canadien apparent détenue par les producteurs canadiens a diminué de 2015 à 2016, mais a augmenté par la suite.

Importations des pays visés

[50] Dans la PVR, il n’y a pas eu d’importation des marchandises en cause des pays visés.

Importations d’autres pays

[51] Dans la PVR, la valeur totale en dollars des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays (c.-à-d. les pays non visés), en pourcentage du marché canadien apparent, était de 63,1 % en 2015, de 64,9 % en 2016, de 61,7 % en 2017 et de 51,6 % au cours des dix premiers mois de 2018. Le volume des importations d’autres pays, en pourcentage du marché canadien apparent, était de 66,8 % en 2015, de 65,9 % en 2016, de 64,8 % en 2017 et de 55,9 % au cours des dix premiers mois de 2018. Donc, les importations de marchandises en cause d’autres pays ont diminué progressivement depuis 2015 et ont connu une baisse considérable au cours des dix premiers mois de 2018.

Perception des droits

[52] Aux fins d’application de l’ordonnance du TCCE dans la PVR, comme on le voit dans le tableau 2 ci-dessous, aucuns droits antidumping n’ont été perçus, puisqu’il n’y a pas eu d’importation des marchandises en cause des pays visésNote de bas de page 22.

Tableau 2
Droits antidumping perçus dans la PVR sur les importations de marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la RoumanieNote de bas de page 23
(valeur en $CA)
Provenance 2015 2016 2017 2018 (1er janv.-31 oct.)
Bulgarie 0 $ 0 $ 0 $ 0 $
Rép. tchèque 0 $ 0 $ 0 $ 0 $
Roumanie 0 $ 0 $ 0 $ 0 $

Parties aux procédures

[53] Le 28 décembre 2018, l’ASFC a envoyé un avis d’ouverture d’enquête pour réexamen relatif à l’expiration et un QRE aux producteurs canadiens, ainsi qu’aux importateurs et aux exportateurs connus.

[54] Les QRE demandaient des renseignements nécessaires pour la prise en compte des facteurs pertinents de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).

[55] Cinq producteurs canadiens (deux aciéries intégrées et trois centres de services) et quatre importateurs ont participé à l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration et ont répondu au QRE. Aucun des exportateurs n’a répondu au QRE que l’ASFC leur a envoyé.

[56] L’ASFC a reçu un mémoire au nom des plaignants, Algoma et Evraz. Elle n’a pas reçu de mémoire ou de contre-exposé de toute autre partie avisée de l’ouverture de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration.

Renseignements que l’ASFC a pris en compte

Dossier administratif

[57] Les renseignements que l’ASFC a pris en compte aux fins de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse figurent au dossier administratif. Ce dossier contient les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l’ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l’expiration, les pièces justificatives de l’ASFC, et les renseignements présentés par les parties intéressées, notamment ceux qu’elles estiment pertinents pour la décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping si l’ordonnance est annulée. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités au Canada ou dans un autre pays, des documents d’organismes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et des réponses au QRE présentées par des producteurs au Canada, des exportateurs, des importateurs et des gouvernements étrangers.

[58] Dans toute enquête pour réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut être versé au dossier administratif; ici, c’était le 25 février 2019. Il s’agit en effet de donner le temps aux participants de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après ce qui se trouve au dossier administratif en date de sa clôture.

Position des parties – dumping

Parties selon qui le dumping risque fort de reprendre ou de se poursuivre

Algoma

[59] Algoma, un producteur canadien, a formulé des observations dans sa réponse au QRE et son mémoire à l’appui de sa position selon laquelle le dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie risque fort de reprendre et de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée. Par conséquent, Algoma soutient que les mesures devraient être maintenues.

[60] Les principaux facteurs relevés par Algoma peuvent se résumer comme il suit :

  • Conditions du marché international
  • Facteurs propres aux pays visés
  • Concurrence à bas prix provenant d’autres pays
  • Incidence des sauvegardes provisoires sur l’analyse de l’ASFC
  • Conditions du marché canadien

Conditions du marché international

[61] Algoma soutient que les conditions du marché international apportent un contexte important aux tendances macroéconomiques qui influent sur les tôles. En particulier, il est allégué que plusieurs développements mondiaux influent actuellement sur le marché des tôles, lesquels rendraient la branche de production nationale susceptible à la reprise du dumping advenant l’annulation de l’ordonnance. Ces développements sont approfondis ci-dessous.

Surcapacité mondiale

[62] Algoma indique qu’il continue d’y avoir un écart entre la surcapacité mondiale de production d’acier et la demande mondiale en acier. Algoma cite le dernier rapport ministériel du Forum mondial sur les surcapacités sidérurgiques du G20, qui indiquait qu’en 2017 seulement, [notre traduction] « la capacité mondiale de production d’acier dépassait la demande en acier (en équivalent d’acier brut) d’environ 595 millions de tonnes. » Toujours selon le rapport ministériel, s’il n’y a pas d’autres augmentations de la capacité, en raison des prévisions actuelles pour la croissance de la demande à long terme, il faudrait plus de « 30 ans pour entièrement combler l’écart actuel entre la capacité et la demandeNote de bas de page 24. » De plus, comme il est mentionné dans le rapport de septembre 2018 du Comité de l’acier de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), d’après les renseignements actuels sur les projets d’investissement, près de 25 Mtm de capacité d’acier brut pourrait être ajoutée de 2018 à 2020, ce qui exacerbera les problèmes associés à la surcapacitéNote de bas de page 25.

[63] Algoma soutient que le problème existant de surcapacité pour les produits de l’acier s’étend aux tôles. Algoma cite les données de CRU sur les capacités pour les tôles, selon lesquelles il y a une surcapacité mondiale importante sur l’équipement pouvant servir à produire des tôles. D’après les données, la surcapacité sur les laminoirs réversibles, les laminoirs Steckel et les laminoirs à bandes à chaudNote de bas de page 26 devrait demeurer de 100 Mtm ou plus d’ici 2021Note de bas de page 27. Algoma ajoute que la tendance à la baisse de la surcapacité mondiale de production d’acier s’explique par des augmentations de la production plutôt qu’une réduction globale de la capacité, comme les organisations internationales le demandentNote de bas de page 28.

[64] Algoma soutient que [notre traduction] « ces tendances de la production et de la capacité mondiales montrent que le déséquilibre structurel existant sur le marché de l’acier demeurera un facteur déstabilisant majeur sur le marché des tôles à court termeNote de bas de page 29

[65] Des affirmations du TCCE dans le cadre de procédures antérieures concernant les tôles d’acier laminées à chaud sont citées à l’appui de l’incidence potentielle de la surcapacité mondiale sur le commerce, en particulier le marché des tôles. Par le passé, le TCCE a fait valoir que la surcapacité mondiale était directement liée au dumping opportuniste de tôles sur les marchés permettant d’obtenir un meilleur prix, en particulier le marché canadienNote de bas de page 30.

[66] Algoma mentionne qu’on s’attend aussi à ce que l’Union européenne (UE) soit touchée par la surcapacité dans l’industrie sidérurgique et le ralentissement de la demande intérieure dans un avenir rapproché. Puisque les pays visés sont membres de l’UE, si d’autres pays dans l’UE ne peuvent pas absorber leur production d’acier, ils pourraient se tourner vers des pays comme le Canada pour y exporter leurs produits de l’acierNote de bas de page 31.

Écart entre la production et la consommation mondiales de tôles

[67] Algoma cite des renseignements au dossier concernant une tendance liée à la production et à la consommation de tôles dans le monde. Un tableau contenant des données détaillées sur la production et la consommation mondiales totales de tôles de laminoirs réversibles et de tôles en bobine, a été fourniNote de bas de page 32.

[68] Le tableau montre que la production totale de tôles a beaucoup augmenté par rapport aux niveaux de 2015 et devrait demeurer à des niveaux élevés jusqu’en 2020. Cependant, la consommation de tôles dans le monde n’a pas suivi le rythme, ce qui a créé un écart grandissant entre la production et la consommation, lequel devrait s’élargir en 2020. Algoma soutient que cette tendance indique un accroissement de la pression exercée sur les marchés mondiaux ouverts, notamment le Canada, à court termeNote de bas de page 33.

Conditions économiques mondiales

[69] Algoma soutient que la crise de la capacité mondiale sera exacerbée à court et à moyen terme par la pression exercée sur la croissance mondiale, notamment en raison des tensions commerciales dans le monde. Algoma cite les prévisions à la baisse du Fonds monétaire international (FMI) pour la croissance mondiale en 2019 en raison des tensions commerciales et des taux d’intérêt américains à la hausse. En janvier 2019, le FMI a publié ses prévisions pour une croissance mondiale de 3,5 %, contre 3,7 % en 2018; en octobre 2018, il prévoyait une croissance de 3,7 % pour 2019. Algoma mentionne que la Banque mondiale et l’OCDE ont aussi revu à la baisse leurs prévisions pour la croissance mondialeNote de bas de page 34.

