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Évaluation du Programme des enquêtes criminelles : Section 2

Constatations de l'évaluation : Pertinence

Alignement des priorités de programme avec celles du gouvernement du Canada, de l'ASFC et des autres ministères

Constatation 1 : Le mandat du Programme cadre généralement avec les priorités du gouvernement du Canada, de l'ASFC et des autres ministères. Les nouveaux domaines d'enquête, tels que le blanchiment d'argent par voies commerciales (BAVC), nécessiteront une coordination et une collaboration continues avec les partenaires.

Le Programme appuie la priorité du gouvernement du Canada qui consiste à « protéger la santé et la sécurité du Canada par une gestion sûre et responsable des points d'entrée au CanadaNote de bas de page 8 ». Plus précisément, depuis 2021, le Programme vise à concentrer les ressources d'enquête sur les cas qui cadrent avec les priorités d'exécution de l'ASFC en matière d'exécution de la loi, lesquelles sont fondées sur la lettre de mandat du ministre de la Sécurité publique, le mandat de l'ASFC, les engagements du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) et le renseignement établi sur les menaces à la frontière. Ces priorités s'appliquent à toutes les régions et directions générales de l'ASFC, et le Programme les a adoptées en 2021 pour faciliter la sélection des cas.

Auparavant, de 2017 à 2020, les cas étaient choisis en fonction des priorités intégrées en matière de renseignement et d'exécution de la loi, un ensemble de priorités par niveau qui cadrent également avec les priorités du gouvernement du Canada, les engagements du SCT et les priorités fédérales en matière de renseignement, y compris les nouvelles menacesNote de bas de page 9.

Au moment de choisir les cas sur lesquels enquêter, les intervenants du Programme tiennent également compte des pouvoirs législatifs des autres ministères, en particulier de ceux de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), avec lesquels l'ASFC partage la responsabilité de l'application de la loi à la frontière. L'ASFC est chargée d'enquêter sur la plupart des infractions liées à la frontière, mais la GRC est chargée d'enquêter sur les crimes commis entre les points d'entrée, ainsi que ceux qui touchent la sécurité nationale, le crime organisé à grande échelle, les infractions douanières, la traite de personnes et les infractions liées au trafic de drogues en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substancesNote de bas de page 10. L'Annexe sur les enquêtes et les renvoisNote de bas de page 11 du Protocole d'entente entre l'ASFC et la GRC présente la répartition des responsabilités entre les deux organisations en matière d'enquêtes criminelles.

Malgré le chevauchement des compétences en matière d'enquêtes sur les infractions liées aux frontières, les éléments probants recueillis lors des entrevues indiquent que l'ASFC et la GRC sont en mesure d'utiliser les mécanismes existants pour collaborer aux enquêtes criminelles et désamorcer les conflits lorsqu'on ne sait pas clairement de quel secteur de responsabilité relève l'infraction. Par exemple, selon les entrevues, le « blanchiment d'argent par voie commerciale » (BAVC) est une nouvelle priorité de l'ASFC qui nécessite souvent une collaboration avec la GRC. L'ASFC est responsable de l'aspect fraude commerciale du BAVC, comme la fausse déclaration intentionnelle de marchandises sur les déclarations de douane commerciales. Parallèlement, la GRC est chargée d'enquêter sur le blanchiment d'argent qui se produit grâce aux techniques de fraude commerciale qui permettent au BAVC de se produire.Note de bas de page 12 Comme il s'agit d'une nouvelle priorité de l'ASFC en matière d'exécution de la loi, le Programme a une formation et une expertise limitées pour orienter le personnel dans la réalisation de ce type d'enquête criminelle. Bien que le partage des responsabilités en matière de BAVC soit décrit dans le Protocole d'entente entre l'ASFC et la GRCNote de bas de page 13, les personnes rencontrées en entrevue ont indiqué qu'il était nécessaire de clarifier les rôles et les responsabilités des deux organismes lors des enquêtes sur les cas de BAVC.

Blanchiment d'argent par voie commerciale
Ceci est une priorité en matière d'exécution de la loi qui relève de la responsabilité de l'ASFC et de la GRC, ce qui nécessite une collaboration continue entre les deux organisations pour combler les lacunes de l'ASFC en matière de connaissances et pour désamorcer les conflits entre les organismes au besoin.

Dans l'ensemble, les données suggèrent que la collaboration continue avec la GRC peut aider le Programme à atteindre les résultats escomptés dans ce domaine et dans d'autres nouveaux domaines d'enquête, et à désamorcer les conflits au besoin.

Constatations de l'évaluation : Rendement et obtention de résultats

Alignement des dossiers choisis pour une enquête sur les priorités de l'ASFC en matière d'exécution de la loi

Selon les résultats immédiats contenus dans le Modèle logique du Programme des enquêtes criminelles, on s'attend à ce que des enquêtes criminelles soient ouvertes sur des personnes ou des entités soupçonnées d'avoir commis une infraction à la législation frontalière, conformément aux priorités de l'ASFC.

Comme le nombre d'indices reçus chaque année est élevé (plus de 2 000) et que le nombre d'enquêteurs est limité (moyenne de 207 par année), le Programme donne la consigne aux gestionnaires selon laquelle ils doivent choisir les dossiers qui sont associés à l'utilisation la plus efficiente des ressources d'enquête, conformément :

  • à la Politique en matière de poursuites de l'ASFC (par exemple choisir les dossiers pour lesquels il est dans l'intérêt public de faire enquête);
  • aux priorités de l'ASFC en matière d'exécution de la loiNote de bas de page 14.

Selon la Doctrine sur les enquêtes criminelles, les gestionnaires sont également tenus d'axer la majorité de leurs activités sur les cas graves et complexes (c'est-à-dire enquêtes de catégories 1 et 2)Note de bas de page 15, qui supposent de multiples stratagèmes frauduleux ou criminels, plusieurs entités ou de nombreux incidents), plutôt que les cas de poursuites entamées à un point d'entrée, qui sont des incidents uniques ou isolés ou des cas qui surviennent à un point d'entrée. Les régions bénéficient d'une certaine marge de manœuvre pour ce qui est de la sélection des cas en fonction des considérations régionales, ainsi que d'autres considérations telles que la gravité de l'infraction, le niveau de risque pour les individus ou la sécurité nationale, la probabilité d'une condamnation et la disponibilité des preuves.

