TR 2017 ER
Certains transformateurs à liquide diélectrique
Énoncé des motifs
Ottawa, 5 janvier 2018
De la décision rendue dans un réexamen relatif à l’expiration en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant certains transformateurs à liquide diélectrique originaires ou exportés de la République de Corée.
Décision
Le 22 décembre 2017, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration de l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 31 mai 2016 au terme du réexamen intermédiaire RD-2013-003, laquelle maintenait telles quelles ses conclusions rendues le 20 novembre 2012 au terme de l’enquête NQ-2012-001, selon toute vraisemblance ferait reprendre ou se poursuivre le dumping de certains transformateurs à liquide diélectrique originaires ou exportés de la République de Corée.
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Résumé de l'affaire
[1] C’est le 25 juillet 2017, conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), que le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de l’ordonnance, rendue le 31 mai 2016 au terme du réexamen intermédiaire RD 2013 003, par laquelle il maintenait telles quelles ses conclusions du 20 novembre 2012 (enquête NQ 2012 001) concernant le dumping au Canada de certains transformateurs à liquide diélectrique (ci-après « gros transformateurs de puissance ») originaires ou exportés de la République de Corée (Corée).
[2] Conséquence de l’avis de réexamen relatif à l’expiration, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert le 26 juillet 2017 une enquête pour juger, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, si l’expiration de l’ordonnance risquait de faire reprendre ou se poursuivre le dumping en question.
[3] Au questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) de l’ASFC ont répondu ABB Inc. (ABBNote de bas de page 1), Delta Star Transformers, Inc. (Delta StarNote de bas de page 2), Northern Transformers Corp. (Northern TransformersNote de bas de page 3) et PTI Manitoba Inc. (PTINote de bas de page 4), tous producteurs canadiens de gros transformateurs de puissance. Ces derniers affirment preuves à l’appui que le dumping des gros transformateurs de puissance de la Corée va sans doute reprendre ou se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée.
[4] Plusieurs importateurs canadiens de gros transformateurs de puissance ont aussi répondu au QRE : Hyundai Canada Inc. (Hyundai CanadaNote de bas de page 5), Hyundai Corporation USANote de bas de page 6 et Remington Sales Co. (RemingtonNote de bas de page 7). Tous trois achètent leurs produits à Hyundai Electric & Energy Systems Co. Ltd. (HEES). Aucun cependant n’a directement émis d’opinion sur la vraisemblance d'une poursuite ou reprise du dumping advenant que l’ordonnance soit annulée.
[5] Quant aux exportateurs de marchandises en cause, deux ont répondu au QRE : Hyosung Co. (HyosungNote de bas de page 8) et HEESNote de bas de page 9; cette dernière est une nouvelle entreprise née de Hyundai Heavy Industries, Co., Ltd. en avril 2017. Hyosung et HEES font valoir entre autres, preuves à l’appui, que le dumping qui nous intéresse ne risquerait pas de reprendre si l’ordonnance du TCCE était annulée.
[6] De plus, l’ASFC a reçu des mémoiresNote de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12 et des contre-exposésNote de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15 déposés au nom d’ABB et PTI, de Hyosung et de HEES. Ce dernier précise que son mémoire et son contre exposé expriment aussi le point de vue de ses importateurs liés.
[7] Il ressort de l’analyse du dossier que les producteurs de Corée misent sur l’exportation et cela ne semble pas près de changer; sur leur marché intérieur les exportateurs de Corée voient diminuer leurs ventes de gros transformateurs de puissance et la demande ne s’annonce pas très bonne; les producteurs/exportateurs disposent d’une capacité de production excédentaire; la guerre de prix s’intensifie pour vendre des gros transformateurs de puissance au Canada; les mesures antidumping en vigueur dans d’autres pays prouvent que les exportateurs coréens ont tendance à faire le dumping de gros transformateurs de puissance; à cause des mesures en vigueur aux États-Unis les marchandises sous-évaluées risquent fort d’être réaffectées au Canada; et des droits antidumping ont été imposés sur les marchandises en cause importées au Canada dans la période visée par le réexamen (PVR).
[8] L'ASFC décide donc, en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration de l’ordonnance sur le dumping des gros transformateurs de puissance originaires ou exportés de Corée causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping.
Contexte
[9] Le 23 avril 2012 après une plainte de ABB et CG Power Systems (aujourd’hui « PTI »), l’ASFC a ouvert par application du paragraphe 31(1) de la LMSI une enquête sur le dumping présumé des gros transformateurs de puissance originaires ou exportés de Corée.
[10] Le 22 octobre 2012, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping à l’égard de ces mêmes marchandises conformément au paragraphe 41(1) de la même loi.
[11] Puis le 20 novembre 2012, le TCCE a conclu par application du paragraphe 43(1) de la LMSI que le dumping avait causé un dommage. Son Énoncé des motifs serait publié le 5 décembre de la même annéeNote de bas de page 16.
[12] Le 21 novembre 2012, une demande de contrôle judiciaire de la décision définitive de dumping rendue par l’ASFC a été déposée par Hyundai Heavy Industries Co., Ltd. (HHI), l’une des parties à l’enquête, devant la Cour d’appel fédérale (CAF). Le 6 décembre 2013, la CAF a annulé la décision définitive de dumping de l’ASFC et renvoyé l’affaire à cette dernière pour réexamen sur la foi des motifs de la Cour.
[13] Le 6 mars 2014, l’ASFC a rendu en vertu du paragraphe 41.1(1) une nouvelle décision définitive de dumping à l’endroit des gros transformateurs de puissance originaires ou exportés de Corée, décision découlant de l’arrêt de la CAF (6 décembre 2013).
[14] Le 14 mars 2014, le TCCE a de sa propre initiative commencé un examen provisoire pour juger s’il devait maintenir ses conclusions de dommage (avec ou sans modifications), ou si plutôt les faits nouveaux justifiaient de les annuler (à savoir, la baisse des marges de dumping dans la deuxième décision définitive de l’ASFC).
[15] Un contrôle judiciaire en CAF de la nouvelle décision définitive a été réclamé par les producteurs canadiens de gros transformateurs de puissance, puis conjointement par Hyundai Heavy Industries Co. Ltd. et Hyundai Canada, les 4 et 7 avril 2014 respectivement. La CAF a entendu les demandes de contrôle le 2 juillet 2015 l’une après l’autre, et les a rejetées toutes les deux.
[16] Le 31 mai 2016, en vertu de l’alinéa 76.01(5)a), le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant telles quelles ses conclusions de dommage.
[17] Puis le 5 juillet 2017, l’ASFC a conclu un réexamen des valeurs normales et du prix à l’exportation des marchandises en cause. Hyosung comme HEES y ont participé; des valeurs normales particulières seront déterminées pour leurs exportations de gros transformateurs de puissance au Canada à compter du 5 juillet 2017, à partir des données à jour qu’ils ont fournies.
[18] C’est pourquoi le 25 juillet 2017, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnanceNote de bas de page 17.
[19] Enfin le 26 du même mois, l’ASFC a ouvert l’enquête qui nous intéresse pour juger si l’expiration de l'ordonnance risquait de faire reprendre ou se poursuivre le dumping. Elle devait rendre une décision au plus tard le 22 décembre 2017.
Définition des produits
[20] Les marchandises assujetties à l’ordonnance visée par le réexamen sont définies comme suit :
Transformateurs à liquide diélectrique avec une puissance admissible maximale égale ou supérieure à 60 000 kilovolts ampères (60 mégavolts ampères), assemblés ou non, complets ou incomplets, originaires ou exportés de la République de Corée.
Des précisions sont fournies à l’annexe A.