[70] Algoma allègue que le fléchissement des perspectives économiques mondiales exacerbera la crise de la surcapacité et élargira l’écart grandissant entre la production et la consommation de tôles. En particulier, la pression sur la croissance aura une incidence sur l’utilisation accrue de la capacité de production et pourrait entraîner un détournement vers le marché canadienNote de bas de page 35.

Faiblesse et baisse de la demande en tôles en Europe

[71] Algoma soutient que la faiblesse et la baisse de la demande en tôles d’acier ainsi que l’augmentation de la concurrence des importations menacent la stabilité du marché de l’UE, ce qui, à son tour, menace la stabilité du marché canadien, puisque ces tendances pousseront vraisemblablement les producteurs d’acier européens à se tourner de plus en plus vers les marchés d’exportation.

[72] Algoma cite un rapport récent sur les tôles d’acier qui indique que la demande européenne a augmenté en 2018 après une contraction en 2017, mais qu’elle devrait baisser en 2019. Algoma mentionne que, malgré la demande accrue dans l’UE en 2018, la demande future pour 2019-2020 devrait à peine augmenter par rapport à la croissance connue en 2014-2015 et 2015-2016Note de bas de page 36.

[73] Algoma affirme que, selon l’Association européenne de la sidérurgie (Eurofer), [notre traduction] « les producteurs de tôles ont à peine profité de la croissance intérieure en 2018, la croissance des ventes ayant été de 0,6 % contre une croissance des importations de 12,3 %Note de bas de page 37. » Algoma ajoute qu’en plus du ralentissement de l’économie et de la demande en tôles d’acier, l’Europe fait face à la forte concurrence des importations, et ce, malgré les sauvegardes imposées sur l’acierNote de bas de page 38.

Mesures prises en vertu de l’article 232 et prolifération des sauvegardes

[74] Algoma soutient que les mesures prises en vertu de l’article 232 et les mesures en découlant sur d’autres marchés, comme les sauvegardes et les conclusions antidumping, ont et continueront d’avoir des répercussions importantes sur le commerce mondial de l’acier. Algoma mentionne que la prise de ces mesures met en lumière les perturbations et les incertitudes sur les marchés mondiaux de l’acier ainsi que la pression accrue sur les exportateurs partout dans le monde, qui se disputent une part de marchéNote de bas de page 39.

[75] Étant donné qu’on s’inquiète de ce que les tarifs imposés sur les importations de produits de l’acier et de l’aluminium aux États-Unis détournent ces marchandises vers d’autres marchés, Algoma a présenté des statistiques montrant une réduction des importations aux États-Unis par suite des mesures prises en vertu de l’article 232. Algoma mentionne que les importations globales de produits d’aciéries aux États-Unis ont baissé de 3 616 798 tonnes métriques (tm) de janvier à novembre 2018 par rapport à la même période en 2017Note de bas de page 40.

[76] Algoma mentionne que les importations de tôles aux États-Unis ont diminué depuis 2017 en raison des mesures prises en vertu de l’article 232 et de l’ordonnance antidumping en vigueur à l’égard des tôles de huit pays. De 2016 à 2017, les importations de tôles ont baissé de 364 541 tm et, après la prise des mesures en vertu de l’article 232 en 2018, elles ont à nouveau baissé de 132 186 tm de janvier à novembre 2018 par rapport à la même période en 2017Note de bas de page 41.

[77] Algoma allègue que la situation est compliquée par la prolifération des sauvegardes prises à l’égard de produits de l’acier, y compris les tôles, à l’échelle mondiale. Algoma cite le sommaire statistique dans l’enquête de sauvegarde récente du TCCE, selon lequel, en 2018, 20 sauvegardes étaient en vigueur à l’égard de produits de l’acier en cause et 23 autres démarches avaient été entaméesNote de bas de page 42.

Facteurs propres aux pays visés

Augmentation de la production et des exportations
Bulgarie

[78] Algoma cite la base de données Comtrade des Nations Unies, selon laquelle les exportations totales de tôles bulgaresNote de bas de page 43 ont augmenté de 23 % de 2015 à 2017 pour se chiffrer à 257 230 tm. Algoma mentionne que les exportations de tôles ont baissé subitement, de plus de 100 000 tm, de janvier à octobre 2018 d’une année à l’autreNote de bas de page 44. Algoma cite aussi des renseignements de la World Steel Association, selon lesquels la croissance des exportations de la Bulgarie de 2015 à 2017 coïncide avec une augmentation importante de la fabrication de produits plats et de tôles laminées à chaud (≥3 mm) au cours de la même période. D’après ces renseignements, il y a eu une augmentation de 30 % de la production de tôles bulgares en 2017 par rapport à 2015Note de bas de page 45.

[79] Algoma soutient que le déclin des exportations de la Bulgarie en 2018 est préoccupant. Algoma affirme que l’augmentation de la production et la baisse des exportations semblent indiquer que les producteurs de tôles bulgares ont un excédent de production à exporter. Par ailleurs, en plus de la baisse des exportations, un ralentissement de la demande est prévu pour l’UE en 2019 et 2020, tandis que les importations sont à la hausse. Algoma soutient que ces conditions rendraient le Canada un marché attrayant pour le producteur de la Bulgarie cherchant un débouché pour ses exportations sous-évaluéesNote de bas de page 46.

[80] Algoma mentionne que le principal producteur d’acier en Bulgarie, Stomana Industry s.a. (Stomana), est axé sur les exportations, 90 % de sa production de tôles étant vendue sur des marchés étrangers. De plus, Stomana rapporte que son laminoir a une capacité de production annuelle de 400 000 tm de produits plats. Algoma fait valoir que, si l’on compare la capacité de production estimée de Stomana et la production estimée de tôles en Bulgarie selon la World Steel Association, il existe une surcapacité importante, qui inciterait Stomana à vendre au Canada à tout prix pouvant contribuer à ses frais fixesNote de bas de page 47.

République tchèque

[81] Algoma affirme que la capacité de production des fabricants de tôles en République tchèque est demeurée constante au cours des dernières années, mais que le taux d’utilisation de la capacité devrait suivre une tendance à la baisse. Algoma cite le rapport mensuel de production d’acier brut de la World Steel Association, selon lequel la production globale d’acier brut en République tchèque a augmenté, à 4 966 000 tm en 2018 contre 4 550 000 tm en 2017Note de bas de page 48.

[82] Algoma soutient que le producteur de tôles tchèque, Moravia Steel (Moravia), est très axé sur les exportations et a exporté 67 % de ses produits de l’acier en 2017. Citant le rapport annuel de 2017 de Moravia, Algoma souligne que le producteur prévoit de reconstruire et de moderniser ses deux grandes aciéries nationales. Algoma soutient qu’en raison de la faiblesse de la demande dans l’UE, son principal marché, Moravia sera plus enclin à chercher d’autres débouchés pour ses exportationsNote de bas de page 49.

Roumanie

[83] Algoma cite des renseignements au dossier concernant les faibles taux d’utilisation pour ce qui est de la production de tôles en Roumanie. Par ailleurs, Algoma cite des rapports de CRU qui indiquent que la Roumanie continue de dépendre des exportations, les exportations nettes de tôles ayant augmenté de 2015 à 2018Note de bas de page 50.

[84] Algoma mentionne que le principal producteur d’acier de la Roumanie a récemment été vendu et que, peu de temps après l’acquisition, les nouveaux propriétaires ont annoncé des plans pour accroître la production annuelle de l’aciérie de 50 %, de 2 millions de tonnes métriques à 3 millions de tonnes métriques. Selon les rapports publics, cette augmentation planifiée de la production est proposée après de nombreuses années d’exploitation non rentableNote de bas de page 51. Algoma soutient que l’augmentation arrive à un moment où la demande européenne globale en tôles devrait être faible et l’économie roumaine devrait entrer en récession avec deux trimestres consécutifs de contraction à la fin de 2019 et au début de 2020Note de bas de page 52.

[85] Algoma souligne que l’acheteur de l’aciérie roumaine, Liberty House Group, a aussi acheté une aciérie appartenant à ArcelorMittal en Macédoine. Dès que cet achat a été officialisé, le Canada a enregistré ses premières importations de tôles macédoniennes, absentes du marché pendant de nombreuses années. Selon Algoma, puisque les installations macédoniennes et roumaines appartiennent au même nouveau propriétaire, il est concevable que les installations roumaines se tournent aussi vers le Canada advenant l’annulation de l’ordonnance à l’égard de certaines tôles laminées à chaudNote de bas de page 53.

Tous les pays visés

[86] Algoma soutient que la capacité et la production combinées des pays visés donnent une surcapacité importante et constante de 4 921 000 tm à 5 077 000 tm pour la période de 2015 à 2020. Vu l’expansion proposée de 1 million de tonnes métriques pour l’aciérie roumaine et la faiblesse actuelle de la demande en Europe, Algoma ajoute que les taux d’utilisation de la capacité seront encore plus faibles pour les pays visésNote de bas de page 54.

