PP 2017 ER
Certains tubes en acier pour pilotis
Énoncé des motifs

Ottawa, le 9 février 2018

D’une décision rendue dans le réexamen relatif à l’expiration au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant certains tubes en acier pour pilotis originaires ou exportés de la République Populaire de Chine.

Decision

Le 25 janvier 2018, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a rendu une décision comme quoi l’expiration des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 30 novembre 2012 au terme de l’enquête NQ-2012-002 allait probablement causer la poursuite ou la reprise des deux phénomènes suivants :

  1. l’importation de tubes en acier pour pilotis sous-évalués originaires ou exportés de la République populaire de Chine (dumping);
  2. l’importation de tubes en acier pour pilotis subventionnés originaires ou exportés de la République populaire de Chine.

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Résumé de l’affaire

[1] C’est le 28 août 2017 que le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), a commencé un réexamen relatif à l’expiration des conclusions qu’il avait rendues le 30 novembre 2012 dans l’enquête NQ-2012-002 sur le dumping et le subventionnement de certains tubes en acier pour pilotis originaires ou exportés de la République populaire de Chine (Chine).

[2] En réponse à l’avis du TCCE concernant le réexamen relatif à l’expiration, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert le 29 août 2017 une enquête en application de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI pour juger si l’expiration des conclusions risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises en cause sous-évaluées ou subventionnées.

[3] Atlas Tube Canada ULC (AtlasNote de bas de page 1) et DFI Corporation (DFINote de bas de page 2) (ci-après « les producteurs canadiens ») ont répondu au questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) qui leur avait été adressé.

[4] En plus de répondre au QRE, Atlas et DFI ont soumis des renseignements supplémentairesNote de bas de page 3 avant la date de clôture du dossier, et aussi des mémoiresNote de bas de page 4.

[5] Dans leurs mémoires et leurs réponses au QRE, Atlas et DFI étoffent leur position comme quoi les importations de tubes pour pilotis sous-évalués et subventionnés en provenance de Chine risqueront fort de reprendre ou de se poursuivre si le TCCE annule ses conclusions.

[6] L’ASFC n’a reçu aucune réponse au QRE envoyé aux exportateurs.

[7] Enfin, un importateur a répondu partiellement à son QRE, mais sans s’exprimer sur la probabilité que le dumping et/ou le subventionnement reprenne ou se poursuive.

[8] Le gouvernement de Chine n'a pas fourni de réponse au QRE ni de mémoire ni de contre-exposé.

[9] L’ASFC n’a reçu aucun mémoire ni contre-exposé de la part des autres parties intéressées.

[10] L’analyse du dossier administratif révèle que des produits tubulaires d’acier provenant de Chine, étroitement apparentés aux tubes en cause, font déjà l’objet de mesures antidumping au Canada comme à l’étranger; que les exportateurs n’arrivent pas à vendre des tubes en acier pour pilotis au Canada sans faire de dumping; que la demande canadienne de tubes en acier pour pilotis est appelée à augmenter; que la capacité de production en Chine est trop grande; et enfin, que le marché canadien continue d’intéresser les exportateurs chinois.

[11] L’analyse du dossier administratif révèle aussi que les exportateurs chinois de tubes en acier pour pilotis disposent toujours de programmes de subvention; que le gouvernement de Chine continue d’intervenir dans le secteur sidérurgique; et finalement que des produits tubulaires d’acier provenant de Chine, étroitement apparentés aux tubes en cause, font déjà l’objet de mesures compensatoires au Canada comme à l’étranger.

[12] C’est pourquoi le 25 janvier 2018, après étude du dossier et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a décidé deux choses :

  1. Que l’expiration des conclusions sur le dumping de certains tubes en acier pour pilotis originaires ou exportés de Chine risquait de faire reprendre ou se poursuivre le dumping de ces marchandises au Canada.
  2. Que l’expiration des conclusions sur le subventionnement en l’espèce risquait de faire se poursuivre l’importation au Canada de tubes en acier pour pilotis subventionnés originaires ou exportés de Chine.

Contexte

[13] Le 4 mai 2012 après une plainte d’Atlas, l’ASFC a ouvert une enquête en dumping et une enquête en subventionnement au sujet de certains tubes en acier pour pilotis originaires ou exportés de Chine.

[14] Le 31 octobre 2012, l’ASFC a frappé lesdits tubes de décisions définitives de dumping et de subventionnement. Puis le 30 novembre de la même année ont suivi des conclusions de menace de dommage du TCCE.

[15] Le 7 juillet 2017 conformément au paragraphe 76.03(2) de la LMSI, le TCCE a publié un avis annonçant l'expiration prochaine (29 novembre 2017) de ses conclusions. Les renseignements déposés ensuite durant la procédure d’expiration l’ont convaincu qu’il y avait lieu de réexaminer ses conclusions; c’est pourquoi le 28 août 2017, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration.

[16] Enfin le 29 août 2017, l’ASFC a ouvert l’enquête qui nous intéresse pour savoir si l’expiration des conclusions risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation au Canada de marchandises en cause sous-évaluées ou subventionnées.

Définition des produits

[17] Aux fins du réexamen relatif à l’expiration, les marchandises en cause sont définies comme suit :

pieux tubulaires en acier au carbone et en alliage, communément appelés « tubes pour pilotis », dont le diamètre extérieur mesure de 3,5 pouces à 16 pouces (de 8,9 cm à 40,6 cm) inclusivement, de qualité commerciale et de différentes formes et finitions, généralement fournis pour répondre aux normes ASTM A252, ASTM A500, ACN G.40.21 ou à des caractéristiques ou normes semblables, qu’ils aient une seule, deux ou plusieurs attestations, originaires ou exportés de la République populaire de Chine, à l’exclusion de tubes soudés en acier au carbone, de dimensions nominales variant de 3,5 pouces à 6 pouces de diamètre extérieur (89 mm à 168,3 mm) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour satisfaire aux normes ASTM A252 ou aux normes équivalentes, autres que les tubes soudés en acier au carbone de dimensions nominales variant de 3,5 pouces à 6 pouces inclusivement, marqués de deux inscriptions pour répondre aux exigences à la fois de la norme ASTM A252, de nuance 1 à 3, et de la norme API 5L, aux extrémités chanfreinées et de longueurs irrégulières, devant servir de pilotis dans les fondations.

