HSS 2018 ER
Certaines sections structurales creuses
Énoncé des motifs

Ottawa, le 24 mai 2019

D’une décision rendue dans le réexamen relatif à l’expiration en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant certaines sections structurales creuses originaires ou exportées de la Corée du Sud et de la Turquie.

Décision

Le 9 mai 2019, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration de l’ordonnance rendue le 20 décembre 2013 par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-001 causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping de certaines sections structurales creuses originaires ou exportées de la Corée du Sud et de la Turquie.

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Résumé

[1] Le 10 décembre 2018, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance rendue le 20 décembre 2013 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-001, prorogeant en partie son ordonnance rendue le 22 décembre 2008 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2008-001, prorogeant ses conclusions rendues le 23 décembre 2003 dans l’enquête NQ-2003-001, concernant le dumping de certains tubes structuraux appelés sections structurales creuses (SSC) originaires ou exportés de la Corée du Sud et de la Turquie.

[2] Dans le présent Énoncé des motifs, l’expression « sections structurales creuses » (SSC) fait référence ci-après aux marchandises visées par l’ordonnance, et les pays identifiés sont appelés collectivement « les pays visés ».

[3] En réponse à l’avis du TCCE concernant le réexamen relatif à l’expiration, le 11 décembre 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI pour déterminer si l’expiration de l’ordonnance risquait de faire reprendre ou se poursuivre l’importation de marchandises en cause sous-évaluées au Canada.

[4] L’ASFC a reçu des réponses à son questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) pour producteurs canadiens de la part d’Atlantic Tube & Steel Inc. (Atlantic Tube)Note de bas de page 1, d’Atlas Tube Canada ULC (Atlas Tube)Note de bas de page 2, de Bull Moose Tube Ltd. (Bull Moose Tube)Note de bas de page 3, de Nova Steel Inc. (Nova Steel)Note de bas de page 4 et de Welded Tube of Canada Corporation (Welded Tube)Note de bas de page 5. Dans le présent Énoncé des motifs, ces entreprises peuvent aussi être appelées collectivement « les producteurs canadiens ». Les exposés des producteurs canadiens contenaient des renseignements à l’appui de leur position selon laquelle les importations de SSC sous-évaluées de la Corée du Sud et de la Turquie risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[5] L’ASFC a reçu une réponse à son QRE pour exportateurs de la part d’un exportateur établi aux États-Unis, soit Maruichi Oregon Steel Tube, LLC (Maruichi)Note de bas de page 6. Dans sa réponse au QRE, l’exportateur n’a pas exprimé directement de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping des marchandises en cause si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[6] L’ASFC a reçu des réponses à son QRE pour importateurs de la part des importateurs non résidents suivants : Iris Metalurji ve Muhendislik Pazarlama Sanayi ve Ticaret Limited Sirketi (Iris)Note de bas de page 7, Boart Longyear Company (Boart Longyear)Note de bas de page 8 et Modatek Systems (Modatek), une division de Magna International Inc.Note de bas de page 9 Aucun d’entre eux n’a exprimé de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping des marchandises en cause si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[7] En plus de leur réponse au QRE, Atlas Tube et Welded Tube ont présenté des renseignements supplémentaires conjoints avant la clôture du dossierNote de bas de page 10. L’ASFC a aussi reçu un mémoire d’Atlas Tube et de Welded TubeNote de bas de page 11. Le mémoire présenté par les deux producteurs canadiens contenait des renseignements à l’appui de leur position selon laquelle les importations de marchandises en cause sous-évaluées risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée. L’ASFC n’a pas reçu de mémoire de toute autre partie.

[8] L’ASFC n’a pas reçu de contre-exposé de toute partie intéressée.

[9] Les renseignements au dossier concernant : la substituabilité des SSC; la forte intensité capitalistique de la production d’acier; les développements et les tendances du marché de l’acier; les tarifs et les mesures de sauvegarde sur les importations d’acier et le détournement de SSC vers le Canada; les tendances des prix des bobines laminées à chaud (BLC) et leur incidence sur les SSC; l’attrait du marché canadien; les activités d’autres grands pays exportateurs; la forte dépendance des producteurs aux marchés d’exportation, leur incapacité de vendre des SSC au Canada à des prix non sous-évalués, et leur propension au dumping, comme le montrent les nombreuses mesures antidumping à l’égard de produits de l’acier, y compris les SSC et d’autres tuyaux et tubes, au Canada comme ailleurs; indiquent une forte probabilité que continuera ou reprendra le dumping au Canada de certaines sections structurales creuses originaires ou exportées de la Corée du Sud et de la Turquie si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[10] Par conséquent, après étude des renseignements pertinents au dossier et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a jugé, le 9 mai 2019, que l’expiration de l’ordonnance concernant certaines sections structurales creuses originaires ou exportées de la Corée du Sud et de la Turquie causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping de ces marchandises au Canada.

Contexte

[11] Le 21 mai 2003, à la suite d’une plainte déposée par Atlas Tube Inc., Copperweld Corporation et Welded Tube of Canada Ltd., l’enquête initiale en dumping a été ouverte, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, sur certains tubes structuraux originaires ou exportés de la Corée du Sud, de l’Afrique du Sud et de la Turquie.

[12] Le 17 novembre 2003, en vertu du paragraphe 41(1) de la LMSI, le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a rendu une décision définitive de dumping concernant les marchandises en cause de la Corée du Sud, de l’Afrique du Sud et de la Turquie. Le TCCE a par la suite conclu à l’existence d’un dommage le 23 décembre 2003 en vertu du paragraphe 43(1) de la LMSI.

[13] Le 7 août 2008, à la suite de l’ouverture d’un réexamen relatif à l’expiration des conclusions de dommage du TCCE, l’ASFC a déterminé que l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des SSC de la Corée du Sud, de l’Afrique du Sud et de la Turquie.

[14] Le 22 décembre 2008, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2008-001, le TCCE a prorogé ses conclusions concernant les SSC de la Corée du Sud, de l’Afrique du Sud et de la Turquie.

[15] Le 11 mars 2011, l’ASFC a conclu son dernier réexamen visant à mettre à jour les valeurs normales et les prix à l’exportation des SSCNote de bas de page 12. Aucun exportateur n’y a coopéré. Par conséquent, toutes les importations des marchandises en cause sont assujetties à des droits antidumping équivalents à 89 % du prix à l’exportation déclaré conformément à une prescription ministérielle.

[16] Le 8 août 2013, à la suite de l’ouverture d’un réexamen relatif à l’expiration de l’ordonnance du TCCE, l’ASFC a déterminé que l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des SSC de la Corée du Sud, de l’Afrique du Sud et de la Turquie.

[17] Le 20 décembre 2013, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-001, le TCCE a prorogé son ordonnance concernant les SSC de la Corée du Sud et de la Turquie et a annulé son ordonnance concernant ces marchandises de l’Afrique du SudNote de bas de page 13.

[18] Le 19 octobre 2018, conformément au paragraphe 76.03(2) de la LMSI, le TCCE a publié un avis concernant l’expiration de son ordonnance, prévue pour le 19 décembre 2018. L’information reçue pendant le processus d’expiration l’a convaincu de procéder à un réexamen.

[19] C’est pourquoi le 10 décembre 2018, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance.

[20] Enfin, le 11 décembre 2018, l’ASFC a ouvert l’enquête qui nous intéresse pour déterminer si l’expiration de l’ordonnance risquait de faire reprendre ou se poursuivre le dumping des marchandises en cause de la Corée du Sud et de la Turquie.

Définition des produits

[21] Les marchandises assujetties à l’ordonnance visée par le réexamen sont les suivantes :

« Tubes structuraux appelés sections structurales creuses (SSC) en acier au carbone et en acier allié, soudés, dont le diamètre extérieur est de dimension n’excédant pas 16 po (406,4 mm) pour les produits ronds et d’une périphérie n’excédant pas 48 po (1 219,2 mm) pour les produits rectangulaires et carrés, répondant généralement aux normes suivantes, sans y être limités, ASTM A500, ASTM A513, CSA G.40.21-87-50W, ou à des normes analogues, originaires ou exportés de la République de Corée et de la République turque. »

Précisions

[22] Les SSC sont conçues pour être utilisées dans des structures porteuses en surface. Les SSC sont utilisées à des fins de construction générale comme éléments de structure dans les bâtiments et les ponts, comme structure de protection sur l’équipement lourd et à d’autres fins comme des garde-corps de routes, des barrières et pour l’éclairage extérieur. Les marchandises peuvent aussi être utilisées à des fins non structurelles dans des produits manufacturés comme le matériel agricole, les remorques, les rayonnages et les systèmes d’entreposage.

