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Dossiers chauds : Comité permanent de la sécurité nationale, défense et anciens combattants : Projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016) (30 mai 2022)

Préoccupations du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada relatives aux examens d'appareils numériques personnels en vertu de la Loi sur les douanes

Enjeu : En , le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) a publié un rapport sur six plaintes déposées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels contre l’ASFC concernant l’examen d’appareils numériques.

Réponse suggérée

Le respect de la vie privée des voyageurs a été et demeure un engagement constant pour l’Agence des services frontaliers du Canada.

Dans le rapport de 2019 du Commissariat à la protection de la vie privée, neuf changements ont été recommandés afin de répondre aux préoccupations en matière de protection de la vie privée. L’Agence des services frontaliers du Canada a accepté les six exigences opérationnelles et les a intégrées aux politiques et procédures internes.

Les modifications législatives proposées visent à donner suite aux trois recommandations législatives formulées par le Commissariat à la protection de la vie privée et aux préoccupations relatives à la protection de la vie privée soulevées dans le rapport.

Bien que les modifications proposées ne soient pas identiques à celles recommandées par le Commissariat à la protection de la vie privée, elles sont comparables et devraient être accueillies favorablement, puisqu’elles respectent, de manière générale, les recommandations initiales.

Contexte

En , le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) a publié un rapport sur six plaintes déposées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels contre l’ASFC concernant l’examen d’appareils numériques. Dans le rapport, le Commissariat a déterminé que l’ASFC avait enfreint la Loi sur la protection des renseignements personnels dans deux de ces cas, signalant des problèmes quant à la conservation de renseignements personnels à des fins non administratives :

  • Cas no 4 : Les actions de l’agent consistant à copier les renseignements d’un appareil numérique n’étaient pas conformes aux pouvoirs conférés à un agent en vertu de la Loi sur les douanes et du Code criminel.
  • Cas no 6 : Les questions posées par l’agent et les renseignements ainsi recueillis dépassaient les pouvoirs conférés à l’ASFC en vertu de la Loi sur les douanes.

Le CPVP a recommandé neuf modifications (six modifications opérationnelles et trois modifications législatives) pour répondre à ces préoccupations. L’ASFC a accepté toutes les recommandations opérationnelles, lesquelles ont été mises en œuvre au moyen de l’intégration aux politiques et procédures internes, ou sont prévues être mises en œuvre (c'est-à-dire, qu’une vérification interne devrait être publiée au printemps 2022). Le CPVP a été consulté au cours du processus pour mettre à jour les politiques internes.

Les recommandations concernant les modifications législatives émises par le CPVP étaient les suivantes :

  1. mettre à jour la définition de « marchandise » énoncée dans la Loi sur les douanes de manière à ce que les appareils numériques en soient exclus;
  2. élaborer un cadre législatif clair pour l’examen des appareils numériques, y compris des règles précises;
  3. modifier la politique de l’Agence pour remplacer le seuil d’examen de la « multiplicité d’indicateurs » par le seuil des « motifs raisonnables de soupçonner », et modifier la Loi sur les douanes pour tenir compte de ce changement.

Considérations stratégiques

Au début de l’année 2020, l’ASFC a analysé les recommandations afin de déterminer si des modifications législatives étaient nécessaires. Après un examen attentif et de vastes consultations, il a été déterminé que d’autres données recueillies sur une plus longue période (au moins un an) étaient nécessaires pour déterminer s’il serait plus efficace de répondre aux préoccupations du CPVP concernant l’examen des appareils numériques au moyen de la modification et de la surveillance des politiques.

L’objectif était de ne pas restreindre excessivement les pouvoirs d’examen, ce qui nuirait à la capacité des agents d’intercepter efficacement les marchandises dangereuses. Dans de nombreux cas, le pouvoir d’examen prévu dans la Loi sur les douanes est l’outil juridique que l’ASFC utilise pour appliquer et exécuter un large éventail de lois frontalières. Les répercussions négatives potentielles associées à l’acceptation des recommandations du CPVP pourraient s’étendre au-delà de la Loi sur les douanes elle-même et toucher un certain nombre des 90 autres lois et règlements que l’ASFC applique au nom d’autres ministères et organismes.

Par conséquent, le Comité des politiques de la haute direction de l’Agence a approuvé l’approche recommandée selon laquelle une analyse plus approfondie des recommandations législatives et des données d’examen connexes est nécessaire avant de chercher à apporter des modifications.

