SC 2018 ER
Certains caissons sans soudure en acier
Énoncé des motifs
Ottawa, le 6 juillet 2018
D’une décision rendue dans le réexamen relatif à l’expiration au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation et concernant certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine.
Décision
Le 21 juin 2018 conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration de l’ordonnance rendue le 11 mars 2013 par le Tribunal canadien du commerce extérieur au terme du réexamen relatif à l’expiration RR-2012-002 et prorogeant ses conclusions du 10 mars 2008 dans l’affaire NQ-2007-001 :
- causerait vraisemblalement la poursuite ou la reprise du dumping de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine; et
- causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine.
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Résumé
[1] Le 19 janvier 2018, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI) a ouvert un examen relatif à l’expiration prochaine de l’ordonnance RR-2012-002, rendue le 11 mars 2013 au terme d’un autre réexamen relatif à l’expiration et prorogeant ses conclusions du 10 mars 2008 (NQ-2007-001) sur le dumping et le subventionnement de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de la Chine.
[2] En réponse à l’avis du TCCE concernant le réexamen relatif à l’expiration, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert le 22 janvier 2018 une enquête en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI pour déterminer si l’expiration des conclusions risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises en cause sous-évaluées ou subventionnées.
[3] Deux entreprises ont répondu au questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) adressé aux producteurs canadiens : il s’agit d’Evraz Inc. NA Canada (EvrazNote de bas de page 1) et de Tenaris Canada (TenarisNote de bas de page 2), aussi appelés collectivement « les producteurs canadiens » dans le présent énoncé de motifs. Dans leurs réponses au QRE, les producteurs canadiens expriment le point de vue que les importations de marchandises en cause sous-évaluées et subventionnées risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée.
[4] Au QRE pour exportateurs ont répondu pour leur part Exceed Oilfield Equipment Inc. (ExceedNote de bas de page 3) et Shandong Molong Petroleum Machinery Co., Ltd. (Shandong MolongNote de bas de page 4), mais sans s’exprimer sur la vraisemblance d’une poursuite ou d’une reprise du dumping et/ou du subventionnement.
[5] Enfin, au QRE adressé aux importateurs, l’ASFC a reçu des réponses de Vallourec Canada Inc. (VallourecNote de bas de page 5) et de Cantak Corporation (CantakNote de bas de page 6). Dans sa réponse, Vallourec affirme que la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en cause serait probable advenant l’annulation de l’ordonnance du TCCE.
[6] Le gouvernement de Chine n’a pas répondu à son QRE, et il n’a pas soumis de mémoire ni de contre-exposé.
[7] En sus de leurs réponses au QRE, Evraz et Tenaris ont aussi fourni des renseignements supplémentaires avant la fermeture du dossierNote de bas de page 7Note de bas de page 8. L’ASFC a reçu des mémoires de deux producteurs canadiens (EvrazNote de bas de page 9 et TenarisNote de bas de page 10) et d’un importateur (VallourecNote de bas de page 11); ces mémoires contiennent des renseignements à l’appui de leur position comme quoi la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement seront probables si l’ordonnance du TCCE est annulée.
[8] Aucune des parties intéressées n’a soumis de contre-exposé.
[9] De l’analyse de l’information au dossier administratif concernant la surcapacité de production des producteurs/exportateurs chinois de fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP); leur forte dépendance à l’exportation; leur incapacité de vendre des caissons sans soudure au Canada sans faire de dumping; l’intérêt soutenu des exportateurs chinois pour le marché canadien; les récentes mesures tarifaires des États-Unis sur les importations d’acier; et les mesures antidumping en vigueur au Canada comme ailleurs à l’encontre des produits tubulaires en acier provenant de Chine; il ressort une forte probabilité que continuera ou reprendra le dumping au Canada de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine si l’ordonnance du TCCE est annulée.
[10] En outre, de l’analyse de l’information au dossier administratif concernant la disponibilité de programmes de subvention pour les exportateurs chinois de FTPP et les mesures compensatoires en vigueur au Canada comme ailleurs à l’encontre des produits tubulaires de Chine, il ressort une forte probabilité que continuera ou reprendra l’importation au Canada de certains caissons sans soudure subventionnés originaires ou exportés de Chine si l’ordonnance du TCCE est annulée.
[11] C’est pourquoi le 21 juin 2018, après étude du dossier et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a jugé que l'expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement :
- la poursuite ou la reprise du dumping de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine; et
- la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine.
Contexte
[12] Le 13 août 2007, suite à une plainte déposée par Tenaris Algoma Tubes de Calgary (Alberta), l'ASFC a ouvert conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI des enquêtes visant le dumping et le subventionnement présumés de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine.
[13] Le 7 février 2008, l’ASFC a rendu des décisions définitives de dumping et le subventionnement à l’égard des marchandises en causeNote de bas de page 12. Puis le 10 mars 2008 de la même année, le TCCE rendait des conclusions de menace de dommageNote de bas de page 13.
[14] Le 7 novembre 2011, l’ASFC a conclu un réexamen du montant de subvention des caissons sans soudure et des FTPP originaires ou exportés de Chine.
[15] Le 27 juin 2012, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration prochaine de ses conclusions. Puis le 25 octobre 2012 de la même année, l’ASFC conformément à l’alinéa 76.03(7)(a) de la LMSI a jugé que vraisemblablement l’expiration des conclusions ferait reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises en cause sous-évaluées et subventionnéesNote de bas de page 14. Le 11 mars 2013 enfin, le TCCE a pris une ordonnance prorogeant ses conclusionsNote de bas de page 15.
[16] Le 14 décembre 2015, l’ASFC a conclu un réexamen des valeurs normales, prix à l’exportation et montants de subvention des caissons sans soudure, FTPP et joints de tubes courts originaires ou exportés de Chine.
[17] Le 20 novembre 2017, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a publié un avis concernant l’expiration prochaine (10 mars 2018) de son ordonnance. L’information reçue pendant le processus d’expiration l’a convaincu de procéder à un réexamen; c’est pourquoi le 19 janvier 2018, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expirationNote de bas de page 16.
[18] Enfin le 22 janvier 2018, l’ASFC a ouvert l’enquête qui nous intéresse pour déterminer si l’expiration de l'ordonnance risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation au Canada de marchandises en cause sous-évaluées ou subventionnées.
Définition des produits
[19] Les marchandises assujetties à l’ordonnance visée par le réexamen sont définies comme suit :
Caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz, aux extrémités lisses, biseautées, filetées ou couplées et manchonnées, traités thermiquement ou non, qui répondent à la norme 5CT de l’American Petroleum Institute API, avec un diamètre extérieur n’excédant pas 11,75 pouces (298,5 mm), de toutes les nuances, y compris les nuances brevetées, originaires ou exportés de la République populaire de Chine.
Précisions
[20] Les caissons sans soudure en acier font partie d’une catégorie de produits communément appelée « fournitures tubulaires pour puits de pétrole » (FTPP), laquelle comprend les tiges de forage, les caissons et les tubages. Les FTPP sont utilisées dans le forage des puits de pétrole et de gaz, et servent ensuite à acheminer le pétrole ou le gaz jusqu’à la surface. Les caissons servent à empêcher l'effondrement des parois du puits, pendant comme après le forage.
[21] Les caissons doivent être capables de résister à la pression extérieure ainsi qu’aux pressions de rupture à l’intérieur même du puits. Leurs joints doivent aussi être suffisamment résistants pour supporter leur propre poids et doivent être munis de filetages suffisamment serrés pour résister à la pression du puits lorsque les longueurs sont emboîtées. Divers facteurs limitent la profondeur globale du puits non tubé qui peut être foré à un moment donné, et il est parfois nécessaire de poser plus d’un train de caissons concentriques dans certaines parties du puits.
Fabrication
[22] Les caissons peuvent être fabriqués selon deux procédés : sans soudure ou bien à soudage par résistance électrique (ERW). Toutefois, seuls les caissons sans soudure font l’objet du réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse.