[23] Les SSC ne sont pas utilisées comme tubes pour véhicules automobiles, notamment les systèmes d’échappement, les pare-chocs et autres pièces semblables, qui comportent habituellement des tubes fabriqués selon des spécifications qui leur sont propres. Les SSC ne sont pas conçues non plus pour acheminer des liquides ou des gaz.

[24] Les SSC qui ont été galvanisées (c.-à-d. enduites de zinc) ou enduites d’autres métaux ne sont pas visées par l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse.

Fabrication

[25] La production de SSC comporte la transformation de tôles ou de feuillards de nuance commerciale laminés à chaud en sections rondes, rectangulaires ou carrées. Le procédé de production commence par une opération de refendage des tôles en bobines laminées à chaud pour en faire des bandes de la largeur indiquée en vue de la production de tubes d’une circonférence donnée. On les fait ensuite passer dans une série de rouleaux pour leur donner la forme d’un tube. Le tube est ensuite soudé par résistance électrique (SRE) et l’excédent de métal est enlevé de la soudure sur la face externe du tube. Si l’acheteur le demande, l’excédent de métal est aussi enlevé de la soudure sur la face interne du tube. Le tube est ensuite refroidi et passé dans une série de rouleaux de calibrage ou formage, pour le former à froid en section ronde, carrée ou rectangulaire. Enfin, le tube est coupé à longueur, mis en paquets et étiquetéNote de bas de page 14.

Classement des importations

[26] Les marchandises en cause sont habituellement importées au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  1. 7306.30.00.20
  2. 7306.30.00.30
  3. 7306.50.00.00
  4. 7306.61.00.10
  5. 7306.61.00.20

[27] Avant le 1er janvier 2017, les marchandises en cause étaient habituellement importées au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  1. 7306.30.00.23
  2. 7306.30.00.33
  3. 7306.50.00.30
  4. 7306.31.00.12
  5. 7306.61.00.22

[28] Ces numéros de classement tarifaire sont fournis à titre indicatif seulement. Ils peuvent comprendre des marchandises non en cause, et des marchandises en cause peuvent être importées au Canada sous d’autres numéros de classement tarifaire. Seule la définition des produits fait autorité sur les marchandises en cause.

Période visée par le réexamen

[29] La période visée par le réexamen (PVR) de l’ASFC va du 1er janvier 2015 au 31 octobre 2018.

Branche de production nationale

[30] La branche de production nationale des SSC est composée des sept producteurs suivants :

  • Atlantic Tube & Steel Inc., de Mississauga (Ontario);
  • Atlas Tube Canada ULC, de Harrow (Ontario);
  • Bull Moose Tube Ltd., de Burlington (Ontario);
  • Fati Steel Inc., de Varennes (Québec);
  • Nova Steel Inc., de Lasalle (Québec);
  • Welded Tube of Canada Corp., de Concord (Ontario);
  • Quali-T-Tube Inc., de Bromont (Québec).

[31] Trois des producteurs canadiens ayant répondu au QRE sont considérés comme les plus importants producteurs de SSC au Canada, et il est estimé qu’ils sont à l’origine d’environ 90 % du volume de production nationale de SSC. Il s’agit d’Atlas Tube, de Welded Tube et de Nova SteelNote de bas de page 15. Les réponses au QRE contenaient des renseignements sur les chiffres d’affaires des producteurs canadiens et leurs volumes de SSC dans la PVR. Les autres producteurs, dont les activités sont relativement moins importantes, sont à l’origine du reste de la production nationale.

[32] Atlantic Tube, de Mississauga (Ontario), a commencé ses activités en 1977 et produit des tubes à usage mécanique et structural d’un diamètre de un à six poucesNote de bas de page 16.

[33] Atlas Tube, de Concord (Ontario), a commencé à produire des SSC en 1984. Atlas Tube est maintenant le plus important producteur de SSC au Canada et, si l’on compte ses divisions aux États-Unis, le plus important en Amérique du Nord. Atlas Tube offre la plus large gamme de tailles de SSC au Canada et aux États-UnisNote de bas de page 17.

[34] Bull Moose Tube (auparavant Barton Tube, de 1955 à 1989), de Burlington (Ontario), fabrique surtout de petits produits de SSC répondant à la norme ASTM A500, les produits répondant aux normes A513 et A787 représentant le reste de sa productionNote de bas de page 18.

[35] Nova Steel, de Montréal (Québec), a été fondée en 1979Note de bas de page 19 et fabrique des SSC carrées, rectangulaires et rondes ainsi que des tubes à usage mécanique répondant à plusieurs normes, notamment ASTM A500, nuance B/C, et ASTM A513Note de bas de page 20.

[36] Welded Tube, de Concord (Ontario), fabrique des tubes d’acier depuis 1970. Welded Tube a ouvert sa première usine de SSC en 1973 et exploite actuellement trois de ces usinesNote de bas de page 21.

[37] Ni Fati Steel Inc. ni Quali-T-Tube Inc. n’a participé à l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. Par conséquent, l’ASFC ne dispose pas de renseignements sur la production et les ventes de ces producteurs.

Marché canadien

[38] La production canadienne et le marché canadien apparent des SSC, y compris les importations de SSC de la Corée du Sud, de la Turquie et de tous les autres pays, sont exposés dans les tableaux 1 et 2 ci-dessous.

Tableau 1
Marché canadien apparent des SSCNote de bas de page 22
(Valeur en dollars canadiens)
Provenance 2015 2016 2017 2018
(janv. - oct.)
Production canadienneNote de bas de page 23 308 486 512 350 121 291 420 423 217 466 511 968
Corée du Sud 17 339 5 993 0 0
Turquie 23 604 0 4 531 0
États-Unis 125 244 171 81 815 608 267 603 887 259 265 932
Tous les autres pays 14 414 439 12 837 749 116 121 522 148 453 853
Total des importations 139 699 553 94 659 350 383 729 940 407 719 785
Marché total 448 186 065 444 780 641 804 153 157 874 231 753
Tableau 2
Marché canadien apparent des SSCNote de bas de page 24
(Volume en tonnes métriques)
Provenance 2015 2016 2017 2018
(janv. - oct.)
Production canadienneNote de bas de page 25 333 907 377 823 369 589 343 133
Corée du Sud 12 4 0 0
Turquie 14 0 3 0
États-Unis 109 887 72 494 172 490 146 539
Tous les autres pays 15 370 14 348 103 061 118 843
Total des importations 125 283 86 846 275 554 265 382
Marché total 459 190 464 669 645 143 608 515

[39] Le marché canadien apparent a connu une croissance considérable au cours de la PVR pour ce qui est de la valeur et du volume, comme on le voit dans les tableaux ci-dessus, tandis que le volume de production des producteurs canadiens est demeuré relativement stable et n’a connu qu’une croissance modeste au cours de la PVR. Si on la répartit sur une année entière, la dernière partie de la PVR, soit de janvier à octobre 2018, a été de loin la meilleure période.

[40] Dans l’enquête initiale, l’ADRC a estimé le marché canadien apparent, composé de la consommation intérieure de SSC produites au Canada et d’importations, à plus de 500 000 tonnes métriques (tm)Note de bas de page 26. Au cours de la dernière période, soit de janvier à octobre 2018, l’ASFC a estimé ce même marché à plus de 600 000 tm (voir le tableau 2).

[41] Il est à noter que les codes de classement tarifaire des SSC ont changé au milieu de la PVR. Ce changement, combiné au chevauchement de marchandises non en cause, soit les tubes soudés en acier au carbone (TSAC), pourrait avoir contribué à l’augmentation apparente de la taille du marché canadien à partir de 2017.

Production canadienne

[42] D’après les chiffres sur le marché canadien apparent dans le tableau 1 ci-dessus, la valeur des ventes de SSC produites au Canada a considérablement augmenté au cours de la PVR. Par exemple, au cours des 10 premiers mois de 2018, la valeur des ventes était considérablement plus élevée que durant toute période d’une année entière précédente dans la PVR. En fait, la valeur des ventes a augmenté dans chaque année successive de la PVR : en 2016, le taux de croissance par rapport à l’année précédente était de 13,5 %, en 2017, de 20 % et, en 2018, de 33 % (taux annualisé). D’après les données présentées dans le tableau 1, la part du marché canadien apparent détenue par les producteurs canadiens, en pourcentage de la valeur des ventes totales, a décliné, de 69 % en 2015 à 53 % au cours des 10 premiers mois de 2018.