Après les affaires R. c. Canfield et R. c. Townsend (Canfield)

À l’issue de la décision rendue dans l’affaire Canfield en , l’ASFC devait modifier la législation afin de rendre ses examens des appareils numériques personnels (ANP) conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. Les modifications législatives proposées par le CPVP sont toujours à l’étude, mais la décision de mettre en place un seuil d’examen moins élevé (que celui recommandé par le CPVP) s’appuie sur la décision rendue dans l’affaire Canfield et sur une analyse approfondie des risques juridiques (un résumé est présenté ci-dessous).

Recommandation du CPVP : 1

Exclure les ANP de la définition de « marchandise » énoncée dans la Loi sur les douanes.

Approche recommandée
  • Les réelles préoccupations en matière de protection de la vie privée sont axées sur l’examen de documents sur un ANP (plutôt que sur l’appareil lui-même), qui sont toujours considérés comme des marchandises. Toutefois, ces examens sont maintenant assujettis à un seuil plus élevé (préoccupations générales raisonnables).
  • Les ANP demeurent inclus dans la définition de « marchandise » étant donné que les appareils numériques (comme les expéditions commerciales de tablettes iPad) font toujours l’objet d’un examen sans seuil.

Recommandation du CPVP : 2

Élaborer un cadre législatif clair.

Approche recommandée

Un cadre législatif relatif à l’examen des ANP a été élaboré et il comprend un nouveau seuil précis pour entreprendre des examens d’ANP et de nouveaux règlements pour orienter la conduite des examens.

Recommandation du CPVP : 3

Remplacer le seuil d’examen actuel par le seuil des motifs raisonnables de soupçonner.

Approche recommandée
  • Dans l’affaire Canfield, la Cour a reconnu qu’un seuil moins élevé que les motifs raisonnables de soupçonner pourrait être plus adéquat dans le contexte frontalier.
  • Le seuil des préoccupations générales raisonnables est conçu pour être plus élevé que de simples soupçons, mais moins élevé que les motifs raisonnables de soupçonner afin de permettre une certaine souplesse lorsque des préoccupations existent, mais que l’infraction exacte n’est pas connue.
  • Cette option est considérée comme étant plus facilement réalisable sur le plan opérationnel et permet de continuer à protéger l’intégrité de la frontière.

Le CPVP a publié son rapport annuel en , dans lequel il souligne les conclusions de son rapport de 2019 et la décision rendue dans l’affaire Canfield, mais n’émet aucun autre commentaire et aucune autre recommandation.

Préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels lors du précontrôle

Enjeu : Au cours des dernières années, le Commissariat à la protection de la vie privée a formulé des recommandations concernant l’examen des appareils numériques par les contrôleurs des États-Unis.

Réponse suggérée

Ces modifications apportées à la Loi sur le précontrôle (2016) améliorent les mesures de protection de la vie privée auxquelles les voyageurs ont droit et devraient atténuer certaines des préoccupations générales soulevées par le Commissariat à la protection de la vie privée concernant la protection de la vie privée des voyageurs en ce qui a trait à leurs appareils numériques dans un contexte frontalier.

Le gouvernement des États-Unis veillera également à ce que tous les renseignements recueillis au cours des opérations de précontrôle soient traités conformément aux lois et politiques applicables en matière de vie privée, y compris celles qui protègent les données personnelles contre l’accès, l’utilisation ou la divulgation inappropriés.

Tous les contrôleurs des États-Unis doivent suivre une formation sur les lois canadiennes et cette formation sera mise à jour afin de refléter ces modifications législatives.

Bien que le nouveau seuil proposé ne soit pas identique à celui recommandé par le commissaire à la protection de la vie privée lorsque la Loi sur le précontrôle (2016) a initialement été ratifiée, il est semblable et devrait être accueilli favorablement, puisqu’il améliore les mesures de protection de la vie privée auxquelles les voyageurs ont droit.

Contexte

Lorsque la Loi sur le précontrôle (2016) a initialement été introduite au Parlement, elle a été modifiée par la Chambre des communes afin d’y inclure l’article 26.1, qui a créé un mécanisme de rétroaction permettant aux voyageurs, nonobstant tout recours à leur disposition, d’informer les hauts fonctionnaires du gouvernement du Canada du Groupe consultatif chargé du précontrôle de toute situation relative aux fouilles à nu, aux évacuations intestinales sous supervision, aux radiographies ou examens des cavités corporelles ou au retrait.

Le commissaire à la protection de la vie privée s’est par la suite adressé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et a recommandé que toutes les activités réalisées par des agents des États-Unis dans les installations de précontrôle soient incluses dans ce mécanisme de rétroaction des voyageurs, et a précisément mentionné la fouille des appareils numériques. Il a été soutenu que les examens d’appareils numériques personnels devraient être assujettis au même seuil que les fouilles de personnes, c’est-à-dire au seuil des motifs raisonnables de soupçonner.