Incapacité de vendre à des valeurs normales

[87] Algoma cite des renseignements au dossier concernant le volume et la valeur des importations au Canada de certaines tôles d’acier laminées à chaud pour montrer qu’il n’y a eu aucune importation des marchandises en cause des pays visés dans la PVR. Algoma soutient que cela montre que les producteurs et les exportateurs des pays visés sont incapables de vendre au Canada à des prix non sous-évaluésNote de bas de page 55.

Attrait du marché canadien

[88] Algoma soutient que le Canada sera attrayant pour les exportateurs de tôles d’acier laminées à chaud de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie en tant que débouché pour leur production excédentaire en raison de la force des prix canadiens par rapport à ceux sur d’autres marchés.

[89] Algoma cite le réexamen antérieur des conclusions du TCCE, selon lequel les prix du Midwest américain sont des prix de remplacement raisonnables pour les tendances sur le marché canadien. Algoma a fourni un tableau des prix mondiaux des tôles d’acier laminées à chaud, de 2015 jusqu’aux prévisions pour 2020, qui indique que les prix du Midwest américain sont supérieurs à ceux sur d’autres marchés depuis 2015, et que cette tendance devrait se maintenir d’ici 2021Note de bas de page 56. Algoma a aussi présenté les prix des tôles d’acier laminées à chaud pour le Midwest américain, l’Allemagne, l’Italie, les importations de l’Extrême-Orient, le marché intérieur chinois et chacun des pays visésNote de bas de page 57. Les données montrent que les prix nord-américains sont en moyenne de 31 % à 68 % supérieurs à ceux sur les autres marchés susmentionnés de 2015 jusqu’aux prévisions pour 2020.

[90] Algoma soutient que les données montrent que les prix à l’exportation des pays visés sont nettement inférieurs à ceux sur le marché nord-américain. Algoma ajoute que, même si l’on prévoit un montant raisonnable pour le fret et les services de logistique, ces prix à l’exportation permettraient aux pays visés d’offrir au Canada des prix nettement inférieurs à ceux du marché, ce qui inciterait des importateurs à acheter auprès de ces paysNote de bas de page 58.

[91] Algoma soutient que la Roumanie en particulier a manifesté son attrait envers le marché canadien en augmentant ses exportations d’acier vers le Canada en 2017. D’après les renseignements au dossier, de janvier à juin 2018, la Roumanie était l’un des cinq principaux pays sources de produits de l’acier semi-finis au Canada. Algoma soutient que cette croissance du volume des importations témoigne de la propension de la Roumanie à exporter sur le marché canadien et offre une chaîne bien établie pour le retour des tôles au Canada advenant l’annulation de l’ordonnanceNote de bas de page 59.

Preuve que les pays visés font du dumping sur d’autres marchés

[92] Algoma allègue que les pays visés font du dumping sur les marchés d’exportation depuis 2016. Algoma cite des renseignements au dossier concernant les prix des tôles sur les marchés intérieurs de pays non visés qui sont membres de l’UE. En l’absence de prix de sous-marchés pour les pays visés à l’égard des tôles, Algoma a utilisé les prix de référence européens comme prix de remplacement raisonnables pour le marché de l’UE. Algoma a présenté un tableau donnant les prix moyens annuels pour l’Europe, d’après les prix en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni, et a fait une comparaison avec les prix à l’exportation moyens annuels pour les pays visésNote de bas de page 60.

[93] De la comparaison des données sur les prix intérieurs et des prix à l’exportation, Algoma dégage une tendance à compter de 2016, selon laquelle les prix à l’exportation moyens des pays visés sont inférieurs aux prix européens moyens annuels. Algoma mentionne que cette tendance s’est poursuivie en 2017 et 2018. Algoma allègue aussi que ces marges de dumping sont encore plus élevées lorsqu’on compare les prix moyens de la Bulgarie et de la Roumanie et les prix européens, soit de 16 %, de 10 % et de 7 % en 2016, 2017 et 2018 respectivementNote de bas de page 61.

Concurrence à bas prix provenant d’autres pays

[94] Algoma soutient que les producteurs de tôles du Canada ont subi des pressions considérables et croissantes liées aux importations à bas prix de l’étranger dans la PVR, et que ces importations ont grandement gâché leurs prix. Algoma ajoute qu’advenant l’annulation de l’ordonnance, les pays visés devraient concurrencer les bas prix actuellement offerts par ces chefs de file étrangers pour reconquérir une part de marchéNote de bas de page 62.

Statistiques sur les importations moyennes pour la période

[95] Algoma mentionne que tant les statistiques sur les importations de l’ASFC que ses propres statistiques indiquent une augmentation des importations de l’étranger d’une année à l’autre en 2017, ces importations étant demeurées à des niveaux élevés au cours des dix premiers mois de 2018.

[96] Algoma cite des données au dossier qui montrent que les producteurs/exportateurs étrangers ont été une source considérable des importations de tôles au Canada au cours des dernières années. D’après les données sur les importations fournies par Algoma, les importations de la Turquie, de la Malaisie et de Taiwan représentaient 18,9 % du total en 2017, contre 8,7 % en 2016 et 1,2 % en 2015. Au cours des dix premiers mois de 2018, le prix moyen de ces importations était de 779 $/tm pour la Turquie, de 1 021 $/tm pour la Malaisie et de 923 $/tm pour Taiwan; en comparaison, il était de 1 096 $/tm pour les États-Unis. Algoma soutient que, réunies, les importations de ces pays sources étrangers ont grandement gâché les prix des producteurs nationauxNote de bas de page 63.

[97] Algoma ajoute qu’au fur et à mesure que les importations de l’étranger ont augmenté au Canada, celles des États-Unis ont décliné. L’entreprise explique que ce déclin peut être attribué en partie au fait que les producteurs américains trouvent plus de débouchés sur leur propre marché à la suite des conclusions concernant les recours commerciaux rendues en 2017 et les mesures en vertu de l’article 232 prises en 2018, et au fait que le Canada a imposé des tarifs de rétorsion sur les exportations des États-Unis à compter du 1er juillet 2018. Par ailleurs, les restrictions américaines pourraient avoir détourné ces importations de l’étranger vers le marché canadienNote de bas de page 64.

[98] Des affirmations de l’ASFC dans le cadre de procédures antérieures concernant les tôles sont citées, selon lesquelles les marchandises en cause sont un produit de base qui se fait concurrence essentiellement en fonction du prix, et selon lesquelles le gâchage des prix intérieurs par des pays sources étrangers non visés indique que les pays visés devraient vraisemblablement concurrencer ces bas prix pour reconquérir une part de marché au CanadaNote de bas de page 65.

Éléments de preuve propres aux comptes

[99] Algoma réitère qu’elle fait face à une concurrence accrue considérable à bas prix provenant de nouveaux pays sources étrangers, qui ont pu augmenter les volumes sur le marché canadien en gâchant les prix intérieurs. À l’appui de sa position, Algoma a présenté des éléments de preuve propres aux comptes et aux transactions dans la PVR. Algoma a donné plusieurs exemples concrets d’importations de la Malaisie, de Taiwan et de la Turquie à des prix qui étaient nettement inférieurs à ceux sur le marché canadienNote de bas de page 66.

Incidence des sauvegardes provisoires sur l’analyse de l’ASFC

[100] Algoma soutient que les sauvegardes provisoires imposées en octobre 2018 ainsi que les sauvegardes définitives potentielles sur une partie seulement des tôles d’acier correspondant à la définition des produits visés par la présente procédure ne devraient pas avoir d’incidence sur la conclusion à l’effet que le dumping au Canada des marchandises en cause des pays visés risque fort de reprendre si l’ordonnance est annulée. Algoma mentionne que les sauvegardes ne sont pour le moment que provisoires et sont censées expirer dès le 13 mai 2019. De plus, il n’y a aucune certitude quant à l’imposition de mesures définitives après cette dateNote de bas de page 67.

[101] Par ailleurs, Algoma affirme que, si des sauvegardes définitives sont imposées sur les tôles lourdes, elles ne concerneraient qu’une partie des tôles d’acier correspondant à la définition des produits visés par la présente procédure. Algoma a présenté des éléments de preuve documentant le volume considérable d’importations de tôles à bas prix de l’étranger sur le marché canadien, de dimensions inférieures à 80 po, qui ne seraient pas touchées par une sauvegarde définitiveNote de bas de page 68.

[102] Enfin, Algoma soutient que les sauvegardes et les droits LMSI sont conçus pour s’attaquer à des problèmes différents. Algoma précise qu’au titre de la LMSI, l’ASFC s’intéresse à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping au Canada en provenance des pays visés advenant l’annulation de l’ordonnance, tandis que les sauvegardes concernent la hausse des importations susceptibles d’être détournées vers le CanadaNote de bas de page 69.

Conditions du marché canadien

[103] Algoma affirme que l’économie canadienne devrait croître à un rythme moindre selon des rapports de la Banque du Canada, et elle énumère des difficultés économiques, de la faiblesse des prix du pétrole au déclin du secteur manufacturier et au ralentissement des investissements dans une variété de secteursNote de bas de page 70.