Classement des importations
[21] Les gros transformateurs de puissance se classent généralement sous le code suivant à 10 chiffres du Système harmonisé (SH) :
- 8504.23.00.00
[22] Incomplets ou non assemblés, les gros transformateurs de puissance peuvent aussi s’importer sous les codes SH suivants :
- 8504.90.90.10
- 8504.90.90.82
- 8504.90.90.90
[23] Ces codes SH sont fournis à titre purement informatif. Seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.
Période visée par le réexamen
[24] Le réexamen s’intéresse à la période qui va du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017.
Branche de production nationale
[25] Actuellement, la branche de production nationale pour les transformateurs qui nous intéressent se compose de quatre entreprises : ABB, Delta Star, Northern Transformers, et PTI.
ABB
[26] ABB est une multinationale, qui fabrique des transformateurs de puissance depuis 1972 et dont le siège social mondial se trouve à Zurich en Suisse. Quant à ABB Canada, son siège social se trouve à Montréal et son usine, à Varennes (Québec); elle a été constituée en 1988 par la fusion d’ASEA AB et BBC Canada. Bien que l’usine de Varennes fabrique aussi d’autres produits pour le domaine de l’électricité (réacteurs en dérivation, convertisseurs, etc.), les transformateurs de puissance et leurs composants représentent la majorité de sa production.
Delta Star
[27] Delta Star fabrique des transformateurs de moyenne à grand puissance, dans une usine de Saint Jean sur Richelieu (Québec) qu’elle a achetée à Alstom Grid Inc. en 2015. Elle appartient entièrement à sa société-mère, établie à Lynchburg aux États-Unis (Virginie). L’usine canadienne fabrique de gros transformateurs de puissance avec une capacité maximale de 300 mégavoltampères (MVA) depuis 2008.
Northern Transformers
[28] Fondée en 1981, Northern Transformers Inc. a longtemps fabriqué surtout des transformateurs jusque 40 MVA. Puis en 2012, une nouvelle entité du nom de Northern Transformers a vu le jour après que l’avoir de Northern Transformers Inc. a été vendu à de nouveaux propriétaires y compris ses propres employés. En 2016 enfin, grâce à de nouveaux investissements, l’usine est devenue capable de produire des gros transformateurs de puissance (plus de 60 MVA).
PTI
[29] PTI est une filiale de la PTI Holdings Corporation. Appartenant entièrement à des intérêts canadiens, elle fabrique des gros transformateurs de puissance dans une usine au Manitoba. PTI Manitoba est une entreprise relativement jeune, née en novembre 2015 après que la PTI Holdings Corporation a acheté tout l’actif de CG Canada Inc. Partner Technologies Incorporated, société-sœur établie à Regina (Saskatchewan), produit et vend des transformateurs de puissance dont la capacité maximale n’atteint pas 60 MVA.
Associations
[30] Les fabricants de transformateurs de puissance n’ont pas d’association exclusive. Néanmoins l’Électro Fédération Canada compte plus de 250 membres dont plusieurs entreprises qui vendent, distribuent, commercialisent et vendent une foule de produits pour le domaine de l’électricité, gros transformateurs de puissance comprisNote de bas de page 18.
Marché canadien
[31] Le tableau 1 ci-dessous synthétise le marché canadien apparent dans la PVR pour les transformateurs qui nous intéressent. L’ASFC ne peut rien publier sur les ventes en provenance de Corée, puisqu’il n’y a que deux entreprises et que donc cela reviendrait à divulguer des renseignements confidentiels : elle s’en tient donc à des pourcentages.
Valeur | ||||
---|---|---|---|---|
Source | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 (janv.-juin) |
% | % | % | % | |
Production canadienne | 35,7 % | 37,9 % | 36,1 % | 30,3 % |
Importations de Corée | 19,3 % | 15,0 % | 9,9 % | 8,5 % |
Autres importations | 45,0 % | 47,1 % | 53,9 % | 61,1 % |
Total des importations | 64,3 % | 62,1 % | 63,9 % | 69,7 % |
Total du marché canadien | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % |
Quantité (unités) | ||||
---|---|---|---|---|
Source | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 (janv.-juin) |
% | % | % | % | |
Production canadienne | 33,3 % | 27,4 % | 31,9 % | 33,3 % |
Importations de Corée | 27,0 % | 20,0 % | 14,9 % | 19,2 % |
Autres importations | 39,6 % | 52,6 % | 53,2 % | 47,4 % |
Total des importations | 66,7 % | 72,6 % | 68,1 % | 66,7 % |
Total du marché canadien | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % |
Production canadienne
[32] Comme on le voit dans le tableau 1 ci-dessus, les producteurs canadiens avaient une part de marché de 35,7 % (valeur) et 33,3 % (volume) en 2014, laquelle passerait à 37,9 % et 27,4 % respectivement en 2015; à 36,1 % et 31,9 % en 2016; puis enfin à 30,3 % et 33,3 % dans la première moitié de 2017. Bref, leur part de marché a fluctué légèrement. Il faut noter toutefois que, en termes de valeur comme de volume, ils ont vendu autant dans la première moitié de 2017 que dans toute l’année 2015.
Importations de Corée
[33] Comme on le voit dans le tableau 1, les exportateurs coréens avaient une part de marché de 19,3 % (valeur) et 27,0 % (volume) en 2014, laquelle passerait à 15,0 % et 20,0 % respectivement en 2015; à 9,9 % et 14,9 % en 2016; puis enfin à 8,5 % et 19,2 % dans la première moitié de 2017. Les importations de marchandises en cause ont décliné de 2014 à 2016, mais repris du terrain dans la première moitié de 2017 par rapport à 2016. Par ailleurs, rien que dans la première moitié de 2017, les importations au Canada de gros transformateurs de puissance en provenance de ce pays avaient déjà dépassé celles pour toute l’année 2016.
Importations des autres pays
[34] Toujours comme on le voit dans le tableau 1, les exportateurs de tous les autres pays (à savoir, des pays non visés) avaient une part de marché de 45,0 % (valeur) et 39,6 % (volume) en 2014, laquelle passerait à 47,1 % et 52,6 % respectivement en 2015; à 53,9 % et 53,2 % en 2016; puis enfin à 61,1 % et 47,4 % dans la première moitié de 2017. Ainsi, les importations de gros transformateurs de puissance en provenance des pays non visés a progressé dans toute la PVR en termes de valeur, tandis qu’en termes de volume elle a légèrement reculé dans la première moitié de 2017. Les pays exportateurs non visés sont nombreux, mais les plus importants dans la PVR sont l’Allemagne et les États-Unis.
Droits LMSI
[35] Vu le nombre limité d’intervenants, les règles de confidentialité nous empêchent de rapporter des données précises sur la valeur, le volume et les droits LMSI. Cela dit, des droits ont été imposés sur à peu près 50 % des gros transformateurs de puissance importés au Canada dans la PVR.
Parties intéressées
[36] Le 26 juillet 2017, l’ASFC a envoyé aux producteurs canadiens, importateurs et exportateurs connus le QRE ainsi que l’avis d’ouverture de son enquête pour réexamen relatif à l’expiration.
[37] Le QRE demandait l’information nécessaire pour considérer les facteurs de réexamen relatif à l’expiration (voir le paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation [RMSI]) qui étaient pertinents en l’espèce.
[38] Ont participé à l’enquête et répondu au QRE quatre producteurs canadiens (ABBNote de bas de page 20, PTINote de bas de page 21, Northern TransformersNote de bas de page 22 et Delta StarNote de bas de page 23), trois importateurs canadiens (Hyundai CanadaNote de bas de page 24, Hyundai Corporation USANote de bas de page 25 et RemingtonNote de bas de page 26) et deux exportateurs de marchandises en cause (HEESNote de bas de page 27 et HyosungNote de bas de page 28).
[39] Des mémoires et des contre-exposés ont été soumis au nom des plaignantes ABB et PTINote de bas de page 29, de HyosungNote de bas de page 30, et conjointement de HEES, Hyundai Canada, Remington et Hyundai Corporation USANote de bas de page 31.