[43] Pour ce qui est du volume, les données dans le tableau 2 indiquent que les ventes de produits canadiens ont aussi augmenté au cours de la PVR, quoique de façon moins spectaculaire que sur la base de la valeur, comme nous venons de le voir. En particulier, après une hausse de 13 % en 2016 par rapport à 2015, il y a eu une légère baisse des ventes de produits canadiens en 2017 par rapport à 2016. L’inverse s’est produit en 2018, alors que le taux de croissance annualisé était de plus de 11 % par rapport à 2017Note de bas de page 27. D’après les données présentées dans le tableau 2, la part du marché canadien apparent détenue par les producteurs canadiens, en pourcentage du volume total, a décliné, de 73 % en 2015 à 56 % au cours des 10 premiers mois de 2018.

Importations

[44] Comme on le voit dans les tableaux ci-dessus, dans la PVR, la valeur et le volume totaux des importations de marchandises en cause de la Corée du Sud et de la Turquie ont été négligeables.

[45] Les États-Unis sont demeurés le principal pays source, représentant plus de 71 % des importations en fonction de la valeur au cours de la PVR, quoique leur part des importations ait baissé progressivement, de 90 % en 2015 à 64 % au cours des 10 premiers mois de 2018.

[46] Comme pour les résultats fondés sur la valeur, les États-Unis sont demeurés le principal pays source, représentant un peu plus de 66 % des importations en fonction du volume au cours de la PVR, quoique leur part des importations ait baissé, de 88 % en 2015 à 62 % au cours des 10 premiers mois de 2018.

Perception des droits

[47] Comme on le voit dans le tableau 3 ci-dessous, le montant de droits antidumping perçus sur les importations de marchandises en cause de la Corée du Sud et de la Turquie dans la PVR totalisait 22 536 $. Ce montant reflète la quantité minimale de marchandises en cause importées au Canada dans la PVR, comme nous l’avons vu dans la section précédente.

Tableau 3
Droits antidumping perçus sur les importations de SSCNote de bas de page 28
(Valeur en $CAN)
Provenance 2015 2016 2017 2018
(janv. - oct.)
Corée du Sud 15 476 3 027 0 0
Turquie 0 0 4 033 0

Parties aux procédures

[48] Le 11 décembre 2018, l’ASFC a envoyé un avis d’ouverture d’enquête pour réexamen relatif à l’expiration et un QRE aux producteurs canadiens, ainsi qu’aux importateurs et aux exportateurs potentiels de SSC.

[49] Les QRE demandaient des renseignements nécessaires pour la prise en compte, par l’ASFC, des facteurs pertinents de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).

[50] Quatre producteurs canadiens, Atlas Tube, Bull Moose Tube, Nova Steel et Welded Tube, ont participé à l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration et ont fait une réponse au QRE contenant des renseignements financiers limités. Un autre producteur canadien, Atlantic Tube, a fait une réponse très limitée au QRE. Trois importateurs, Boart Longyear, Modatek et Iris, et un exportateur, Maruichi, ont aussi participé à l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration et ont fait une réponse au QRE.

[51] L’ASFC a reçu un mémoire de l’avocat d’Atlas Tube et de Welded Tube. Elle n’a pas reçu de mémoire de toute autre partie avisée de l’ouverture de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration. Elle n’a pas non plus reçu de contre-exposé de toute partie intéressée.

Renseignements que l’ASFC a pris en compte

Dossier administratif

[52] Les renseignements que l’ASFC a pris en compte aux fins de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse figurent au dossier administratif. Ce dossier contient les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l’ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l’expiration, les pièces justificatives de l’ASFC, et les renseignements présentés par les parties intéressées, notamment ceux qu’elles estiment pertinents pour la décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping si l’ordonnance est annulée. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités au Canada ou dans un autre pays, des documents d’organismes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et des réponses au QRE présentées par des producteurs au Canada, des exportateurs et des importateurs.

[53] Dans toute enquête pour réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut être versé au dossier administratif; ici, c’était le 11 février 2019. Il s’agit en effet de donner le temps aux participants de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après ce qui se trouve au dossier administratif en date de sa clôture.

Position des parties – dumping

Parties selon qui le dumping risque fort de reprendre ou de se poursuivre

[54] Les producteurs canadiens participants, soit Atlas Tube, Welded Tube et Nova Steel, ont formulé des observations dans leur réponse au QRE et (dans le cas d’Atlas Tube et de Welded Tube) leur mémoire, à l’appui de leur position selon laquelle le dumping des SSC des pays visés risque fort de reprendre et de se poursuivre advenant l’expiration de l’ordonnance du TCCE. Par conséquent, ils soutiennent que les mesures antidumping devraient être maintenues.

[55] Les principaux facteurs relevés par les producteurs canadiens peuvent se résumer comme il suit :

  • Le statut de produit de base des marchandises en cause facilite le changement de source d’approvisionnement et le dumpingNote de bas de page 29;
  • La Corée du Sud et la Turquie figurent parmi les principaux producteurs et exportateurs mondiaux de tuyaux et tubes soudés et dépendent largement des marchés d’exportationNote de bas de page 30;
  • Le peu d’importations de marchandises en cause dans la PVR témoigne d’une incapacité de concurrencer à des prix non sous-évaluésNote de bas de page 31;
  • Les importations de marchandises en cause ne peuvent pas concurrencer celles de pays non visés sans dumpingNote de bas de page 32;
  • La Corée du Sud et la Turquie ont une présence commerciale évidente et soutenue au Canada pour ce qui est des produits de tuyaux et de tubesNote de bas de page 33;
  • Les mesures antidumping en vigueur au Canada comme ailleurs sur des produits tubulaires d’acier de la Corée du Sud et de la Turquie témoignent d’une propension au dumpingNote de bas de page 34;
  • Le marché canadien est attrayant en raison de la demande et des prix actuelsNote de bas de page 35; et
  • Les mesures commerciales récentes aux États-Unis et dans l’Union européenne (UE) sur des produits de l’acier détourneront des marchandises vers le CanadaNote de bas de page 36.

Le statut de produit de base des marchandises en cause facilite le changement de source d’approvisionnement et le dumping

[56] Les producteurs canadiens évoquent l’interchangeabilité des SSC fabriquées à l’échelle mondiale comme raison pour laquelle le dumping est vraisemblable. Ils citent des affirmations de l’ASFC et du TCCE dans le cadre de procédures précédentes concernant les SSC à l’appui de la position selon laquelle les marchandises en cause sont essentiellement un produit de base, fabriqué de manière similaire selon des spécifications internationales, peu importe le lieu.

[57] Dans le dernier réexamen relatif à l’expiration, le TCCE a réitéré sa position découlant du réexamen de 2008 en affirmant ce qui suit : « "[…] les SSC sont des produits de base et que le prix constitue le principal facteur motivant la décision d’achat". Le Tribunal est encore de cet avis et considère que les marchandises en question originaires de la Corée et de la Turquie feront concurrence sur le marché canadien aux marchandises similaires et à d’autres SSC importées, essentiellement en fonction du prixNote de bas de page 37. »

[58] Par conséquent, les producteurs canadiens affirment qu’en raison du statut de produit de base des tubes structuraux, les marchandises en cause devraient concurrencer les autres importations sur le marché canadien essentiellement en fonction du prixNote de bas de page 38.

[59] Les producteurs canadiens mentionnent les prix actuels des importations de pays non visés sur le marché canadien à l’appui de l’argument selon lequel la Corée du Sud et la Turquie devraient faire du dumping pour concurrencer ces prixNote de bas de page 39.

La Corée du Sud et la Turquie figurent parmi les principaux producteurs et exportateurs mondiaux de tuyaux et tubes soudés et dépendent largement des marchés d’exportation

[60] Les producteurs canadiens soutiennent qu’en raison du volume de production et de la faiblesse relative de la demande intérieure en Corée du Sud et en Turquie, les producteurs dans ces pays devront de plus en plus se tourner vers les exportations.