Précisions

[18] Les nuances les plus communes de tubes en acier pour pilotis répondent aux normes ASTM A500, ASTM A252 (y compris de la norme ASTM A252 « modifiée » avec une limite d’élasticité accrue) ou à des normes comparables reconnues mondialement. La grande majorité des tubes pour pilotis sont créés à partir d’acier au carbone, bien que de petites quantités de tubes pour pilotis puissent avoir été créées avec de l’acier allié résistant à faible teneur (ARFT) ou avec d’autres nuances d’acier, selon les exigences du projet.

[19] Les tubes en acier pour pilotis sont produits soit par soudage électrique par résistance (ERW), soit sans soudure. Le processus ERW utilise le soudage longitudinal, ou le soudage en spirale (également appelé crosse hélicoïdale ou manchette hélicoïdale). Mais peu importe le procédé employé, les tubes soudés et sans soudure sont identiques en termes d'élasticité, de caractéristiques physiques, etc. Ils respectent les mêmes normes ASTM ou autres, et peuvent avoir les mêmes utilisations finales.

[20] En Amérique du Nord, les tubes en acier pour pilotis doivent généralement respecter la norme ASTM A500 et/ou ASTM A252. Les tubes en acier pour pilotis produits selon des normes plus élevées peuvent être certifiés pour plusieurs fins, p. ex. fournitures tubulaires pour puits de pétrole (caissons), API-5L (tubes de canalisation), ou A53 (tubes normalisés). Produits selon des normes plus exigeantes que les tubes en acier pour pilotis, les caissons, tubes de canalisation et certains types de tubes normalisés peuvent toujours s'y substituer.

[21] Les marchandises sont appelées des « tubes [en acier] pour pilotis ». Cependant, d'autres termes peuvent être utilisés de façon interchangeable, y compris pieux tubulaires, pieux battus, puits forés, caissons, minicaissons, micropieux et piliers.

Fabrication

[22] Dans le cas de la production ERW, des bobines d’acier laminées à chaud passent par une série de rouleaux pour donner une forme tubulaire, puis les bords du feuillard sont chauffés électriquement et soudés par chaleur et pression. Une fois le rond soudé, le tube passe par une série de postes de formage à froid qui lui donneront les bonnes dimensions, puis il est coupé en longueur.

[23] Dans le cas du soudage en spirale/hélicoïdal, des tubes de différents diamètres peuvent être tirés d’une seule bobine de feuillard d'acier laminé à chaud. Il ne s'agit par de refonte longitudinale comme en ERW. La bobine est déroulée, puis roulée de nouveau en spirale sur une bobineuse pour donner la dimension extérieure voulue avant le soudage. Que la bobine soit en spirale rend le soudage plus complexe et donc plus coûteux qu'en ERW. Le produit final aura cependant les mêmes propriétés intrinsèques.

[24] Les producteurs canadiens fabriquent leurs tubes avec des bouts unis et dans un fini non peint normalisé; après le contrôle de qualité, les tubes sont marqués au pochoir, groupés, puis chargés sur des camions à la sortie de l’usine pour expédition par la voie terrestre ou ferroviaire. Ces marchandises sont normalement vendues au poids (livres/tonnes) et groupées selon la capacité des voitures de train.

Classement des importations

[25] Avant 2018, l’importation des tubes en acier pour pilotis au Canada se faisait généralement sous les numéros de classement tarifaire suivants:

  1. 7306.30.00.14
  2. 7306.30.00.19
  3. 7306.30.00.24
  4. 7306.30.00.29
  5. 7306.30.00.34
  6. 7306.30.00.39
  7. 7306.40.00.20
  8. 7306.40.00.30
  9. 7306.50.00.90

[26] Depuis le 1er janvier 2018, ce sont plutôt les les numéros de classement tarifaire suivants:

  1. 7306.30.00.10
  2. 7306.30.00.20
  3. 7306.30.00.30

[27] Mais les marchandises en cause peuvent aussi être classées sous les numéros de classement tarifaire suivants:

  1. 7306.40.00.20
  2. 7306.50.00.90
  3. 7306.40.00.30

[28] Les numéros de classement tarifaire ci-dessus sont fournis à titre purement informatif; seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Période visée par le réexamen

[29] La période visée par le réexamen relatif à l’expiration (PVR) de l’ASFC va du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017.

Branche de production nationale

[30] La branche de production nationale (canadienne) de tubes en acier pour pilotis se compose de trois sociétés.

[31] Atlas Tube Canada ULC, de Harrow (Ontario), produit des marchandises similaires pour l’Est et l’Ouest du Canada. C’était la plaignante dans l’enquête initiale; en l’espèce, elle a répondu à son QRE et déposé un mémoire.

[32] DFI Corporation d’Edmonton (Alberta), qui produit des marchandises similaires pour l’Ouest du Canada, avait envoyé une lettre d’appui à la plainte initiale; pour le réexamen qui nous intéresse, elle a répondu à son QRE et déposé un mémoire.

[33] Nova Tube de Montréal (Québec) avait envoyé une lettre d'appui à la plainte initiale, mais elle n’a pas répondu à son QRE ni déposé de mémoire dans le réexamen qui nous intéresse.