Tableau 1 : Nombre d'indices reçus par année et nombre d'enquêteurs, par région (moyenne de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021)
Région Nombre d'indices reçus par année (du plus élevé au moins élevé) Nombre d'enquêteurs*
Prairies 526 24
Région du Grand Toronto 428 48
Pacifique 353 39
Sud de l'Ontario 283 23
Québec 267 46
Atlantique 159 14
Nord de l'Ontario 146 12
Total 2 162 207

Source : Données sur les indices issues du Système de gestion de l'information sur les enquêtes criminelles (SGIEC) et fournies par le Programme. Le nombre d'enquêteurs provient du Système administratif d'entreprise (SAE), moins le nombre d'enquêteur en informatique judiciaire (EIJ) fourni par le Programme.

*Remarque : Dans le présent rapport, le terme "enquêteurs" désigne les enquêteurs chargés d'enquêter sur les affaires, également appelés "enquêteurs sur les dossiers" par le programme. Dans le SAE, le titre de poste "enquêteur" comprend à la fois les enquêteurs sur les dossiers et les EIJ.

Le tableau 1 montre le nombre d'indices reçus chaque année par le Programme, par région. Comme le nombre d'indices reçus est élevé comparativement au nombre d'enquêteurs disponibles pour mener des enquêtes, le Programme est en mesure d'ouvrir un nombre limité de dossiers en même temps. Cela met l'accent sur la nécessité de faire en sorte que la sélection des cas soit fondée sur les lignes directrices établies du Programme.

Constatation 2 : Au cours de la période examinée a sélection des cas aux fins d'une enquête n'est pas toujours alignée sur les priorités de l'ASFC en matière d'exécution de la loi. Les régions ont appliqué les conseils fournis par le Programme concernant la sélection des cas de façon distincte puisque leurs réalités opérationnelles judiciaires et jurisprudentielles sont différentes, ce qui fait que le niveau d'alignement sur les priorités est différent entre les régions pour ce qui est des types et des catégories d'enquêtes différents.

Une analyse des cas choisis aux fins d'enquête au cours des 5 dernières années révèle que certains types et catégories de cas choisis aux fins d'enquête étaient mieux alignés que d'autres sur les priorités de l'ASFC en matière d'exécution de la loi. Par exemple, les cas liés aux infractions à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) étaient mieux alignés sur les priorités, en comparaison avec les cas liés aux infractions à la Loi sur les douanes (se référer au tableau 3). Les cas graves et complexes étaient également mieux alignés sur les priorités en comparaison avec les cas de poursuites entamées à un point d'entrée.

Exemples d'infraction :

  • à la Loi sur les douanes :
    • contrebande d'armes à feu (devient souvent une accusation pour non-déclaration/contrebande);
    • fraude commerciale (devient souvent une accusation pour fausse déclaration.
  • à la LIPR :
    • fraude commise par des consultants en immigration (devient souvent une accusation d'infraction en matière de fausses présentations);
    • traite de personnes (devient souvent une accusation pour entrée illégale).
  • non prioritaire :
    • [caviardé]

L'alignement variait également grandement selon la région. Le tableau 2 montre que la proportion de dossiers liés à des priorités était très faible, soit de 15 %, dans la région du Grand Toronto pour les poursuites entamées à un point d'entrée liées à la Loi sur les douanes et le tableau 3 montre une proportion très élevée, soit de 100 %, pour les cas graves et complexes liés à la LIPR dans la région de Québec.

Tableau 2 : La proportion des dossiers alignés sur les priorités de l'ASFC en matière d'exécution de la loi, par région et loi pertinente (moyenne de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021)
Région Cas graves et complexes (%) Poursuites entamées au point d'entrée (%)
Atlantique 58 37
Région du Grand Toronto 50 15
Nord de l'Ontario 48 33
Pacifique 82 53
Prairies 58 51
Québec 47 39
Sud de l'Ontario 72 40

Source : Données du SGIEC fournies par le Programme.

Tableau 3 : Proportion des cas d'infractions à la LIPR qui correspondent aux priorités de l'ASFC en matière d'exécution de la loi, par région (moyenne de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021)
Région Cas graves et complexes (%) Poursuites entamées au point d'entrée (%)
Atlantique 94 62
Région du Grand Toronto 90 49
Nord de l'Ontario 88 44
Pacifique 99 53
Prairies 89 67
Québec 100 81
Sud de l'Ontario 87 40

Source : Données du SGIEC fournies par le Programme.

Durant les entrevues, les gestionnaires régionaux ont mentionné n'avoir pas perçu le manque d'alignement entre les cas choisis aux fins d'une enquête et les priorités de l'ASFC en matière d'exécution de la loi comme une préoccupation, car ils étaient reconnaissants d'avoir la marge de manœuvre nécessaire pour choisir les cas en fonction de leurs réalités opérationnelles particulières. Les gestionnaires régionaux ont mentionné que les cas de poursuites entamées au point d'entrée qu'ils choisissent, bien qu'ils ne soient pas alignés sur les priorités en matière d'exécution de la loi, sont des cas pour lesquels il est dans l'intérêt public d'entamer des poursuites. Ils ont également mentionné que ces cas donnent l'occasion aux nouveaux enquêteurs d'acquérir de l'expérience en travaillant à des dossiers simples.

Cependant, tous les gestionnaires régionaux rencontrés en entrevue ont également déclaré qu'ils ne disposaient pas d'un nombre suffisant d'enquêteurs pour gérer le volume de travail important. C'est pourquoi il est important, pour la réussite globale du programme, de mieux aligner la sélection des cas sur les priorités, car cela permettrait de réduire le nombre de cas nécessitant une enquête, de faciliter la gestion de la charge de travail et, surtout, de s'assurer que les ressources disponibles sont affectées aux cas qui représentent la plus grande menace pour la sécurité et la prospérité du Canada.

Taux d'acceptation et de réussite des renvois aux fins de poursuites

Conformément aux résultats attendus dans le modèle logique du Programme, les enquêtes criminelles doivent « mener à des renvois en vue de poursuites appuyées par des éléments de preuve recueillis légalement qui respectent la norme de preuve la plus élevée des tribunaux canadiens. » Pour mesurer l'atteinte de ce résultat intermédiaire, le Programme utilise les deux mesures de rendement suivantes :

  • le taux d'acceptation par le Service de poursuites pénales du Canada (SPPC);
  • le pourcentage de poursuites qui aboutissent à une condamnation (aussi appelé « taux de réussite » des poursuites).