Information que l’ASFC a prise en compte
Dossier administratif
[40] Les renseignements que l’ASFC a considérés pour le réexamen relatif à l'expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier comprend les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l'ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l'expiration; ainsi que les pièces justificatives de l'ASFC et les renseignements présentés par les parties intéressées, y compris les renseignements qu'elles estiment pertinents pour juger si le dumping se poursuivrait ou reprendrait selon toute vraisemblance advenant l’expiration de l'ordonnance. Ces renseignements peuvent être des rapports d'analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités du Canada ou d’un autre pays, des documents d’organismes telle l'Organisation mondiale du commerce, et des réponses au QRE présentées par des producteurs canadiens, des importateurs, des exportateurs ou des gouvernements étrangers.
[41] Dans tout réexamen relatif à l'expiration, l'ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut plus être versé au dossier administratif ni pris en compte dans l'enquête. Ainsi, les participants ont le temps de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés en se fondant sur les renseignements qui figurent au dossier administratif à la date de clôture. Ici, la date de clôture du dossier était le 18 septembre 2017. Le dossier administratif n’a posé aucun problème procédural.
Position des parties
Parties selon qui le dumping risque de reprendre ou de se poursuivre
ABB et PTI
[42] Dans leurs réponses au QRE, leur mémoire et leur contre-exposé, ABB et PTI (les plaignantes) expriment le point de vue que le dumping en provenance de Corée risquera fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance actuelle est annulée. Elles affirment par conséquent que les mesures doivent demeurer.
[43] En quelques mots, les principaux facteurs invoqués par les plaignantes sont les suivants :
- Sans dumping, les importations de Corée ne supporteraient pas la concurrence.
- En Corée, le ralentissement de l'économie fait que l’on compte de plus en plus sur l’exportation.
- Les exportateurs de Corée disposent d’une capacité de production excédentaire.
- Le marché canadien des gros transformateurs de puissance reste stable.
- D’autres pays appliquent aussi des mesures antidumping.
- Dans l’industrie des transformateurs de puissance, c’est encore le prix qui détermine avant tout la décision d’acheter.
- Les compagnies d’électricité canadiennes utilisent depuis peu des contrats-cadres « ouverts ».
- Les exportateurs coréens ont perdu beaucoup de ventes au Moyen-Orient.
Sans dumping, les importations de Corée ne supporteraient pas la concurrence
[44] Depuis les conclusions de dommage du TCCE (2012) sur les gros transformateurs de puissance provenant de Corée, les importations de marchandises en cause ont beaucoup diminué, ce que les plaignantes présentent comme une preuve que celles-ci ne supportent pas au Canada la concurrence à des prix normaux – autrement dit, sans dumpingNote de bas de page 32. Le carnet de commandes d’ABB a d’ailleurs grossi depuis 2012.
[45] Les plaignantes font aussi valoir que le TCCE a déjà interprété dans le même sens l’imposition de droits antidumpingNote de bas de page 33; elles disent que pour percer dans un marché solide les exportateurs coréens doivent vendre moins cher, ce qui amène un risque de dumpingNote de bas de page 34.
En Corée, le ralentissement de l'économie fait que l’on compte de plus en plus sur l’exportation
[46] Soumettant à l’appui un extrait de l’inscription des titres de HEES, faite auprès de la commission coréenne des services financiers le 11 septembre 2017 et portant sur cette même année, les plaignantes affirment que le marché intérieur coréen se contracte. Et d’après le même rapport, le secteur coréen de l’énergie est mature de sorte que la demande se rapporte surtout au remplacement des transformateursNote de bas de page 35 : les plaignantes en concluent que la demande va aussi diminuer de sorte que davantage de producteurs coréens vont chercher à exporter. D’après le rapport prospectif de l’association coréenne des producteurs dans le domaine de l’électricité pour l’année 2017, la valeur de la production coréenne de transformateurs a chuté de plus de 20 % entre 2014 et 2016Note de bas de page 36, sans compter que le fournisseur public KEPCO (Korean Electric Power Corporation) continue de réduire ses investissements, de sorte qu’il commandera moins de gros transformateurs de puissance et que donc les producteurs se retrouveront avec une surcapacité. Les plaignantes soulignent que KEPCO domine le marché coréen, puisqu’avec ses grandes filiales et autres sociétés affiliées il contrôle le marché intérieur de l’électricité à 80 %Note de bas de page 37.
[47] De plus, le contre-exposé des plaignantes dit qu’avec sa prochaine politique énergétiqueNote de bas de page 38 le gouvernement de Corée va annuler la construction de centrales nucléaires et au charbon pour lesquelles HEES devait fournir les gros transformateurs de puissanceNote de bas de page 39.
[48] Les plaignantes font mention d’un litige qui pourrait handicaper HEES sur le marché intérieur des gros transformateurs de puissance. Impliqué sous son ancien nom de Hyundai Heavy Industries Co. Ltd. dans un scandale de pots-de-vin concernant la construction d’une centrale nucléaire dans les Émirats arabes unis, HEES a été frappé le 13 janvier 2015 d’une ordonnance lui interdisant pour deux ans de vendre à KEPCONote de bas de page 40.
[49] Les plaignantes affirment en conclusion que, vu le déclin de la demande sur le marché intérieur, les fabricants coréens vont se tourner vers les marchés d’exportation dont le Canada.
Les exportateurs de Corée disposent d’une capacité de production excédentaire
[50] Les plaignantes font valoir qu’en Corée les exportateurs de gros transformateurs de puissance accusent une surcapacité déjà appréciable et toujours grandissante, tandis que la demande diminue et que son déclin va se poursuivre. Les plaignantes citent comme preuve la capacité de production de certains exportateurs coréens choisisNote de bas de page 41. Dans la PVR, le ralentissement de l’économie coréenne a fait diminuer la demande d’électricité, et donc la production aussi bien de l’électricité que du matériel connexeNote de bas de page 42. Du coup HEES annonce que sa part des ventes de transformateurs de puissance a chuté, passant de 54 % en 2015 à 43 % dans la première moitié de 2017Note de bas de page 43; de même Hyosung a vu décliner ses ventes à l’industrie lourde (gros transformateurs de puissance compris), celles-ci passant de 938 milliards de wons (G₩) en 2015 à 858 G₩ en 2016Note de bas de page 44.
[51] Les plaignantes font remarquer aussi que les exportateurs coréens ont beaucoup augmenté leurs capacités de production, même si les données et les prévisions actuelles n’indiquent aucune hausse majeure de la demande intérieure.
[52] Quant à HEES, les plaignantes écrivent que sa capacité annuelle a progressé de plus de 20 % dans la période de 2013 à 2017 pour atteindre 121 400 MVANote de bas de page 45, ce dont elles concluent qu’il disposait d’une capacité de production excédentaire dans la PVRNote de bas de page 46. Elles ajoutent que Hyosung avait aussi une surcapacité de production du côté des gros transformateurs de puissanceNote de bas de page 47. Toujours d’après elles, la conclusion logique est que HEES et Hyosung vont chercher des acheteurs à l’étranger pour augmenter, ou du moins maintenir, le taux d’utilisation de leurs capacitésNote de bas de page 48.
Le marché canadien des gros transformateurs de puissance reste stable
[53] D’après l’information commerciale et les analyses faites par l’équipe de vente d’ABB, les plaignantes prédisent des soumissions importantes dans les deux prochaines annéesNote de bas de page 49; cependant, la croissance de la production d’électricité est appelée rester relativement stable, avec la demande de gros transformateurs de puissance au CanadaNote de bas de page 50. ABB cite à l’appui dans sa réponse au QRE une prévision faite dans le rapport The World Market for T&D Equipment and Systems 2015 – 2025, June 2016 (de Goulden ReportsNote de bas de page 51).