[23] Pour fabriquer des caissons sans soudure, on commence par couper en billettes des barres d’acier de la composition chimique convenant à la nuance de tubes voulue; les billettes sont percées sous pression, ce qui forme une cavité centrale. La coquille est ensuite laminée sur un mandrin de fixation et réduite dans un laminoir réducteur par élongation jusqu’aux dimensions voulues, avant d’être refroidie dans un refroidisseur à balancier. Puis, elle est inspectée et coupée à longueur. Les caissons haute résistance nécessitent un traitement thermique (normalisation) pour s’accorder avec les spécifications de l’American Petroleum Institute (API). Le biseautage et le filetage aux deux extrémités viennent compléter le caisson.
[24] Les caissons ERW peuvent se fabriquer selon deux procédés. L'un d'eux consiste à fendre une feuille d’acier laminé à chaud en forme de bobine dans l’épaisseur désirée (tôle à tube) à la largeur nécessaire pour produire le diamètre voulu. La tôle à tube passe ensuite par une série de galets formeurs ERW qui la courbent pour lui donner une forme tubulaire. Lorsque les extrémités de la tôle à tube se rapprochent avec la pression des derniers galets formeurs, un courant électrique est envoyé entre celles-ci. La résistance au courant chauffe les extrémités de la tôle à tube à la température de soudage, et la soudure s’effectue lorsque les deux extrémités sont réunies par pression.
[25] Les caissons ERW sont aussi fabriqués au moyen de la méthode de réduction par élongation. Des bandes en acier laminées à chaud, refendues à la largeur requise, sont obtenues auprès d'un transformateur d'acier. Les bandes sont déroulées et soudées bout à bout (c'est-à-dire que l'extrémité avant d'une bobine est soudée à l'extrémité arrière de la dernière bobine), puis passent dans une série de rouleaux de formage qui leur donnent une forme cylindrique (tubulaire). Les rebords des bandes sont chauffés par résistance électrique, puis soudés l'un à l'autre sous la pression des rouleaux de soudage latéral. Cette combinaison de chaleur et de pression fait en sorte que l'acier forme une liaison métallurgique, soit une soudure. L'acier excédentaire en fusion (la coulure) découlant du procédé de soudage est enlevé de la soudure externe et interne du tube. Le tube est ensuite chauffé à une température de quelque 1 850 °F, puis passe par une série de laminoirs étireurs-réducteurs jusqu'à l'obtention du diamètre extérieur et de l'épaisseur de paroi voulus.
[26] Les caissons ERW ainsi produits sont coupés à longueur et, dans le cas des caissons ERW à haute résistance, traités thermiquement pour répondre aux spécifications de l'API. Les caissons ERW peuvent présenter des extrémités variées, y compris des extrémités lisses ou filetées. Les caissons finis sont inspectés une dernière fois pour vérifier leurs dimensions, l'épaisseur de leur paroi, leur concentricité, leur rectitude et la qualité de leur surface. Avant l'expédition, un manchon et un protecteur de manchon peuvent être installés à une extrémité du caisson, l'autre extrémité pouvant être munie d'un protecteur de filetage.
Classement des importations
[27] Les marchandises en cause se classent habituellement sous les numéros de classement tarifaires suivants :
- 7304.29.00.11
- 7304.29.00.19
- 7304.29.00.21
- 7304.29.00.29
[28] Les numéros de classement tarifaire ci-dessus sont fournis à titre purement informatif; seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.
Période visée par le réexamen
[29] La période visée par le réexamen (PVR) de l’ASFC va du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2017.
Branche de production nationale
[30] Dans son enquête initiale (NQ-2007-001) et dans le réexamen relatif à l’expiration qui s’en est suivi (RR-2012-002), le TCCE a conclu que les caissons ERW étaient des « marchandises similaires » à ceux sans soudure, et que les uns et les autres formaient une seule et même catégorie de marchandises – bref, que les producteurs de caissons ERW faisaient partie de la « branche de production nationale ».
[31] La branche de production nationale pour les caissons ERW et sans soudure est composée de trois entreprises : Evraz, Tenaris, et Welded Tube of Canada (Welded Tube).
[32] Evraz produit des caissons ERW dans les villes de Calgary, Red Deer et Camrose en Alberta. Il fabrique aussi d’autres produits tubulaires y compris du tubage, des tubes de canalisation, des tiges de forage, et des tubes-sources pour manchons.
[33] Pour leur part, Tenaris Canada et ses sociétés affiliées dont Algoma Tubes Inc., Prudential Steel ULC, Tenaris Globe Service (Canada) Inc. et Hydril Canadian Company LP (collectivement « Tenaris ») font la production et la vente de fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP) sans soudure comme ERW. Algoma Tubes Inc. est le seul producteur canadien de caissons sans soudure. Quant à Tenaris Globe Service (Canada) Inc., il s’agit d’un distributeur de caissons sans soudure nationaux et importés.
[34] Enfin Welded Tube, de Concord en Ontario, produit des caissons ERW dont les diamètres extérieurs vont de 4,5 à 9,625 po. Il a des usines de filetage et de traitement thermique à Welland et à Port Colborne dans la même provinceNote de bas de page 17. Cela dit, Welded Tube n’a pas participé au réexamen relatif à l’expiration.
Marché canadien
[35] Pour des raisons de confidentialité, la production nationale et le marché canadien apparent des caissons sans soudure ne peuvent être révélés; en effet, la valeur et le volume totaux de la production canadienne dans la période visée par le réexamen (PVR) tiennent entièrement aux données confidentielles soumises par l’unique producteur canadien (Tenaris). Les importations en provenance de la Chine et de tous les autres pays sont exposées dans les tableaux 1 et 2 ci-dessous.
Provenance | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 janv.-oct. |
---|---|---|---|---|
Chine | 69 392 889 | 37 271 637 | 19 117 646 | 60 856 639 |
Tous les autres pays | 476 559 473 | 273 109 746 | 176 892 140 | 330 651 083 |
Total des importations | 545 952 362 | 310 381 383 | 196 009 786 | 391 507 722 |
Provenance | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 janv.-oct. |
---|---|---|---|---|
Chine | 37 967 | 17 452 | 12 834 | 33 442 |
Tous les autres pays | 213 510 | 119 394 | 93 105 | 160 780 |
Total des importations | 251 477 | 136 846 | 105 939 | 194 222 |
Production canadienne
[36] Que ce soit en termes absolus ou relatifs (c.-à-d. en pourcentage du marché canadien apparent), la production canadienne a décliné dans toute la PVR, avant de montrer quelques signes de reprise dans les 10 premiers mois de 2017. De même en termes absolus le marché canadien apparent a décliné de 2014 à 2016, avant de reprendre dans les 10 premiers mois de 2017. C’est la production canadienne qui a le plus décliné dans la PVR.
Importations
[1] Comme on l’a vu dans les tableaux 1 et 2, les importations de marchandises en cause ont décliné de 2014 à 2016, mais repris dans les 10 premiers mois de 2017. Dans ces 10 mois, elles ont même dépassé la somme de toutes celles faites en 2015 et 2016. Les données montrent aussi que les importations de caissons sans soudure de tous les autres pays ont décliné de 2014 à 2016 mais repris dans les 10 premiers mois de 2017.
Perception des droits
[38] Comme on le voit dans le tableau 3 ci-dessous, les droits antidumping et compensateurs perçus sur les importations de marchandises en cause dans la PVR dépassent les 35,4 M$.
Pays exportateur | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 janv.-oct. |
---|---|---|---|---|
Chine | 16 252 721 | 1 682 326 | 13 807 425 | 3 660 859 |
Parties aux procédures
[39] Le 22 janvier 2018, les producteurs canadiens, ainsi que les importateurs et exportateurs potentiels de caissons sans soudure et le gouvernement de Chine, ont reçu avis de l’ouverture par l’ASFC d’une enquête pour réexamen relatif à l’expiration. Ils ont aussi reçu un QRE.