[104] Algoma ajoute que la consommation de tôles au Canada a beaucoup diminué d’une année à l’autre en 2018 et qu’elle devrait demeurer à des niveaux nettement inférieurs à ceux connus en 2015-2017 jusqu’en 2020. Algoma cite un rapport de janvier 2019 de CRU sur le marché des produits de tôles d’acier, selon lequel les prix vont chuter par rapport au pic connu au cours du troisième trimestre de 2018 et demeurer sous ce pic jusqu’à la fin de 2020Note de bas de page 71.

[105] Algoma soutient que, dans un contexte de difficultés macroéconomiques, de demande réduite et de prix à la baisse, la concurrence sur le marché des tôles se fera plus féroce, les pays visés étant incités à concurrencer fortement en fonction du prix pour reconquérir une part de marché canadienNote de bas de page 72.

Evraz

[106] Evraz affirme avoir examiné l’exposé public d’Algoma dans l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, et appuyer la position d’Algoma. Evraz appuie l’idée qu’advenant l’expiration de l’ordonnance, le dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie risque fort de reprendre.

[107] Evraz renvoie à des renseignements au dossier concernant les capacités de production d’entreprises particulières dans les pays visés. Evraz soutient que les pays visés continuent de faire montre d’une forte dépendance aux exportations et d’augmenter la production malgré les difficultés à vendre sur le marché européenNote de bas de page 73.

Autres producteurs canadiens

[108] Deux centres de services canadiens, SSAB Central Inc.Note de bas de page 74 et Acier Nova Inc.Note de bas de page 75, ont présenté des lettres appuyant le mémoire déposé par Algoma, ainsi que l’idée qu’advenant l’expiration de l’ordonnance, le dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie risque fort de reprendre ou de se poursuivre.

Parties selon qui le dumping ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre

[109] Aucune des parties ne soutient que le dumping des marchandises en cause de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée.

Considération et analyse – vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping

[110] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’expiration de l’ordonnance entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[111] Avant de présenter les résultats de l’analyse propre à la Bulgarie, à la République tchèque et à la Roumanie concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping en l’absence de l’ordonnance du TCCE, il faut se pencher sur certaines questions générales liées aux marchandises en cause, comme il suit :

  • le statut de produit de base des tôles d’acier;
  • la forte intensité capitalistique de la production d’acier;
  • les développements et les tendances du marché de l’acier; et
  • les tarifs et les sauvegardes sur les importations d’acier et le détournement de tôles d’acier vers le Canada.

Le statut de produit de base des tôles d’acier

[112] En règle générale, les tôles d’acier laminées à chaud produites selon des spécifications données par un fabricant dans un pays donné sont interchangeables avec celles produites selon les mêmes spécifications dans tout autre pays. C’est pourquoi les marchandises se font concurrence, peu importe leur origine, et ont les mêmes chaînes de distribution et les mêmes clients potentiels. Ainsi, les tôles d’acier doivent se faire concurrence sur des marchés qui sont extrêmement sensibles au prix, et sur lesquels le prix est l’un des facteurs déterminants des décisions d’achat. Par ailleurs, en raison de ce degré élevé de sensibilité, les prix sur un marché donné tendent à converger vers les plus bas au fil du temps.

[113] En raison du statut de produit de base des marchandises en cause, lorsque des mesures sont en vigueur pour un pays particulier, d’autres pays sources de tôles d’acier émergent. Le nombre de mesures passées et actuelles au Canada à l’égard des tôles d’acier, lesquelles sont exposées ci-dessous, en atteste.

[114] Les premières conclusions concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud remontent à 1983. Le 7 décembre 1983, dans l’enquête ADT-10-83, le Tribunal antidumping (maintenant le TCCE) a conclu que le dumping de tôles d’acier laminées à chaud en provenance de dix pays, dont la Tchécoslovaquie et la Roumanie, avait causé, causait et causerait vraisemblablement des dommages sensibles à la production nationale. Le 26 janvier 1984, dans l’enquête ADT-13-83, le Tribunal antidumping a étendu ses conclusions de dommages sensibles de 1983 aux Pays-Bas. Les conclusions rendues par le Tribunal antidumping à l’égard des onze pays ont été annulées par le TCCE le 1er mai 1990 à l’issue du réexamen RR-89-006Note de bas de page 76.

[115] Depuis 1992, il y a eu cinq autres enquêtes sur des produits de tôles d’acier similaires, et elles ont toutes eu pour conséquence l’imposition de mesures antidumping ou de mesures antidumping et compensatoires à l’égard des importations de divers pays. Les mesures découlant de deux des cinq enquêtes sont encore en vigueur. Les cinq cas sont officieusement appelés Tôles I, Tôles II, Tôles III (qui est toujours en vigueur à l’endroit de la Chine), Tôles IV et Tôles 5 (qui fait l’objet du présent réexamen relatif à l’expiration)Note de bas de page 77.

[116] Le 2 février 2010, dans l’enquête NQ-2009-003, le TCCE a conclu que le dumping des tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de l’Ukraine menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale. En outre, le 20 mai 2014, dans l’enquête NQ-2016-005, le TCCE a conclu que le dumping des tôles d’acier originaires ou exportées du Brésil, du Taipei chinois, du Danemark, de l’Indonésie, de l’Italie, du Japon et de la Corée du Sud avait causé un dommage à la branche de production nationaleNote de bas de page 78. Les antécédents de dumping de tôles d’acier au Canada appuient l’opinion que les tôles d’acier sont un produit de base, et que la prise de mesures à l’endroit d’un pays particulier donne l’occasion à d’autres pays sources d’exporter des tôles d’acier au Canada.

La forte intensité capitalistique de la production d’acier

[117] Comme l’a déjà souligné le TCCE : « Les aciéries sont des entreprises capitalistiques à frais fixes élevés. Pour recouvrer les frais fixes, elles doivent fonctionner à un taux élevé de leur capacité de production. Lorsque la demande sur le marché national baisse, les producteurs tentent d’accéder à des marchés étrangers pour maintenir le taux d’utilisation de leur capacité et recouvrir leurs frais fixesNote de bas de page 79. » On parle souvent de la « rentabilité de la production d’acier. » Cette caractéristique est accentuée lorsqu’il y a surcapacité, car un producteur pourrait trouver qu’il est plus pratique de vendre la production sur des marchés étrangers à des prix moindres plutôt que de réduire la production, pourvu qu’il puisse recouvrer ses frais variables.

Les développements et les tendances du marché de l’acier

[118] Selon la World Steel Association, la demande mondiale en acier est incertaine en raison des tensions continues dans l’économie mondiale. Bien que la force de la demande observée en 2017 se soit répétée en 2018, on souligne que les risques mondiaux ont aussi augmenté en raison de tensions commerciales accrues et de mouvements de devises volatilsNote de bas de page 80.

[119] La demande mondiale en acier en 2017 a atteint 1 587 Mtm, une hausse de 4,7 % par rapport à 2016Note de bas de page 81. Bien que la demande en acier dans les pays développés demeure bonne, la croissance devrait être plus modérée, les prévisions étant pour une hausse de 1 % en 2018 et de 1,9 % en 2019Note de bas de page 82. Selon la World Steel Association, une demande réduite en acier est prévue pour la Chine en raison d’efforts continus de rééquilibrage de l’économie et du resserrement de la réglementation environnementale, tandis que les États-Unis connaîtront une croissance modeste dans les secteurs de l’automobile et de la construction. Du côté de l’UE, malgré une économie relativement saine, il est probable que la demande en acier en 2019 ralentira en raison d’incertitudes liées aux tensions commerciales mondialesNote de bas de page 83.

[120] Comme le rapporte l’OCDE, les exportations mondiales d’acier ont baissé de 9 % d’une année à l’autre au cours des trois premiers mois de 2018, une grande partie de la baisse étant survenue en Chine et en Inde, soit de 27,3 % et de 35,4 % respectivement. L’UE et les États-Unis ont aussi connu une baisse des exportations, de 1,3 % et de 3,2 % respectivement, au cours de la même période. En ce qui concerne les importations d’acier, l’UE a connu une hausse de 3,9 % d’une année à l’autre au cours des trois premiers mois de 2018 par rapport à la même période un an plus tôt. Au cours de la même période en 2018, les États-Unis, qui ont connu une hausse considérable des importations d’acier en 2017 (14,7 %), ont enregistré une baisse de 3,8 %Note de bas de page 84.

[121] Au sujet des surcapacités sidérurgiques, puisque le marché de l’acier chinois représente toujours la moitié du total mondial, les conditions de ce marché jouent un rôle important dans la gestion des surcapacités mondiales. Selon le rapport ministériel du Forum mondial sur les surcapacités sidérurgiques du G20, les améliorations apportées au marché chinois ont été importantes, la Chine étant parvenue à rapprocher la capacité de la demande intérieureNote de bas de page 85.