[54] Dans leurs réponses au QRE, ABB comme PTI indiquent que plusieurs contrats-cadres impliquant beaucoup de compagnies d’électricité sont à prévoir dans un avenir proche, et que les producteurs canadiens auront tout intérêt à en faire partieNote de bas de page 52.
[55] Bref, la demande canadienne de gros transformateurs de puissance va rester stable. Et malgré les ventes importantes qui s’annoncent, les acheteurs auront moins en tête de lancer de nouveaux projets que de remplacer des appareils vieillissants. Les plaignantes affirment que, du point de vue des producteurs canadiens, les 12 à 24 prochains mois vont être la période décisive pour décrocher ces contratsNote de bas de page 53.
D’autres pays appliquent aussi des mesures antidumping
[56] Les plaignantes affirment que les mesures antidumping en vigueur contre eux dans d’autres pays prouvent que les producteurs et exportateurs coréens ont tendance à pratiquer le dumping. Le département du Commerce des États-Unis (USDOC) par exemple a frappé d’une décision définitive de dumping les gros transformateurs de puissance en provenance de la Corée; celle-ci est en vigueur depuis 2012Note de bas de page 54.
[57] De même le 24 septembre 2014, l’autorité argentine chargée de lutter contre la concurrence déloyale a rendu une décision définitive de dumping au terme de son enquête sur les transformateurs triphasés à liquide diélectrique de 10 à 600 MVA, et imposé des droits antidumping pour cinq ansNote de bas de page 55.
[58] Pour les plaignantes, ces décisions révèlent que les exportateurs coréens de gros transformateurs de puissance ont tendance à faire du dumping.
Dans l’industrie des transformateurs de puissance, c’est encore le prix qui détermine avant tout la décision d’acheter
[59] Les plaignantes sont d’avis que, pour les exportateurs coréens de gros transformateurs de puissance, la promotion et la concurrence sont avant tout une affaire de prixNote de bas de page 56. À l’appui, elles présentent des statistiques sommaires des Douanes coréennes montrant le prix unitaire moyen des exportations dans la période de 2 014 à 2016 pour la sous-position tarifaire 8504.23, qui comprend les gros transformateurs de puissance. Elles constatent que le prix unitaire moyen à l’exportation est incontestablement plus élevé pour le Canada et les États-Unis que pour les autres grands importateurs, ce qui pourrait s’expliquer par les mesures antidumping en vigueur. Pour les autres pays (Arabie saoudite, Algérie, Qatar et Indonésie), le prix de vente moyen était plus bas, mais il a aussi diminué de 2014 à 2016Note de bas de page 57.
[60] Autre affirmation des plaignantes, HEES aurait indiqué que la guerre de prix lui était pénible, devenant le principal moteur du marché de sorte qu’il était de plus en plus difficile d’avoir des commandes et de réaliser des bénéficesNote de bas de page 58. Les plaignantes ajoutent que depuis peu les taux de change jouent en faveur des producteurs européens et japonais, et que de nouveaux concurrents chinois (Xian et TBEA) et indiens (CGL) cherchent à agrandir leurs marchés, facteurs qui ensemble signifieraient que la concurrence par les prix aura des conséquences sur les ventes futures dans le monde entierNote de bas de page 59.
[61] Les plaignantes concluent que la concurrence féroce, surtout par les prix, va continuer de pousser à la baisse le prix des gros transformateurs de puissance. Sans mesures antidumping en vigueur, croient-elles, les importateurs vont continuer à acheter des produits sous-évaluésNote de bas de page 60.
Les compagnies d’électricité canadiennes utilisent depuis peu des contrats-cadres « ouverts »
[[62] Dans leurs réponses au QRE, ABB comme PTI signalent une nouvelle tendance qui les inquiète et qui durcit la concurrence de prix : beaucoup de compagnies canadiennes de services publics ont adopté la pratique des contrats-cadres « ouverts », qui consiste à retenir qualifiés une série de fournisseurs qualifiées pour ensuite acheter un transformateur à un seul d’entre eux. Autrement dit, les fournisseurs qualifiés sont obligés de se refaire concurrence même après que le contrat est en place, et sont éventuellement forcés d’abaisser encore leurs prix s’ils veulent obtenir une commandeNote de bas de page 61.
[63] Les plaignantes maintiennent que sans l’ordonnance du TCCE, cette concurrence va pousser les exportateurs coréens à faire le dumping de gros transformateurs de puissance pour obtenir des ventes au Canada.
Les exportateurs coréens ont perdu beaucoup de ventes au Moyen-Orient
[64] Selon les plaignantes, les exportateurs coréens de marchandises en cause souffriraient d’une baisse de la demande dans leur principal marché d’exportation, le Moyen-OrientNote de bas de page 62. La demande ne serait pas près de remonter non plus : le cours du pétrole diminuant, les États ne pourraient plus investir autant dans la production d’électricité, ce qui causerait des retards et des annulations dans les projets de ce secteurNote de bas de page 63. HEES et Hyosung en souffriraient à leur tour, puisque cette région du monde est un débouché important pour leurs produitsNote de bas de page 64.
[65] Les plaignantes citent le rapport The World Markets for Transformers, 2015 – 2025, March 2015 de Goulden Reports, qui prédit une croissance faible pour le Moyen-Orient dans la période de 2015 à 2020Note de bas de page 65.
[66] Les plaignantes écrivent que ce déclin de la demande au Moyen-Orient a été confirmé récemment par le directeur des ventes de HEES, Lee Chang Ho. Dans une entrevue au Korea Electric Power News en effet, ce dernier a parlé d’un déclin mondial du marché pour les appareils à haut voltage utilisés dans l’électricité, ce qui aurait fait chuter le volume des nouvelles commandes en 2017 par rapport à l’année précédente, surtout au Moyen-OrientNote de bas de page 66. Les plaignantes affirment aussi que la baisse brutale des nouvelles commandes dans cette région va nuire à Hyosung; elles citent d’ailleurs l’entreprise, qui a dit dans le Business Post du 28 juin 2017 que [notre traduction] « les exportations vers le Moyen-Orient semblent avoir décliné au deuxième trimestre de 2017, avec la stagnation de l’économie dans cette région et le durcissement de la concurrenceNote de bas de page 67 ».
[67] En outre, Siemens vient de signer un accord-cadre avec le gouvernement d’Arabie saoudite pour son programme national de développement des grappes industrielles, ce que les plaignantes présentent comme une sérieuse occasion manquée pour les exportateurs coréensNote de bas de page 68 : le programme représentait près d’un milliard d’euros en achats de biens d’infrastructure, y compris beaucoup de gros transformateurs de puissanceNote de bas de page 69.
[68] Dans les circonstances, les plaignantes croient raisonnable de prédire que les exportateurs coréens vont chercher d’autres débouchés dont le Canada, surtout si le TCCE laisse expirer son ordonnance sur les transformateursNote de bas de page 70.
Parties prétendant que le dumping ne risque pas de reprendre ni de se poursuivre
HEES, Hyundai Canada, Remington et Hyundai Corporation USA (collectivement HEES) et Hyosung
[69] Dans leurs réponses au QRE, leurs mémoires et leurs contre-exposés, HEES et Hyosung soutiennent que le dumping de Corée ne risquera pas de reprendre ni de se poursuivre même si l’ordonnance est annulée; elles affirment par conséquent que les mesures doivent être révoquées.
[70] Les facteurs invoqués par HEES et Hyosung se résument à ce qui suit :
- Le dumping observé dans la PVR s’explique par des causes purement techniques, à savoir le délai entre les soumissions et les commandes dans les contrats à long terme.
- Les exportateurs coréens n’ont pratiquement aucune surcapacité de production.
- La conjoncture au Canada et en Corée va rester stable, et dans les autres marchés la demande sera solide.
- Les ordonnances en vigueur dans les autres pays n’indiquent pas qu’un dumping soit probable.