[61] Les producteurs canadiens soutiennent que la capacité de production excédentaire considérable d’acier est un problème grave et de longue date en Corée du Sud et en Turquie et que ces producteurs vont continuer de dépendre dans une large mesure des marchés d’exportation pour maintenir leurs niveaux de productionNote de bas de page 40. Les producteurs canadiens n’ont pas cité de chiffres récents à l’appui sur la production et la demande pour les SSC sur le marché intérieur de l’un ou l’autre de ces pays. De nombreuses mentions de la faiblesse de la demande intérieure, de la dépendance aux exportations et de la surcapacité renvoient à des affirmations découlant du réexamen relatif à l’expiration de 2013, et il est allégué que la situation demeure inchangéeNote de bas de page 41.

[62] Les producteurs canadiens insistent sur l’ampleur de l’orientation vers les exportations de la Corée du Sud en mentionnant les 15,3 millions de tonnes métriques (Mtm) d’acier exporté au cours de la première moitié de 2018, dont 1,2 Mtm de produits de tuyaux et de tubes destinés aux États-Unis, soit plus de la moitié des exportations dans ce segment de produits. Au cours de la même période, le Canada était le deuxième marché pour les tuyaux et les tubes de la Corée du SudNote de bas de page 42.

[63] Dans le même ordre d’idées, Atlas Tube et Welded Tube insistent sur l’ampleur des activités dans le segment des tuyaux et des tubes de la Turquie, le cinquième plus important dans le monde en 2017, avec près de 1,8 Mtm d’exportations. Atlas Tube et Welded Tube ajoutent que le Canada est constamment l’un des principaux marchés d’exportation de l’acier de la Turquie et précisent, comme il suit [notre traduction] : « Le marché américain étant fermé par les surtaxes de l’administration Trump sur l’acier, les exportations vers le Canada ont grimpé de 77 % à ce jour en 2018. »

Le peu d’importations de marchandises en cause dans la PVR témoigne d’une incapacité de concurrencer à des prix non sous-évalués

[64] Les producteurs canadiens mentionnent qu’il n’y a eu pratiquement aucune importation de marchandises en cause dans la PVR. Selon eux, cela montre que les exportateurs des marchandises en cause ne peuvent pas concurrencer sur le marché canadien sans dumpingNote de bas de page 43.

[65] Les producteurs canadiens citent aussi la décision découlant du réexamen relatif à l’expiration de 2013 de l’ASFC, dans laquelle une « incapacité à être concurrentiels sur le marché canadien à des prix non sous-évalués » est énumérée comme facteur appuyant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping en l’absence de l’ordonnance du TCCENote de bas de page 44.

Les importations de marchandises en cause ne peuvent pas concurrencer celles de pays non visés sans dumping

[66] Les producteurs canadiens renvoient aux renseignements au dossier concernant les prix des importations au Canada de SSC de pays non visés. Ils allèguent que ces prix sont inférieurs à ceux qu’un exportateur peut offrir tout en réalisant un profit et qu’ils sont donc sous-évalués.

[67] Atlas Tube et Welded Tube indiquent que les prix récents des importations au Canada de SSC de pays non visés sont d’environ 1 000 $CAN/tm. Les producteurs canadiens soutiennent qu’il ne serait pas possible pour les exportateurs en Corée du Sud et en Turquie de convertir les BLC en SSC et de vendre les marchandises en cause au Canada à un prix non sous-évalué, puisqu’ils devraient concurrencer les importations de pays non visés au prix actuel d’environ 1 000 $CAN/tmNote de bas de page 45. Atlas Tube et Welded Tube n’ont pas étayé cette affirmation par une analyse des coûts de la conversion des BLC en SSCNote de bas de page 46.

La Corée du Sud et la Turquie ont une présence commerciale évidente et soutenue au Canada pour ce qui est des produits de tuyaux et de tubes

[68] Les producteurs canadiens citent les enquêtes récentes en dumping du Canada sur des produits de tuyaux et de tubes de la Corée du Sud et de la Turquie comme éléments de preuve de la présence commerciale soutenue de ces pays au Canada pour ce qui est de ces produitsNote de bas de page 47.

[69] Les producteurs canadiens allèguent que cela [notre traduction] « montre que la Corée du Sud et la Turquie ont maintenu des liens commerciaux avec des négociants et possèdent des réseaux de distribution bien établis, ce qui pourrait faciliter l’importation des marchandises en cause au Canada si l’ordonnance est annuléeNote de bas de page 48 ».

Les mesures antidumping en vigueur au Canada comme ailleurs sur des produits tubulaires d’acier témoignent d’une propension au dumping

[70] Les producteurs canadiens mentionnent les similitudes entre la production des SSC et des autres produits de tuyaux et tubes soudés, comme les TSAC, et allèguent que les mesures antidumping au Canada à l’encontre de la Corée du Sud et de la Turquie pour ces marchandises montrent que les SSC feront vraisemblablement l’objet d’un dumping si l’ordonnance antidumping est annulée.

[71] Les similitudes entre les SSC et les autres produits de tubes soudés sont aussi évoquées en ce qui concerne la facilité avec laquelle on peut utiliser l’équipement de production des autres tubes soudés pour fabriquer des SSC. Renvoyant à la décision découlant du réexamen relatif à l’expiration de 2013 de l’ASFC, Atlas Tube et Welded Tube affirment ce qui suit [notre traduction] : « Cette interchangeabilité donne aux fabricants sud-coréens et turcs de SSC une GRANDE souplesse pour jongler avec leur gamme de produits afin d’optimiser les profitsNote de bas de page 49. »

[72] Atlas Tube et Welded Tube renvoient aussi à une liste de mesures antidumping en vigueur à l’égard des SSC, d’autres produits tubulaires d’acier et de produits de l’acier de la Corée du Sud et de la Turquie, à l’appui de leur position selon laquelle chacun de ces pays fait régulièrement le dumping de l’acier, y compris des produits tubulaires soudésNote de bas de page 50.

Le marché canadien est attrayant en raison de la demande et des prix actuels

[73] Les renseignements au dossier fournis par les producteurs canadiens confirment que le marché canadien des SSC est fort et que les affaires en 2018 ont été très bonnesNote de bas de page 51.

[74] La force du marché canadien est appuyée par les résultats financiers fournis par les producteurs canadiens, lesquels montrent que chaque période successive dans la PVR a été meilleure que la précédente pour atteindre un sommet durant la période de janvier à octobre 2018. Ces données sont présentées dans les tableaux 1 et 2 du présent Énoncé des motifsNote de bas de page 52.

[75] Atlas Tube et Welded Tube affirment que [notre traduction] « les prévisions actuelles indiquent une amélioration de la croissance dans le secteur de la construction non résidentielle et des dépenses en capital pour 2018-2019. Cela signale aussi une amélioration de la demande en SSC à l’avenirNote de bas de page 53. »

[76] En résumé, Atlas Tube et Welded Tube opinent que, si l’écart de prix est suffisamment attrayant, les acheteurs délaisseront les marchandises nationales pour les importations, et ainsi la force du marché canadien attirera des importations sous-évaluées de la Corée du Sud et de la Turquie advenant l’annulation de l’ordonnanceNote de bas de page 54.

Les mesures commerciales récentes aux États-Unis et dans l’UE sur des produits de l’acier détourneront des marchandises vers le Canada

[77] Les producteurs canadiens indiquent que les tarifs américains et les mesures de sauvegarde européennes exercent des pressions énormes sur la Corée du Sud et la Turquie, qui doivent chercher de nouveaux débouchés ou élargir des marchés d’exportation existants pour leurs SSC. En particulier, les producteurs canadiens font valoir que les tarifs récents de 25 % imposés par les États-Unis sur les importations mondiales d’acier auront pour effet de détourner les marchandises en cause vers le CanadaNote de bas de page 55.

[78] La Turquie est expressément mentionnée, vu les tarifs accrus sur l’aluminium (20 %) et l’acier (50 %) visant à limiter les importations de ce pays aux États-Unis. Les producteurs canadiens citent un rapport appuyant leur point de vue, comme il suit [notre traduction] :

« Visée par des tarifs plus élevés, la Turquie continuera de perdre des clients américains, auparavant son plus important marché de l’acier. Les nouveaux tarifs n’acculeront pas les fabricants d’acier turcs à la faillite, mais ils les obligeront à trouver de nouveaux débouchés […]Note de bas de page 56 »

[79] Les producteurs canadiens évoquent aussi les changements à l’Accord de libre-échange États-Unis-Corée du Sud (KORUS), qui ont éliminé les surtaxes de 25 % sur les exportations d’acier de la Corée du Sud. En échange de l’élimination des surtaxes, la Corée du Sud a convenu de limiter ses expéditions d’acier vers les États-Unis à environ 2,68 Mtm/année, ou à 70 % de la moyenne annuelle par rapport aux dernières années. Les producteurs canadiens soutiennent que ce fait nouveau incitera les fabricants sud-coréens de tuyaux et de tubes, y compris les producteurs de SSC, qui dépendent fortement des exportations, à trouver d’autres débouchés pour compenser cet accès réduit aux États-Unis, leur plus gros et plus rentable marché d’exportation dans le mondeNote de bas de page 57.