De plus, le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) a fait état de la protection de la vie privée des voyageurs dans les aéroports en 2018 et a précisément mentionné le précontrôle dans ce contexte. Le CPVP a informé les voyageurs de la possibilité que leurs appareils numériques personnels soient fouillés par des contrôleurs des États-Unis.

Recommandation du CPVP : 1

Dans un contexte de précontrôle, modifier l’article 26.1 de la Loi sur le précontrôle (2016) afin d’inclure tous les types de fouilles réalisés par les contrôleurs des États-Unis, en particulier les fouilles des appareils numériques personnels.

Approche recommandée
  • Cette recommandation a été formulée par le CPVP lorsque la Loi sur le précontrôle (2016) était devant le Sénat et elle n’a pas été intégrée à la Loi à ce moment-là.
  • L’article 26.1 a pour objectif de fournir un mécanisme de rétroaction en ce qui a trait aux fouilles corporelles.

Recommandation du CPVP : 2

Dans un contexte de précontrôle, les fouilles d’appareils électroniques devraient être assujetties au même seuil que les fouilles de personnes, c’est-à-dire au seuil des motifs raisonnables de soupçonner.

Approche recommandée
  • Le nouveau seuil des préoccupations générales raisonnables a fait l’objet d’une analyse et d’un examen juridiques rigoureux.
  • Il n’est pas viable d’assujettir les examens d’appareils numériques personnels au seuil des motifs raisonnables de soupçonner dans un contexte opérationnel frontalier.

Relations canado-américaines : Précontrôle

Enjeu : Les modifications apportées à la Loi sur le précontrôle (2016) auront une incidence sur la façon dont les contrôleurs des États-Unis réalisent les examens d’appareils numériques personnels lorsqu’ils travaillent au Canada.

Réponse suggérée

Avant la présentation du projet de loi au Parlement, des consultations générales ont été menées entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis, en particulier avec des collègues au sein du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (United States Customs and Border Protection) et du département de la Sécurité intérieure.

Au cours de ces consultations initiales, le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis et le département de la Sécurité intérieure ont été informés de la décision rendue par la Cour dans l’affaire R. c. Canfield et des délais pour apporter les modifications législatives.

Le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis et le département de la Sécurité intérieure ont également été informés qu’un seuil ainsi que d’autres exigences juridiquement contraignantes seraient mis en place pour l’examen des appareils numériques personnels.

Dans le cadre de la présentation du projet de loi, des consultations approfondies sont en cours avec les représentants du gouvernement des États-Unis afin d’expliquer le nouveau seuil et d’obtenir leurs commentaires sur les exigences juridiquement contraignantes qui devront être respectées lors de l’examen d’appareils numériques personnels.

L’Agence des services frontaliers du Canada offrira également une formation à tous les contrôleurs des États-Unis sur le nouveau seuil et les exigences après l’entrée en vigueur des modifications.

En vertu de l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans le domaine du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien, les contrôleurs des États-Unis doivent respecter les lois canadiennes lorsqu’ils exercent leurs activités sur le territoire canadien. Les lois canadiennes s’appliquent tant dans la zone de précontrôle que dans le périmètre de précontrôle.

Contexte

Comme convenu dans l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans le domaine du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien, les États-Unis sont tenus d’exercer leurs activités de manière à respecter les lois canadiennes lorsqu’ils effectuent des activités de précontrôle au Canada (tout comme le Canada doit respecter les lois des États-Unis lorsqu’il effectue des activités de précontrôle aux États-Unis).

Avant le dépôt du projet de loi au Parlement, seules des consultations générales avaient été menées entre le Canada et les États-Unis au sujet des modifications apportées à la Loi sur le précontrôle (2016). Plus précisément, les États-Unis avaient été informés de la décision rendue dans l’affaire R. c. Canfield, des délais pour effectuer des modifications législatives et qu’un seuil juridique ainsi que des exigences juridiquement contraignantes devaient être appliqués aux pouvoirs de fouille des ANP conférés aux contrôleurs des États-Unis. Maintenant que le projet de loi a été rendu public, des consultations plus approfondies seront menées de façon continue avec les représentants du gouvernement des États-Unis, afin de préciser les exigences qui s’appliqueront aux contrôleurs et d’expliquer le seuil que les agents des États-Unis devront respecter pour pouvoir examiner, fouiller ou retenir un appareil numérique personnel.