Le dumping observé dans la PVR s’explique par des causes purement techniques, à savoir le délai entre les soumissions et les commandes dans les contrats à long terme
[71] HEES reconnaît que des droits antidumping ont été imposés sur certaines de ses exportations au Canada dans la PVR, mais que si l’on examine l’ensemble des transactions dans cette même période la marge de dumping moyenne pondérée s’avère négativeNote de bas de page 71.
[72] HEES fait valoir aussi que cette imposition de droits s’explique par la nature des marchandises, à savoir par le long délai entre les soumissions et les commandes dans les contrats à long terme. Il en résulterait selon HEES un « dumping technique » dû aux fluctuations du taux de change entre le moment de l’appel d’offres, celui de la commande proprement dite, et celui de la fabrication et expédition des transformateurs.
Les exportateurs coréens n’ont pratiquement aucune surcapacité de production
[73] Dans sa réponse au QRE, HEES dit qu’il a utilisé une grande partie de sa capacité dans la première moitié de 2017, et que donc il ne pourrait pas augmenter ses ventes au Canada. Pour le prouver, HEES soumet des chiffres relatifs à son usine de Ulsan, que les règles de confidentialité nous empêchent de divulguerNote de bas de page 72.
[74] HEES ajoute que l’ASFC ne devrait pas tenir compte de l’objectif de 680 G₩ qu’il s’est fixé dans sa « vision 2021 », car cet objectif s’applique à l’ensemble de ses secteurs d’activité plutôt qu’aux seuls transformateurs de puissanceNote de bas de page 73.
La conjoncture au Canada et en Corée va rester stable, et dans les autres marchés la demande sera solide
[75] HEES croit que la conjoncture au Canada et en Corée va rester stable. [76] Quant à la déclaration de culpabilité pour pots-de-vin qui l’a fait exclure pour deux ans des appels d’offres de KEPCO, HEES dit que celle-ci s’applique uniquement à son ancienne personne morale Hyundai Heavy Industries et ne devrait donc pas l’empêcher de vendre à KEPCO; il souligne aussi avoir porté la décision devant une cour d’appel coréenne, qui pourrait la renverserNote de bas de page 74.
[77] En outre, HEES prédit que la demande de gros transformateurs de puissance va rester forte à court terme terme en Asie et au Moyen-Orient puisque les pays de ces régions sont en train de développer leur réseaux électriquesNote de bas de page 75. Il trouve aussi prématuré de supposer qu’il ne pourra pas soumissionner d’autres contrats de transformateurs en Arabie saoudite pour la simple raison qu’il n’a pas décroché celui des grappes industrielles, étant donné que pareils projets ont une portée très largeNote de bas de page 76.
[78] Pour sa part, Hyosung fait un exposé détaillé comme quoi premièrement sa performance va rester stable, et deuxièmement le dumping ne risque pas de reprendre ni de se poursuivreNote de bas de page 77.
Les ordonnances en vigueur dans les autres pays n’indiquent pas qu’un dumping soit probable
[79] HEES refuse de voir les conclusions antidumping des autorités argentines, australiennes et étasuniennes comme un signe qu’il ait tendance à faire le dumping de gros transformateurs de puissance.
[80] Pour les États-Unis premièrement, HEES affirme qu’il a toujours collaboré avec le USDOC, et porté en appelNote de bas de page 78 sa décision d’utiliser les éléments de preuve disponibles contre lui (HEES); aussi soutient-t-il que l’ASFC devrait faire fi de cette décision dans son enquête pour réexamen relatif à l’expiration. Deuxièmement, HEES écrit que l’ASFC ne devrait accorder aucune importance à la procédure antidumping de l’Argentine parce que (i) Hyundai (aujourd’hui HEES) a omis de participer à l’enquête pour la simple raison que le volume de ses ventes était trop bas; (ii) la marge de dumping (52 %Note de bas de page 79) calculée par les autorités argentines ne semble pas conforme aux règles de l’OMC; et (iii) l’ordonnance antidumping a été suspendue sitôt prononcée, et cette suspension semble avoir été maintenue. Troisièmement, HEES affirme qu’il a collaboré à l’enquête de l’Australie, laquelle aurait conclu non seulement que les transformateurs (de HEES) en question n’étaient pas sous-évalués, mais encore que la quantité réelle de transformateurs sous-évalués exportés de Corée était négligeable – d’où la clôture de l’enquête australienne sur les transformateurs de CoréeNote de bas de page 80. Pour toutes ces raisons, HEES soutient que l’ASFC ne devrait donner aucune crédibilité aux mesures prises dans les autres pays.
Considération et analyse
[81] Quand elle décide en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si selon toute probabilité l’expiration d'une ordonnance entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.
Probabilité que le dumping reprenne ou se poursuive
[82] Guidée par les facteurs du paragraphe 37.2(1) du RMSI et tenant compte du dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du dumping dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Voici un résumé de son analyse.
- Les producteurs de Corée misent sur l’exportation, et cela ne semble pas près de changer.
- Sur leur marché intérieur, les exportateurs de Corée voient diminuer leurs ventes de gros transformateurs de puissance et la demande ne s’annonce pas très bonne.
- Les producteurs/exportateurs de Corée disposent d’une capacité de production excédentaire.
- La guerre de prix s’intensifie pour vendre des gros transformateurs de puissance au Canada.
- Les mesures antidumping en vigueur dans d’autres pays prouvent que les exportateurs coréens ont tendance à faire le dumping de gros transformateurs de puissance.
- À cause des mesures en vigueur aux États-Unis, les marchandises sous-évaluées risquent fort d’être réaffectées au Canada.
- Des droits antidumping ont été imposés sur les marchandises en cause importées au Canada dans la période visée par le réexamen.
[83] Comme nous l’avons déjà vu, l’ASFC a reçu des réponses à son QRE de quatre producteurs canadiens (ABB, PTI, Northern Transformer, Delta Star), trois importateurs canadiens (Hyundai Canada, Hyundai Corporation USA, Remington) et deux exportateurs (HEES et Hyosung). Des mémoires et des contre-exposés lui ont également été soumis au nom d’ABB et PTI (les plaignantes), de Hyosung, et de HEES.
[84] Pour son enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC s’est fiée à leurs réponses, entre autres éléments du dossier administratif.
[85] Les exportateurs Hyosung et Hyundai Heavy Industries (aujourd’hui HEES) ont participé aussi bien à l’enquête initiale qu’au réexamen subséquent des valeurs normales et des prix à l’exportation, et enfin à l’enquête faisant l’objet du présent rapport; on peut donc supposer que le marché canadien les intéresse.
Les producteurs de Corée misent sur l’exportation, et cela ne semble pas près de changer
[86] Comme les plaignantes l’ont dit, les producteurs coréens de gros transformateurs de puissance misent sur l’exportation. Les tableaux 2a et 2b ci-dessous résument les ventes déclarées par HEES et Hyosung en Corée comme à l’étranger. Il n’y a que deux entreprises, alors l’ASFC s’en tient à des pourcentages puisqu’elle ne pourrait pas révéler de données précises sur les ventes sans divulguer des renseignements confidentiels.