[80] Les producteurs canadiens indiquent que les sauvegardes définitives imposées par l’UE le 2 janvier 2019 sur l’acier, y compris les SSC, sont en réponse au détournement de marchandises par suite des tarifs susmentionnés imposés par les États-Unis. Les producteurs canadiens citent l’annonce des sauvegardes par l’UE, qui précise ce qui suit [notre traduction] :

« […] les importations de produits de l’acier dans l’UE ont grandement augmenté ces dernières années et continueront probablement de le faire. Cette situation a été aggravée par le détournement des courants commerciaux résultant des mesures restrictives des États-Unis sur l’acier prises en vertu de l’article 232Note de bas de page 58. »

[81] Les producteurs canadiens soutiennent que les mesures américaines et européennes ont eu [notre traduction] « des répercussions internationales majeures, qui ont forcé le détournement de gros volumes de produits de l’acier sur les marchés mondiaux, les producteurs étant à l’affût de débouchés dans toute économie ouverteNote de bas de page 59 ».

[82] Les producteurs canadiens citent des données au dossier qui indiquent que les importations de SSC de pays non visés autres que les États-Unis sont passées de 86 000 tm au cours des 10 premiers mois de 2017 à 119 000 tm au cours de la même période en 2018. Ils font valoir que cette augmentation témoigne de l’effet de détournement de ces mesures commerciales sur le marché mondial des SSC et que, sans les mesures LMSI en vigueur, les SSC de la Corée du Sud et de la Turquie suivront la même tendance et réapparaîtront sur le marché canadien à des prix non assujettis à une restriction quelconqueNote de bas de page 60.

Parties selon qui le dumping ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre

[83] Aucune des parties ne soutient que l’importation de marchandises en cause sous-évaluées de la Corée du Sud ou de la Turquie ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre si l’ordonnance du TCCE est annulée.

Considération et analyse – dumping

[84] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute probabilité, l’expiration de l’ordonnance entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte les facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[85] Avant de présenter les résultats de l’analyse propre à la Corée du Sud et à la Turquie concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping en l’absence de l’ordonnance du TCCE, il faut se pencher sur certaines questions générales liées aux marchandises en cause, comme il suit :

  • la substituabilité des SSC;
  • la forte intensité capitalistique de la production d’acier;
  • les développements et les tendances du marché de l’acier;
  • les tarifs et les mesures de sauvegarde sur les importations d’acier et le détournement de SSC vers le Canada;
  • les tendances des prix des BLC et leur incidence sur les SSC;
  • l’attrait du marché canadien; et
  • les activités d’autres grands pays exportateurs.

La substituabilité des SSC

[86] Le nombre considérable de mesures antidumping concernant des produits de l’acier, au Canada comme ailleurs, s’explique en grande partie par la nature même des produits et de l’industrie. Les facteurs liés à la nature des produits comprennent la substituabilité de l’acier fabriqué selon les spécifications internationales ainsi que la forte intensité capitalistique de la production d’acier. Les effets combinés de ces caractéristiques peuvent avoir une incidence considérable sur les prix.

[87] En règle générale, comme de nombreux produits de l’acier, les SSC produites selon des spécifications internationales dans un pays donné sont interchangeables avec celles produites selon les mêmes spécifications dans tout autre pays. C’est pourquoi les marchandises se font concurrence, peu importe leur origine, et ont les mêmes canaux de distribution et les mêmes clients potentiels. Ainsi, les SSC doivent se faire concurrence sur des marchés qui sont extrêmement sensibles au prix, et où le prix est l’un des principaux facteurs influant sur les décisions d’achat. Par ailleurs, en raison de ce degré élevé de sensibilité, les prix sur un marché donné tendent à converger vers les plus bas au fil du temps.

[88] Ce statut de produit de base des SSC a aussi été reconfirmé par le TCCE dans les deux réexamens précédents relatifs à l’expiration concernant les SSC. Dans le dernier réexamen en 2013, le TCCE a affirmé ce qui suit :

« […] les SSC sont des produits de base et que le prix constitue le principal facteur motivant la décision d’achat […] les marchandises en question originaires de la Corée et de la Turquie feront concurrence sur le marché canadien aux marchandises similaires et à d’autres SSC importées, essentiellement en fonction du prixNote de bas de page 61. »

[89] En raison de la substituabilité et du statut de produit de base des SSC, lorsque des mesures antidumping sont prises à l’encontre d’un pays source particulier, d’autres pays sources de SSC émergent. Le nombre de mesures passées et actuelles au Canada à l’égard des SSC et d’autres produits tubulaires soudés (c.-à-d. tuyaux normalisés, tubes de canalisation, TSAC) en atteste.

[90] Par ailleurs, l’équipement de production d’autres produits tubulaires soudés d’acier peut aussi servir à fabriquer des SSC. Cela est souligné dans un témoignage présenté au TCCE dans le cadre du réexamen précédent relatif à l’expiration, comme il suit :

« […] les SSC peuvent être produites au moyen du même équipement que les tuyaux normalisés. Par conséquent, il serait relativement facile d’ajouter des volumes de SSC aux expéditions de tuyaux normalisés qui entrent déjà sur le marché, notamment parce que les deux types de produits sont vendus aux mêmes clients et distributeursNote de bas de page 62. »

[91] De plus, dans le réexamen initial relatif à l’expiration, le TCCE mentionne ce qui suit :

« […] le Tribunal fait remarquer que les éléments de preuve indiquent que les producteurs coréens et turcs peuvent faire passer leur production des tubes circulaires à usage mécanique aux tuyaux et tubes RPMNote de bas de page 63. »

[92] La capacité d’un producteur étranger de fabriquer les marchandises en cause dans des installations de production d’autres tuyaux et tubes soudés est importante. En effet, elle lui offre la souplesse de facilement passer à la production des marchandises en cause lorsque les conditions du marché y sont favorables.

[93] En raison des mesures commerciales prises à l’égard de produits tubulaires originaires des pays visés, que nous aborderons plus loin, il est clair que l’annulation de l’ordonnance du TCCE sur les SSC donnerait l’occasion de tirer parti de cette souplesse, puisque les restrictions commerciales compliquent les exportations d’autres produits tubulaires soudés.

La forte intensité capitalistique de la production d’acier

[94] Comme c’est le cas pour la production d’acier en général, les aciéries sont à forte intensité capitalistique et ont des coûts fixes élevés. Pour recouvrer ceux-ci, elles doivent maintenir des niveaux élevés d’utilisation de la capacité. Lorsque la demande sur le marché intérieur baisse, les producteurs sont à l’affût de débouchés étrangers pour maintenir ces niveaux d’utilisation afin de pouvoir recouvrer ces coûts.

[95] On parle souvent de la « rentabilité de la production d’acier ». Cette caractéristique est particulièrement importante lorsqu’il y a surcapacité, car un producteur pourrait trouver qu’il est plus pratique de vendre la production qu’il ne peut pas vendre sur son marché intérieur, sur des marchés étrangers à des prix réduits, voire sous-évalués, plutôt que de réduire la production, pourvu qu’il puisse recouvrer ses coûts variables.

Les développements et les tendances du marché de l’acierNote de bas de page 64

[96] Selon la World Steel Association (WSA), la production mondiale mensuelle d’acier brut était de plus de 150 Mtm en 2018. Le rapport de la WSA indique que la production d’acier brut a essentiellement augmenté chaque année au cours de la dernière décennie. Environ une décennie plus tôt, en 2009, la production mensuelle était en-deçà de 90 Mtm. En août 2018, la part de la Chine de cette production mensuelle était de loin supérieure à celle de tout autre pays, pour se chiffrer à un peu plus de 53 %. En comparaison, les 28 pays de l’UE réunis occupaient le deuxième rang, avec 8,2 % seulement. La part de la Corée du Sud était de 4 %, tandis que celle de la Turquie ne figurait pas sur la liste de la WSANote de bas de page 65.

[97] La Chine continue non seulement d’être de loin le principal fournisseur mondial, mais aussi d’accroître sa part de l’offre mondiale.