Constatation 3 : Le taux d'acceptation des dossiers renvoyés au SPPC en vue de poursuites est très élevé. Lorsque des accusations sont portées, il y a également un taux de réussite élevé (taux de condamnation) dans toutes les catégories de cas, mais en particulier pour les cas graves. Un facteur important qui explique le taux d'acceptation élevé est le fait que l'ASFC ne renvoie au SPPC que les dossiers jugés comme ayant une probabilité élevée de mener à des poursuites.

Selon l'analyse des données, le taux d'acceptation global des dossiers renvoyés au SPPC en vue de poursuites était supérieur à 94 % dans toutes les régions au cours de la période allant de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021 (se référer au tableau 4). Les gestionnaires régionaux et les personnes rencontrées en entrevue au SPPC ont expliqué que l'ASFC ne renvoie pas les dossiers au SPPC à moins qu'il y ait une forte probabilité de réussite des poursuites, ce qui explique le taux d'acceptation élevé. Ce taux d'acceptation élevé est considéré comme une indication de la qualité du Programme, démontrant que les enquêteurs criminels finissent par recueillir les preuves nécessaires pour porter des accusations et intenter des poursuites.

Tableau 4 : Taux d'acceptation par le SPPC des dossiers d'enquête de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021
Région Renvois Renvois acceptés Taux d'acceptation (du plus élevé au moins élevé)
Sud de l'Ontario 166 165 99,6 %
Nord de l'Ontario 117 116 99,1 %
Prairies 133 131 98,5 %
Région du Grand Toronto 59 56 95,2 %
Québec 147 140 95,2 %
Atlantique 85 81 95,1 %
Pacifique 233 218 93,7 %
Toutes les régions 940 908 96,6 %

Source : Données fournies par le Programme. Déclarées manuellement par les régions aux responsables du Programme.

Lorsque des accusations sont portées et que des poursuites sont intentées, il y a également un taux de réussite élevé (taux de condamnation) dans toutes les catégories de cas. Le tableau 5 montre que, à l'échelle nationale, 94 % des dossiers ont abouti à une condamnation, lorsque des accusations ont été portées et que les preuves ont été présentées en cour par les procureurs. L'analyse de cet ensemble de données a également montré que le taux de réussite des dossiers est supérieur à 90 % dans toutes les catégories, à l'exception de la catégorie 4, les poursuites entamées au point d'entrée. Notamment, les cas graves (catégorie 1) aboutissaient toujours à des poursuites réussites.

Bien que la responsabilité des poursuites devant les tribunaux incombe en dernier ressort au SPPC, le taux de réussite élevé de ces dossiers indique que les enquêteurs criminels de l'ASFC ont apporté une contribution positive en recueillant suffisamment de preuves pour porter des accusations et obtenir une condamnation, ce qui permet de tenir ces personnes et ces entités criminellement responsables des infractions à la législation frontalière.

Tableau 5 : Cas ayant abouti (condamnation obtenue) en pourcentage de tous les dossiers terminés lorsque des accusations ont été portées, sur cinq ans, de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021
Région Atlantique Région du Grand Toronto Nord de l'Ontario Pacifique Prairies Québec Sud de l'Ontario Total
Total de tous les cas (%) 97 94 90 94 95 97 93 94
Cas graves et complexes
Catégorie 1 (%) 100 100 100 100 100 100 100 100
Catégorie 2 (%) 97 99 96 99 100 97 100 99
Cas de poursuites entamées au point d'entrée
Catégorie 3 (%) 100 94 96 97 100 98 100 98
Catégorie 4 (%) 94 86 86 89 82 95 87 89
Tous les cas par type
Douanes (%) 96 92 88 90 89 93 93 92
LIPR (%) 98 96 95 98 99 99 96 98

Source : Données du SGIEC fournies par le Programme.

Remarque : Les données du SGIEC pour les cas indiqués comme fructueux sont jugées non fiables par le Programme, tandis que les données pour les cas indiqués comme infructueux sont un peu plus exactes. C'est la raison pour laquelle aux fins de l'évaluation, les cas indiqués comme infructueux ont été utilisés pour calculer le taux de réussite. Les chiffres présentés dans ce tableau sont l'inverse des cas indiqués comme infructueux de façon à pouvoir commenter sur le taux de réussite (se référer à l'annexe D pour les limites associées à cette approche). Les cas terminés comprennent les cas fermés et les cas indiqués comme infructueux.

Dans l'ensemble, les preuves ci-dessus montrent que le Programme a réussi à atteindre son résultat intermédiaire pour les cas qui ont fait l'objet d'une enquête et ont donné lieu à des accusations.

La section qui suit examine les cas qui ont été choisis pour faire l'objet d'une enquête, mais qui ont été abandonnés par la suite avant que des accusations ne soient portées, ce qui pourrait donner un aperçu de la qualité des enquêtes menées ou des types de cas choisis aux fins d'enquête.

Qualité des enquêtes

Constatation 4 : Les indicateurs de rendement actuels utilisés par le Programme ne permettent pas d'évaluer adéquatement la qualité des enquêtes menées, et ils ne tiennent pas compte des enquêtes qui ont été fermées et qui n'ont pas été transmises au SPPC, ni de l'aide que le SPPC a dû apporter pour que les éléments de preuve dans certains dossiers respectent la norme la plus élevée pour justifier une poursuite.

Pour mesurer la qualité des enquêtes (c'est-à-dire si les éléments de preuve recueillis respectent la norme de preuve la plus élevée), le Programme utilise actuellement deux indicateurs de rendement clés :

  1. pourcentage de renvois au SPPC qui ont été acceptés;
  2. pourcentage de poursuites qui ont abouti à une condamnation.

Certains intervenants du SPPC qui ont été rencontrés en entrevue affirment que ces indicateurs de rendement ne permettent pas de mesurer la qualité des enquêtes de façon suffisante. Ils ont expliqué que le taux élevé de renvois acceptés par le SPPC ne rend pas compte de l'aide apportée par les procureurs du SPPC aux enquêteurs de l'ASFC dans certains cas pour s'assurer que les éléments de preuve recueillis respectent la norme de preuve la plus élevée des tribunaux canadiens. De plus, il n'y a pas d'indicateurs en place pour mesurer le dénouement des cas qui n'ont pas été renvoyés par l'ASFC au SPPC en vue du dépôt d'accusations. Les données sur le rendement de ces cas infructueux pourraient fournir de précieux renseignements sur la qualité des enquêtes, particulièrement si elles permettent de déterminer les raisons pour lesquelles ces cas n'ont pas été renvoyés au SPPC. Cela pourrait également étayer les décisions futures sur les indices sélectionnés à des fins d'enquête.