Marché | 2014 | 2015 | 2016 | janv.-juin 2016 | janv.-juin 2017 |
---|---|---|---|---|---|
% | % | % | % | % | |
Corée | 24,2 % | 17,8 % | 13,4 % | 10,2 % | 17,3 % |
Canada | 6,3 % | 4,9 % | 3,2 % | 3,3 % | 5,1 % |
Moyen-Orient | 26,6 % | 45,8 % | 43,2 % | 46,3 % | 35,4 % |
Autres exportations | 42,9 % | 31,4 % | 40,2 % | 40,2 % | 42,1 % |
Exportations totales | 75,8 % | 82,2 % | 86,6 % | 89,8 % | 82,7 % |
Ventes totales | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % |
Marché | 2014 | 2015 | 2016 | janv.-juin 2016 | janv.-juin 2017 |
---|---|---|---|---|---|
% | % | % | % | % | |
Corée | 19,9 % | 15,3 % | 12,0 % | 7,7 % | 12,0 % |
Canada | 6,5 % | 4,2 % | 3,4 % | 4,4 % | 5,0 % |
Moyen-Orient | 26,8 % | 42,7 % | 38,7 % | 44,2 % | 26,7 % |
Autres exportations | 46,8 % | 37,8 % | 46,0 % | 43,7 % | 56,4 % |
Exportations totales | 80,1 % | 84,7 % | 88,0 % | 92,3 % | 88,0 % |
Ventes totales | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % |
[87] En ce qui concerne les ventes de gros transformateurs de puissance, en termes de quantités (tableau 2a), les exportations représentent 75,8 % des ventes de HEES et Hyosung en 2014; 82,2 % en 2015; 86,6 % en 2016; et 82,7 % dans la première moitié de 2017. En termes de valeur (tableau 2b), les pourcentages sont de 80,1 % en 2014; de 84,7 % en 2015; de 88,0 % en 2016; et de 88,0 % dans la première moitié de 2017. En fait, la part des ventes intérieures a diminué pour les deux entreprises de 2014 à 2017; toujours aussi basse par rapport aux ventes globales, elle révèle que HEES et Hyosung dépendent de leurs marchés d’exportation pour réaliser des ventes.
[88] De plus, d’après l’inscription de titres que HEES a faite auprès de la commission coréenne des services financiers le 11 septembre 2017, « maintenant que le secteur national de l’énergie arrive à maturité, on voit stagner les investissements en infrastructuresNote de bas de page 83 », et donc HEES se tourne vers l’exportation et « essaie d’augmenter ses ventes à l’étranger pour un meilleur chiffre d’affairesNote de bas de page 84 ».
[89] On l’a vu dans les tableaux 2a et 2b ci-dessus, le Moyen-Orient est un marché important pour HEES comme pour Hyosung.
[90] Le rapport financier de HEES au deuxième trimestre de 2017 porte à croire que l’affaissement prolongé des prix du pétrole, dans des pays moyen-orientaux puissants comme l’Arabie saoudite, a conduit les autorités à réduire leurs dépenses d’infrastructure, y compris dans la production et la distribution d’électricitéNote de bas de page 85. Et encore une fois d’après l’inscription de titres que HEES a faite auprès de la commission coréenne des services financiers le 11 septembre 2017, la demande diminue dans le marché moyen-oriental et « en 2015, la faiblesse du cours du pétrole a réduit les profits ainsi que les investissements d’infrastructures dans l’électricité, ce qui s’est traduit par un affaissement du marché pour les machines utilisées dans ces secteursNote de bas de page 86 ». Finalement, « au Moyen-Orient, notre marché principal, les investissements dans les infrastructures d’électricité sont retardés ou annulés à cause de la baisse du cours du pétrole, qui réduit le budget des ÉtatsNote de bas de page 87 ».
[91] De plus, le gouvernement saoudien vient de signer avec Siemens un contrat-cadre pour son programme national de développement des grappes industriellesNote de bas de page 88, lequel représente à peu près un milliard d’euros en achats de biens d’infrastructure (y compris beaucoup de gros transformateurs de puissance). On ne sait pas encore au juste si les exportateurs coréens vont pouvoir soumissionner des contrats de transformateurs dans ce programme, mais si ce n’est pas le cas, ils se trouveraient à avoir raté une occasion majeure dans un marché d’exportation qui ne l’est pas moins.
[92] Le dossier porte aussi à croire que la concurrence s’intensifie dans plusieurs marchés d’exportation. En effet d’après l’inscription de titres de HEES que nous avons déjà citée, « des entreprises déjà bien établies de l’Europe et du Japon profitent de taux de change qui les rendent plus compétitives, tandis que les nouvelles arrivantes de la Chine et de l’Inde pénètrent plus avant dans les marchés nord-américain et moyen-orientalNote de bas de page 89 ». Quant au Frost & Sullivan Global Transformer Market Report : « Mondialement, le marché des transformateurs souffre d’une surcapacité de production étant donné l’afflux de fabricants asiatiques qu’on observe depuis 10 ans. Forte est la concurrence des entreprises indiennes, chinoises et sud coréennes, qui en Europe et en Amérique du Nord vendent des transformateurs dont le prix est réduit de 30 à 50 %Note de bas de page 90. »
[93] Bref, HEES et Hyosung sont des producteurs axés sur l’exportation, pour qui la concurrence s’accentue dans les marchés habituels, d’où une tension accrue sur les prix dans ces marchés. Son économie relativement stable rend le Canada attrayant pour les exportateurs de gros transformateurs de puissanceNote de bas de page 91, et il en ira de même si l’ordonnance du TCCE est annulée.
Sur leur marché intérieur, les exportateurs de Corée voient diminuer leurs ventes de gros transformateurs de puissance et la demande ne s’annonce pas très bonne
[94] Comme on l’a vu dans les tableaux 2a et 2b, HEES et Hyosung voient diminuer leurs ventes intérieures de gros transformateurs de puissance. En termes de quantités, celles-ci représentaient 24 % du total en 2014, 13 % en 2016, et 17 % dans la première moitié de 2017; en termes de valeur, c’étaient 20 % en 2014, 12 % en 2016, et encore 12 % dans la première moitié de 2017.
[95] KEPCO est le plus gros acheteur de transformateurs en Corée. Il représente 70 % des ventes intérieures de HEES d’après les réponses de celui-ci au QRENote de bas de page 92; en fait, KEPCO contrôle 80 % du marché coréen de l’électricité si l’on inclut ses filiales, ce qui en fait le maître du marché intérieur des gros transformateurs de puissanceNote de bas de page 93.
[96] D’après ses prévisions de septembre 2017, KEPCO prévoit des dépenses d’immobilisation s’élevant à 15 346 G₩ en 2017, puis à 16 386 G₩ en 2018Note de bas de page 94. Autrement dit, le principal acheteur de transformateurs en Corée va rester stable dans ses achats.
[97] Cela dit, le gouvernement de Corée est venu aggraver l’instabilité du marché intérieur en annonçant qu’il annulait la construction des réacteurs nucléaires Shin-Go-Ri 5 et 6, et que par ailleurs, il n’avait plus l’intention que le pays produise de l’électricité par ce moyenNote de bas de page 95. Il y a certes des clauses de dédommagement pour les fournisseurs, mais cela n’empêche pas que l’incertitude va perdurer sur le marché coréen le temps que se prennent les décisions sur l’avenir énergétique, au détriment (à court terme) de la demande intérieure de gros transformateurs de puissance.
[98] Pour toutes ces raisons, il appert que HEES et Hyosung ont vu diminuer leurs ventes intérieures de gros transformateurs de puissance dans la PVR. À court terme, il semble que le marché coréen va rester stable et pourrait en fait rétrécir légèrement, avec pour résultat que les exportateurs coréens vont continuer à se concentrer sur des marchés comme le Canada.
Les producteurs/exportateurs de Corée ont une trop grande capacité de production
[99] Le tableau 3 ci-dessous présente sommairement les taux d’utilisation de la capacité dans la période de 2014 à la première moitié de 2017, d’après les réponses de HEES et Hyosung. Il s’en tient à des pourcentages, car puisqu’il n’y a que deux entreprises coréennes, révéler des chiffres trop précis sur la production et la capacité impliquerait de divulguer des renseignements confidentiels.
2014 | 2015 | 2016 | 2016 (du 1er janvier au 30 juin) |
2017 (du 1er janvier au 30 juin) |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Unités | MVA | Unités | MVA | Unités | MVA | Unités | MVA | Unités | MVA | |
Utilisation de la capacité | 62 % | 58 % | 67 % | 67 % | 68 % | 64 % | 66 % | 47 % | 71 % | 46 % |
Surcapacité | 38 % | 42 % | 33 % | 33 % | 32 % | 36 % | 34 % | 53 % | 29 % | 54 % |
Nota : Dans les cas de HEES et Hyosung, l’ASFC a dû ajuster les données pour établir les capacités de production et leurs taux d’utilisation.