[40] Le QRE demandait des renseignements nécessaires à la prise en compte, par l'ASFC, des facteurs de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).
[41] Deux producteurs canadiens, Evraz et Tenaris, ont participé à l’enquête et répondu à leur QRE. Deux importateurs (Vallourec et Cantak) et deux exportateurs (Shandong Molong de la Chine et Exceed des États-Unis [Texas]) ont fait de mêmeNote de bas de page 21.
[42] L’ASFC a reçu des mémoires soumis par les avocats d’Evraz, Tenaris et Vallourec. Elle n’a cependant reçu aucun contre-exposé.
[43] Le gouvernement de Chine n’a pas répondu à son QRE, et il n’a pas présenté de mémoire ni de contre-exposé.
Information que l’ASFC a prise en compte
Dossier administratif
[44] Les renseignements que l’ASFC a considérés pour le réexamen relatif à l'expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier comprend les renseignements figurant dans la liste des pièces justificatives, laquelle comprend le dossier administratif du TCCE au moment de l’ouverture du réexamen relatif à l’expiration, les pièces justificatives de l’ASFC et les renseignements présentés par les parties intéressées, y compris les renseignements qu’elles estiment pertinents pour décider si le dumping et le subventionnement se poursuivront ou reprendront vraisemblablement en l’absence de l'ordonnance du TCCE. Ces renseignements peuvent être des rapports d'analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités au Canada ou dans un autre pays, des documents d'organisations internationales du commerce, telle l'Organisation mondiale du commerce, ou encore des réponses au QRE présentées par les producteurs au Canada, les exportateurs et les importateurs.
[45] Dans tout réexamen relatif à l'expiration, l'ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut plus être versé au dossier administratif; ici, c’était le 26 mars 2018. Il s’agit en effet que les participants aient le temps de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après ce qui se trouve au dossier en date de sa clôture.
Questions de procédure
[46] L’information versée au dossier pour l’enquête n’a posé aucun problème de procédure.
Position des parties – dumping
Parties selon qui le dumping risque fort de reprendre ou de se poursuivre
[47] Dans leur mémoire comme dans leurs réponses aux QRE, les producteurs canadiens (Evraz et Tenaris) et l’importateur (Vallourec) développent leur position comme quoi le dumping de certains caissons sans soudure de la Chine risque fort de reprendre ou de se poursuivre si jamais l’ordonnance du TCCE expire. Par conséquent, ils soutiennent que les mesures antidumping devraient rester en place. [48] Les principaux facteurs relevés par les producteurs et l'importateur au Canada peuvent se résumer comme il suit :
- Les exportateurs chinois ne réussissent pas à vendre des caissons sans soudure au Canada sans faire de dumping.
- Les produits tubulaires d’acier provenant de Chine sont visés par des mesures antidumping au Canada comme ailleurs.
- En matière de FTPP, la Chine souffre d’une surcapacité de production.
- En Chine, la demande de FTPP est faible.
- Les producteurs chinois de FTPP misent sur l’exportation.
- Les mesures tarifaires récentes des États-Unis ne sont pas sans conséquences pour les importations d’acier.
Les exportateurs chinois ne réussissent pas à vendre des caissons sans soudure au Canada sans faire de dumping
[49] Les producteurs canadiens notent que plus de 35 M$ ont été perçus en droits LMSI sur les importations de marchandises en cause dans la PVR. Evraz ajoute que les importations de marchandises en cause ont chuté dans la PVR comparativement à la période de l’enquête initiale et du premier réexamen relatif à l’expiration (2012), mais que les droits LMSI ont presque doublé comparativement à la PVR de ce premier réexamen; ce qui, pour lui, montre clairement que les exportateurs chinois de caissons sans soudure ne peuvent faire concurrence sur le marché canadien sans augmenter leur dumpingNote de bas de page 22.
Les produits tubulaires d’acier provenant de Chine sont visés par des mesures antidumping au Canada comme ailleurs
[50] Evraz comme Tenaris donnent une liste des mesures antidumping, à l’encontre des FTPP et autres produits tubulaires en acier provenant de Chine, qui sont en vigueur dans d’autres pays : l’Argentine, l’Arménie, le Brésil, la Colombie, l’Union européenne (UE), l’Inde, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Mexique, la Russie, l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Ukraine et les États-UnisNote de bas de page 23Note de bas de page 24. Vallourec note aussi dans son mémoire que des mesures antidumping sont en vigueur dans l’UE, au Mexique, au Brésil et en Inde contre les tubes standard, tubes de canalisation et autres tubes de la ChineNote de bas de page 25. Les listes de mesures antidumping en vigueur contre les FTPP et les produits tubulaires en acier de la Chine sont désignées comme une preuve que les exportateurs chinois ont tendance à faire du dumping un peu partout dans le monde.
[51] Tenaris fait remarquer que l’Inde, la Turquie et l’Arabie saoudite étaient trois destinations majeures pour les tubes chinois sans soudure exportés en 2016 alors même qu’ils imposent tous des mesures antidumping à l’encontre de ces mêmes produits depuis cette année-là. Tenaris ajoute que le secrétariat technique du Conseil de coopération du Golfe a ouvert une enquête en dumping sur les tubes sans soudure de la Chine en avril 2017. Le conseil inclut le Koweït, les Émirats arabes unis, Oman et l’Arabie saoudite, quatre pays qui représentent 22 % des exportations de tubes sans soudure de la ChineNote de bas de page 26.
[52] Les deux producteurs canadiens donnent des exemples, non seulement de droits antidumping imposés ailleurs, mais encore de conclusions de dumping en vigueur au Canada sur d’autres produits tubulaires de la Chine, dans les affaires FTPP, Joints de tubes courts, Tubes de canalisation et Gros tubes de canalisation. Ils présentent ces nombreuses conclusions de dumping comme autant de preuves supplémentaires que le dumping de caissons sans soudure en provenance de la Chine risque fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE expireNote de bas de page 27.
En matière de FTPP, la Chine souffre d’une surcapacité de production
[53] Les producteurs canadiens affirment que l’importante surcapacité de production sidérurgique représente en Chine un problème grave de longue date, et que les producteurs de ce pays vont continuer de se fier lourdement à l’exportation pour maintenir leur productionNote de bas de page 28.
[54] Evraz constate que l’ASFC, dans ses dernières enquêtes pour réexamens relatifs à l’expiration, a souvent conclu à une forte surcapacité chez les producteurs chinois de produits tubulaires en acier. Il cite par exemple Joint de tubes courts (2016) où l’ASFC avait écrit que la Chine, déjà plus gros exportateur de FTPP au monde depuis de nombreuses années, n’était pas près de perdre ce titre étant donné les graves problèmes de surcapacité de ses producteurs, conjugués aux compressions de dépenses des plus gros producteurs de gaz et de pétrole. Il cite également le rapport de réexamen relatif à l’expiration dans Tubes pour pilotis (2017) : « Le problème de la surcapacité d’acier a aussi été développé dans plusieurs procédures récentes de l’ASFC concernant des produits d’acier en provenance de Chine (composants usinés industriels en acier, gros tubes de canalisation [Chine et Japon], gros tubes de canalisation [Corée], joints de tubes courts, etc.), et dans les documents que contient le dossier administratif de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Le tout confirme que cette énorme surcapacité ne date pas d’hier, et qu’elle va continuer à moins que l’industrie sidérurgique chinoise se réorganise de fond en combleNote de bas de page 29. »
[55] Tenaris s’intéresse aussi au nombre d’usines agréées en Chine capables de produire des FTPP sans soudure selon la spécification API 5CT : de 42 qu’elles étaient en 2014 (réexamen relatif à l’expiration dans FTPP), elles sont passées à 69. Il note qu’actuellement 281 producteurs chinois sont agréés pour fabriquer, transformer ou fileter des FTPP API 5CT, ce qui selon lui signifie que le nombre de producteurs potentiels a augmenté de presque deux tiers malgré le fait que la demande faiblisse en Chine comme ailleurs dans le mondeNote de bas de page 30.