« La qualité ne se mesure pas au nombre de renvois acceptés par le SPPC. Il y a peut-être beaucoup de renvois, mais beaucoup de travail a été fait pour justifier le dépôt d'accusations. »

Intervenant du SPPC rencontré en entrevue

Par conséquent, l'évaluation a été menée en fonction de quelques indicateurs supplémentaires et elle a permis de trouver des éléments de preuve limités dans les données sur les cas extraites du SGIECNote de bas de page 16 et dans les commentaires des intervenants suggérant que la qualité des enquêtes pourrait être améliorée.

Tout d'abord, selon l'analyse des cas dans le SGIEC, à l'échelle nationale, de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021, environ 50 % des enquêtes ont été fermées sans que le cas ne soit renvoyé au SPPC pour qu'il envisage d'engager des poursuites (se référer au tableau 6). Un cas fermé sans qu'aucune accusation n'ait été portée ou qu'aucune poursuite ne soit engagée n'indique pas automatiquement qu'il y a des problèmes en ce qui concerne la collecte d'éléments de preuve ou la sélection des cas; il est d'usage qu'une enquête préliminaire soit d'abord réalisée afin de déterminer si une enquête complète est justifiée. Cependant, le nombre de cas fermé sans qu'aucune accusation n'ait été portée ou qu'aucune poursuite ne soit engagée confirme que des ressources ont été dépensées pour enquêter sur des cas qui n'ont pas abouti à un résultat de répression pénale (renvoi en vue de poursuites et de condamnation). Il faudrait obtenir des données supplémentaires pour tirer des conclusions définitives de cette analyse. En particulier, il serait important de connaître les raisons pour lesquelles un dossier a été fermé sans être renvoyé au SPPC, afin de cerner les difficultés potentielles liées à la sélection des dossiers ou à la collecte des éléments de preuve.

Deuxièmement, l'évaluation visait également à recueillir les commentaires des principaux intervenants sur la qualité des enquêtes. Les personnes du SPPC rencontrées en entrevue ont indiqué que la qualité des éléments de preuve recueillis pourrait être améliorée. Les procureurs fournissent parfois un soutien important aux enquêteurs criminels de l'ASFC pour améliorer la qualité de preuve recueillis, parfois au-delà de ce qui est attendu des procureurs. Par exemple, les procureurs ont apporté leur soutien pour évaluer la possibilité de poursuivre une enquête sur la base des preuves disponibles, identifier les preuves requises pour des accusations spécifiques, déterminer les accusations appropriées pour chaque cas, identifier le meilleur moment dans une enquête pour effectuer un mandat de perquisition, évaluer la quantité de preuves requise pour une enquête, utiliser les bons outils de traduction pour éviter de compromettre les preuves, et appliquer les bonnes techniques d'interview. Ils ont suggéré que sans ce soutien dans certains de ces domaines, certains cas n'auraient peut-être pas mené à des poursuites fructueuses.

Tableau 6 : Dossiers fermés sans qu'ils n'aient été renvoyés au SPPC, comme pourcentage de tous les dossiers terminés, de 2016 à 2017 jusqu'à 2020 à 2021
Région Pourcentage (%) de cas fermés avant que des accusations ne soient portées
Atlantique 61
Région du Grand Toronto 66
Nord de l'Ontario 34
Pacifique 40
Prairies 54
Québec 49
Sud de l'Ontario 49
Total 50

Source : Données du SGIEC fournies par le Programme.

Remarque : Les affaires terminées comprennent à la fois les affaires conclues et les affaires jugées infructueuses.

L'amélioration des données du SGIEC ou l'ajout d'indicateurs de rendement clés pourraient aider le Programme à mesurer la qualité des enquêtes. L'annexe D fournit une explication des limitations actuelles relatives aux données dans le SGIEC et présente quelques recommandations sur la façon dont ces données peuvent être analysées et utilisées par le Programme pour mesurer la qualité des enquêtes menées.

Obstacles à l'obtention de résultats

Achèvement de la formation

L'un des obstacles relevés par les intervenants lors des entrevues et du sondage est l'achèvement de la formation. Ces perceptions ont été confirmées par une analyse du taux d'achèvement des cours figurant dans la Norme nationale de formation (NNF) (qui énumère toutes les formations obligatoires, de base et adaptées aux fonctions des enquêteurs criminels et des enquêteurs en informatique judiciaire).Note de bas de page 17 Il est essentiel que les enquêteurs aient les connaissances et les compétences adéquates pour comprendre comment planifier les enquêtes et recueillir légalement des éléments de preuve qui respectent la norme de preuve la plus élevée des tribunaux.

Constatation 5 : Le faible taux de formation de base suivie par les enquêteurs criminels et les enquêteurs en informatique judiciaire pourrait nuire à la qualité des enquêtes.

En analysant les données sur la formation suivie, l'équipe d'évaluation a constaté qu'en date du , aucun des enquêteurs du Programme n'avait suivi l'ensemble des cours d'enquêteur prévus dans la NNF et que seulement 48 % des enquêteurs avaient suivi le cours d'introduction en classe de l'ASFC, Fondements des enquêtes criminelles (S4013-N). Le taux d'achèvement de ce cours était aussi faible que 14 % dans une région. La figure 3 montre le taux d'achèvement de la formation sur les fondements par région, ainsi que la moyenne nationale.

Figure 3 : Taux d'achèvement du cours d'introduction Fondements des enquêtes criminelles (S4013-N) par les personnes occupant un poste d'enquêteur en date du , par région

Source : Données fournies par la Direction générale des ressources humaines (DGRH).