[100] Dans la PVR, la capacité excédentaire des deux exportateurs a toujours été de 30 à 40 % de la capacité totale. Compte tenu de leur taille, cela signifie que HEES et Hyosung pourraient aisément satisfaire toute la demande canadienne sans pour autant épuiser leur surcapacité.
[101] Le dossier indique aussi que HEES prévoit investir 1 100 G₩ dans la deuxième moitié de 2017 et la première de 2018 pour développer sa capacité de production et réduire ses coûts en construisant de nouvelles usinesNote de bas de page 97.
[102] HEES et Hyosung ne sont pas les seules entreprises coréennes à fabriquer des transformateurs. Iljin Electric et LSIS Co. Ltd. le font aussi, et à défaut de gros transformateurs de puissance, elles ont déjà exporté au Canada des transformateurs qui n’étaient pas en cause. Si donc le marché canadien les intéresse pour écouler des marchandises non en cause, il les intéresserait aussi sans doute pour écouler des gros transformateurs de puissance advenant que l’ordonnance du TCCE soit annulée. D’après le témoignage de Hyosung en 2012 devant la commission du commerce extérieur des États-Unis, Iljin Electric et LSIS Co. Ltd. avaient alors en termes de transformateurs une capacité annuelle de 12 000 et 15 000 MVA, respectivementNote de bas de page 98.
[103] Nous l’avons déjà vu, HEES et Hyosung misent sur l’exportation. Aussi avec la stabilité de son économie et sa demande stable de gros transformateurs de puissance, le Canada devrait rester pour eux un marché attrayant; et puisque leur surcapacité va augmenter encore, ils s’efforceraient d’autant plus de vendre au Canada si l’ordonnance du TCCE était annulée.
La guerre de prix s’intensifie pour vendre des gros transformateurs de puissance au Canada
[104] Depuis peu, les compagnies d’électricité canadiennes délaissent les contrats à fournisseur unique au profit des contrats-cadres ouverts, lesquels consistent à d’abord retenir un groupe de fournisseurs qualifiés, pour ensuite (quand vient le moment d’acheter) leur demander de nouveaux prix avant de finalement commander les transformateurs à l’un d’euxNote de bas de page 99. Cette nouvelle formule d’appel d’offres oblige les fabricants à se faire concurrence sur le prix deux fois plutôt qu’une. Ainsi par la présélection de multiples fabricants pour la production de certains modèles précis de transformateurs, les contrats-cadres ouverts s’avèrent une pression supplémentaire à la baisse sur le prix des gros transformateurs de puissance.
[105] Voilà pourquoi, sans l’ordonnance du TCCE, les producteurs coréens seront tentés de réduire leurs prix pour vendre de gros transformateurs de puissance au Canada.
Les mesures antidumping en vigueur dans d’autres pays prouvent que les exportateurs coréens ont tendance à faire le dumping des gros transformateurs de puissance
[106] Le 11 juillet 2012, le USDOC a frappé d’une décision définitive de dumping les gros transformateurs de puissance provenant de CoréeNote de bas de page 100. Cette décision est toujours en vigueur.
[107] Puis le 2 juillet 2014, c’est la commission antidumping d’Argentine qui en a fait autant pour les transformateurs triphasés à liquide diélectrique d’une puissance supérieure à 10 MVA et inférieure ou égale à 600 MVA en provenance de CoréeNote de bas de page 101, pour lesquels elle avait constaté une marge de dumping de 52 %. HEES (Hyundai à l’époque) affirme qu’il a omis de participer à cette enquête pour la simple raison qu’il ne vendait pas assez sur le marché argentinNote de bas de page 102. L’ASFC note que les autorités du pays ont plus tard suspendu l’application des droits antidumping pour des raisons d’intérêt public, à savoir parce que les producteurs nationaux n’auraient pas pu satisfaire la demande intérieure si elle avait augmentéNote de bas de page 103. Mais cela ne change rien au fait qu’elles ont rendu une décision définitive comme quoi les transformateurs décrits au présent paragraphe étaient sous-évaluésNote de bas de page 104.
[108] Comme HEES l’a dit dans son mémoire, la commission antidumping d’Australie avait aussi fait une enquête en dumping sur les transformateurs de puissance de plus de 10 MVA provenant de plusieurs pays, dont la Corée. HEES souligne qu'il n'a pas fait de dumping selon les conclusions de cette enquête. La commission a bien constaté un dumping chez d’autres exportateurs coréens, mais puisque les marchandises sous-évaluées de Corée ne s’étaient importées qu’en quantités négligeables, elle a mis fin à son enquête pour le pays en questionNote de bas de page 105.
[109] Les conclusions de dumping des États-Unis pour les gros transformateurs de puissance de la Corée, et celles de l’Argentine pour une gamme de marchandises semblable, montre que les exportateurs coréens ont tendance à faire le dumping des transformateurs de puissance.
À cause des mesures en vigueur aux États-Unis, les marchandises sous-évaluées risquent fort d’être réaffectées au Canada
[110] Les exportateurs coréens peinent à vendre leurs gros transformateurs de puissance aux États-Unis à cause des mesures antidumping en vigueur.
[111] Outre leur surcapacité, HEES et Hyosung doivent composer avec un marché intérieur stable voire en déclin. À cela s’ajoutent les pressions sur le prix des gros transformateurs de puissance au Canada. Puisque les États-Unis, « le marché le plus attrayant pour les fabricants de transformateurs au niveau mondialNote de bas de page 106 », ont frappé de mesures antidumping les gros transformateurs de puissance de la Corée, il est probable que sans l’ordonnance du TCCE les exportateurs de ce pays se tourneraient vers le Canada.
Des droits antidumping ont été imposés sur les marchandises en cause importées au Canada dans la période visée par le réexamen
[112] Puisque les gros transformateurs de puissance sont des biens d’investissement fabriqués selon les besoins particuliers du client, il n’y a pas de ventes intérieures de marchandises similaires en Corée. Les valeurs normales ont donc été déterminées selon une méthode de coûts majorés, conformément à l’alinéa 19b) de la LMSI. L’ASFC a remis à chaque exportateur coopératif une feuille de calcul pour déterminer la valeur normale et le prix à l’exportation de chaque transformateur exporté au Canada. Cette feuille contenait les facteurs (frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente [FFAFV] et marge bénéficiaire) à appliquer pour calculer la valeur normale de chaque transformateur à partir de son coût total; HEES et Hyosung étaient donc libres de calculer la valeur normale de chaque transformateur avant de l’expédier au Canada, et donc de vendre ledit transformateur sans faire de dumping.
[113] Des droits antidumping considérables ont été imposés sur les marchandises en cause importées dans la PVR, dont 60 % dans la première moitié de 2017. L’ASFC ne peut se permettre ici d’entrer dans les détails, car les parties intéressées ne sont pas assez nombreuses.
[114] HEES soutient que le dumping apparent s’explique par des facteurs techniques, à savoir les fluctuations du taux de change entre la date de l’offre irrévocable et celle où chaque transformateur avait ensuite été commandé en vertu de l’accord à long termeNote de bas de page 107. Or l’ASFC tranche toujours la question du dumping selon la LMSI et le RMSI, lesquels n’admettent nulle part qu’il puisse y avoir dumping « technique » dû aux taux de change. Le TCCE disait un peu la même chose dans sa récente enquête en dommage sur les plaques de plâtre : « Il n’y a pas de “bon” dumping, de “mauvais” dumping, ou de dumping “passif”ou même “offensif”. Il n’y a que le dumping tel qu’il est défini par la LMSI et par l’accord international sous jacentNote de bas de page 108. » En dernière analyse, les exportateurs doivent tenir compte de la fluctuation possibles des taux de change quand ils fixent leurs prix à l’exportation, pour éviter tout dumping.