[56] Les producteurs du Canada notent que ceux de la Chine ont pour les FTPP sans soudure une capacité annuelle de 7 mégatonnes (Mt) d’après Metal Bulletin Research (MBR). Or il affirme que la capacité rapportée dans MBR pour Tianjin Pipe Corporation (TPCO) est sous-estimée; elle ne s’élève qu’à 1,35 Mt, tandis que le propre site Web de TPCO parle plutôt de 4,45 Mt. Cette correction porte la capacité chinoise totale (toujours pour les FTPP sans soudure) près de 10 Mt par annéeNote de bas de page 31.
[57] Les producteurs canadiens écrivent que la production chinoise annuelle de FTPP sans soudure a varié entre 3,5 et 4,0 Mt de 2015 à 2017; plus précisément, Tenaris l’établit à 3,5 Mt en 2016. Les producteurs canadiens font valoir que les producteurs de ces marchandises ont entre 6 et 6,5 Mt de surcapacité. Le Canada, rappellent-ils, est le quatrième marché en importance au monde pour le pétrole et le gaz, et même alors la demande de FTPP ERW et sans soudure dans les meilleures années n’est que de 1,0 à 1,1 Mt. Ils en déduisent que la surcapacité qui nous intéresse, surtout compte tenu de la taille relative du marché canadien, pourrait suffire à inonder celui-ci advenant que l’ordonnance du TCCE expireNote de bas de page 32.
[58] Vallourec, l’importateur, écrit dans son mémoire que la capacité de production annuelle des producteurs chinois de tubes sans soudure va de 42 à 43 MtNote de bas de page 33 d’après deux enquêtes pour réexamen relatif à l’expiration effectuées respectivement par l’UE et les États-UnisNote de bas de page 34. Tenaris donne des exemples montrant que la machinerie capable de produire des tubes sans soudure peut être adaptée pour la production de FTPP par le simple ajout de dispositifs de filetage et de traitement thermique; il fait valoir que la surcapacité en Chine pour les tubes sans soudure entraînerait rapidement une conversion massive si l’ordonnance du TCCE expiraitNote de bas de page 35.
En Chine, la demande de FTPP est faible
[59] Evraz fait valoir que la demande de caissons sans soudure est liée directement à la conjoncture sur le marché du pétrole et du gaz. Le cours du pétrole s’est effondré, chutant de 100 à 50 $US le baril à la fin de 2014, pour toucher le fond à 30 $US en 2016 avant d’enfin se stabiliser dans la fourchette de 50 à 60 $US. Cette mauvaise passe a coïncidé avec une raréfaction spectaculaire des forages dans le monde entier, qui à son tour a immédiatement réduit la demande mondiale de FTPP. Les producteurs canadiens font remarquer que ce ralentissement dans l’industrie du pétrole et du gaz n’a pas été sans toucher le marché chinois des FTPPNote de bas de page 36.
[60] Les producteurs canadiens font valoir qu’en Chine la consommation intérieure de caissons sans soudure a décliné de 2013 à 2016; Tenaris pour les FTPP sans soudure parle d’un déclin de 3,9 (2011) à 2,3 Mt (2016) puis d’une remontée à 3,1 Mt (2017), la demande n’étant pas près selon lui de retrouver les niveaux de 2011 et 2012Note de bas de page 37.
[61] D’après Tenaris, la China National Petroleum Corporation (CNPC) et la China Petroleum & Chemical Corporation (Sinopec), qui sont les deux plus importantes pétrolières de la Chine, auraient annoncé leur intention de réduire les dépenses d’investissement en 2014, pour le maintenir à un bas niveau durant plusieurs années. La CNPC aurait réduit sa consommation de FTPP de 600 000 t en 2015Note de bas de page 38.
[62] Les producteurs canadiens écrivent encore qu’au T1 de 2017 l’économie chinoise montrait des signes de ralentissement général, avec des conséquences particulières pour la demande nationale d’acier. Un rapport de l’OCDE dite encore que l’utilisation d’acier dans ce pays en 2018 va décliner de 2 % par rapport à 2017; quant à la demande de FTPP en particulier, MBR prévoit des gains modestes en 2019 par rapport aux niveaux de 2018, puis une contraction en 2020Note de bas de page 39.
Les producteurs chinois de FTPP misent sur l’exportation
[63] Tenaris fait valoir que la faible demande intérieure de la Chine, conjuguée à son importante surcapacité pour les FTPP, pousse les producteurs dans ce pays à se montrer offensifs dans leur quête de marchés à l’exportation. Il cite par ailleurs l’exposé de motifs du TCCE pour son réexamen relatif à l’expiration dans Caissons sans soudure (2012) : « si les conclusions sont annulées, le volume des importations des marchandises en question donnera lieu à une concurrence intense, à des prix plus bas, puisque le Canada est le quatrième marché de FTPP au monde, ce qui en fait un marché stratégique pour la ChineNote de bas de page 40. »
[64] Les producteurs canadiens notent que les exportations chinoises de FTPP ERW et sans soudure ont explosé en 2014 mais que, depuis la chute du cours du pétrole à la fin de cette même année, la demande intérieure comme les volumes d’exportation de ce pays ont baissé aussiNote de bas de page 41. MBR prévoit que les exportations chinoises de FTPP vont tomber encore en 2018, avant de connaître une légère augmentation en 2019Note de bas de page 42.
[65] Tenaris écrit dans son mémoire que les producteurs de FTPP affichent un intérêt soutenu pour le marché canadien, en ouvrant des bureaux de ventes au Canada et en participant aux réexamens de l’ASFC en dumping et subventionnementNote de bas de page 43.
Les mesures tarifaires récentes des États-Unis ne sont pas sans conséquences pour les importations d’acier
[66] Tenaris comme Vallourec font valoir que la récente proclamation des États-Unis imposant un tarif de 25 % sur les importations d’acier en provenance de la Chine (entre autres pays) fera converger vers le Canada des exportations chinoises qui autrement seraient allées ailleursNote de bas de page 44.
[67] Tenaris note que près de 60 000 t de FTPP chinoises ont été importées aux États-Unis en 2017, cela quoi s’ajoutent des centaines de milliers de tonnes de FTPP rien qu’en provenance de l’Asie. Or à présent, le tarif nouvellement imposé signifie que ces 60 000 t vont être réaffectées ailleurs qu’aux États-Unis. Tenaris croit que si l’ordonnance du TCCE expire il va de soi que les volumes seront déplacés vers le Canada vu l’importance du marché canadienNote de bas de page 45.
Parties selon qui le dumping ne risque pas de reprendre ni de se poursuivre
[68] Aucune partie n’a fait valoir que la poursuite ou la reprise du dumping serait invraisemblable advenant l’expiration des conclusions.
Considération et analyse – dumping
[69] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si selon toute probabilité l’expiration d'une ordonnance entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.
[70] Avant de présenter une analyse propre au pays, nous devons aborder certaines questions générales concernant les marchandises en cause, en particulier ce qui suit :
- Fongibilité des FTPP
- Forte intensité capitalistique de la production d’acier
- Développements et tendances sur le marché de l’acier
- Développements relatifs aux FTPP
Fongibilité des FTPP
[71] Le nombre considérable de mesures antidumping mettant en cause des produits d’acier, tant au Canada que dans plusieurs autres pays, peut s’expliquer en grande partie par la nature même du produit et de l’industrie.
[72] Entre autres facteurs propres à la nature du produit, toutes les FTPP fabriquées selon la spécification API 5CT sont interchangeables, et la production sidérurgique est une industrie à forte intensité capitalistique. Réunis, ces deux facteurs peuvent influencer fortement les prix.
[73] On peut dire en général que les caissons sans soudure conformes à la spécification API 5CT ou bien à une norme exclusive équivalente par un producteur d’un pays donné sont physiquement interchangeables avec ceux conformes à la même spécification et fabriqués n’importe où ailleurs; ils se trouvent donc en concurrence directe peu importe leur origine, partageant les mêmes circuits de distribution et les mêmes clients éventuels. Cette caractéristique implique une concurrence extrêmement sensible aux prix, le prix étant un des principaux facteurs qui décidera ou non le client à acheter; elle signifie également que les prix sur un marché donné peuvent tendre à converger au fil du temps vers les plus bas prix offerts.