Marché canadien

[34] Nous ne pouvons révéler le marché canadien apparent des tubes en acier pour pilotis. En effet, la valeur et le volume total de la production canadienne vendue dans la PVR pour consommation intérieure repose exclusivement sur des renseignements confidentiels des deux producteurs canadiens (Atlas et DFI); si nous publiions un chiffre d’affaires commun, chacun pourrait calculer celui (confidentiel) de l’autre. Dans un même ordre d’idées, nous ne pouvons révéler la valeur ni le volume total des tubes en acier pour pilotis importés de Chine dans la PVR, étant donné que les parties importatrices et exportatrices sont trop peu nombreuses et que donc cela reviendrait à divulguer une information protégée par l’article 107 de la Loi sur les douanes.

Production canadienne

[35] Nous venons de voir que les chiffres d’affaires de la branche de production nationale sont confidentiels. Cela dit, DFI affirme que [NdT : notre traduction, comme pour toutes les citations directes dans le présent document, sauf avis contraire] « la demande de tubes en acier pour pilotis au Canada est beaucoup plus faible aujourd’hui qu’en 2014 et dans les quelques années précédentes… [et que] DFI n’a pas encore vraiment profité de la légère augmentation des forages observée au début de 2017 dans les secteurs gazier et pétrolierNote de bas de page 5 ». Atlas va dans le même sens en affirmant « que l’effondrement du cours du pétrole en 2015-2016 a dévasté le secteur canadien de la construction, surtout dans l’Ouest, mais que la reprise économique dans l’Ouest en 2018 laisse prévoir une stabilisation de la demande et des prix quant aux pilotisNote de bas de page 6 ».

Importations

[36] Les importations totales en provenance de Chine et les chiffres d’affaires des producteurs canadiens sont confidentiels, parce que, comme nous l’avons vu, les parties intéressées ne sont pas assez nombreuses. Cela dit, les tableaux 1 et 2 ci dessous résument le marché canadien apparent et les importations totales en provenance de tous les autres pays.

Tableau 1
Marché canadien apparent des tubes en acier pour pilotis Note de bas de page 7
(valeur en $)
  2014 2015 2016 2017
janv. – juin
Importations totales de tous les pays sauf la Chine 70 979 516 59 155 181 60 279 953 41 218 913
Marché canadien total 133 041 689 111 759 103 89 901 812 62 669 861
Tableau 2
Marché canadien apparent des tubes en acier pour pilotisNote de bas de page 8
(quantités en tonnes métriques)
  2014 2015 2016 2017
janv. – juin
Importations totales de tous les pays sauf la Chine 76 842 63 485 75 204 46 952
Marché canadien total 143 020 119 623 110 111 68 229

Perception de droits

[37] Il s’est importé des marchandises en cause au Canada pendant la PVR. L’ASFC a perçu des droits LMSI sur ces importations, mais les règles de confidentialité l’empêchent d’en révéler la somme.

Parties aux procédures

[38] Le 29 août 2017, l’ASFC a averti les producteurs canadiens, les importateurs et exportateurs potentiels de tubes en acier pour pilotis, ainsi que le gouvernement de la Chine, qu’elle ouvrait une enquête pour le réexamen relatif à l’expiration. Elle leur a aussi envoyé à tous un QRE.

[39] Les QRE demandaient les renseignements nécessaires à la prise en compte, par l'ASFC, des facteurs de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).

[40] Parmi les producteurs canadiens potentiels, deux ont répondu : Atlas et DFI, qui ont également soumis des mémoires.

[41] De tous les exportateurs chinois potentiels de tubes en acier pour pilotis à qui l’ASFC avait adressé un QRE au début de l’enquête, aucun n’a répondu.

[42] De même, l’ASFC au début de l’enquête a adressé des QRE aux importateurs potentiels de tubes en acier pour pilotis. Seul Protin Import Ltd. a fait une réponse, mais partielle seulement, sans y exprimer d’opinion sur la vraisemblance d’une poursuite ou d’une reprise du dumping ou du subventionnement. L’entreprise n’a pas déposé de mémoire non plus.

[43] Le gouvernement de Chine n’a pas répondu à son QRE, et il n’a pas présenté de mémoire ni de contre-exposé.

Information que l’ASFC a prise en compte

Dossier administratif

[44] Les renseignements que l’ASFC a considérés pour le réexamen relatif à l'expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier comprend les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l'ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l'expiration; ainsi que les pièces justificatives de l'ASFC et les renseignements présentés par les parties intéressées, y compris les renseignements qu'elles estiment pertinents pour déterminer si le dumping et le subventionnement, le cas échéant, se poursuivrait ou reprendrait selon toute vraisemblance advenant l’expiration des conclusions du TCCE. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes spécialistes, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par des autorités au Canada ou dans un autre pays, des documents provenant d’organisations internationales telle l’Organisation mondiale du commerce, et les réponses aux QRE faites par les producteurs canadiens, les exportateurs, les importateurs et les gouvernements.

[45] Dans toute enquête pour réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » (en l'espèce, le 23 octobre 2017) après laquelle aucun nouveau renseignement présenté par les parties concernées ne sera plus versé au dossier administratif ni pris en compte dans son enquête. Il s'agit en effet que les participants aient le temps de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d'après ce qui figurait au dossier administratif à la date de sa clôture.

Questions de procédure

[46] L'ASFC n'a pas l'habitude de prendre en compte les renseignements nouveaux présentés après la date de clôture du dossier, mais elle peut le faire dans certains cas exceptionnels, tout dépendant des facteurs suivants :

  1. la nature, la pertinence, l’importance et la quantité des renseignements nouveaux;
  2. la difficulté, pour le participant, d'obtenir ou de présenter les renseignements à temps (indisponibilité des renseignements, problèmes nouveaux ou imprévus, etc.);
  3. si raisonnablement l’ASFC pourrait tenir compte des renseignements dans la procédure, y compris si elle a le temps de les vérifier;
  4. si l’utilisation des renseignements risque de porter préjudice à d’autres parties (p. ex. en ne leur laissant pas l’occasion d'y répondre);
  5. si en acceptant les renseignements l'ASFC s'empêcherait de mener rapFient à bien la procédure;
  6. tout autre facteur pertinent dans les circonstances.