[98] Par ailleurs, dans une analyse au dossier de l’industrie sidérurgique mondiale au milieu de 2018, il est mentionné que cette hausse de la production d’acier était compensée par [notre traduction] « la hausse cyclique de la demande en acier et la forte activité économique dans les pays avancés et en développement »Note de bas de page 66.

[99] Cela étant dit, les renseignements au dossier indiquent aussi qu’il pourrait y avoir des réductions de la production en Chine pendant que le gouvernement resserre la réglementation environnementale, comme il suit [notre traduction] :

« La Chine compte réduire les exportations d’acier, le pays devant fermer plus d’usines cet hiver. Le ministère chinois de l’Écologie et de l’Environnement a rédigé l’ébauche d’un nouveau plan environnemental en juillet pour Changzhou, qui abrite aciéries et sociétés de transformation de l’acier. Plus de 400 entreprises à Changzhou devront appliquer les réductions de la production (à des taux variés)Note de bas de page 67. »

[100] Même si la suroffre et la capacité inutilisée de production d’acier sont des préoccupations continues de l’industrie sidérurgique, les renseignements au dossier indiquent que les perspectives sont bonnes pour le commerce mondial de l’acierNote de bas de page 68 et que la demande mondiale en acier « est en forte hausse »Note de bas de page 69.

[101] Vu l’opinion générale selon laquelle le commerce mondial de l’acier se porte bien, les volumes de production devraient demeurer élevés, car les producteurs chercheront à tirer parti de prix près de la limite supérieure du cycle avant le retour d’un marché mondial à la baisse. Cela pourrait ne pas tarder en raison des mesures commerciales imposées par les États-Unis et l’UE, que nous aborderons dans la section ci-dessous.

Les tarifs et les mesures de sauvegarde sur les importations d’acier et le détournement de SSC vers le Canada

[102] Le 8 mars 2018, les États-Unis ont lancé une proclamation pour réglementer les importations d’acier dans ce pays en vertu de l’article 232 de la Trade Expansion Act de 1962, en imposant des tarifs de 25 % sur ces importationsNote de bas de page 70. Le tarif sur les importations de la Turquie a ensuite été porté à 50 %Note de bas de page 71.

[103] La Corée du Sud a par la suite négocié des changements à l’Accord de libre-échange États-Unis-Corée du Sud (KORUS) pour éliminer les surtaxes et limiter ses exportations d’acier vers les États-Unis à environ 2,7 Mtm/année, ou à 70 % de la moyenne annuelle récente. Ces contingents, qui limitent les exportations sud-coréennes aux États-Unis à des niveaux très bas par rapport à ce qu’ils étaient, risquent d’entraîner un détournement vers d’autres marchésNote de bas de page 72.

[104] Ces mesures prises en vertu de l’article 232 ont eu un effet d’entraînement, l’UE ayant aussi annoncé ses propres mesures tarifaires provisoires le 19 juillet 2018 pour composer avec le détournement de marchandises destinées aux États-UnisNote de bas de page 73.

[105] L’UE a ensuite remplacé les tarifs provisoires par des sauvegardes définitives à compter du 2 février 2019. Les SSC sont spécifiquement visées par l’article 21 de ces mesures, et celles de la Turquie sont assujetties à un régime de contingents tarifairesNote de bas de page 74.

[106] Le détournement d’exportations a été une justification clé des sauvegardes définitives de l’UE. Dans son communiqué officiel, la Commission européenne a affirmé ce qui suit [notre traduction] :

« La présente enquête a montré que les importations de produits de l’acier dans l’UE ont augmenté de façon marquée. Cela représente une menace grave pour les fabricants d’acier de l’UE, qui demeurent fragilisés par une surcapacité continue sur le marché mondial de l’acier et un nombre inégalé de pratiques commerciales déloyales par certains partenaires. Les restrictions au marché américain par suite des tarifs sur l’acier de l’article 232 ont pour effet de détourner les échanges commerciaux vers l’UENote de bas de page 75. »

[107] En réponse à l’imposition, par les États-Unis, d’un tarif de 25 % sur ses importations d’acier, le Canada a imposé sa propre surtaxe de 25 % sur les importations américaines de produits de l’acier à compter du 1er juillet 2018.

[108] Par ailleurs, vu le risque de détournement d’exportations destinées aux États-Unis vers le Canada par suite des tarifs américains, le gouvernement du Canada a imposé des mesures de sauvegarde provisoires sous forme de contingents tarifaires sur sept catégories de produits de l’acier. Ces mesures sont entrées en vigueur le 25 octobre 2018. Les contingents tarifaires sont administrés par Affaires mondiales Canada au moyen de licences d’importation spécifiques. Le 3 avril 2019, le TCCE a recommandé que des mesures de sauvegarde définitives ne soient appliquées qu’à deux de ces catégories. Les marchandises qui ne sont pas visées par une licence d’importation valide au moment de la déclaration en détail sont assujetties à surtaxe de 25 %Note de bas de page 76. Le 13 mai 2019, les mesures de sauvegarde définitives ont été imposées sur les importations de certaines catégories de produits de l’acier.Note de bas de page 77 Les SSC ne relèvent pas d’une des catégories visées par ces mesures.

[109] En raison de la proximité des États-Unis au Canada et de la taille du marché américain de l’acier, en plus des mesures de sauvegarde européennes sur les importations de SSC et de la demande en SSC au Canada, l’imposition de ces mesures risque d’entraîner le détournement de marchandises en cause vers le Canada, tandis que les pressions exercées sur les prix par les importations de pays non visés, comme nous l’avons déjà vu, risquent de donner lieu à du dumping.

Les tendances des prix des BLC et leur incidence sur les SSC

[110] Les renseignements au dossier indiquent que les prix des BLC ont baissé sur les marchés mondiaux au cours des mois précédant la clôture du dossier. Dans le même ordre d’idées, les renseignements au dossier indiquent que les tendances des prix des BLC dictent celles des prix des SSC.

[111] Les BLC sont le principal intrant dans la production des SSC, et de loin le plus grand élément de coût des produits finis. Par conséquent, les changements aux prix des BLC ont une incidence directe sur les coûts des SSC, qui se reflètent ultérieurement dans les prix de vente.

[112] Dans le réexamen précédent relatif à l’expiration, le TCCE a confirmé ce lien, des coûts accrus des BLC ayant fait augmenter les prix des SSC sur le marché canadien. Dans ce réexamen, le TCCE a constaté que les prix des SSC étaient passés de 888 $CAN/tm à 990 $CAN/tm après l’augmentation des coûts des BLC, de 676 $CAN/tm à 730 $CAN/tm, au cours de la même période. D’après ces chiffres, les BLC représentent environ 75 % du prix de vente des SSCNote de bas de page 78.

[113] Les producteurs canadiens ont aussi confirmé le lien entre les prix des BLC et ceux des SSC dans les exposés présentés dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expirationNote de bas de page 79.

[114] Le dossier contient plus de renseignements sur les prix des BLC, qui sont plus largement diffusés dans les revues spécialisées que ceux des SSC. À partir des prix des BLC, on peut faire des estimations raisonnables des prix des SSC en l’absence de données sur les prix réels.

[115] Les renseignements au dossier indiquent qu’en octobre 2018, les prix mondiaux des BLC variaient de 528 $US/tm (FAB, mer Noire) à 926 $US/tm (à l’usine, Indiana, États-Unis)Note de bas de page 80.

[116] Les rapports indiquent toutefois qu’en janvier 2019, les prix des BLC aux États-Unis étaient passés à un peu plus de 800 $US/tmNote de bas de page 81, tandis que les prix intérieurs en Turquie étaient passés à environ 520 $US/tm (à l’usine) et les prix à l’exportation, à 515 $US/tm (FAB)Note de bas de page 82.

[117] Au début de 2019, les prix des BLC sur les marchés européen et russe variaient d’environ 460 $US/tm à 540 $US/tmNote de bas de page 83.

[118] Puisque les autres renseignements sur les prix au dossier administratif sont protégés, ils ne peuvent pas être divulgués dans le présent Énoncé des motifs; cependant, ils indiquent clairement que l’écart entre les prix des BLC aux États-Unis et ceux en Europe/Asie, y compris en Turquie, est grand. Les mesures antidumping (et maintenant les tarifs) aux États-Unis à l’égard des BLC aident à isoler les prix de celles-ci des prix mondiaux, plus compétitifs.

[119] L’analyse des tendances avant la clôture du dossier indique que les prix mondiaux des BLC sont à la baisse, ce qui aura une incidence sur le rendement des SSC vu le lien entre les prix des BLC et ceux des SSC. Les producteurs/exportateurs essaieront de tirer parti de la baisse des prix en réalisant plus de ventes pendant que la demande est encore relativement élevée.