Description de l'image
Figure 3 : Taux d'achèvement du cours d'introduction Fondements des enquêtes criminelles (S4013-N) par les personnes occupant un poste d'enquêteur en date du , par région
Région Pourcentage (%) de cours complétés
Québec 64 %
Prairies 63 %
Atlantique 53 %
Nord de l'Ontario 14 %
Région du Grand Toronto 42 %
Pacifique 41 %
Sud de l'Ontario 35 %
Moyenne 48 %

« Je suis [un enquêteur] depuis trois ans et je commence à peine à suivre la formation de base. Cela a une incidence sur notre travail. »

Participant régional

Malgré certaines limites liées à la qualité des données, les conclusions tirées de ces dernières ont été confirmées par les personnes rencontrées en entrevue et les répondants au sondage qui ont indiqué qu'il est très difficile, pour la plupart des régions, de suivre la formation, en classe comme en ligne. Bien que le faible taux d'achèvement de la formation s'explique en partie par l'incapacité d'offrir des cours en classe durant la pandémie de COVID-19, en raison des exigences de distanciation physique pour des raisons de santé et de sécurité, le taux d'achèvement est également faible parmi les enquêteurs occupant un poste depuis plus de cinq ans. Ces données, appuyées par les réponses aux entrevues et aux sondages, indiquent qu'il s'agit d'un problème qui remonte à avant la pandémie.

Le calendrier du cours Fondements des enquêtes criminelles montre que depuis 2016, le cours a été offert en moyenne deux fois par année, mais le taux de participation par séances était faible et diminuait au fil du temps.

Quelques régions (la région du Grand Toronto et la région du Pacifique) ont trouvé des cours à l'extérieur de l'ASFC pour combler les lacunes en formation. Par exemple, la région du Pacifique envoie les enquêteurs criminels suivre un cours sur les interrogatoires au Service de police de Vancouver. Le taux d'achèvement de la formation à l'extérieur n'est pas enregistré dans les bases de données de l'ASFC et ne se retrouve pas dans la NNF.

Les intervenants ne s'entendent pas sur les raisons du faible taux d'achèvement de la formation. Les personnes rencontrées en entrevue de la DGRH, chargées de la prestation de la formation, ont dit que le manque de formateurs a nui à leur capacité d'offrir des séances de formation, tout comme les protocoles en raison de la pandémie de COVID-19 qui ont empêché d'offrir les cours en classe, ce qui a créé un arriéré de plus en plus grand d'enquêteurs qui doivent suivre une formation.

De plus, du point de vue de la DGRH, les gestionnaires hésitaient à accorder du temps aux enquêteurs pour suivre la formation, ce qui signifiait que les participants n'étaient pas assez nombreux pour offrir des séances de cours. À l'opposé, les gestionnaires régionaux rencontrés en entrevue ont dit que les séances de formation n'étaient pas offertes. Ce désaccord sur la cause profonde du faible de taux de formation suivie pourrait indiquer la nécessité d'améliorer la planification et la communication entre la DGRH et le Programme à propos de l'offre des cours.

Les intervenants du Programme ont aussi laissé entendre qu'il pourrait falloir une coordination supplémentaire de la prestation de la formation. Ils ont dit que depuis la mise en œuvre du Modèle de gestion fonctionnelle (MGF), le Programme à l'Administration centrale (AC) participe très peu à la planification et à la prestation de la formation, probablement parce que la DGRH assure la coordination avec les régions directement.

À la lumière de l'examen de la documentation et des entrevues avec les intervenants, le manque de formation suffisante offerte au personnel du Programme pourrait se répercuter sur la qualité des enquêtes en ce qui a trait à la planification de cas complexes, à la préparation de la preuve à communiquer, à la rédaction des dénonciationsNote de bas de page 18, et à la qualité des interrogatoires. Par exemple, le manque de formation pourrait empêcher les enquêteurs de savoir quel est le meilleur moment pour demander des conseils et des directives aux procureurs du SPPC dans des cas complexes. Les intervenants du SPPC ont dit que ce ne sont pas tous les enquêteurs qui communiquent avec eux pour obtenir des directives tôt aux étapes de l'établissement de la portée et de la planification, alors qu'il serait essentiel de le faire dans le cas d'enquêtes complexes. Les intervenants ont affirmé que parfois, les dossiers complexes étaient fermés sans être renvoyés devant le SPPC pour les poursuites en raison d'une planification inadéquate du cas de la part des enquêteurs criminelsNote de bas de page 19. Une participation tôt du SPPC pourrait être utile à cet égard, mais ce ne sont pas tous les enquêteurs qui savent qu'ils peuvent solliciter l'aide des procureurs à l'étape de la planification.

De plus, les intervenants du SPPC ont affirmé qu'ils ont peu de temps et de ressources à consacrer au soutien dont auraient parfois besoin les enquêteurs non formés; ils ont donc insisté sur la nécessité d'une formation adéquate des enquêteurs.

Une formation insuffisante pourrait aussi se répercuter sur la préparation de la preuve à communiquer. Les entrevues et la documentation examinée indiquent que les enquêteurs pourraient recueillir beaucoup plus d'éléments de preuve que nécessaire pour déposer des accusations. Dans d'autres cas, les intervenants du SPPC ont observé des lacunes concernant la communication de la preuve en raison de l'inadmissibilité des déclarations recueillies, qui pourraient aussi s'expliquer par un manque de formation dans ce domaine. Les personnes du SPPC rencontrées en entrevue ont ajouté que par le passé, elles avaient fourni des outils et des directives aux enquêteurs criminels pour les aider à se préparer à la communication de la preuve – quelque chose pour laquelle les enquêteurs criminels devraient déjà être formés. Elles ont dit que dans certains cas, l'aide apportée par le SPPC a permis d'améliorer les produits lorsque le cas est renvoyé en vue de poursuites pénales; toutefois, en raison des ressources limitées, le SPPC n'est pas toujours en mesure de fournir ce niveau de soutien.

« Les répercussions d'une absence de formation sont importantes parce qu'on n'est pas censé exécuter la loi sans formation. »

Participant régional

Un autre domaine qui, selon les personnes rencontrées en entrevue, nécessiterait une formation supplémentaire, est la rédaction des dénonciations. Une telle formation permettrait d'améliorer la rapidité avec laquelle les dénonciations sont rédigées, ainsi que la qualité de leur rédaction, en vue d'obtenir une autorisation pour des mandats de perquisition. À l'occasion d'un symposium réunissant l'ASFC et le SPPC en , les intervenants ont laissé entendre qu'il était nécessaire de mobiliser rapidement la Couronne dans le processus et d'utiliser une terminologie précise et appropriée dans les dénonciationsNote de bas de page 20. Au cours de ce symposium, les intervenants du SPPC ont également indiqué qu'il serait avantageux pour le Programme de veiller à ce que les enquêteurs aient accès à une formation adéquate sur les techniques d'interrogatoire dans diverses situations, c'est-à-dire l'interrogation des témoins, des suspects et des victimes. Les personnes du SPPC rencontrées en entrevue dans diverses régions ont mentionné que la qualité des éléments de preuve recueillis par l'entremise des interrogatoires menés par les enquêteurs criminels de l'ASFC était médiocre dans certains cas en raison de l'utilisation de questions suggestives, de l'absence d'établissement de liens de confiance avec les personnes vulnérables ou du recours à des ressources inappropriées pour la traduction.