[122] Malgré les améliorations observées dans les surcapacités sidérurgiques de la Chine, en 2017, la capacité mondiale de production d’acier brut dépassait la demande en acier d’environ 595 millions de tonnesNote de bas de page 86. De plus, il continue d’y avoir de nouveaux projets d’investissement dans la capacité à l’échelle mondiale, ce qui exacerbe le problème de surcapacité. Selon l’OCDE [notre traduction] : « Des projets d’ajout de capacités brutes de près de 52 Mtm sont en cours et devraient entrer en production durant la période triennale de 2018-2020, tandis que des projets d’ajout de capacités de 39 Mtm supplémentaires sont à l’étape de la planification pour une éventuelle entrée en production durant la même périodeNote de bas de page 87. »

[123] D’après les facteurs susmentionnés, l’industrie sidérurgique mondiale continue de croître malgré les préoccupations constantes liées à la suroffre et à la capacité de production d’acier inutilisée. Bien que l’industrie sidérurgique ait pris des mesures pour mieux gérer la surcapacité, les risques associés aux déséquilibres commerciaux existent toujours en raison de la multiplication des mesures commerciales restrictives, comme celles prises par les États-Unis et d’autres pays, sous forme de tarifs et de sauvegardes, que nous aborderons ci-dessous.

Les tarifs et les sauvegardes sur les importations d’acier et le détournement de tôles d’acier vers le Canada

[124] Le 8 mars 2018, les États-Unis ont lancé une proclamation pour réglementer les importations d’acier en vertu de l’article 232 de la Trade Expansion Act de 1962, en imposant des tarifs de 25 % sur ces importationsNote de bas de page 88.

[125] Le producteur canadien, Algoma, a présenté des éléments de preuve de la réduction des importations aux États-Unis par suite des mesures prises en vertu de l’article 232. Le volume des importations de tous les produits d’aciéries et des tôles d’acier coupées à longueur est exposé dans le tableau ci-dessous.

Tableau 3
Importations de produits d’aciéries aux États-Unis (tm)Note de bas de page 89
  Données de recensement
Produit Quantité totale annuelle 2016 Quantité totale annuelle 2017 Quantité totale de janv. à nov. 2018 Quantité totale de janv. à nov. 2018
Tous les produits d’aciéries 29 989 949 34 472 507 32 249 641 28 855 709
Tôles coupées à longueur 1 050 694 686 153 644 516 511 967

[126] Comme on le voit dans le tableau ci-dessus, les importations globales de produits d’aciéries aux États-Unis ont diminué de 10,5 % (3 393 932 tm) de janvier à novembre 2018 par rapport à la même période en 2017. En ce qui concerne les tôles d’acier, la baisse des importations est antérieure à 2016 et s’est poursuivie en 2017, pour se chiffrer à 34,9 % (364 541 tm). Après que les mesures ont été prises en vertu de l’article 232 en 2018, les importations de tôles d’acier aux États-Unis ont à nouveau baissé, de 20,6 % (132 549 tm), de janvier à novembre 2018 par rapport à la même période en 2017.

[127] Ces mesures prises en vertu de l’article 232 ont eu un effet d’entraînement, l’UE ayant aussi annoncé, le 19 juillet 2018, ses propres mesures provisoires sous forme de contingents tarifaires, qui comprenaient les produits de tôles d’acier non allié et autres d’acier allié de laminoirs quartoNote de bas de page 90. Dans le Journal officiel de l’Union européenne sont cités plusieurs développements imprévus créant des déséquilibres dans le commerce international des produits concernés. Il est mentionné que le recours accru à des pratiques commerciales restrictives partout dans le monde, en particulier les mesures prises par les États-Unis en vertu de l’article 232 en mars 2018, a motivé l’UE à mettre en œuvre des sauvegardes provisoiresNote de bas de page 91. L’UE a ensuite remplacé les tarifs provisoires par des sauvegardes définitives à compter du 2 février 2019. Les tôles d’acier sont spécifiquement visées par l’article 7 de ces mesures, et les importations des pays respectant les contingents tarifaires sont assujetties à un taux de droit supplémentaire de 25 %Note de bas de page 92.

[128] Le 27 avril 2018, la Turquie a ouvert sa propre enquête de sauvegarde sur les importations de produits du fer et de l’acier, y compris les produits de tôles d’acier. Selon l’avis fait à l’OMC au titre de l’Article 12.1(A), il s’agissait de déterminer le dommage et/ou la menace de dommage pour les producteurs nationaux par suite des taxes à l’importation imposées par les États-Unis, de l’enquête de sauvegarde ouverte par l’UE et de la tendance accrue aux mesures protectionnistes contre les produits de l’acier à l’échelle mondialeNote de bas de page 93.

[129] En réponse à l’imposition, par les États-Unis, d’un tarif de 25 % sur ses importations d’acier, le Canada a imposé sa propre surtaxe de 25 % sur les importations américaines de certains produits de l’acier à compter du 1er juillet 2018.

[130] Par ailleurs, vu le risque de détournement d’exportations destinées aux États-Unis vers le Canada par suite des mesures prises en vertu de l’article 232, le gouvernement du Canada a imposé des sauvegardes provisoires sous forme de contingents tarifaires sur sept catégories de produits de l’acier. Ces mesures sont entrées en vigueur le 25 octobre 2018. Les contingents tarifaires sont administrés par Affaires mondiales Canada au moyen de licences d’importation spécifiques. Le 3 avril 2019, le TCCE a recommandé que des sauvegardes définitives ne soient appliquées qu’à deux de ces catégories. Les marchandises qui ne sont pas visées par une licence d’importation valide au moment de la déclaration en détail sont assujetties à une surtaxe de 25 %Note de bas de page 94. Le 26 avril 2019, le gouvernement du Canada a annoncé son intention d’adopter des sauvegardes définitives sur ces deux catégories de produits de l’acierNote de bas de page 95. Les tôles lourdes sont l’une des catégories visées par ces mesures provisoires, mais une partie seulement des tôles d’acier correspond à la définition des produits visés par la présente procédure.

[131] En raison de la proximité des États-Unis au Canada et de la taille du marché américain de l’acier, ainsi que des sauvegardes imposées sur les importations de tôles d’acier à l’échelle mondiale, ces mesures risquent fort d’entraîner le détournement de marchandises en cause vers le Canada, tandis que les pressions déjà exercées sur les prix par des pays sources non visés, comme l’ont signalé les producteurs canadiens, risquent fort de donner lieu à du dumping.

Bulgarie

[132] L’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé de la part d’exportateurs en Bulgarie. Par conséquent, elle s’est fiée aux renseignements fournis par les parties ayant participé ainsi qu’à d’autres renseignements au dossier administratif afin de mener l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration à l’endroit de la Bulgarie.

[133] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et les renseignements au dossier administratif, l’ASFC a effectué, dans le cadre de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, une analyse se résumant aux points suivants :

  • la forte dépendance aux exportations pour les produits de tôles d’acier;
  • les données sur les prix semblant indiquer que les exportateurs bulgares vendent à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes;
  • l’incapacité de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et
  • le fait que la Bulgarie devrait vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien.

[134] Dans l’enquête initiale de 2003 de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), Stomana était le seul producteur/exportateur connu ayant expédié des marchandises en cause au Canada dans la période visée par l’enquête (PVE)Note de bas de page 96. Stomana n’a pas participé à l’enquête initiale ou aux trois derniers réexamens conclus en 2006, 2008 et 2010Note de bas de page 97. Puisque des exportateurs n’ont pas coopéré à l’enquête initiale ou aux trois réexamens subséquents, les valeurs normales pour la Bulgarie ont été déterminées par prescription ministérielle au moyen d’une majoration du prix à l’exportation de 74,6 %.

[135] Au cours des trois premières années de la PVR de l’ASFC (2015, 2016 et 2017), la production de tôles d’acier laminées à chaud et les exportations de produits d’acier plat de la Bulgarie ont augmenté. Selon la publication Steel Statistical Yearbook de 2018 de la World Steel Association, la production de tôles d’acier laminées à chaud (≥3 mm) de la Bulgarie a augmenté de 30 % (de 210 000 tm à 274 000 tm) de 2015 à 2017, ce qui a coïncidé avec une hausse de 15 % (de 267 000 tm à 307 000 tm) des exportations de produits d’acier plat durant la même périodeNote de bas de page 98. Il convient de noter que, durant la même période, la Bulgarie a connu une hausse de 10 % (de 808 000 tm à 888 000 tm) des importations de produits d’acier platNote de bas de page 99.

[136] Le producteur canadien, Algoma, a aussi fourni des données provenant de la base de données Comtrade des Nations Unies, qui indiquaient une tendance semblable pour les exportations de tôles d’acier relevant des codes 7208.51 et 7208.52 du Système harmonisé (SH). D’après les données, les exportations de la Bulgarie sont passées de 209 006 tm en 2015 à 257 230 tm en 2017Note de bas de page 100. Compte tenu de la production susmentionnée de tôles d’acier laminées à chaud en 2017, plus de 90 % de la production de la Bulgarie serait destinée aux marchés d’exportation, ce qui témoigne de la forte dépendance aux exportations pour les produits de tôles d’acier.