Le Canada a consulté les États-Unis par le passé au sujet de modifications législatives touchant les activités de précontrôle des États-Unis et ils se sont montrés coopératifs et ont fait preuve de souplesse dans ces cas. Les États-Unis comprennent également que la décision rendue dans l’affaire R. c. Canfield a eu une incidence quant à l’examen des appareils numériques personnels sur le plan constitutionnel. Dans ces circonstances, les États-Unis ne devraient pas contester le nouveau seuil.

Les discussions en cours avec les États-Unis permettront au Canada d’intégrer la rétroaction des États-Unis dans l’élaboration et la mise au point des exigences juridiquement contraignantes, qui devraient d’abord être mises en œuvre au moyen de directives ministérielles, puis codifiées dans les règlements.

De façon plus générale, étant donné que les activités des États-Unis doivent être menées d’une manière conforme aux lois canadiennes, la Loi sur le précontrôle (2016) comporte une disposition en vertu de laquelle le ministre de la Sécurité publique doit offrir aux contrôleurs une formation sur les lois canadiennes pertinentes. Par conséquent, les agents sont déjà conscients que leurs activités au Canada, en particulier celles liées à leurs pouvoirs de fouille, doivent être conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. De nouveaux renseignements sur le seuil et les exigences applicables à la retenue, à l’examen et à la fouille d’appareils numériques personnels seront ajoutés à cette formation.

Non-viabilité des motifs raisonnables de soupçonner comme seuil

Enjeu : En réponse à la décision rendue en par la Cour d’appel de l’Alberta selon laquelle l’examen des appareils numériques personnels en vertu de la Loi sur les douanes est inconstitutionnel, un nouveau seuil d’examen qui tient compte du caractère unique du contexte frontalier a été créé.

Réponse suggérée

Dans sa décision, la Cour n’a pas recommandé un seuil précis pour l’examen des appareils numériques personnels, mais a indiqué qu’un seuil moins élevé que les motifs raisonnables de soupçonner pourrait être plus adéquat, compte tenu de la nature unique de la frontière.

Un seuil établi, comme les motifs raisonnables de soupçonner, a été envisagé, mais celui-ci est rarement utilisé dans un contexte frontalier et a été jugé trop restrictif pour ces examens réglementaires.

Les examens d’appareils numériques personnels sont considérés comme étant réglementaires et comme faisant partie du traitement de routine à la frontière, mais ils ne sont pas réalisés de façon systématique.

Le seuil des motifs raisonnables de soupçonner est plus susceptible d’exiger un soupçon précis d’une infraction en particulier avant la réalisation d’un examen. Si ce seuil est appliqué aux examens des appareils numériques personnels, il pourrait être difficile de définir des infractions précises compte tenu de la brièveté des interactions avec le voyageur et de l’accès limité à des renseignements.

La difficulté à satisfaire à un seuil plus élevé comme les motifs raisonnables de soupçonner pourrait mener à un affaiblissement général du contrôle frontalier et à une diminution probable de l’interception du matériel interdit, comme la pornographie juvénile.

À l’heure actuelle, la Loi sur les douanes exige le respect du seuil d’examen des motifs raisonnables de soupçonner pour effectuer des fouilles non courantes, comme les fouilles personnelles (fouille à nu).

À la suite de vastes consultations, un nouveau seuil qui donne activement suite à la décision d’inconstitutionnalité de la Cour, tout en tenant compte de la protection de la vie privée des voyageurs et des priorités opérationnelles en matière d’application de la loi, a été élaboré.

Selon le nouveau seuil des préoccupations générales raisonnables, les préoccupations doivent être localisées à la frontière et être spécifiques à l’appareil numérique personnel du voyageur, mais l’infraction présumée n’a pas à être précisée.

Si l’on insiste sur les pouvoirs de l’Agence des services frontaliers du Canada

L’Agence des services frontaliers du Canada reconnaît et utilise le seuil des motifs raisonnables de soupçonner dans le cadre des fouilles personnelles, des examens du courrier, du corridor de circulation mixte, des zones de contrôle des douanes et des erreurs présumées dans les déclarations relatives à l’origine ou au classement.

Dans ces situations, les agents traitent des cas où les indicateurs les incitent grandement à soupçonner une infraction précise et où les infractions présumées peuvent être identifiées avec précision avant l’examen.

Dans la plupart de ces cas, les examens ne seraient pas considérés comme faisant partie du traitement de routine à la frontière.

Contexte

Les affaires R. c. Canfield et R. c. Townsend portent sur deux condamnations prononcées en 2018 pour possession et contrebande de pornographie juvénile. Dans le procès initial, le juge a conclu que les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés aux défendeurs n’avaient pas été violés et que l’utilisation de l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes pour examiner les appareils numériques des voyageurs n’enfreint pas l’article 8 de la Charte. Les défendeurs ont interjeté appel de cette décision, soulignant que les changements sociétaux et la nature personnelle inhérente du contenu des appareils numériques mettent en conflit l’examen de ces appareils avec les droits conférés par la Charte.