Il serait avantageux pour le Programme de continuer à examiner et à mettre à jour le contenu et le calendrier de la formation actuellement offerte aux enquêteurs criminels, en particulier en ce qui a trait à la gestion des enquêtes complexes et aux techniques d'enquête. Pour améliorer les résultats du Programme et la collaboration avec les partenaires, comme le SPPC, il faudrait réviser la formation proposée pour corriger les principaux problèmes, et s'assurer que les cours sont offerts et que les enquêteurs les suivent.

Même si cet élément sort du cadre de l'évaluation, il est pertinent de signaler que pendant l'année fiscale 2022 à 2023, la DGRH a lancé la Stratégie triennale de modernisation de la constitution des forces dont l'objectif est de doter l'Agence d'un effectif de première ligne souple, agile et mobile en mesure de remplir le mandat de l'ASFCNote de bas de page 21. La Stratégie comporte des piliers liés à la planification de l'effectif et à sa formation, auxquels seront assortis des éléments comme « Recrutement stratégique pour l'avenir » et « Évaluation stratégique de l'apprentissage ». Les éléments associés à la formation sont toujours en cours d'élaboration et pourraient appuyer la hausse du taux d'achèvement de la formation destinée aux enquêteurs criminels et aux enquêteurs en informatique judiciaire.

Les cours récemment ajoutés et les mises à jour récentes à la NNF pourraient aider à corriger les lacunes actuelles en matière de formation. Il faut toutefois également s'assurer que les enquêteurs suivent la formation pour qu'ils puissent bénéficier de ces changements.

Ajouts nouveaux et prévus à la NNF :

  • le tout nouveau cours « Fouilles, saisies et rédaction de mandats de perquisition », qui a été lancé en et qui remplace le cours sur « la rédaction de la dénonciation » délivré par le Collège canadien de police;
  • un cours prévu sur la gestion des cas graves qui, en , en était encore à la phase de conception;
  • un cours prévu sur le blanchiment d'argent par voie commerciale auquel le Programme prévoit accorder la priorité;
  • la mise à jour prévue de la portion en ligne du cours Fondements des enquêtes criminelles, qui devrait avoir lieu pendant l'année fiscale 2022 à 2023 et 2023 à 2024.

Système de gestion des cas graves

À l'heure actuelle, le SGIEC est l'outil principal utilisé pour consigner l'information au dossier et assurer le suivi du cas tout au long de son cycle de vie, de la réception initiale d'un indice à la conclusion/clôture du dossier. Parmi les fonctionnalités offertes, le SGIEC permet aux enquêteurs de consigner de l'information sur le suspect, d'indiquer la justification aux points de décision importants, de téléverser des documents en PDF et des photographies, de lier des cas pour créer des projets, etc.; il ne permet toutefois pas, pour l'instant, de suivre les éléments de preuve, de gérer la divulgation, de gérer les cas graves et d'établir des liens avec d'autres bases de donnéesNote de bas de page 22.

Constatation 6 : Les intervenants de l'ASFC et du SPPC conviennent que le caractère inadéquat du système actuel de gestion de l'information a des répercussions directes sur la qualité des enquêtes et sur l'utilisation efficiente des ressources.

Tous les gestionnaires régionaux et du Programme à l'AC rencontrés en entrevue, de même que de nombreux répondants au sondage et personnes rencontrées au SPPC, ont décrit l'absence de système de gestion des cas graves (GCG) comme un obstacle auquel était confronté le Programme. Les intervenants de l'ASFC et du SPPC conviennent que le caractère inadéquat du système actuel de gestion de l'information a des répercussions directes sur la qualité des enquêtes et l'efficience avec laquelle elles sont menées. Les personnes rencontrées en entrevue ont précisé que ce problème est soulevé depuis nombre d'années en tant que priorité. L'Évaluation du Programme des enquêtes criminelles de 2010 réalisée par l'ASFC a également mené à la recommandation d'améliorer ou de remplacer le système de gestion de l'information du Programme (SGIEC) de manière à mieux soutenir la collecte des renseignements sur le rendement du Programme et la production de rapports à cet égard.

« Nous avons besoin d'un système de gestion des cas graves. En tant que Programme, nous en faisons grand cas depuis des années. Le sujet revient dans les discussions depuis 7 ou 8 ans. »

Participant régional

Le logiciel et les principes de GCG permettraient de réduire le temps consacré à préparer les éléments de preuve en vue de la divulgation, d'améliorer la qualité des enquêtes et de renforcer la relation avec le SPPC.

« La difficulté est que tout doit être fait manuellement. Ça m'a pris trois mois pour préparer la divulgation. »

Participant régional

Les cas complexes, qui sont une priorité pour le Programme, exigent normalement de rassembler une quantité importante d'éléments de preuve. Cette tâche incombe aux enquêteurs en vue de la divulgation. Les personnes de l'ASFC rencontrées en entrevue ont indiqué passer beaucoup de temps à préparer les éléments de preuve manuellement, sans recours à un système de gestion des preuves. Le SPPC a insisté sur la nécessité et l'importance d'avoir un système de GCG qui renferme le dossier d'enquête au complet, notamment du fait que les cas complexes sont une priorité du Programme. Le logiciel de GCG assurerait aux enquêteurs une cohérence tout au long du cycle de vie de l'enquête et dans la préparation des éléments de preuve en vue de leur divulgationNote de bas de page 20.

Les personnes rencontrées en entrevue ont affirmé que le SGIEC ne fournit pas aux régions les outils dont elles ont besoin pour mettre en œuvre les principes de GCG ou de préparer de manière efficiente leur documentation pour satisfaire aux exigences rigoureuses de la divulgation. Selon elles, le système ne permet pas non plus à l'AC et aux régions d'assurer la surveillance du Programme, puisque l'extraction des données du système actuel exige également une importante normalisation des données et beaucoup de calculs manuels – il est « quasiment impossible » d'exécuter un rapport sans données utilisablesNote de bas de page 23. Un système de GCG serait également profitable aux unités de triage des divisions régionales des opérations relatives à l'exécution de la loi et au renseignementNote de bas de page 24, car il leur permettrait de mieux répondre aux exigences en matière de rapports sur le rendement, de suivre le cycle de vie complet d'un renvoi et de renforcer la surveillance de la gestion. À l'heure actuelle, les unités de triage utilisent Microsoft Access et Excel, selon la région, pour suivre les renvoisNote de bas de page 25.