[137] Par ailleurs, Sidenor Group, la société mère de Stomana, affirme ce qui suit sur son site Web [notre traduction] : « Stomana est l’une des sociétés les plus axées sur les exportations de Sidenor Group, puisqu’elle exporte plus de 90 % de sa production de tôles à l’extérieur de la Bulgarie, vers plus de 30 pays couvrant une vaste zone géographique (les Balkans, l’Europe, l’Afrique du Nord, l’Amérique), et qu’elle est systématiquement aux premiers rangs de la liste des fournisseurs de nombreux groupes internationaux de distribution des produits de l’acierNote de bas de page 101. » Cette affirmation appuie les données ci-dessus, qui indiquent qu’une part considérable des tôles d’acier bulgares est exportée.

[138] Les données au dossier administratif semblent indiquer que, dans la PVR, les prix des exportations de tôles d’acier bulgares vers d’autres marchés pourraient être inférieurs aux prix de vente intérieurs en Europe et, donc, sous-évalués.

[139] En l’absence de données sur les prix intérieurs des tôles d’acier pour les producteurs bulgares, on a fait la moyenne des données de CRU sur les prix historiques des tôles d’acier de trois pays européens (Allemagne, Italie et Royaume-Uni) pour établir un prix de référence européenNote de bas de page 102. Une comparaison du prix de référence européen pour les tôles d’acier et du prix à l’exportation pour la Bulgarie selon la base de données Comtrade des Nations Unies révèle que le prix à l’exportation des tôles d’acier bulgares était inférieur au prix moyen européen à compter de 2015, et ce, jusqu’en octobre 2018Note de bas de page 103.

[140] Par ailleurs, on a comparé le prix à l’exportation annuel pour la Bulgarie selon la base de données Comtrade des Nations Unies pour les deux codes du SH, 7208.51 et 7208.52, et le prix moyen pondéré annuel des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud au Canada dans la PVR. Les renseignements au dossier confidentiel confirment que le prix à l’exportation moyen annuel pour la Bulgarie était nettement inférieur au prix moyen pondéré des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud au Canada dans la PVRNote de bas de page 104.

[141] De l’analyse des prix ci-dessus, il ressort que les prix à l’exportation pour la Bulgarie sont nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes et que les exportateurs bulgares vendent à des prix bas, voire sous-évalués, sur d’autres marchés. Il est donc fort probable qu’advenant l’annulation de l’ordonnance en vigueur, les exportations de tôles d’acier de la Bulgarie vers le Canada seraient à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes.

[142] Dans la PVE initiale, le volume des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud de la Bulgarie représentait 3,1 % du total des importations au Canada en provenance de tous les pays. Dans la PVR, il n’y a eu aucune expédition de marchandises en cause de la Bulgarie vers le CanadaNote de bas de page 105. L’absence d’expéditions et le manque de coopération de la part de Stomana aux diverses procédures antidumping, comme nous l’avons déjà vu, semblent indiquer que les producteurs de tôles d’acier bulgares sont incapables de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués.

[143] Enfin, les procédures antérieures du TCCE ont conclu que les tôles d’acier sont un produit de base et se font concurrence en fonction du prix. Comme il a été observé dans la PVR, le marché canadien des tôles d’acier fait face à une concurrence accrue provenant de plusieurs pays sources étrangers. Les renseignements au dossier indiquent que, dans la PVR, des tôles d’acier de certains pays ont été importées au Canada à des prix nettement inférieurs au prix moyen des producteurs nationaux. Puisque le prix est un facteur déterminant dans l’achat de produits de base comme les tôles d’acier, les exportateurs bulgares devraient vraisemblablement concurrencer ces importations à bas prix au Canada pour récupérer le volume et la part de marché détenus lorsqu’ils vendaient à des prix sous-évalués.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping – Bulgarie

[144] D’après les renseignements au dossier administratif concernant : le statut de produit de base des tôles d’acier; la forte intensité capitalistique de la production d’acier; les développements et les tendances du marché de l’acier; les tarifs et les sauvegardes en vigueur sur les importations d’acier et le détournement de tôles d’acier vers le Canada; la forte dépendance aux exportations des exportateurs bulgares de produits de tôles d’acier; les données sur les prix semblant indiquer que les exportateurs bulgares vendent à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes; l’incapacité des exportateurs bulgares de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et le fait que la Bulgarie devrait vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien; l’ASFC juge que l’expiration de l’ordonnance risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du dumping au Canada des marchandises en cause originaires ou exportées de la Bulgarie.

République tchèque

[145] L’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé de la part d’exportateurs en République tchèque. Par conséquent, elle s’est fiée aux renseignements fournis par les parties ayant participé ainsi qu’à d’autres renseignements au dossier administratif afin de mener l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration à l’endroit de la République tchèque.

[146] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et les renseignements au dossier administratif, l’ASFC a effectué, dans le cadre de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, une analyse se résumant aux points suivants :

  • la forte dépendance aux exportations en République tchèque pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité;
  • les données sur les prix semblant indiquer que les exportateurs tchèques vendent à des prix nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes;
  • la propension à faire le dumping des marchandises en cause au Canada;
  • l’incapacité de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et
  • le fait que la République tchèque devrait vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien.

[147] Dans l’enquête initiale de 2003 de l’ADRC, Vitkovice Steel a.s.Note de bas de page 106 (Vitkovice) était le seul producteur/exportateur connu ayant expédié des marchandises en cause au Canada dans la PVENote de bas de page 107. Bien que Vitkovice ait participé à l’enquête, l’ADRC a jugé que ses données sur les coûts n’étaient pas fiables et a déterminé les valeurs normales pour la République tchèque par prescription ministérielle au moyen d’une majoration du prix à l’exportation de 74,6 %.

[148] Les exportateurs n’ont pas coopéré aux deux réexamens subséquents conclus en 2006 et 2008. Vitkovice était le seul répondant au réexamen de 2010, dans le cadre duquel il a présenté une lettre indiquant ne pas avoir expédié de marchandises en cause au Canada dans la PVE et ne pas avoir l’intention de le faire dans un avenir rapprochéNote de bas de page 108.

[149] Vitkovice a participé à l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration de 2013 de l’ASFC, et a alors soutenu que le dumping des marchandises en cause de la République tchèque ne risquait pas de reprendre. Vitkovice et Evraz Canada appartenaient alors à la même entité, et Vitkovice a soutenu que toutes nouvelles ventes potentielles au Canada seraient entièrement coordonnées avec sa société affiliée, Evraz CanadaNote de bas de page 109. En 2014, Vitkovice a été acquis par un groupe d’investisseurs privés, et n’est plus associé à Evraz CanadaNote de bas de page 110.

[150] Selon Eurofer, la tendance pour l’industrie sidérurgique tchèque est à la baisse, les niveaux de production d’acier brut étant passés de 5 262 000 tm en 2015 à 4 686 000 tm en 2017, ce qui représente une diminution de 10,9 %Note de bas de page 111. La République tchèque se classe 33e dans le monde parmi les plus importants producteurs d’acier brut, avec 4,6 Mtm, ou 0,27 % de la production mondialeNote de bas de page 112. En 2018, la production tchèque est passée à 4,9 Mtm, soit une hausse de 6 % par rapport à 2017Note de bas de page 113.

[151] Pour ce qui est de l’utilisation de la capacité, d’après les chiffres ci-dessus et ceux dans la publication Global Steel Trade Monitor ainsi que le site Web de Vitkovice, les fabricants d’acier de la République tchèque fonctionnaient à un taux de 74 % en 2017 et de 77 % en 2018Note de bas de page 114. Selon son propre site Web, Vitkovice est le principal fabricant européen de produits d’acier laminés et le premier fabricant tchèque de tôles d’acier, avec une capacité de production de 755 000 tmNote de bas de page 115. Le Prague Business Journal rapporte en mai 2018 qu’en 2017, Vitkovice a vendu 401 000 tm de tôles d’acier et de tôles coupées à longueur, contre 328 000 tm l’année précédente, et 146 000 tm de palplanches, contre 136 000 tm l’année précédenteNote de bas de page 116. D’après ces chiffres, le taux d’utilisation de la capacité de Vitkovice aurait été de 61,5 % en 2016 et de 72,5 % en 2017.

[152] Bien que l’on ne dispose pas de renseignements sur les ventes de Vitkovice dans la PVR, les données historiques provenant de procédures antérieures indiquent qu’en 2007, les ventes à l’exportation représentaient 64 % des ventes totales de tôles d’acier de Vitkovice. De plus, après analyse des renseignements sur les ventes de Vitkovice dans le cadre de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration de 2013, l’ASFC a conclu que Vitkovice dépendait largement des ventes à l’exportation de tôles d’acier pour maintenir son niveau de production et ses taux d’utilisation de la capacitéNote de bas de page 117.