[47] Les parties qui veulent présenter de nouveaux renseignements après la date de clôture du dossier, soit séparément ou dans le cadre de mémoires ou de contre-exposés, doivent désigner ces renseignements afin que l'ASFC puisse décider de les inclure ou non dans le dossier aux fins de décision.

[48] L’ASFC après la clôture du dossier a versé à son propre dossier administratif ce que contenait celui du TCCE. Elle en a averti les avocats des parties intéressées, et leur a donné le temps de formuler des observations. Les avocats d’Atlas et de DFI ont indiqué qu’ils n’en feraient rien; quant aux autres parties intéressées, aucune n’a réagi à cet ajout.

[49] L’avocat d’un producteur canadien a demandé à l’ASFC la permission de soumettre de nouveaux renseignements après la clôture du dossier. D’emblée publiés le 20 décembre 2017 (58 jours après la clôture du dossier), les renseignements en question n’ont été fournis à l’ASFC que 20 jours plus tard (soit un total de 78 jours après la clôture du dossier). Ils étaient trop massifs pour que l’ASFC ait le temps de les étudier; leur utilisation aurait porté préjudice aux autres parties puisque ces dernières n’auraient pas eu l’occasion d’y répondre; et enfin ils étaient arrivés à un tel moment que l’ASFC n’aurait pas pu les ajouter au dossier sans s’empêcher de mener rapidement à bien la procédure. Pour toutes ces raisons, les renseignements en retard n’ont pas été versés au dossier administratif de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration, et l’avocat en a été averti.

Position des parties – dumping

Parties selon qui la poursuite ou la reprise du dumping serait vraisemblable

[50] Dans leurs réponses au QRE comme dans leurs mémoires, les producteurs canadiens Atlas et DFI étoffent leur position comme quoi le dumping des tubes en acier pour pilotis en provenance de Chine risquerait fort de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions du TCCE expiraient. Ils affirment que les mesures antidumping doivent demeurer.

Mesures antidumping

[51] Dans leurs mémoires et leurs réponses au QRE, Atlas et DFI donnent des listes de mesures antidumping prises dans d’autres pays à l’égard des tubes en acier et autres produits d’acier provenant de la Chine, mesures qu’ils présentent comme autant de preuves que les exportateurs chinois ont tendance à faire du dumping de tubes en acier un peu partout dans le mondeNote de bas de page 9Note de bas de page 10.

[52] Les producteurs canadiens donnent des exemples de mesures antidumping prises au Canada même à l’égard des tubes et autres produits d’acier provenant de Chine. Ces mesures nombreuses prouvent encore selon eux que les exportateurs de Chine n’arrivent pas à être concurrentiels au Canada sans pratiquer le dumping; et ils tirent la même conclusion du fait qu’il n’est pas entré de tubes en acier pour pilotis provenant de Chine sur le marché canadien dans les dernières années.

[53] Atlas comme DFI font valoir qu’on ne saurait s’interroger sur l’opportunité de laisser expirer les conclusions sans examiner l’effet qu’elles ont eu. Après qu’elles ont été rendues, certains importateurs au Canada auraient tenté d’éviter les droits LMSI en déclarant des tubes en acier pour pilotis comme étant des tubes de canalisation. Les deux producteurs canadiens citent les audiences du TCCE dans l’enquête initiale sur les tubes de canalisation (NQ-2015-002), où un importateur a admis avoir agi ainsiNote de bas de page 11Note de bas de page 12. Avec leurs spécifications similaires, tubes de canalisation et tubes en acier pour pilotis sont souvent interchangeables dans la pratique et, d’après les producteurs canadiens, les conclusions à l’endroit des uns et des autres se conjuguent pour protéger la branche de production nationale contre les tubes d’acier sous-évalués provenant de Chine.

[54] Si les conclusions à l’égard des tubes en acier pour pilotis expirent, les producteurs canadiens croient que certains importateurs au Canada pourraient intentionnellement déclarer des tubes de canalisation sous les numéros tarifaires correspondant aux tubes en acier pour pilotis – le genre de manœuvres qu’ils ne se cachent pas d’avoir utilisées par le passé. « L’affaire des tubes de canalisation nous confirme que [importateur] recherche très activement les tubes les moins chers qu’il soit possible d’importer. On le voit : les importateurs ne reculent devant rien pour s’approvisionner en Chine, ils vont même jusqu’à importer des tubes de canalisation sous évalués et subventionnés pour les revendre sur le marché canadien des pilotisNote de bas de page 13. »

Intérêt soutenu pour le marché canadien

[55] Atlas et DFI parlent de preuves que le marché canadien continuerait d’intéresser les exportateurs chinois de tubes en acier pour pilotis. Atlas fournit sa correspondance avec l’un d’eux, qu’il présente comme une preuve que les exportateurs chinois ciblent le Canada avec leurs tubes pour pilotis fabriqués selon la norme A252Note de bas de page 14. DFI ajoute que malgré les faibles quantités, l’ASFC dans la PVR a perçu des droits antidumping sur les marchandises en cause, ce qui montrerait l’intérêt des importateurs canadiens eux-mêmes pour les marchandises en cause bon marché.

[56] Atlas et DFI prévoient, d’une part qu’une reprise dans le secteur pétrolier canadien va contribuer à rétablir la demande (actuellement anémique) de tubes en acier pour pilotis, et d’autre part que va s’affermir l’intérêt des exportateurs de Chine à exporter au Canada des tubes en acier pour pilotis éventuellement sous-évalués.