L’attrait du marché canadien

[120] La baisse des prix des BLC et son incidence sur les prix des SSC rendront encore plus attrayants les marchés à prix plus élevés, qui offrent une plus grande marge de rentabilité pour la réduction de prix. Tel est le cas du marché nord-américain des SSC.

[121] Des renseignements au dossier administratif, qui sont protégés et, donc, ne peuvent pas être divulgués dans le présent Énoncé des motifs, indiquent que les prix canadiens des SSC suivent de près les prix américains.

[122] La baisse des prix des SSC observée aux États-Unis a été attribuée à une baisse similaire des prix des BLC et à une hausse des stocks de SSC. Néanmoins, les prix des SSC en Amérique du Nord demeurent supérieurs à ceux sur d’autres marchés mondiaux.

[123] Les prix européens des SSC ont été assez stables, de la fin du troisième trimestre de 2018 au début de 2019Note de bas de page 84. Les prix européens et asiatiques des BLC cadrent avec la constatation découlant de l’analyse précédente, qui indiquait que les BLC représentent environ 75 % du prix des SSC au Canada. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un coefficient statique, les prix des BLC sont un point de référence raisonnable pour l’estimation des prix des SSC.

[124] Malgré le peu de renseignements précis à disposition sur les prix des SSC en Corée du Sud et en Turquie, vu le lien étroit entre les prix des BLC et des SSC, il est clair que le marché nord-américain offre des prix de vente supérieurs à ceux sur d’autres marchés mondiaux des SSC. La disparité des prix des BLC entre le marché nord-américain et d’autres marchés mondiaux en atteste. Cela est renforcé par une comparaison des prix des SSC aux États-Unis et de ceux en Europe et en Asie à partir de renseignements protégés au dossier administratif.

[125] En raison des prix des SSC sur le marché nord-américain, de loin supérieurs aux prix connus sur d’autres marchés, il est clair que des exportateurs continueront de grandement s’intéresser au marché canadien, d’autant plus que les choix sont limités par suite des récentes mesures commerciales aux États-Unis et en Europe.

[126] Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que cet intérêt envers le marché canadien continue d’exercer des pressions à la baisse sur les prix, qui doivent concurrencer ceux établis pour les importations de pays non visés.

Les activités d’autres grands pays exportateurs

[127] Le Canada a pris des mesures antidumping à l’égard de nombreux produits de l’acier de la Chine, mais pas des SSC. Les exportations de SSC de la Chine vers le Canada dans la PVR étaient, en fait, suffisamment petites pour ne pas figurer dans les tableaux 1 et 2 du présent Énoncé des motifs. Les États-Unis sont le seul pays exportateur important de SSC au Canada, représentant bien au-delà de la moitié de toutes les exportations de SSC au pays dans la PVR.

[128] Les données sur les licences d’importation d’Affaires mondiales Canada, citées par les producteurs canadiens, Atlas Tube et Welded Tube, font état d’exportations de SSC en provenance d’autres pays asiatiques (sous le code tarifaire 7306.61.00.10, de section autre que circulaire; donc, propre aux marchandises en cause) à un prix d’environ 1 000 $CAN/tm durant la période de janvier à novembre 2018Note de bas de page 85. Les mêmes données, toutefois, indiquent que, dans la même période, 80 286 tm ont été exportées vers le Canada sous ce code tarifaire, dont 61 636 tm en provenance des États-Unis, au prix moyen de 1 438 $CAN/tm, ce qui représente 77 % de toutes les importations. Ce niveau de prix est conforme à d’autres renseignements protégés au dossier, qui indiquent que, dans la période avant la clôture du dossier, les prix sur le marché américain étaient similaires à ceux signalés par les producteurs canadiensNote de bas de page 86.

[129] La Chine, en revanche, n’a exporté que 2 202 tm sous ce code tarifaire au cours de la même période, tout en maintenant un prix de vente de 1 321 $CAN/tm, selon les données sur les licences d’importation d’Affaires mondiales CanadaNote de bas de page 87. Cependant, en raison du faible tonnage, il est difficile de tirer des conclusions importantes des données, hormis le manque d’intérêt apparent de la Chine envers le marché canadien des SSC au cours de la période.

[130] Par contre, en raison des antécédents de dumping de produits de tubes soudés de la Chine au Canada (c.-à-d. fournitures tubulaires pour puits de pétrole [FTPP], tuyaux normalisés, tubes de canalisation, TSAC), des restrictions commerciales susmentionnées aux États-Unis et en Europe, et de l’incidence négative prévisible de la baisse des prix des BLC sur les prix des produits de tubes soudés, selon toute vraisemblance, la Chine jouera un rôle plus dominant sur le marché canadien au fur et à mesure qu’elle aura plus de mal à vendre ses autres produits de tubes soudés.

[131] Puisque la Chine a par le passé vendu ses exportations d’autres produits de tubes soudés au Canada à des prix très bas, il est probable que les exportations de SSC de la Chine concurrenceraient directement celles d’autres pays non visés, y compris les gros fournisseurs mentionnés par les producteurs canadiens, comme les Philippines et le Vietnam, ce qui pousserait les prix courants d’exportations de pays étrangers encore plus vers le basNote de bas de page 88.

[132] Comme l’ont mentionné les producteurs canadiens, les données sur les licences d’importation révèlent que de nombreux pays étrangers non visés vendent déjà beaucoup moins cher que les producteurs au Canada, ce qui pousse les prix encore plus vers le bas et fait croître la vraisemblance que, pour être concurrentiels, les prix des importations de la Corée du Sud et de la Turquie devraient être sous-évalués.

[133] L’analyse suivante par pays de la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping commence par la Corée du Sud, suivie de la Turquie.

Corée du Sud

[134] Comme nous l’avons déjà vu, l’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé de la part d’exportateurs en Corée du Sud. Par conséquent, elle s’est fiée aux renseignements fournis par les parties ayant participé ainsi qu’à d’autres renseignements au dossier administratif afin de mener l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration à l’égard de la Corée du Sud.

[135] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et les renseignements au dossier administratif, l’ASFC a effectué, dans le cadre de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, une analyse se résumant aux points suivants :

  • Forte dépendance des producteurs sud-coréens aux marchés d’exportation;
  • Incapacité de vendre des SSC au Canada à des prix non sous-évalués;
  • Mesures antidumping de l’ASFC concernant la Corée du Sud;
  • Mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de SSC de la Corée du Sud; et
  • Dumping d’autres produits sur d’autres marchés.

Industrie sidérurgique de la Corée du Sud

[136] Les renseignements au dossier administratif indiquent que la production d’acier en Corée du Sud est dominée par trois entreprises, qui sont à l’origine de 95 % du tonnage produit au pays. Ces entreprises sont les suivantes :

[137] L’association sud-coréenne du fer et de l’acier (KOSA) confirme aussi que ces entreprises sont les principaux producteurs de « sections » en Corée du SudNote de bas de page 90.

[138] Les producteurs en Corée du Sud ont choisi de ne pas participer à toute procédure de l’ASFC concernant les mesures en vigueur à l’égard des SSC, y compris l’enquête initiale en dumping en 2003, les deux réexamens précédents conclus en janvier 2008Note de bas de page 91 et en mars 2011Note de bas de page 92 respectivement, ainsi que les enquêtes précédentes pour réexamen relatif à l’expiration (2008, 2013) et la présente enquête.

[139] Sans la participation de la Corée du Sud, il n’est pas clair quels producteurs ont la capacité de produire les marchandises en cause et les produisent.

[140] Dans son enquête de 2016, la United States International Trade Commission (USITC) a indiqué que les deux principaux producteurs de produits de SSCNote de bas de page 93 en Corée du Sud étaient Dong-A Steel et HisteelNote de bas de page 94.

[141] Les taux de dumping aux États-Unis pour ces entreprises sont actuellement de 2,34 % et de 3,82 % respectivement. Le taux de dumping pour « tous les exportateurs » est de 3,24 %Note de bas de page 95.

[142] Les renseignements au dossier indiquent que le marché de l’acier sud-coréen est en difficulté, ce qui s’explique en partie par le ralentissement de grandes industries consommatrices d’acier, comme l’automobile et la construction navale, et la multiplication des mesures commerciales protectionnistes à l’échelle mondialeNote de bas de page 96.