Le recours à un logiciel et aux principes de GCG constitue une pratique exemplaire dans le domaine général des enquêtes. Par exemple, le rapport Campbell de 1996 et le rapport de 2012 intitulé Forsaken – the Report of the Missing Women Commission of Inquiry recommandaient tous les deux aux services de police provinciaux d'utiliser les principes et le logiciel de GCG pour mener leurs enquêtes. L'Ontario considère que le logiciel de GCG est « essentiel » puisqu'il « offre aux enquêteurs les outils requis pour organiser, gérer, récupérer et analyser les volumes potentiellement élevés des données d'enquête collectées dans le cadre d'enquêtes importantes »Note de bas de page 26.

Les personnes de l'ASFC rencontrées en entrevue ont indiqué que l'adoption du logiciel de GCG par l'Agence aurait pour effet d'améliorer la capacité des enquêteurs de collaborer avec d'autres services de police dans le cadre d'opérations conjointes. Le logiciel de GCG permettrait également aux enquêteurs d'établir des liens entre des éléments de preuve, ce qui améliorerait l'efficacité et les résultats des enquêtesNote de bas de page 26, en particulier lorsqu'il s'agit de cas graves et complexes. Certaines régions ont affirmé être réticentes à traiter des cas graves et complexes puisqu'elles n'ont pas l'impression de disposer des bons outils. L'adoption d'un logiciel de GCG pourrait inciter les enquêteurs à choisir davantage de cas graves et complexes, conformément aux directives du Programme.

Si les discussions au sujet de l'acquisition de ce logiciel s'intensifient au sein de l'Agence, les personnes rencontrées en entrevue ont manifesté des doutes quant à sa livraison rapide. Le Plan des activités intégré de la Direction générale du renseignement et de l'exécution de la loi (DGREL) pour 2022 à 2025Note de bas de page 27 énonce comme priorité d'acquisition et la mise en œuvre d'un nouveau système de GCG d'ici 2023 à 2024; cela dit, les intervenants du Programme ont affirmé qu'ils estiment qu'il faudra plus de temps, notamment puisqu'aucun financement n'a encore été obtenu et qu'aucune décision n'a été prise quant à savoir si un nouveau système serait conçu ou si une solution commerciale disponible serait achetée. Le personnel du Programme s'est dit grandement favorable à la solution commerciale déjà utilisée par d'autres organismes d'exécution de la loi ou d'enquête canadiens, qui pourrait être livrée beaucoup plus tôt, a déjà été mise à l'essai et testée, et a démontré répondre aux besoins de gestion des dossiers d'enquête. À la fin de l'évaluation, la Direction générale de l'information, des sciences et de la technologie (DGIST), qui est responsable de la livraison du système, avait consulté les responsables du Programme et terminé l'évaluation des besoins. Toutefois, l'analyse des options n'était pas achevée et aucune solution n'avait été proposée.

Compréhension des rôles du SPPC et collaboration avec les procureurs

Afin de garantir un système de justice criminelle juste et impartial, au Canada, les enquêteurs criminels, les procureurs et les juges sont tenus de prendre leurs décisions indépendamment les uns des autres et de toute influence externe. Ainsi, le principe de l'indépendance du procureur de la Couronne (le Principe) autorise les procureurs du SPPC à déterminer de manière indépendante la solidité d'un dossier particulier et l'intérêt public dans une poursuite. Les procureurs du SPPC jouissent d'un pouvoir discrétionnaire important dans les dossiers qui leur sont assignés, mais peuvent consulter les enquêteurs. Le Principe signifie que les procureurs ne reçoivent pas de directives sur la façon d'exercer leur pouvoir discrétionnaire à l'égard de questions relatives aux poursuitesNote de bas de page 28.

Constatation 7 : Des directives supplémentaires sur le programme pourraient permettre aux enquêteurs de mieux comprendre les rôles et les responsabilités du SPPC dans le processus d'enquête et les avantages possibles de mobiliser les procureurs dès le début.

Il semble que certains intervenants du programme de l'ASFC ne saisissent pas bien le Principe qui définit le rôle et la mobilisation possible du SPPC dans le processus d'enquête criminelle. Par exemple, lors des entrevues et dans le sondage, les gestionnaires régionaux du Programme, les enquêteurs et les EIJ ont exprimé le désir d'une plus grande cohérence entre les procureurs du SPPC et entre les régions du SPPC en ce qui a trait aux procédures de renvoi et à la préparation des processus de communication. Toutefois, cette idée vient contredire l'indépendance et la discrétion accordées aux procureurs (par le Principe) dans la prise de décisions sur des cas individuels.

En outre, une des régions a indiqué que le PE signé avec le SPPC donne trop de pouvoir à SPPC dans l'enquête de l'ASFC; cela semble aussi contredire le Principe, selon lequel les procureurs de SPPC sont autorisés à déterminer de manière indépendante la solidité d'un dossier particulier et l'intérêt public dans une poursuite. En définitive, c'est le SPPC qui acceptera (ou non) le cas en vue d'une poursuite et à ce titre, il est dans l'intérêt supérieur des enquêteurs de l'ASFC d'être conseillés pour savoir s'ils doivent continuer avec une enquête ou quel type de preuve doit être recueillie.

En comprenant les rôles et les responsabilités du SPPC dans le processus d'enquête, il serait plus facile pour les enquêteurs de déterminer quand et comment mettre à profit l'expertise du SPPC pour améliorer la qualité des enquêtes de l'ASFC et ultimement donner lieu à une condamnation (un des buts du Programme).

L'évaluation a révélé que certaines régions de l'ASFC ont des relations de travail plus positives avec le SPPC et qu'il leur est plus facile de faire appel à son expertise. Les gestionnaires régionaux et les procureurs du SPPC dans ces régions ont relevé les pratiques exemplaires suivantes :

  • mobiliser le SPPC dès le début de l'enquête, en particulier dans les enquêtes d'envergure et complexes, pour mieux déterminer la portée de l'enquête et le type de preuve requise;
  • assurer une communication continue avec le SPPC pendant le déroulement de l'enquête.