Surcapacité, volumes et prix dans l’industrie sidérurgique

[57] Les deux producteurs canadiens affirment que dans le secteur de l’acier la capacité de production est excessive mondialement, que la Chine « est de loin le plus gros producteur et exportateur de produits de l’acier au mondeNote de bas de page 15 », et que c’est là que se trouve « la plus grande surcapacité qu’on observe aujourd’huiNote de bas de page 16 ». Ils notent que pour bien des années encore l’excès actuel, surtout en Chine (où la capacité n’est toujours pas redescendue à un niveau qui soit viable malgré les efforts déployés pour la réduire) va continuer d’influencer les prix de l’acier au niveau mondial.

[58] Atlas écrit que « puisque la fabrication de tubes exige beaucoup d’investissements, les usines chinoises ne peuvent échapper à l’impératif de produire et de vendre le plus possibleNote de bas de page 17 ». Il cite également l’énoncé des motifs de la décision que l’ASFC a rendue dans un réexamen relatif à l’expiration en 2014 à l’égard des fournitures tubulaires pour puits de pétrole, comme quoi [version française officielle] « un producteur pourra décider qu’il est plus pratique de vendre la surproduction sur des marchés étrangers à des prix réduits plutôt que de diminuer la production, pourvu que les coûts variables du producteur soient couvertsNote de bas de page 18 ».

[59] Atlas nomme quatre producteurs chinois qui ensemble pourraient produire chaque année plus d’une mégatonne de tubes en acierNote de bas de page 19 – de quoi satisfaire plusieurs fois le marché canadien estimatif des tubes en acier pour pilotisNote de bas de page 20. Atlas cite des prix trouvés sur un site de commerce électronique pour prouver que l’offre de tubes en acier pour pilotis bon marché est abondante pour les importateurs canadiens auprès des exportateurs chinoisNote de bas de page 21; il ajoute que beaucoup de ces fournisseurs « ont des noms et des adresses qui se rapprochent de ceux des quatre usines susmentionnées » et que « bien souvent ce sont des sociétés de négoce, aussi bien que les producteurs eux-mêmes, qui proposent les tubes en acier pour pilotis sur [le site de commerce électroniqueNote de bas de page 22 ] ».

[60] DFI ajoute que les exportateurs chinois sont d’autant plus susceptibles de compter sur d’autres marchés que celui de leur pays décline en ce qui concerne les tubes en acier pour pilotisNote de bas de page 23, et aussi qu’une certaine entreprise canadienne a importé de tels tubes dans la PVR « pour beaucoup moins cher que les prix intérieurs des producteurs canadiens dans la même périodeNote de bas de page 24 ».

[61] DFI note que, d’après ce qui se trouve au dossier, le problème de surcapacité de l’industrie sidérurgique chinoise n’est toujours pas réglé. Dans l’affaire des joints de tubes courts (RR-2016-001), le TCCE avait écrit ce qui suit :

[officiel]
42. L’effondrement des cours du pétrole en 2014 a eu des répercussions dans l’ensemble du marché international. En février 2016, les cours repères mondiaux du pétrole ont atteint leur niveau le plus bas depuis près de 13 ans, [l’Association canadienne des producteurs pétroliers] ayant enregistré un cours aussi faible que 30,62 $US le baril. La Chine s’est également retrouvée aux prises avec une offre excédentaire d’acier, sa capacité excédentaire étant estimée à 336 tonnes en 2015. En même temps, la demande d’acier en Chine a diminué de 5,4 p. 100 en 2015, bien qu’elle ait légèrement augmenté de janvier à novembre 2016. La production d’acier en Chine devrait continuer d’excéder la demande en 2017, et la situation sera exacerbée si les augmentations de capacité prévues de 41 tonnes s’ajoutent en 2017.Note de bas de page 25

[62] Les deux producteurs canadiens font remarquer enfin que, comme pour tout produit de base, le prix moyen des tubes en acier pour pilotis tend généralement vers le prix le plus bas qui soit demandé; ce fait, combiné à la hausse potentielle de la demande au Canada, pourrait causer un gâchage des prix et, faute de mesures en vigueur, permettre aux exportateurs chinois de faire du dumping au Canada.

Considération et analyse – dumping

[63] Quand elle décide en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si selon toute probabilité l’expiration de conclusions entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux que mentionne le paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[64] Compte tenu des facteurs du RMSI [paragraphe 37.2(1)] et du dossier administratif, la liste suivante résume l’analyse effectuée sur la question du dumping aux fins du réexamen relatif à l’expiration :

  • Les autorités canadiennes et étrangères ont déjà pris plusieurs mesures antidumping à l’égard de produits d’acier étroitement apparentés provenant de la Chine.
  • Les exportateurs n’arrivent pas à vendre de tubes en acier pour pilotis au Canada sans faire de dumping.
  • La demande de tubes en acier pour pilotis est appelée à augmenter au Canada.
  • Quant aux tubes en acier pour pilotis, la capacité de production en Chine est trop grande.
  • Le marché canadien continue d’intéresser les exportateurs chinois.

[65] Comme nous l’avons dit plus haut, trois parties ont répondu au QRE de l’ASFC : Atlas, DFI, et Protin Import Ltd. Les deux producteurs canadiens ont aussi déposé des mémoires, et ils expriment le point de vue que le dumping des tubes en acier pour pilotis en provenance de Chine risque fort de reprendre ou de se poursuivre si le TCCE annule ses conclusions; Protin Import Ltd. quant à lui n’exprime aucun point de vue.