[153] Par ailleurs, la République tchèque continue de connaître une augmentation considérable des importations de produits d’aciéries. Selon la publication Global Steel Trade Monitor de mai 2018, les importations de produits d’aciéries en République tchèque ont augmenté de 68 % de 2009 à 2017. Comme nous l’avons déjà vu, la production nationale en République tchèque a diminué de 14 % pour se chiffrer à 4,6 Mtm en 2017, contre 5,3 Mtm en 2015. La consommation apparente, une mesure de la demande en acier, a été estimée à 7 Mtm en 2017, dépassant ainsi la production nationale de plus de 52 %; en comparaison, la demande en acier ne dépassait la production nationale que de 28 % en 2015. Le niveau de pénétration des importations, soit la quantité d’importations exprimée en pourcentage de la consommation apparente totale, a augmenté de plus de 10 % en 2017 par rapport à 2015, pour se chiffrer à 99,3 %. Par conséquent, la demande en produits d’acier brut en République tchèque est presque entièrement comblée par des importations d’acier, ce qui exerce une pression considérable sur les producteurs nationaux, qui doivent trouver des acheteurs étrangers pour maintenir les niveaux de production. En ce qui concerne les produits plats, en 2017, ces produits représentaient la plus grande part des importations d’acier de la République tchèque, à 58 % ou 4,1 MtmNote de bas de page 118. La quantité de produits plats importés en République tchèque est cinq fois supérieure à la capacité de production de Vitkovice, ce qui semble indiquer que Vitkovice devra demeurer un producteur axé sur les exportations et exporter ses tôles d’acier pour maintenir un taux élevé d’utilisation de la capacité.

[154] En l’absence de données sur les prix intérieurs des tôles d’acier pour les producteurs tchèques, on a fait la moyenne des données de CRU sur les prix historiques des tôles d’acier de trois pays européens (Allemagne, Italie et Royaume-Uni) pour établir un prix de référence européenNote de bas de page 119. Une comparaison du prix de référence européen pour les tôles d’acier et du prix à l’exportation pour la République tchèque selon la base de données Comtrade des Nations Unies révèle que le prix à l’exportation des tôles d’acier tchèques était légèrement inférieur au prix moyen européen en 2016, puis supérieur à celui-ci jusqu’en octobre 2018Note de bas de page 120.

[155] Par ailleurs, on a comparé le prix à l’exportation annuel pour la République tchèque selon la base de données Comtrade des Nations Unies et le prix moyen pondéré annuel des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud au Canada dans la PVR. Les renseignements au dossier confidentiel confirment que le prix à l’exportation moyen annuel pour la République tchèque était nettement inférieur au prix moyen pondéré des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud au Canada en 2016 et est demeuré inférieur à celui-ci tout au long de la PVRNote de bas de page 121.

[156] L’analyse des prix ci-dessus semble indiquer que les prix à l’exportation pour la République tchèque sont comparables au prix de vente annuel moyen européen. Néanmoins, ces prix à l’exportation sont demeurés nettement inférieurs au prix moyen des importations canadiennes tout au long de la PVR. Il est donc fort probable qu’advenant l’annulation de l’ordonnance en vigueur, les exportations de certaines tôles d’acier de la République tchèque vers le Canada seraient à des prix inférieurs aux prix actuels des importations canadiennes.

[157] Rien au dossier n’indique que des pays appliquent actuellement des conclusions antidumping à l’égard de tôles d’acier ou de tout autre produit de l’acier de la République tchèque. Cependant, la République tchèque a des antécédents de dumping de tôles d’acier au Canada. La République tchèqueNote de bas de page 122 a fait l’objet de conclusions en 1983 (ADT-10-83), annulées en 1990 (RR-89-006), et de conclusions en 1993 (NQ-92-007), annulées en 1998 (RR-97-006). En 2003, cinq ans après l’annulation des dernières conclusions en 1998, la République tchèque a de nouveau fait l’objet de conclusions (NQ-2003-002) concernant le dumping de tôles d’acier au Canada. Cette propension au dumping de tôles d’acier au Canada laisse entrevoir le comportement futur probable des producteurs de tôles d’acier tchèques advenant l’annulation de l’ordonnance.

[158] Dans la PVE initiale, le volume des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud de la République tchèque représentait 3,4 % du total des importations au Canada en provenance de tous les paysNote de bas de page 123. Dans la PVR, à part une quantité négligeable déclarée par un importateur en 2015, il n’y a pas eu d’autre expédition de marchandises en cause de la République tchèque vers le CanadaNote de bas de page 124. L’absence d’expéditions et le manque de coopération de la part de producteurs/exportateurs tchèques aux diverses procédures antidumping, comme nous l’avons déjà vu, semblent indiquer que les producteurs de tôles d’acier tchèques sont incapables de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués.

[159] Enfin, il convient de noter que les procédures antérieures du TCCE ont conclu que les tôles d’acier sont un produit de base et se font concurrence en fonction du prix. Comme il a été observé dans la PVR, le marché canadien des tôles d’acier fait face à une concurrence accrue provenant de plusieurs pays sources étrangers. Les renseignements au dossier indiquent que, dans la PVR, des tôles d’acier de certains pays ont été importées au Canada à des prix nettement inférieurs au prix moyen des producteurs nationauxNote de bas de page 125. Puisque le prix est un facteur déterminant dans l’achat de produits de base comme les tôles d’acier, les exportateurs tchèques devraient vraisemblablement concurrencer ces importations à bas prix au Canada pour récupérer le volume et la part de marché détenus lorsqu’ils vendaient à des prix sous-évalués.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping – République tchèque

[160] D’après les renseignements au dossier administratif concernant : le statut de produit de base des tôles d’acier; la forte intensité capitalistique de la production d’acier; les développements et les tendances du marché de l’acier; les tarifs et les sauvegardes en vigueur sur les importations d’acier et le détournement de tôles d’acier vers le Canada; la forte dépendance aux exportations en République tchèque pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité; les données sur les prix semblant indiquer que les exportateurs tchèques vendent à des prix inférieurs aux prix des importations canadiennes; la propension des exportateurs tchèques à faire le dumping des marchandises en cause au Canada; l’incapacité des exportateurs tchèques de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et le fait que la République tchèque devrait vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien; l’ASFC juge que l’expiration de l’ordonnance risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du dumping au Canada des marchandises en cause originaires ou exportées de la République tchèque.

Roumanie

[161] L’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé de la part d’exportateurs en Roumanie. Par conséquent, elle s’est fiée aux renseignements fournis par les parties ayant participé ainsi qu’à d’autres renseignements au dossier administratif afin de mener l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration à l’endroit de la Roumanie.

[162] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et les renseignements au dossier administratif, l’ASFC a effectué, dans le cadre de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, une analyse se résumant aux points suivants :

  • la forte dépendance aux exportations en Roumanie pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité;
  • les données sur les prix semblant indiquer que les exportateurs roumains vendent à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes;
  • les mesures commerciales en vigueur à l’endroit de la Roumanie;
  • l’incapacité de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et
  • le fait que la Roumanie devrait vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien.

[163] Dans l’enquête initiale de 2003 de l’ADRC, Ispat Sidex S.A. (maintenant ArcelorMittal Galati [AMG]) était le seul producteur/exportateur connu ayant expédié des marchandises en cause au Canada dans la PVE. AMG a participé à l’enquête et aux deux réexamens subséquents conclus en 2006 et 2008. Cependant, aucun exportateur n’a participé au dernier réexamen conclu en 2010Note de bas de page 126.

[164] Puisque des exportateurs n’ont pas coopéré au dernier réexamen conclu le 16 juillet 2010, les valeurs normales pour la Roumanie ont été déterminées par prescription ministérielle au moyen d’une majoration du prix à l’exportation de 74,6 %Note de bas de page 127.

[165] Eurofer rapporte que, de 2015 à 2017, l’industrie sidérurgique roumaine est demeurée stable, les niveaux de production d’acier brut ayant été de 3 352 000 tm en 2015 et de 3 361 000 tm en 2017, ce qui représente 2 % de la production totale de l’UENote de bas de page 128. La Roumanie se classe 37e dans le monde parmi les plus importants producteurs d’acier brut, avec 3,4 Mtm, ou 0,2 % de la production mondialeNote de bas de page 129.

[166] Selon son propre rapport sur la durabilité de 2016-2017, AMG est la plus grande aciérie intégrée au pays et est un chef de file dans la fabrication de produits de l’acier, avec une capacité de 3 MtmNote de bas de page 130. La capacité de production d’AMG représenterait, à elle seule, plus de 88 % de la production totale d’acier de la Roumanie en 2017.

[167] Toujours selon ce rapport sur la durabilité, AMG est très axée sur les exportations et exporte plus de 70 % de sa production de la Roumanie. Par ailleurs, AMG joue un rôle important dans l’économie roumaine, ses activités représentant 55 % du produit intérieur brut (PIB) de la ville de Galati, 25 % du PIB du comté de Galati et 0,5 % du PIB total de la RoumanieNote de bas de page 131.