La capacité de mettre en œuvre ces meilleures pratiques dépend de la disponibilité du personnel du SPPC. Lors d'un symposium entre l'ASFC et le SPPC qui a eu lieu en , le SPPC a reconnu qu'il y avait aussi place à l'amélioration de son côté et qu'il doit notamment répondre plus rapidement aux demandes de conseils de l'ASFC, tout en reconnaissant que les normes relatives à la rapidité peuvent varier selon la complexité du cas ou de la questionNote de bas de page 20.

Opérationnalisation du modèle de gestion fonctionnelle : Supervision du Programme à l'AC

Dans le cadre de la mise en œuvre du modèle de gestion fonctionnelle, l'ASFC a remanié sa structure et a créé de nouvelles directions générales fonctionnelles à l'échelle nationale pour améliorer la reddition de comptes, la cohérence des programmes et l'adéquation entre les dépenses du programme et les résultats. La DGREL est devenue l'autorité fonctionnelle pour le Programme des enquêtes criminelles en Note de bas de page 29.

Constatation 8 : Le MGF fonctionne comme prévu et contribue à l'exécution du Programme. Une supervision accrue du Programme à l'AC et un soutien aux régions pourraient améliorer le rendement du programme.

L'évaluation a révélé que le Programme bénéficie de la mise en œuvre du MGF. Les commentaires formulés durant les entrevues et dans le sondage indiquaient une perception généralement positive de la qualité et de la portée de la collaboration et de la communication entre les intervenants du Programme à l'AC et les régions. Les intervenants du Programme à l'échelle de la direction à l'AC trouvent qu'ils sont bien informés sur les opérations régionales lors des réunionsNote de bas de page 30 des organismes de gouvernance et par l'Unité des opérations des enquêtes criminelles (l'unité de l'AC responsable de la gestion du flux d'information que les régions transmettent à la haute direction du Programme à l'AC et de la liaison avec les régions concernant les nouveaux problèmes opérationnels).

La collaboration entre les EIJ travaillant dans les régions et l'Unité d'informatique judiciaire (UIJ) à l'AC était également perçue comme étant positive. Dans les régions, la plupart des enquêteurs criminels et des EIJ (75 %) ayant répondu au sondage se disaient satisfaits du niveau et de la qualité de la collaboration avec les intervenants du Programme à l'AC en général (se référer à la figure 4). Les niveaux de satisfaction étaient particulièrement élevés en ce qui concerne la « rapidité des réponses » et la « capacité à joindre la bonne personne-ressource à l'AC ». Dans les deux cas, 84 % des répondants étaient au moins « plutôt satisfaits ».

Figure 4 : Satisfaction des enquêteurs criminels et des EIJ face au rôle joué par les responsables du Programme à l'AC

Source : Sondage de l'Évaluation du Programme des enquêtes criminelles auprès des enquêteurs criminels et des enquêteurs en informatique judiciaire, 2022 (N=126).

Description de l'image
Figure 4 : Satisfaction des enquêteurs criminels et des EIJ face au rôle joué par les responsables du Programme à l'AC
Catégorie Pourcentage (%) de satisfaction
Très satisfait 27 %
Plutôt satisfait 48 %
Plutôt insatisfait 21 %
Très insatisfait 2 %

En ce qui a trait aux éléments du MGF et de la relation entre les régions et l'AC qui pourraient être améliorés, des données probantes indiquent encore des lacunes au chapitre de la supervision des activités dans les régions par les responsables du Programme à l'AC. Un des principaux aspects mentionnés dans les entrevues est que les responsables du Programme à l'AC s'attendent à pouvoir conseiller les régions sur les stratégies pour l'affectation des ressources et le financement, particulièrement depuis la mise en œuvre du MGFNote de bas de page 31. Les intervenants à l'AC ont indiqué qu'ils n'ont toujours pas accès à toutes les données sur les dépenses des régions et ne comprennent pas entièrement pourquoi les budgets varient d'une année à l'autre pour chaque région.

« Nous n'y sommes pas encore en ce qui a trait à la gestion fonctionnelle. (…) Nous ne sommes pas en mesure de rendre compte de la façon dont l'argent est dépensé. Nous n'avons pas accès aux données sur les dépenses des régions. Il y a une exception : l'Unité d'informatique judiciaire. »

Responsables du Programme à l'AC

Un autre élément pouvant être amélioré est le soutien dont les régions ont besoin de la part des responsables du Programme à l'AC. Les intervenants à l'AC établissent une orientation opérationnelle nationale pour appuyer les régions dans leurs enquêtes criminelles. En raison des caractéristiques et des besoins particuliers des régions, l'application de cette orientation ne semble pas être uniforme. Par exemple, l'interprétation et la mise en œuvre de l'orientation sur la façon de choisir les cas pour les enquêtes peuvent varier d'une région à l'autre. Ce manque d'uniformité peut découler de la nature des cas dans chaque région, de même que de différentes pratiques adoptées par les procureurs du SPPC, entre autres. Les intervenants dans les régions souhaitent une orientation plus précise quant aux circonstances dans lesquelles ils peuvent se permettre d'adapter leurs pratiques aux particularités de leur région.

Comment améliorer la collaboration entre les régions?
Les personnes qui ont répondu au sondage proposent que les responsables du Programme à l'AC établissent et tiennent à jour une liste des enquêteurs criminels de l'ASFC et des EIJ indiquant les spécialités de chacun.

Les intervenants dans les régions ont également indiqué qu'une aide supplémentaire est nécessaire de la part des responsables du Programme à l'AC pour avoir accès à la formation, aux outils et à l'équipement dans le cadre des enquêtes criminelles. Les responsables du Programme à l'AC doivent également partager les renseignements sur la jurisprudence découlant des poursuites criminelles liées à la frontière de façon proactive et en temps opportuns. Les données recueillies lors des entrevues et du sondage indiquent que les membres du personnel régional ne sont pas toujours au courant des pratiques exemplaires de leurs pairs dans les autres régions ou des défis auxquels ils sont confrontés, et qu'ils gagneraient à mieux connaître comment se déroulent les activités dans l'ensemble du pays. Les personnes interrogées dans les régions ont indiqué que des rencontres ou des conférences nationales où les représentants régionaux pourraient discuter et partager des renseignements, notamment sur les défis et les pratiques exemplaires, seraient utiles. Il a été déterminé que les responsables du Programme à l'AC, à titre d'autorité fonctionnelle, sont les mieux placés pour coordonner ce type de mobilisation nationale.

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