[66] Au 25 janvier 2018, l’ASFC avait des mesures antidumping sur plusieurs produits tubulaires en acier provenant de ChineNote de bas de page 26 :

Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié
Tubes soudés en acier au carbone (TSAC 1)
Composants usinés industriels en acier
Gros tubes de canalisation
Fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP 1)
Joints de tubes courts
Caissons sans soudure

[67] Le dumping de produits tubulaires en acier par les exportateurs de Chine est un point développé dans les décisions définitives ayant mené aux mesures (de l’ASFC) susmentionnéesNote de bas de page 27. D’après le dossier, en plus de celles-là, les produits tubulaires en acier de Chine auraient été frappés d’au moins 27 mesures dans 12 pays depuis 1999Note de bas de page 28Note de bas de page 29. Les nombreuses mesures antidumping imposées à l’étranger depuis 18 ans, combinées à celles de l’ASFC, montrent bien que les exportateurs chinois continuent d’exporter des produits tubulaires en acier sous-évalués.

[68] Le dossier révèle que la poursuite du dumping s’explique en partie par les pratiques de certains importateurs canadiensNote de bas de page 30Note de bas de page 31 qui, en faisant de fausses déclarations pour éviter de payer les droits LMSI sur ce qu’ils importaient, ont déjà montré leur tendance à rechercher les marchandises les moins chères, fussent-elles sous-évaluées. Ce qui s’est produit dans l’enquête initiale sur les tubes de canalisation n’est pas sans pertinence, car on y voit encore une fois la propension des exportateurs chinois à vendre au Canada des produits tubulaires en acier sous évalués.

[69] Bref, le dossier montre que les mesures antidumping contre les produits tubulaires en acier provenant de Chine ne sont pas une chose nouvelle, et aussi que les exportateurs de ce pays ont tendance à faire le dumping des produits tubulaires en acier dans des marchés d’exportation, y compris au Canada.

[70] Selon des données confidentielles d’exécution de la loi, peu d’expéditions de marchandises en cause sont entrées au Canada depuis 2014, la première année après les conclusions de dommage du TCCE. Les petits volumes de marchandises en cause importés au Canada, et les prix de vente aussi, prouvent que les exportateurs chinois n’arrivent pas à être concurrentiels sans faire de dumping.

[71] Les tableaux 1 et 2 plus haut montrent que les exportateurs de tubes en acier pour pilotis des autres pays se sont taillé une plus grande part du marché canadien dans la PVR : s’ils vendent autant de tonnes dans la deuxième moitié de 2017 que dans la première, ce sera presque 20 % de plus qu’en 2014. Et quant au prix moyen par tonne, il a baissé de 5 % depuis cette même année.

[72] Dans l’Ouest du Canada, l’industrie des tubes en acier pour pilotis dépend largement des secteurs gazier et pétrolier. Le tableau des forages (ci-dessous) montre un déclin sur la période de 2012 à 2016, avec au début de 2017 les premiers signes de ce qui s’annonce comme une repriseNote de bas de page 32.

Année Nombre de puits forés Variation sur 12 mois
2012 11 673 -27,4 %
2013 10 853 -7,0 %
2014 10 927 0,7 %
2015 5 292 -51,6 %
2016 3 562 -32,7 %
2017 (estimation) 6 842 92,1 %

[73] Le marché des tubes en acier pour pilotis a été durement frappé par l’effondrement des cours du pétrole en 2015-2016, surtout dans l'Ouest du Canada. Cela dit, les ventes ont également chuté dans l’Est à cause d’un ralentissement de la construction industrielle et d’une « pénétration de nouvelles sources outre mer, les importateurs [canadiens] se cherchant de nouveaux fournisseurs pour éviter les droits LMSI sur les produits chinoisNote de bas de page 33 ».

[74] D’après le dossier administratif, un regain d’activité s’amorce en 2017 dans le secteur du pétrole et du gaz, plus particulièrement du côté des forages : presque deux fois plus qu’en 2016 selon les dernières prévisions de la Canadian Association of Oilwell Drilling Contractors (voir le tableau ci-dessus)Note de bas de page 34.

[75] Le nombre de forages va sans doute entraîner à sa suite le marché canadien des tubes en acier pour pilotis, et avec une demande plus forte l’importation de tels tubes au Canada va devenir d’autant plus probable. Comme nous l’avons vu, l’absence d’importations depuis 2015 prouve que les exportateurs de Chine n’arrivent pas à faire concurrence aux prix actuels. En outre, pour regagner leur part de marché au Canada, ils devront cette fois concurrencer les exportateurs des autres pays, dont comme nous l’avons vu la part de marché grossit depuis trois ans. Étant donné cette concurrence et le fait que les tubes en acier pour pilotis sont un produit de base, les exportateurs chinois seront susceptibles de vendre moins cher s’ils veulent attirer des clients et reprendre pied sur le marché canadien.

[76] Ainsi les preuves montrent que les exportateurs de Chine n’arrivent pas à être concurrentiels au Canada sans faire de dumping, et que sans les conclusions du TCCE, la concurrence des exportateurs des autres pays aurait sans doute pour conséquence une baisse des prix.

[77] Il y a bien des années que l’industrie sidérurgique chinoise souffre d’une surcapacité de production. Le 6e plan quinquennal prouve que le gouvernement de Chine continue d’y offrir des incitatifs, malgré son annonce publique comme quoi il s’efforçait avec l’industrie de réduire la surcapacitéNote de bas de page 35. Le dossier administratif indique que le gouvernement compte réduire la production d’acier brut de 100 à 150 mégatonnes métriques d’ici 2020Note de bas de page 36, mais les mémoires des producteurs canadiens et les recherches indépendantes colligées par l’ASFC portent à croire que, malgré ces efforts pour réduire la capacité et la production réelle, le problème de surcapacité n’est pas près de se régler.