[74] Les FTPP sont des produits de base et fongibles de surcroît. Il s’ensuit que, aussitôt que des mesures antidumping sont prises contre un pays donné, d’autres pays exportateurs se manifestent. Ce phénomène est évident quand on constate le nombre de mesures prises au Canada contre les FTPP, qu’elles soient toujours en vigueur ou non.
Forte intensité capitalistique de la production d’acier
[75] Une seconde caractéristique des caissons sans soudure, comme c’est le cas dans l’ensemble de la production d’acier, est la forte intensité capitalistique. Les aciéries sont des entreprises capitalistiques à frais fixes élevés. Pour recouvrer les frais fixes, elles doivent fonctionner à un taux élevé de leur capacité de production. Lorsque la demande sur le marché national baisse, les producteurs tentent de percer sur des marchés étrangers pour maintenir le taux d’utilisation de leur capacité et recouvrer leurs frais fixes.
[76] On parle souvent de la « rentabilité de la production d’acier ». Cette caractéristique est particulièrement importante si la capacité est trop grande, car un producteur pourra décider qu’il est plus pratique de vendre la surproduction sur des marchés étrangers à des prix réduits que de diminuer la production, pourvu que les coûts variables soient recouvrés.
Développements et tendances sur le marché de l’acier
[77] Après un bond de 15,6 % en 2010, la production sidérurgique mondiale a commencé à ralentirNote de bas de page 46. D’après la World Steel Association, la production mondiale d’acier brut a atteint un pic en 2014 à 1 670 Mtm, puis baissé légèrement à 1 620 et 1 630 Mtm en 2015 et 2016 respectivement. Entre 2009 et 2014, 431 Mtm se sont ajoutées à la production mondiale, une augmentation de 34,7 %; cela dit, les données de production pour les six premiers mois de 2017 indiquent que la production mondiale d’acier brut a commencé à se remettre, progressant de 4,3 % comparativement à la même période en 2016. Cette hausse laisse croire que l’industrie sidérurgique mondiale est en voie de se rétablirNote de bas de page 47.
[78] Quant à la Chine, sa capacité de production d’acier brut a atteint les 1 126,9 Mtm en 2015 et baissé légèrement à 1 073,3 Mtm en 2016Note de bas de page 48. Elle arrive en tête des pays producteurs d’acier, assurant à elle seule presque la moitié de la production mondiale. Sa production réelle s’est élevée à 803,8 Mtm en 2015 et 808,4 Mtm en 2016Note de bas de page 49; elle est aussi le premier exportateur mondial d’acier, peu importe que l’on considère ses exportations totales ou ses exportations nettes; en 2016, la Chine a exporté un total de 108,1 Mtm d’acierNote de bas de page 50.
[79] En 2016, la capacité mondiale de production d’acier brut a atteint les 2 400 Mtm, soit 127 % plus qu’en 2000. Cette augmentation s’est faite graduellement et de façon stable, tandis que la demande mondiale d’acier a brusquement diminué après la crise financière de 2008. Mondialement, l’écart entre la capacité et la demande a dépassé en 2015 le cap des 700 Mtm; alors la surcapacité rien qu’en Chine était estimée à plus de 300 MtmNote de bas de page 51. Caractérisée par une reprise modeste, la demande mondiale d’acier devrait progresser de 1,3 % en 2017 puis de 0,9 % en 2018Note de bas de page 52.
[80] Quant au prix de l’acier, l’indice mondial, à la baisse depuis le deuxième trimestre de 2011, a atteint un creux en décembre 2015 et remonte depuisNote de bas de page 53. Cela dit, les prix de l’acier dans le monde vont rester sous pression vu la surcapacité, la demande anémique et les perspectives économiques peu réjouissantes; ajoutons que les prix sont toujours inférieurs à ceux enregistrés avant la crise financière de 2008Note de bas de page 54.
Développements relatifs aux FTPP
[81] L’industrie du pétrole et du gaz est fortement influencée par les cours mondiaux du pétrole, qui vu la guerre de prix se sont effondrés dans la deuxième moitié de 2014. Le prix West Texas Intermediate (WTI), valeur de référence en cette matière, a atteint 104 $US le baril en juillet 2014, décliné à 47 $US en janvier 2015, et touché le fond à 31 $US en février 2016. Après que les grands pays producteurs de pétrole se sont entendus fin 2016 pour réduire la production, les prix du WTI se sont stabilisés en 2017 dans la fourchette des 50 à 60 $US le barilNote de bas de page 55. Des gains modestes sont encore prévus en 2018, suivis d’un léger déclin en 2019, mais les prix devraient rester dans la fourchette des 50 à 60 $USNote de bas de page 56.
[82] De même, le déclin des cours du pétrole dans la période de 2014 à 2017 a durement frappé les activités de forage au niveau mondial. Le tableau 4 ci-dessous met en évidence la tendance à la baisse observée dans la PVRNote de bas de page 57. Beaucoup moins de puits ont été forés au Canada en 2017 qu’en 2014; l’Association canadienne des producteurs de pétrole s’attend à ce qu’il y en ait 6 800 en 2018, et les prévisions de la Canadian Association of Oilwell Drilling Contractors pour cette même année sont de 6 138. Les deux projections pour les puits à forer en 2018 sont inférieures aux niveaux de 2017, et bien inférieures à la norme industrielle de 10 000Note de bas de page 58.
Année | Nombre de puits forés | Variation en glissement annuel |
---|---|---|
2014 | 11 090 | |
2015 | 5 329 | -52 % |
2016 | 4 056 | -24 % |
2017 | 7 076 | +74 % |
[83] La demande de FTPP est mue par les activités de forage, qui elles-mêmes dépendent des cours du pétrole. MBR place le Canada au quatrième rang des marchés mondiaux pour les FTPP, après les États-Unis, la Chine et la Russie. La demande mondiale de FTPP a décliné, étant passée de 17,6 Mtm en 2014 à 12,0 Mtm en 2015 puis à 11,0 en 2016. Puis, on estime qu’elle est remontée à 12,4 Mtm en 2017, grâce à la stabilisation des cours cette année-là. MBR estime également le marché mondial des FTPP en 2018 à 13,5 Mtm, ce qui est encore 24 % inférieur au niveau de 2014Note de bas de page 59. Le tableau 5 ci-dessous résume la demande mondiale de FTPP dans la période de 2014 à 2018, et les variations en glissement annuel.
Année | Demande (en Mtm) | Variation en glissement annuel |
---|---|---|
2014 | 17,625 | |
2015 | 12,018 | -32 % |
2016 | 11,057 | -8 % |
2017 | 12,392 | +12 % |
2018 (estimation) |
13,559 | +9 % |
[84] Quant au marché canadien des FTPP, MBR rapporte que la consommation canadienne totale a chuté de plus de 50 % dans la période de 2014 à 2015Note de bas de page 60.
[85] Suivant la même tendance que les cours mondiaux du pétrole dans la PVR, les prix du marché au comptant des FTPP tels que rapportés par PipeLogix ont atteint un sommet en octobre-novembre 2014 et touché le fond en septembre 2016, puis se sont stabilisés dans la deuxième moitié de 2017Note de bas de page 61. MBR prévoit une modeste amélioration jusqu’à la fin de 2018Note de bas de page 62.
Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping
[86] Guidée par les facteurs susmentionnés et tenant compte du dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du dumping dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. La liste suivante résume son travail d'analyse :
- Surcapacité de production, et forte dépendance à l’exportation, des producteurs et exportateurs chinois de FTPP
- Incapacité de vendre des caissons sans soudure au Canada sans faire de dumping
- Intérêt soutenu des exportateurs chinois de caissons sans soudure pour le marché canadien
- Récentes mesures tarifaires des États-Unis à l’encontre des importations d’acier, lesquelles risquent d’attirer des FTPP chinoises au Canada
- Mesures antidumping en vigueur au Canada comme ailleurs à l’encontre des produits tubulaires d’acier provenant de Chine, y compris les FTPP et les caissons sans soudure
[87] Nous avons vu que l’ASFC avait reçu à son QRE des réponses de deux producteurs canadiens, Evraz et Tenaris; de deux importateurs, Vallourec et Cantak; et de deux exportateurs, Shandong Molong et Exceed. Les deux producteurs canadiens et l’importateur Vallourec ont également soumis des mémoires.
[88] L’ASFC s’est fiée aux réponses de ces parties, entre autres éléments du dossier administratif, pour son enquête de réexamen relatif à l’expiration.
Surcapacité de production, et forte dépendance à l’exportation, des producteurs et exportateurs chinois de FTPP
[89] Comme nous l’avons vu, la Chine est le premier exportateur mondial d’acier, et elle a produit 808,4 Mtm d’acier brut en 2016. Son industrie sidérurgique se trouve en situation de surcapacité depuis de nombreuses années, et le dossier administratif indique qu’en 2015 cette surcapacité dépassait les 300 MtmNote de bas de page 63.
[90] La question de cette surcapacité a déjà été développée dans plusieurs enquêtes récentes pour réexamens relatifs à l’expiration concernant des produits d’acier de la Chine, notamment Tôles d’acier au carbone laminées à chaudNote de bas de page 64, Tubes pour pilotisNote de bas de page 65, et Joints de tubes courtsNote de bas de page 66. Toute cette information confirme que la Chine vit une crise de surcapacité depuis de nombreuses années, et que ce n’est pas près de changer à moins que son industrie se réorganise de fond en comble.
[91] Quant à la question plus particulière des FTPP sans soudure, MBR établit à 7 Mtm la capacité de production chinoise, et comme les producteurs canadiens l’ont noté, la production réelle en 2016 était de 3,5 MtmNote de bas de page 67; il s’ensuit que les producteurs avaient à peu près l’équivalent en surcapacité, soit de quoi satisfaire plusieurs fois l’ensemble du marché canadien.
[92] Le dossier indique que TPCO, le plus gros producteur chinois de tubes sans soudure et de FTPP, rapportait une capacité totale de 4 Mt en FTPP sans soudure. Pour sa part Hengyang Valin Steel Tube Co., Ltd. (Hengyang Valin), l’un des 10 chefs de file de la Chine pour la production, rapportait pour les tubes sans soudure une capacité de 1,2 MtNote de bas de page 68. TPCO et Hengyang Valin ont participé à l’enquête initiale de l'ASFC comme aux réexamens de 2011 et 2015.
[93] Comme on l’a déjà vu, Shandong Molong a participé au réexamen qui nous intéresse et répondu au QRE. Ayant participé aussi à l’enquête initiale et aux réexamens de 2011 et 2015 il rapporte pour les FTPP sans soudure une capacité de production considérableNote de bas de page 69.
[94] Ensemble, ces trois producteurs chinois ont une capacité de production combinée qui représente plus de 18 fois le marché canadien annualisé des caissons sans soudure pour 2017Note de bas de page 70.
[95] Quant aux exportations, la Chine est aussi le premier exportateur d’acier au monde, ayant exporté 108,1 Mtm en 2016. Le dossier administratif indique que les producteurs chinois de FTPP sans soudure dépendent fortement des marchés à l’exportation.
[96] TPCO indique sur son site Web que ses principaux produits pour l’exportation sont les FTPP sans soudure, les tubes de canalisation, etc.; il rapporte aussi que 582 507 t de tubes sans soudure ont été exportés en 2015. Enfin, Hengyang Valin écrit que ses volumes d’exportation de tubes et tuyaux sans soudure l’ont maintenu en tête des entreprises chinoises pendant une douzaine d’annéesNote de bas de page 71.
[97] Dans sa réponse au QRE, Shandong Molong écrit qu’une grande quantité de caissons sans soudure produits en 2016 ont été exportés, et que davantage devraient l’être en 2018Note de bas de page 72.
[98] Vu la grande surcapacité de production de FTPP sans soudure en Chine et la grande dépendance des exportateurs de ce pays envers les marchés à l’exportation, il serait probable sans l’ordonnance du TCCE que les exportateurs reprennent ou poursuivent leurs exportations de caissons sans soudure au Canada.
Incapacité de vente au Canada sans faire de dumping
[99] Comme on l’a vu dans le tableau 2 et dans la section « Marché canadien » du présent énoncé de motifs, en termes absolus les volumes de marchandises en cause importés de Chine ont reculé de 37 967 tm en 2014 à 12 834 tm en 2016, mais considérablement augmenté (passant à 33 442 tm) dans les 10 premiers mois de 2017. Exprimées en pourcentage des importations totales, les importations de marchandises en cause sont restées relativement stables, représentant 15 % des volumes totaux tous pays confondus dans la PVR.
[100] Le tableau 6 ci-dessous résume les importations de caissons sans soudure provenant de la Chine et des autres pays dans la période de 2014 aux 10 premiers mois de 2017.
Pays | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 (janv.-oct.) | POR |
---|---|---|---|---|---|
Chine | 15 % | 13 % | 12 % | 17 % | 15 % |
Autres pays | 85 % | 87 % | 88 % | 83 % | 85 % |
Total des importations | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % |
[101] Le tableau 7 ci-dessous présente l’analyse, faite par l’ASFC, du prix de vente moyen des caissons sans soudure de la Chine et des autres pays dans la PVR.
Pays | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 (janv.-oct.) |
---|---|---|---|---|
Chine | 1 828 | 2 136 | 1 490 | 1 820 |
Autres pays | 2 232 | 2 287 | 1 900 | 2 057 |
[102] Le tableau ci-dessus prouve que, durant la PVR, le prix de vente moyen des marchandises en cause de la Chine a été inférieur au prix de vente moyen demandé par les exportateurs des autres pays. Plus particulièrement, en 2016, les exportateurs de Chine ont vendu des marchandises en cause au Canada pour à peu près 22 % moins cher que ceux des autres pays.
[103] Comme on l’a déjà vu encore une fois, plus de 35 M$ de droits LMSI ont été perçus sur les importations de marchandises en cause durant la PVR, ce qui prouve que les exportateurs chinois de marchandises en cause n’étaient pas en mesure de faire concurrence sur le marché canadien sans pratiquer le dumping, et donc indique que faute de mesures ils continueraient probablement à exporter au Canada des caissons sans soudure sous-évalués.
Intérêt soutenu des exportateurs chinois de caissons sans soudure pour le marché canadien
[104] Depuis l’entrée en vigueur des conclusions du TCCE en 2008, les exportateurs chinois de caissons sans soudure montrent un intérêt soutenu pour le marché canadien. Le dossier administratif indique que 15 exportateurs de caissons sans soudure et de FTPP avaient participé au réexamen de 2011, trois au réexamen relatif à l’expiration de 2012, et 12 exportateurs au réexamen de 2015. Nous avons vu que Shandong Molong avait participé au réexamen relatif à l’expiration qui fait l’objet de la présente; leur participation soutenue porte à croire que les exportateurs chinois de caissons sans soudure s’intéressent au marché canadien.
[105] Shandong Molong mentionne dans sa réponse au QRE qu’il espère préserver l’ampleur de ses exportations au Canada, puisqu’il s’agit d’un marché d’exportation important avec une coopération à long termeNote de bas de page 75. En outre, comme l’ont dit les producteurs canadiens, l’intérêt soutenu pour le marché canadien est illustré par l’ouverture de bureaux de ventes au CanadaNote de bas de page 76.