[168] AMG a fait plusieurs investissements dans la mise à niveau de la machinerie et la maintenance dans la PVR. Le 13 mars 2017, un communiqué de presse d’AMG révélait un investissement de 12,5 millions d’euros dans l’usine de tôles lourdes no 2 pour installer une machine à dresser à chaud afin d’offrir une plus large gamme de dimensions et une meilleure qualité de tôles d’acier. Le 5 mars 2018, AMG a annoncé un investissement supplémentaire de 10 millions d’euros dans le redémarrage de la machine à couler en continu no 4 pour réduire le nombre d’arrêts et de pannes techniques et obtenir des vitesses de coulée plus rapides tout en limitant les défauts de qualitéNote de bas de page 132.

[169] En octobre 2018, Liberty Group (Liberty), du Royaume-Uni, a annoncé des plans pour acheter quatre aciéries à ArcelorMittal, dont une en Roumanie produisant les marchandises en cause. L’entente doit être approuvée par la Commission européenne, puisqu’Arcelor Mittal entend faire une offre pour la plus grande aciérie en Europe, Ilva, située en Italie. À cette fin, ArcelorMittal doit se départir d’une partie de ses installations actuelles de production d’acier afin de satisfaire aux préoccupations de la Commission européenne concernant la législation antitrustNote de bas de page 133. Liberty a fait savoir qu’elle planifiait d’augmenter la production de l’aciérie d’AMG de plus de 50 %, soit à 3 Mtm, au cours des trois à cinq prochaines années dans le cadre d’un investissement de 330 millions d’euros. Liberty, qui croit que la production de l’aciérie d’AMG peut être portée à plus de 3 Mtm, entend renforcer sa présence en RoumanieNote de bas de page 134.

[170] Malgré les investissements proposés dans l’industrie sidérurgique roumaine, les rapports actuels indiquent que la Roumanie pourrait entrer en récession. Un rapport d’UniCredit indique que l’économie roumaine pourrait connaître deux trimestres consécutifs de contraction à la fin de 2019 et au début de 2020. Le rapport mentionne le défaut du gouvernement d’attirer et d’absorber des fonds européens, ce qui l’oblige de plus en plus à emprunter à des taux d’intérêt élevésNote de bas de page 135. En outre, les entreprises de construction roumaines mettent en garde le gouvernement que la crise dans le secteur pourrait faire entrer le pays en récessionNote de bas de page 136.

[171] Par ailleurs, selon la publication Energy World Magazine, l’industrie métallurgique roumaine a connu un fort recul au cours des dernières années en raison de la faiblesse soutenue de la demande sur le marché intérieur et de la pression accrue liée aux importations de l’étrangerNote de bas de page 137. Le ralentissement de la demande sur le marché intérieur et la forte dépendance aux exportations des producteurs en Roumanie font en sorte que ceux-ci devront se tourner vers les marchés étrangers pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité et réaliser les augmentations futures de la production que proposent les nouveaux propriétaires potentiels de l’aciérie d’AMG.

[172] En l’absence de données sur les prix intérieurs des tôles d’acier pour les producteurs roumains, on a fait la moyenne des données de CRU sur les prix historiques des tôles d’acier de trois pays européens (Allemagne, Italie et Royaume-Uni) pour établir un prix de référence européenNote de bas de page 138. Une comparaison du prix de référence européen pour les tôles d’acier et du prix à l’exportation pour la Roumanie selon la base de données Comtrade des Nations Unies révèle que le prix à l’exportation des tôles d’acier roumaines était légèrement inférieur au prix moyen européen en 2016, qu’il était encore plus bas en 2016 et qu’il est demeuré bas jusqu’en octobre 2018Note de bas de page 139.

[173] Par ailleurs, on a comparé le prix à l’exportation annuel pour la Roumanie selon la base de données Comtrade des Nations Unies et le prix moyen pondéré annuel des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud au Canada dans la PVR. Les renseignements au dossier confidentiel confirment que le prix à l’exportation moyen annuel pour la Roumanie était nettement inférieur au prix moyen pondéré des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud au Canada tout au long de la PVRNote de bas de page 140.

[174] De l’analyse des prix ci-dessus, il ressort que les prix à l’exportation roumains sont nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes et que les exportateurs roumains vendent à des prix bas, voire sous-évalués, sur d’autres marchés. Il est donc fort probable qu’advenant l’annulation de l’ordonnance en vigueur, les exportations de tôles d’acier de la Roumanie vers le Canada seraient à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes.

[175] Les éléments de preuve au dossier font état de plusieurs mesures antidumping prises par les autorités dans d’autres pays à l’égard de tôles d’acier et d’autres produits de l’acier de la Roumanie. Une liste de ces mesures est donnée dans le tableau ci-dessous et est séparée en deux parties : l’une pour les mesures concernant les tôles d’acier et l’autre pour celles concernant les autres produits de l’acier. Ces mesures montrent que les exportateurs roumains ont une propension à faire le dumping de tôles d’acier et d’autres produits de l’acier.

Tableau 4
Mesures antidumping prises par d’autres paysNote de bas de page 141
Pays prenant la mesure antidumping Description des produits
Produits de tôles d’acier originaires de la Roumanie
Mexique Tôles d’acier au carbone, en feuilles
Thaïlande Produits plats laminés à chaud, en bobine et autres qu’en bobine
Autres produits de l’acier originaires de la Roumanie
Brésil Tubes de canalisation d’au plus 5 po
États-Unis Conduites sous pression et tuyaux de canalisation standard en acier allié et au carbone, de petit diamètre

[176] Il convient de noter qu’en janvier 2007, les États-Unis ont annulé des conclusions antidumping à l’égard de tôles d’acier de la RoumanieNote de bas de page 142. Bien que la Roumanie n’ait pas fait l’objet de conclusions antidumping américaines à l’égard de tôles d’acier depuis 2007, les mesures prises par les États-Unis en vertu de l’article 232 risquent de détourner des marchandises en cause de la Roumanie vers le Canada.

[177] Dans la PVE initiale, le volume des importations de certaines tôles d’acier laminées à chaud de la Roumanie représentait 14,2% du total des importations au Canada en provenance de tous les pays. Cependant, dans la PVR, il n’y a eu aucune importation des marchandises en cause de la Roumanie au Canada, ce qui semble indiquer que les producteurs de tôles d’acier de la Roumanie sont incapables de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués.

[178] Enfin, il convient de noter que les tôles d’acier sont un produit de base dont le marché est hautement sensible au prix. Le marché canadien des tôles d’acier fait face à une concurrence accrue provenant de plusieurs pays sources étrangers. Les renseignements au dossier indiquent que, dans la PVR, des tôles d’acier de certains pays ont été importées au Canada à des prix nettement inférieurs au prix moyen des producteurs nationauxNote de bas de page 143. Puisque le prix est un facteur déterminant dans l’achat de produits de base comme les tôles d’acier, les exportateurs roumains devraient vraisemblablement concurrencer ces importations à bas prix au Canada pour récupérer le volume et la part de marché détenus lorsqu’ils vendaient à des prix sous-évalués.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping – Roumanie

[179] D’après les renseignements au dossier administratif concernant : le statut de produit de base des tôles d’acier; la forte intensité capitalistique de la production d’acier; les développements et les tendances du marché de l’acier; les tarifs et les sauvegardes en vigueur sur les importations d’acier et le détournement de tôles d’acier vers le Canada; la forte dépendance aux exportations en Roumanie pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité; les données sur les prix semblant indiquer que les exportateurs roumains vendent à des prix inférieurs aux prix intérieurs de référence en Europe, et nettement inférieurs aux prix des importations canadiennes; les mesures commerciales prises par d’autres pays à l’endroit de la Roumanie; l’incapacité des exportateurs roumains de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués; et le fait que la Roumanie devrait vraisemblablement concurrencer les importations à bas prix de certaines tôles d’acier laminées à chaud en provenance d’autres pays pour réaliser des ventes sur le marché canadien; l’ASFC juge que l’expiration de l’ordonnance risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du dumping au Canada des marchandises en cause originaires ou exportées de la Roumanie.

Conclusion

[180] Aux fins de la décision dans l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI. Ayant considéré les facteurs pertinents et les renseignements au dossier, elle a décidé, le 24 mai 2019, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration de l’ordonnance rendue par le TCCE le 7 janvier 2014 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-002 causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie.

Mesures à venir

[181] C’est le 27 mai 2019 que le TCCE a commencé son enquête pour déterminer si, selon toute vraisemblance, l’expiration de son ordonnance concernant le dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie causerait un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, le TCCE doit rendre sa propre décision d’ici le 31 octobre 2019.

[182] Si le TCCE décide que l’expiration de son ordonnance causerait vraisemblablement un dommage, il la prorogera par une nouvelle ordonnance, avec ou sans modification. Alors, l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées de marchandises en cause.

[183] Si, au contraire, le TCCE décide que l’expiration de son ordonnance ne causerait vraisemblablement pas de dommage, il l’annulera par une nouvelle ordonnance, et plus aucuns droits antidumping ne seront perçus sur les importations de marchandises en cause, et ceux perçus sur des marchandises dédouanées après que l’ordonnance devait expirer seront rendus à l’importateur.

Renseignements

[184] Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec l’agente dont le nom figure ci-dessous :

Renseignements

Adresse :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Khatira Akbari : 613-952-0532
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site Web :

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Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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