[78] Toujours malgré les efforts dont nous venons de parler, le vice-président de l’association chinoise du minerai de fer et de l’acier s’attendait à ce que la production d’acier progresse de 3 à 5 % en 2017Note de bas de page 37. L’information au dossier montre aussi un déclin de la demande d’acier sur le marché intérieur, et un rapport récent du Comité de l’acier de l’OCDENote de bas de page 38 va dans le même sens. Puisque leur pays est depuis longtemps le plus gros exportateur mondial d’acier, que sa surcapacité est si imposante, et que la production réelle augmente tandis que la demande intérieure s’affaiblit, les producteurs chinois de tubes en acier pour pilotis vont probablement continuer de compter sur les marchés d’exportation.

[79] Le problème de la surcapacité d’acier a aussi été développé dans plusieurs procédures récentes de l’ASFC concernant des produits d’acier en provenance de Chine (composants usinés industriels en acier, gros tubes de canalisation [Chine et Japon], gros tubes de canalisation [Corée], joints de tubes courts, etc.), et dans les documents que contient le dossier administratif de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresseNote de bas de page 39Note de bas de page 40. Le tout confirme que cette énorme surcapacité ne date pas d’hier, et qu’elle va continuer à moins que l’industrie sidérurgique chinoise se réorganise de fond en comble.

[80] Pour toutes ces raisons, si les conclusions du TCCE sont annulées, la surcapacité va probablement pousser encore davantage les exportateurs chinois à tenter de vendre des tubes en acier pour pilotis sur le marché canadien.

[81] Peu de marchandises en cause se sont importées au Canada entre 2014 et le milieu de 2017. Or on peut voir dans le dossier administratif qu’un exportateur chinois a proposé ses tubes en acier pour pilotis à un producteur canadienNote de bas de page 41; c’est là un signe que les exportateurs de Chine n’ont pas renoncé à vendre des tubes en acier pour pilotis au Canada.

Décision concernant la probabilité que le dumping reprenne ou se poursuive

[82] Le dossier administratif montre clairement que les autorités canadiennes et étrangères ont déjà pris plusieurs mesures antidumping à l’égard de produits d’acier étroitement apparentés provenant de la Chine; que les exportateurs n’arrivent pas à vendre de tubes en acier pour pilotis au Canada sans faire de dumping; que la demande de tubes en acier pour pilotis est appelée à augmenter au Canada; que quant aux tubes en acier pour pilotis la capacité de production en Chine est trop grande; et enfin que le marché canadien continue d’intéresser les exportateurs chinois. Pour toutes ces raisons, l’ASFC juge que le dumping de certains tubes en acier pour pilotis originaires ou exportés de Chine risquerait fort de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions expiraient.

Position des parties – subventionnement

Parties selon qui la poursuite ou la reprise du subventionnement serait vraisemblable

[83] Les producteurs canadiens (Atlas et DFI) font valoir tous les deux que les importations de tubes en acier pour pilotis subventionnés en provenance de la Chine risqueraient fort de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions du TCCE expiraient.

[84] Atlas fait remarquer, premièrement qu’à l’étape de l’enquête l’ASFC s’était fait l’opinion que les conditions définies à l’article 20 de la LMSI étaient réunies dans le secteur chinois des tubes en acier pour pilotis, deuxièmement que dans l’affaire des gros tubes de canalisation (2016) elle a confirmé le subventionnement ininterrompu de l’acier laminé à chaud que se procurent les fabricants chinois de tubesNote de bas de page 42, et troisièmement que les programmes de subvention offerts aux producteurs de gros tubes de canalisation étaient aussi à la disposition des producteurs de tubes en acier pour pilotis, comme l’ASFC l’avait établi dans son enquête en 2012.

[85] Atlas fait remarquer encore que, contrairement à ce qu’elles avaient fait dans l’enquête initiale de 2012, le gouvernement et les autres parties intéressées de la Chine n’ont soumis dans le réexamen qui nous intéresse aucun exposé niant que les conditions de l’article 20 fussent présentes. Atlas en conclut que ces conditions existent toujours dans le secteur des tubes en acier pour pilotis, ce qui comprend la fourniture d’acier laminé à chaud subventionné et donc bon marché.

[86] Atlas rappelle que dans l’enquête initiale, l’ASFC a recensé 101 programmes de subvention donnant peut-être lieu à une action, et que dans sa décision définitive à l’égard des tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié (5 décembre 2017), elle a recensé 160 programmes donnant lieu à une action et ayant conféré un avantage aux producteurs chinois de tubes. D’après Atlas, beaucoup de ces programmes de subvention sont horizontaux (offerts dans tout le secteur de la production de tubes), et il y a parmi eux la fourniture de matières premières par l’État pour moins cher que la juste valeur marchandeNote de bas de page 43.

[87] Dans Composants usinés industriels en acier, rappelle Atlas, l’ASFC a constaté que l’une des subventions consistait pour l’État à fournir de l’acier laminé à chaud aux producteurs en aval pour moins cher que la juste valeur marchandeNote de bas de page 44. Atlas ajoute que le département du Commerce des États-Unis a lui aussi confirmé (en 2015) qu’une vaste gamme de programmes étaient disponibles dans le secteur chinois des tubes, y compris la fourniture de matières premières pour moins cher que la juste valeur marchandeNote de bas de page 45.

[88] Enfin, DFI fait remarquer que des produits tubulaires en acier étroitement apparentés et subventionnés par le gouvernement de Chine sont déjà frappés de mesures compensatoires dans plusieurs pays dont le Canada, la Turquie et les États-UnisNote de bas de page 46.

Considération et analyse – subventionnement

[89] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si selon toute probabilité l’expiration de conclusions fera reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises subventionnées, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[90] La liste suivante résume l’analyse effectuée aux fins du réexamen en l'espèce compte tenu du dossier administratif et des facteurs du RMSI :

  • Les exportateurs chinois de tubes en acier pour pilotis disposent toujours de programmes de subvention.
  • Le gouvernement de Chine continue d’intervenir dans l’industrie sidérurgique.
  • Les autorités canadiennes et étrangères ont déjà pris plusieurs mesures compensatoires à l’égard de produits tubulaires étroitement apparentés provenant de la Chine.