Récentes mesures tarifaires des États-Unis à l’encontre des importations d’acier, lesquelles risquent d’attirer des FTPP chinoises au Canada
[106] C’est le 8 mars 2018 que Donald Trump, le président des États-Unis, a signé une proclamation présidentielle pour le rajustement des importations d’acier aux États-Unis en vertu de l’article 232 de la US Trade Expansion Act de 1962. Cette proclamation impose des tarifs de 25 % sur les importations d’acier provenant de la Chine, entre autres pays. Sont visés une vaste gamme de produits, y compris des caissons sans soudure et autres FTPPNote de bas de page 77.
[107] Le dossier administratif révèle que les États-Unis sont le plus gros importateur d’acier au monde. La surcapacité de production sidérurgique de la Chine dépasse la capacité totale des États-UnisNote de bas de page 78, et la Chine exporte plus d’acier que les États-Unis n’en produisentNote de bas de page 79.
[108] Quant au marché américain des FTPP, les importations y sont pour à peu près 50 %Note de bas de page 80. Elles proviennent en grande partie de la Corée du Sud, de la Thaïlande, du Taipei chinois, de la Chine et Japon; ces cinq pays combinés ont exporté un total d’à peu près 1,77 Mtm de FTPP aux États-Unis en 2017, y compris 122 507 tm pour la ChineNote de bas de page 81, quantité qui représente une fraction majeure de la taille du marché canadien total pour les caissons sans soudure en 2017.
[109] Les producteurs canadiens font valoir que les tarifs imposés au titre de la proclamation vont déplacer la plupart des FTPP de production étrangère en dehors des États-Unis, surtout celles provenant de l’AsieNote de bas de page 82. L’importateur Vallourec dit lui aussi que le risque de réaffectation est exacerbé par cette proclamationNote de bas de page 83.
[110] Vu la proximité géographique du Canada et des États-Unis, et l’importance de l’industrie gazière et pétrolière au Canada, l’imposition de tarifs de 25 % sur les importations d’acier aux États-Unis signifie probablement que certaines FTPP de Chine, y compris des caissons sans soudure, vont être réaffectées au Canada.
Mesures antidumping en vigueur au Canada comme ailleurs à l’encontre des produits tubulaires d’acier provenant de Chine, y compris les FTPP et les caissons sans soudure
[111] Actuellement, l’ASFC a six mesures antidumping en vigueur contre des tubes en acier originaires ou exportés de Chine : Tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, Tubes soudés en acier au carbone, Gros tubes de canalisation, FTPP, Tubes en acier pour pilotis, et Joints de tubes courtsNote de bas de page 84.
[112] Outre ces mesures au Canada, le dossier administratif indique qu’il y en a beaucoup d’autres en vigueur ailleurs contre des produits tubulaires en acier de la Chine, y compris les FTPP sans soudure. Le tableau 8 ci-dessous résume ces mesures antidumpingNote de bas de page 85.
Pays | Description | Année de la mesure | |
---|---|---|---|
1 | Argentine | Tubes d’acier des genres utilisés pour les oléoducs et les gazoducs | 2016 |
2 | Arménie | Tuyaux et tubes sans soudure en acier inoxydable écroui à froid | 2015 |
3 | Arménie | FTPP d’acier sans soudure | 2015 |
4 | Brésil | Tubes de canalisation | 2011 |
5 | Brésil | Tubes soudés de section circulaire en acier inoxydable austénitique | 2013 |
6 | Brésil | Tubes de canalisation sans soudure en fer (la fonte étant exclue) ou en acier pour les oléoducs et les gazoducs | 2013 |
7 | Brésil | Tubes d’acier chromé sans soudure | 2014 |
8 | Brésil | Tubes en acier au carbone non allié | 2016 |
9 | Colombie | Tubes et caissons non inoxydables | 2012 |
10 | UE | Tubes et tuyaux soudés en fer ou en acier non allié | 2008 |
11 | UE | Tubes et tuyaux sans soudure en fer ou en acier | 2009 |
12 | UE | Tubes et tuyaux sans soudure en acier inoxydable | 2011 |
13 | UE | Tubes et tuyaux en fer ou en acier (à l’exclusion de la fonte et de l’acier inoxydable) | 2017 |
14 | Inde | Tubes, tuyaux et profilés creux en fer, sans soudure | 2017 |
15 | Kazakhstan | Tuyaux et tubes sans soudure en acier inoxydable écroui à froid | 2013 |
16 | Kazakhstan | FTPP d’acier sans soudure | 2015 |
17 | Kirghizistant | FTPP d’acier sans soudure | 2015 |
18 | Mexique | Tubes en acier sans soudure | 2011 |
19 | Russie | Tuyaux et tubes sans soudure en acier inoxydable écroui à froid | 2013 |
20 | Russie | FTPP d’acier sans soudure | 2015 |
21 | Aarabie saoudite | Tubes et tuyaux d’acier sans soudure des genres utilisés pour les oléoducs, les gazoducs et le forage | 2017 |
22 | Turquie | Tubes, tuyaux et profilés soudés en acier inoxydable | 2013 |
23 | Turquie | Tubes, tuyaux et profilés creux sans soudure, en fer (la fonte étant exclue) ou en acier | 2016 |
24 | Ukraine | Tubes en acier sans soudure | 2014 |
25 | États-Unis | Tubes en acier circulaires soudés de qualité carbone | 2008 |
26 | États-Unis | Tuyaux et tubes rectangulaires à parois minces | 2008 |
27 | États-Unis | Conduites sous pression soudées en acier inoxydable austénitique | 2009 |
28 | États-Unis | Tubes de canalisation circulaires soudés de qualité carbone | 2009 |
29 | États-Unis | Conduites sous pression et tuyaux de canalisation standard en acier allié et au carbone sans soudure | 2010 |
30 | États-Unis | FTPP | 2010 |
[113] Les nombreuses mesures antidumping en vigueur au Canada comme ailleurs contre les produits tubulaires en acier de la Chine prouvent clairement que les exportateurs de ce pays ont tendance à faire le dumping de produits tubulaires en acier au Canada comme sur d’autres marchés d’exportation.
[114] Vu les nombreux antécédents de mesures antidumping et la tendance des exportateurs chinois à faire du dumping de produits tubulaires en acier sur leurs marchés d’exportation, il est fort probable que sans l’ordonnance du TCCE les exportateurs chinois continueraient ou reprendraient leurs exportations de caissons sans soudure au Canada.
Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping
[115] D’après les éléments du dossier administratif selon lesquels les producteurs/exportateurs chinois de FTPP ont une très grande surcapacité de production et dépendent très lourdement des exportations; les exportateurs chinois de caissons sans soudure montrent un intérêt soutenu pour le marché canadien mais n’arrivent pas à y vendre des marchandises en cause sans dumping; les récentes mesures tarifaires des États-Unis contre les importations d’acier vont probablement faire converger au Canada des FTPP qui autrement se seraient retrouvées ailleurs; et les mesures antidumping en vigueur au Canada comme ailleurs prouvent que les exportateurs chinois de FTPP ont tendance à faire du dumping sur leurs marchés d’exportation; l’ASFC juge que l’expiration de l’ordonnance risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du dumping au Canada de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine.
Position des parties – subventionnement
Parties selon qui l’importation de marchandises subventionnées risque fort de reprendre ou de se poursuivre
[116] Les producteurs canadiens (Evraz et Tenaris) et l’importateur (Vallourec) font valoir que l’importation au Canada de caissons sans soudure subventionnés provenant de la Chine risquerait fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE expirait.
[117] Evraz note que, selon l’enquête initiale de l’ASFC, le gouvernement de Chine a conféré à cinq exportateurs de caissons sans soudure un avantage donnant lieu à une action, cela par l’entremise de 10 programmesNote de bas de page 86. Evraz et Vallourec font remarquer que dans le réexamen de 2015 le nombre d’exportateurs de caissons sans soudure ayant touché des subventions donnant lieu à une action avait plus que doublé (passant à 12), tandis que le nombre de programmes était passé à 113 (67 recensés à l’ouverture, plus 46 s’étant ajoutés durant le réexamenNote de bas de page 87).