En , la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que l’alinéa 99(1)a), en ce qui concerne les examens d’appareils numériques, est inconstitutionnel, car aucune limite n’est imposée à ces examens. Les juges ont déclaré que les appareils numériques ne sont plus visés par la définition de « marchandises » dans la Loi sur les douanes et qu’ils ne sont donc pas assujettis à un examen en vertu de l’alinéa 99(1)a). Il convient de noter que les juges ont explicitement refusé d’établir un seuil pour l’examen des appareils numériques et qu’ils ont indiqué que certains des renseignements couramment stockés sur les appareils numériques doivent être mis à la disposition des agents dans le cadre du contrôle habituel des passagers. Bien que la Cour n’ait pas formulé de recommandation explicite, elle a indiqué qu’un seuil d’examen moins élevé qu’un seuil fondé sur les soupçons raisonnables (motifs raisonnables de soupçonner) pourrait être adéquat, compte tenu de la nature unique de la frontière.

Le , la Cour supérieure de l’Ontario (ONSC) a également statué dans les affaires R. c. Pike et R. c. Scott (cas de possession de pornographie juvénile) que les examens d’appareils numériques personnels sont inconstitutionnels en vertu de l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes. Le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) avait demandé une prolongation d’un an dans le cas où la disposition serait jugée inconstitutionnelle, ce que l’ONSC n’a pas accordé. L’ONSC a décidé que la suspension serait prolongée conjointement avec la suspension accordée suivant la décision Canfield et qu’elle expirerait le .

La Cour a suspendu la décision jusqu’au pour permettre au gouvernement de réagir en adoptant les modifications législatives pertinentes. Bien que le gouvernement ait présenté le projet de loi S-7, proposant des modifications à la Loi sur les douanes afin de donner suite aux décisions rendues par la Cour, le Parlement n’a pas été en mesure d’adopter ces modifications législatives avant l’entrée en vigueur des déclarations d’invalidité constitutionnelle en Alberta et en Ontario. Par conséquent, depuis le , les examens d’appareils numériques personnels dans les provinces de l’Alberta et de l’Ontario ne sont plus permis en vertu de l’alinéa 99(1)a).

L’ASFC a mené de vastes consultations auprès des intervenants afin de déterminer un seuil d’examen permettant de donner activement suite à la décision d’inconstitutionnalité rendue par la Cour, tout en maintenant l’équilibre sur le plan opérationnel quant à la capacité de l’ASFC d’exécuter son mandat. Les consultations régionales ont permis de déterminer qu’un seuil d’examen fondé sur les motifs raisonnables de soupçonner serait trop élevé pour être atteint sur le plan opérationnel, ce qui entraînerait une diminution importante du nombre d’examens réalisés et affaiblirait l’intégrité de la frontière.

L’ASFC reconnaît et utilise le seuil des motifs raisonnables de soupçonner dans le cadre des fouilles personnelles, des examens du courrier, du corridor de circulation mixte, des zones de contrôle des douanes et des erreurs présumées en ce qui a trait à l’origine ou au classement. Reconnu surtout pour son utilisation lors des fouilles personnelles (c'est-à-dire, les fouilles à nu), le seuil des motifs raisonnables de soupçonner est plus susceptible d’exiger un soupçon précis d’une infraction en particulier avant la réalisation d’un examen. Cela signifie qu’un agent est tenu d’avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne dissimule des devises ou des stupéfiants (par exemple) sur elle pour pouvoir réaliser un examen. Contrairement aux fouilles personnelles, les examens d’appareils numériques personnels sont souvent réalisés dans des situations où il peut être difficile d’associer des indicateurs à une infraction précise en raison du temps et des preuves limités à la frontière.

Selon le nouveau seuil des préoccupations générales raisonnables, les préoccupations doivent être localisées à la frontière et être spécifiques à l’appareil numérique personnel du voyageur, mais l’infraction présumée n’a pas à être précisée. Le seuil des préoccupations générales raisonnables a été adapté pour tenir compte du caractère unique du contexte frontalier et exige que les indicateurs soient objectifs et fondés sur des faits. Ce seuil est conçu pour refléter sur le plan opérationnel les politiques actuelles de l’ASFC afin de continuer d’intercepter les marchandises dangereuses en toute légalité, tout en démontrant l’importance que le gouvernement du Canada accorde au maintien des mesures de protection de la vie privée des voyageurs.

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