[91] En 2012 au terme de l’enquête initiale en subventionnement, l’ASFC a jugé que deux programmes de subvention chinois avaient conféré un avantage à trois exportateurs :

  1. Matériel intrant fourni par le gouvernement à un prix inférieur à la juste valeur marchande, à la décision definitive
  2. Aide – Fonds de soutien spécial pour la commercialisation des innovations technologiques et des résultats de rechercheNote de bas de page 47

[92] Le montant de subvention total pour ces deux programmes a été calculé à 439,47 renminbis par tonne métrique exportée (RMB/tm). L’énoncé des motifs de la décision définitive décrit les programmes en détail, et explique pourquoi ils étaient considérés comme des subventions passibles de droits compensateursNote de bas de page 48.

[93] Pour tous les autres exportateurs, le montant de subvention a été fixé à 641,35 RMB/tm, par prescription ministérielle conformément au paragraphe 30.4(2) de la LMSINote de bas de page 49.

[94] Dans l’enquête initiale en 2012, la réponse du gouvernement de Chine n’avait pas suffi pour que l’ASFC puisse déterminer le montant de subvention selon le paragraphe 30.4(1) de la LMSINote de bas de page 50. Et dans l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, ni le gouvernement ni aucun des exportateurs qui jusqu’alors avaient des montants de subvention particuliers n’a fourni de réponse à son QRE, de mémoire ni de contre-exposé.

[95] Il ressort des propres recherches de l’ASFC que le gouvernement de Chine intervient toujours autant dans l’industrie sidérurgique. À preuve son 13e plan quinquennal, et plusieurs articles comme quoi il aurait orchestré certaines fusions d’usinesNote de bas de page 51. Ces fusions avaient pour objectif de réduire la capacité de production en Chine, mais les recherches montrent que le gouvernement continue d’intervenir dans l’industrie, et que son influence prend la forme de programmes d’incitatifs dont l’ASFC a souvent conclu que c’étaient des subventions donnant lieu à une action.

[96] Actuellement, il y a des mesures en vigueur contre sept produits tubulaires en acier étroitement apparentés dont l’ASFC a conclu que le gouvernement de Chine les subventionnait : les tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, les tubes soudés en acier au carbone, les gros tubes de canalisation, les fournitures tubulaires pour puits de pétrole, les joints de tubes courts, les caissons sans soudure, et les composants usinés industriels en acier. Et outre ceux-là, encore quatre produits d’acier apparentés de la Chine font l’objet de droits compensateurs au Canada.

[97] La douzaine de mesures compensatoires que l’ASFC a prises à l’égard des produits d’acier de la Chine porte à croire que dans ce pays, le gouvernement attache beaucoup d’importance à l’industrie sidérurgique et la subventionne en conséquence. Le dossier administratif indique aussi qu’il y a une mesure compensatoire en vigueur contre certains produits tubulaires en acier de la Chine en Turquie, et qu’il y en a deux aux États-UnisNote de bas de page 52. C’est dire que les producteurs chinois de tubes en acier pour pilotis reçoivent toujours de leur gouvernement des avantages donnant lieu à une action.

Décision sur la probabilité que reprenne ou se poursuive l’importation de marchandises subventionnées

[98] Puisque les exportateurs chinois de tubes en acier pour pilotis disposent toujours de programmes de subvention, que le gouvernement de Chine continue d’intervenir dans l’industrie sidérurgique, et que les autorités canadiennes et étrangères ont déjà pris plusieurs mesures compensatoires à l’égard de produits tubulaires étroitement apparentés provenant de la Chine, l’ASFC juge probable que l’importation de tubes en acier pour pilotis subventionnés originaires ou exportés de la Chine reprenne ou se poursuive si les conclusions expirent.

Conclusion

[99] Pour parvenir à une décision dans l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs que prévoit le paragraphe 37.2(1) du RMSI. Compte tenu de ces facteurs et de son analyse des éléments de preuve au dossier, l’ASFC en application de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI a décidé le 25 janvier 2018 que l’expiration des conclusions rendues par le TCCE le 30 novembre 2012 au terme de l’enquête NQ-2012-002 allait probablement causer la poursuite ou la reprise des deux phénomènes suivants :

  1. l’importation de tubes en acier pour pilotis sous-évalués originaires ou exportés de la Chine (dumping);
  2. l’importation de tubes en acier pour pilotis subventionnés originaires ou exportés de la Chine.

Mesures à venir

[100] Le 26 janvier 2018, le TCCE a ouvert une enquête pour savoir s’il était probable que l’expiration de ses conclusions de dumping et de subventionnement des marchandises de Chine cause un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, le TCCE doit rendre sa décision d’ici le 4 juillet 2018.

[101] Si le TCCE juge que l'expiration de ses conclusions à l’égard des marchandises causerait vraisemblablement un dommage, il les prorogera, avec ou sans modification. Alors, l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées, et des droits compensateurs sur les importations subventionnées de marchandises en cause.

[102] Si au contraire, le TCCE juge que l’expiration de ses conclusions à l’égard des marchandises ne causera vraisemblablement aucun dommage, il les annulera, et aucuns droits antidumping ni compensateurs ne seront plus perçus sur les importations de marchandises en cause. De plus, tous les droits antidumping et compensateurs perçus sur les marchandises dédouanées après la date où les conclusions devaient expirer seront remboursés aux importateurs.

Renseignements

[103] Voir ci-dessous à qui s’adresser pour en savoir plus :

Renseignements

Adresse :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Paul Pomnikow : 613-948-7809
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site web :

www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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