[118] Evraz écrit que Shandong Molong, l’un des deux exportateurs ayant participé au réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, avait aussi participé à l’enquête initiale et au réexamen de 2015. Evraz ajoute que cette entreprise, d’après ses propres réponses au QRE, a continué de recevoir des subventions durant la PVRNote de bas de page 88.
[119] Evraz affirme que le gouvernement de Chine reste très présent dans le secteur sidérurgique, y compris dans la production de tubes et de tuyaux, et que d’après son 13e plan quinquennal il entend créer une caisse pour récompenser et subventionner les ajustements structuraux des entreprises industriellesNote de bas de page 89.
[120] Tenaris comme Evraz rappellent que dans plusieurs affaires de subventionnement déjà (dont FTPP, Joints de tubes courts, Tubes de canalisation et Gros tubes de canalisation) l’ASFC a conclu que de nombreux producteurs chinois de tubulaires avaient touché des subventions. Ils ajoutent que les États-Unis ont des mesures compensatoires en vigueur contre les produits tubulaires de Chine subventionnés, dont les FTPP et les tubes standard, tubes de canalisation et tubes de type à pression sans soudure en acier au carbone et en acier alliéNote de bas de page 90. Selon eux, les exportateurs chinois de caissons sans soudure qui ont déjà reçu des subventions donnant lieu à une action vont continuer d’en recevoir si l’ordonnance du TCCE expire.
Parties selon qui l'importation de marchandises subventionnées ne risque pas de reprendre ni de se poursuivre
[121] Aucune des parties n’a exprimé le point de vue que les importations de marchandises subventionnées ne risquaient pas de reprendre ni de se poursuivre même si l'ordonnance du TCCE expirait.
Considération et analyse – subventionnement
Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement
[122] Quand elle décide en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si selon toute probabilité l’expiration d'une ordonnance fera reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises subventionnées, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.
[123] Guidée par les facteurs du paragraphe 37.2(1) du RMSI et tenant compte du dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du subventionnement dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Nous allons résumer son travail d’analyse en deux points :
- En Chine, les exportateurs de FTPP disposent toujours de programmes de subvention.
- Des mesures compensatoires sont déjà en vigueur au Canada et aux États-Unis contre les produits tubulaires en acier de la Chine.
En Chine, les exportateurs de FTPP disposent toujours de programmes de subvention
[124] En 2008 dans son enquête initiale en subventionnement, l’ASFC a recensé 31 programmes et conclu que 10 d’entre eux avaient conféré un avantage aux exportateurs coopératifs.
[125] Il a été constaté que la totalité des marchandises exportées de la Chine étaient subventionnées. Le montant de subvention moyen pondéré, exprimé en pourcentage du prix à l’exportation, était égal à 19 %. Les montants de subvention constatés pour les exportateurs ayant coopéré allaient de 160 à 790 renminbis la tonne métrique (RMB/tm). Pour tous les autres exportateurs (non coopératifs), le montant de subvention a été fixé par prescription ministérielle, conformément au paragraphe 30.4(2) de la LMSI; il s’élève à 3 381 RMB/tmNote de bas de page 91.
[126] Pour voir la description détaillée des programmes et une explication de pourquoi ils sont considérés comme des subventions donnant lieu à une action, on consultera l’énoncé des motifs de la décision définitive de l’ASFCNote de bas de page 92.
[127] Dans son réexamen de 2011 sur la question des caissons sans soudure et des FTPP en général, l’ASFC a recensé 59 programmes de subvention donnant peut-être lieu à une actionNote de bas de page 93. Quinze (15) exportateurs, parce qu’ils avaient participé à ce réexamen, se sont vu attribuer de nouveaux montants de subvention particuliers allant de 24,25 à 252,51 RMB/tmNote de bas de page 94.
[128] De même dans son réexamen de 2015 concernant les caissons sans soudure, les FTPP et les joints de tubes courts, l’ASFC a recensé un total de 113 programmes de subvention donnant peut-être lieu à une action. Douze (12) exportateurs, parce qu’ils avaient participé à ce réexamen, se sont vu attribuer de nouveaux montants de subvention particuliers allant de 2,2 à 1 066,56 RMB/tmNote de bas de page 95.
[129] Depuis la décision définitive dans l’enquête initiale et durant toute la PVR, le gouvernement de Chine n’a pas cessé d’offrir des programmes de subvention aux producteurs/exportateurs de caissons sans soudure.
Des mesures compensatoires sont déjà en vigueur au Canada et aux États-Unis contre les produits tubulaires en acier de la Chine
[130] Actuellement, l’ASFC a six mesures compensatoires en vigueur contre des produits tubulaires en acier originaires ou exportés de Chine : FTPP, Joints de tubes courts, Tubes de canalisation, Gros tubes de canalisation, Tubes soudés en acier au carbone, et Tubes pour pilotisNote de bas de page 96.
[131] Le dossier administratif indique que les États-Unis ont également six mesures compensatoires en vigueur contre des produits tubulaires en acier provenant de Chine. Ces produits sont les FTPP, les conduites sous pression soudées en acier inoxydable austénitique, les tubes de canalisation circulaires soudés de qualité carbone, les tubes en acier circulaires soudés de qualité carbone, les tuyaux et tubes rectangulaires à parois minces, et enfin les conduites sous pression et tuyaux de canalisation standard en acier allié et au carbone sans soudureNote de bas de page 97.
[132] L’existence d’une douzaine de mesures compensatoires au Canada et aux États-Unis contre les FTPP et autres produits tubulaires en acier de la Chine indique que le gouvernement de ce pays, non seulement confère un avantage donnant lieu à une action aux producteurs et exportateurs de ces marchandises, mais encore accorde beaucoup d’importance à son industrie des tubes et tuyaux en acier, et la subventionne en conséquence. Le gouvernement de Chine va probablement continuer de subventionner ses producteurs de caissons sans soudure à l’avenir.
Décision sur la probabilité que reprenne ou se poursuive l’importation de marchandises subventionnées
[133] D’après l’information au dossier administratif comme quoi en Chine les exportateurs de FTPP disposent toujours de programmes de subvention, et que des mesures compensatoires sont déjà en vigueur au Canada et aux États-Unis contre les produits tubulaires en acier de la Chine, l’ASFC juge probable que l’expiration de l’ordonnance entraînera la poursuite ou la reprise de l’importation, au Canada, de certains caissons sans soudure subventionnés en provenance de Chine.
Conclusion
[134] Aux fins de décision dans le présent réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI. Ayant considéré les facteurs pertinents et analysez l’information au dossier, elle a décidé le 21 juin 2018 conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI que l’expiration de l’ordonnance rendue par le TCCE le 11 mars 2013 au terme du réexamen relatif à l’expiration RR-2012-002 causerait vraisemblablement : risquait fort d’entraîner la poursuite ou la reprise des deux phénomènes suivants :
- la poursuite ou la reprise du dumping de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine; et
- la poursuite ou la reprise du subventionnement de certains caissons sans soudure originaires ou exportés de Chine.
Mesures à venir
[135] C’est le 22 juin 2018 que le TCCE a commencé son enquête pour déterminer si selon toute vraisemblance l’expiration de son ordonnance causerait un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, le TCCE doit rendre sa propre décision d’ici le 28 novembre 2018.
[136] Si le TCCE décide que l'expiration de son ordonnance causerait vraisemblablement un dommage, il la prorogera, avec ou sans modification. Alors l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées, et des droits compensateurs sur les importations subventionnées, de marchandises en cause.
[137] Si au contraire le TCCE décide que l’expiration de son ordonnance ne causerait vraisemblablement pas de dommage, il l'annulera, et aucuns droits antidumping ni compensateurs ne seront plus perçus sur les importations de marchandises en cause, et ceux perçus sur des marchandises dédouanées après que l'ordonnance devait expirer seront rendus aux importateurs.
Renseignements
[138] Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec l’agent indiqué ci-dessous :
Renseignements
- Adresse :
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Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0L8
Canada - Téléphone :
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- Khatira Akbari : 613-952-0532
- Courriel :
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Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band
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