[115] HEES ajoute que, bien que des droits antidumping aient été imposés sur certaines de ses exportations au Canada dans la PVR, l’examen du total des transactions dans cette même période révèle que la marge de dumping moyenne pondérée est négative. Mais l’ASFC note que, une fois que des conclusions sont en vigueur, les droits antidumping s’appliquent pour chaque transaction prise individuellement, et que donc les importations à juste prix ne peuvent servir de compensation pour celles qui étaient sous-évaluées.
[116] Ainsi des droits antidumping ont été imposés sur les importations de marchandises en cause dans la PVR même si les exportateurs coopératifs avaient les outils pour calculer les valeurs normales particulières et fixer leurs prix en conséquence, ce qui prouve qu’ils n’arrivent pas à vendre sans faire de dumping.
Décision sur la probabilité que le dumping reprenne ou se poursuive
[117] Compte tenu des renseignements au dossier comme quoi les producteurs de Corée misent sur l’exportation et cela ne semble pas près de changer; sur leur marché intérieur les exportateurs de Corée voient diminuer leurs ventes de gros transformateurs de puissance et la demande ne s’annonce pas très bonne; les producteurs/exportateurs disposent d’une capacité de production excédentaire; la guerre de prix s’intensifie pour vendre des gros transformateurs de puissance au Canada; les mesures antidumping en vigueur dans d’autres pays prouvent que les exportateurs coréens ont tendance à faire le dumping de gros transformateurs de puissance; à cause des mesures en vigueur aux États-Unis les marchandises sous-évaluées risquent fort d’être réaffectées au Canada; et des droits antidumping ont été imposés sur les marchandises en cause importées au Canada dans la période visée par le réexamen : l’ASFC juge que le dumping de certains transformateurs à liquide diélectrique originaires ou exportés de Corée risquerait fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance était annulée.
Conclusion
[118] Aux fins de la décision dans le présent réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI. D’après celle ci, et d’après son analyse du dossier, l’ASFC conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI a rendu le 22 décembre 2017 la décision que l’expiration de l’ordonnance délivrée par le TCCE le 31 mai 2016 au terme du réexamen intermédiaire RD-2013-003, laquelle prorogeait telles quelles ses conclusions du 20 novembre 2012 dans l’enquête NQ-2012-001 sur le dumping de certains transformateurs à liquide diélectrique originaires ou exportés de Corée, risquerait fort d’entraîner la poursuite ou la reprise du dumping de ces mêmes marchandises au Canada.
Mesures à venir
[119] Le 27 décembre 2017, le TCCE a ouvert une enquête pour savoir si l’expiration de l’ordonnance sur le dumping des marchandises de Corée risquait de causer un dommage. Le calendrier du réexamen relatif à l’expiration lui donne jusqu’au 31 août 2018 pour rendre sa décision.
[120] Si le TCCE juge que l'expiration de son ordonnance causerait vraisemblablement un dommage, il prorogera celle-ci avec ou sans modification, par une autre ordonnance. Alors l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées.
[121] Si le TCCE juge au contraire que l’expiration de son ordonnance ne causerait vraisemblablement pas de dommage, il l’annulera au moyen d’une autre ordonnance, et aucuns droits antidumping ne seront plus perçus sur les importations de marchandises en cause. De plus, tous les droits antidumping perçus sur les marchandises dédouanées après la date où l’ordonnance devait expirer seront remboursés aux importateurs.
Renseignements
[122] Ci-dessous, les personnes à qui s'adresser pour en savoir plus.
Renseignements
- Adresse :
-
Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0L8
Canada - Téléphone :
-
- Ron McTiernan : 613-954-7271
- Laurie Trempe : 613-954-7337
- Courriel :
- Site web :
Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band
Annexe A
Les Produits
Les transformateurs de puissance servent à accroître, maintenir ou diminuer la tension électrique dans la transmission à haute tension et les systèmes de distribution. Les transformateurs de puissance incomplets sont des sous-ensembles formés de la partie active et de toute autre pièce fixée à cette partie active ou encore importée ou facturée avec elle. La partie active du transformateur de puissance se compose d’un ou plusieurs des éléments suivants lorsqu’ils sont fixés à un autre ou autrement assemblés avec celui-ci : le noyau ou l’enveloppe en acier, les enroulements, l’isolation électrique entre les enroulements et/ou le cadre mécanique.
La définition de produits comprend tous les transformateurs de puissance quelle que soit leur désignation, y compris les transformateurs élévateurs, les transformateurs abaisseurs, les auto-transformateurs, les transformateurs d'interconnexion, les transformateurs régulateurs de tension, les transformateurs de courant continu à haute tension et les transformateurs redresseurs.
Les transformateurs de puissance sont des biens d’investissement fabriqués sur commande selon les spécifications d’un client, lesquelles dépendent de ses besoins particuliers. Les transformateurs de puissance utilisent l’induction électromagnétique entre les circuits pour augmenter, diminuer ou transporter les niveaux de tension de sortie transmis. Il y a induction lorsque le champ électromagnétique causé par l’électricité passant dans un conducteur traverse un deuxième conducteur électrique et y génère une tension, sans que les deux conducteurs soient directement connectés. L'induction exige un champ magnétique qui fluctue, produit par le courant alternatif pénétrant dans un conducteur d’entrée.
Tous les transformateurs de puissance partagent certaines caractéristiques matérielles de base. D'abord, ils ont au moins une partie active où se produit l’induction électromagnétique. Cette partie consiste en un noyau, des enroulements, de l’isolation électrique entre les enroulements, et un système de fixation pour l’ensemble interne. L’ensemble interne est placé dans un bac métallique rempli d’un agent de refroidissement et muni d'un système de refroidissement. Le schéma ci-dessous montre les principaux éléments d'un transformateur de puissance.
Principaux éléments d’un transformateur
Le noyau d’acier au silicium est plaqué d'un enduit inorganique. L’acier au silicium est stratifié en pièces puis façonné pour former les jambes et les culasses du noyau. Les noyaux se composent habituellement de deux, trois, quatre ou cinq pieds selon le nombre de phases, la capacité, et les contraintes de transport.
Sur le noyau se trouvent des enroulements faits d’un conducteur en cuivre recouvert d’un papier isolant et/ou d’un enduit d’émail, pour isoler les spires les unes des autres. Les transformateurs fournissent une entrée et une sortie de tension électrique. Il y a habituellement des enroulements pour chaque niveau de tension, et peuvent s'y ajouter un ou plusieurs enroulements pour réguler la tension. Le bobinage peut se faire en spires, en hélices, en disques ou en disques entrelacés. La méthode de bobinage employée dépend de la capacité, de la tension et de la gamme de branchements de chaque transformateur de puissance, précisées par le client.
Le noyau et les enroulements sont placés dans le bac qui protège les parties actives du transformateur. Le bac doit être assez solide pour résister à la pression interne d’un vide total et à des facteurs externes comme les intempéries. Il sera habituellement rempli d’un liquide (ordinairement de l’huile) pour le refroidissement et l’isolation. La taille du bac varie selon celle du noyau, le nombre d’enroulements et le type de régulation, lequel est en soi fonction de l’énergie transformée et des spécifications du client.
Tous les transformateurs de puissance possèdent un système de refroidissement, qui dissipe la chaleur pour ne pas que la température dépasse ce pourquoi ils sont conçus. La méthode de refroidissement dépend des besoins du client et de l’utilisation : tantôt l’huile et l’air circulent naturellement; tantôt l’huile circule naturellement tandis que l’air est forcé; tantôt la circulation est forcée pour l’huile comme pour l’air; tantôt celle de l’huile est dirigée et celle de l’air, forcée; et tantôt enfin il y a circulation forcée d’huile et d’eau.
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