[143] Le déclin du secteur de l’automobile s’explique en partie par les tarifs imposés par les États-Unis sur les importations de la Corée du SudNote de bas de page 97.

[144] Les renseignements au dossier font aussi état [notre traduction] « de la faiblesse des investissements dans le secteur de la construction, qui représente une grande partie de la demande intérieure en acier » en Corée du SudNote de bas de page 98. Cela est particulièrement pertinent dans le cas des SSC, qui sont largement consommées dans ce secteur.

[145] Vu la stagnation de la demande ces dernières années et les prévisions de décroissance pour le secteur de l’acier sud-coréen, le gouvernement compte injecter des fonds d’urgence de 300 milliards de wons (environ 265 millions de dollars américains) dans l’industrie sur une période de cinq ans pour appuyer l’innovationNote de bas de page 99.

[146] La réponse financière du gouvernement de la Corée du Sud met en évidence les difficultés compétitives que l’industrie de l’acier sud-coréenne a connues et s’attend à connaître dans un avenir proche, ce qui accroît la valeur des marchés d’exportation ouverts à ces producteurs.

Forte dépendance des producteurs sud-coréens aux marchés d’exportation

[147] Depuis 2011, la production d’acier de la Corée du Sud dépasse la consommation intérieure apparente. Au cours de la première moitié de 2018, la Corée du Sud a produit 36,1 Mtm d’acier, pour une consommation apparente de 28,3 Mtm. La part de la production nationale destinée aux exportations est constamment de 43 % à 45 % chaque annéeNote de bas de page 100.

[148] D’après les renseignements au dossier, la Corée du Sud est le quatrième exportateur d’acier dans le monde. Au cours de la première moitié de 2018, la Corée du Sud aurait exporté 15,3 Mtm d’acier, la plus grande partie (72 %) des produits plats (c.-à-d. tôles, feuillards). Huit pour cent de ces exportations relevaient de la catégorie des tuyaux et des tubes, ce qui comprend les marchandises en cause.

[149] La Chine demeure le principal marché d’exportation de la Corée du Sud, représentant 1,9 Mtm ou 12 % de ses exportations d’acier au cours de la première moitié de 2018. Les États-Unis étaient un autre marché d’exportation important, mais cela a changé de façon spectaculaire au cours de la première moitié de 2018, les exportations ayant chuté de 27 % pour représenter 1,3 Mtm ou 9 % des exportations d’acier de la Corée du Sud. Ce changement s’explique en grande partie par le bouleversement créé par les tarifs imposés par les États-Unis en vertu de l’article 232 au début de 2018. Néanmoins, les États-Unis ont représenté la plus grande part des exportations de tuyaux et de tubes de la Corée du Sud, soit 53 % ou 621 000 tm au cours de la première moitié de 2018. Le Canada suivait loin derrière au deuxième rang, avec environ 100 000 tmNote de bas de page 101.

[150] Au cours de la première moitié de 2018, d’autres marchés ont connu des hausses spectaculaires des exportations d’acier de la Corée du Sud, notamment l’Italie (+46 %), la Malaisie (+40 %), l’Inde (+31 %), le Vietnam (+22 %) et la Thaïlande (+19 %)Note de bas de page 102.

[151] Les renseignements au dossier indiquent clairement que la Corée du Sud continue de dépendre fortement des marchés d’exportation pour ses produits de l’acier. L’augmentation des ventes sur d’autres marchés en réponse au bouleversement créé par l’imposition de tarifs en vertu de l’article 232 et par l’accès limité au marché (atténué par la suite par la modification du KORUS) témoigne de la capacité des exportateurs sud-coréens de cibler d’autres marchés de façon importante pour composer avec des changements de circonstances.

[152] Le Canada est déjà un marché d’exportation important pour les tuyaux et les tubes de la Corée du Sud. De la même façon que la Corée du Sud a augmenté ses exportations de produits de l’acier vers les marchés susmentionnés en 2018, l’accès limité au marché américain au titre des contingents prévus par le KORUS risque de rendre le marché canadien plus attrayant en l’absence de l’ordonnance du TCCE à l’égard des SSC.

Incapacité de vendre des SSC au Canada à des prix non sous-évalués

[153] Comme nous l’avons vu dans la section « Marché canadien » du présent Énoncé des motifs, les importations de marchandises en cause de la Corée du Sud étaient presque inexistantes dans la PVR. Depuis les conclusions initiales, les producteurs sud-coréens n’ont pas démontré une capacité de concurrencer à des prix non sous-évalués.

[154] Les renseignements sur les prix au dossier indiquent que des pays non visés ont vendu les SSC au Canada durant la période de janvier à octobre 2018 au prix de 775 $US/tm (1 000 $CAN/tm)Note de bas de page 103.

[155] Une analyse des renseignements protégés sur les prix au dossier révèle que les exportateurs sud-coréens de SSC ne pourraient vraisemblablement pas concurrencer les prix de ces importations de SSC de pays non visés sans dumping.

Mesures antidumping de l’ASFC concernant la Corée du Sud

[156] Il y a actuellement six autres mesures antidumping de l’ASFC à l’égard de produits de l’acier de la Corée du Sud, dont trois produits tubulaires, comme il suit :

[157] Ainsi, même s’ils n’ont pas participé aux procédures concernant les mesures antidumping du Canada à l’égard des SSC, les exportateurs en Corée du Sud, y compris ceux exportant des produits de tuyaux et de tubes, ont maintenu un intérêt actif – et récent – envers le marché canadien, comme en attestent les nombreuses mesures antidumping susmentionnées à l’égard de ces produits.

Mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de SSC de la Corée du Sud

[158] Il y a peu de mesures antidumping connues dans d’autres pays à l’égard de SSC de la Corée du SudNote de bas de page 110. L’une de ces mesures est une décision de 2016 des États-UnisNote de bas de page 111.

[159] Au sujet des mesures dans d’autres pays, l’USITC mentionne aussi expressément dans cette décision de 2016 ce qui suit [notre traduction] :

« Les sections structurales creuses exportées de la Corée du Sud et de la Turquie sont assujetties à des droits antidumping au Canada depuis 2003. Les "sections structurales creuses" exportées de la Corée du Sud sont aussi assujetties à des droits antidumping en Australie depuis 2012Note de bas de page 112. Les rapports semestriels du Comité des mesures antidumping de l’Organisation mondiale du commerce ont été examinés et aucune autre ordonnance concernant des produits tubulaires HWR de la Corée du Sud, du Mexique ou de la Turquie n’a été relevée. »

[160] Par conséquent, même si le dossier ne fait pas état d’un nombre élevé de mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de SSC de la Corée du Sud, le fait qu’une de ces mesures concerne les États-Unis et qu’elle est récente est significatif en raison de la taille de ce marché et de la proximité des États-Unis au Canada.

Dumping d’autres produits sur d’autres marchés

[161] Les renseignements au dossier provenant de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) indiquent qu’à la fin de 2017, il y avait 42 mesures antidumping à l’extérieur du Canada à l’égard de produits de l’acier de la Corée du Sud, dont 14 mesures prises par les États-UnisNote de bas de page 113.

[162] Les renseignements au dossier concernant les mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de produits de la Corée du Sud sont présentés dans le tableau 4 ci-dessous.

Tableau 4Note de bas de page 114
Mesures antidumping prises par d’autres pays concernant la Corée du Sud
Pays prenant la mesureantidumping Description des produits
Produits plats
Inde Bobines laminées à froid
Inde Bobines laminées à chaud décapées et huilées
Inde Feuilles et bandes d’acier inoxydable
Malaisie Bobines laminées à froid
Malaisie Feuilles d’acier résistant à la corrosion
Taiwan Bobines laminées à chaud
Taiwan Acier galvanisé par immersion à chaud et revêtu d’aluminium/de zinc
Thaïlande Bobines laminées à chaud
Thaïlande Produits enduits de couleur en acier galvanisé/Galvalume prépeint (PPGI/PPGL) (lancée en octobre 2018)
États-Unis Bobines et feuilles d’acier inoxydable laminées à froid
États-Unis Tôles coupées à longueur
États-Unis Bobines, feuillards et tôles laminés à chaud
États-Unis Tôles lourdes
Vietnam Feuilles d’acier inoxydable laminées à froid
Vietnam Feuilles d’acier revêtu galvanisé par immersion à chaud
Vietnam Bobines/feuilles d’acier galvanisé par immersion à chaud
Tuyaux et tubes
Australie Tubes SRE (y compris SSC)
Mexique Tubes sans soudure
Thaïlande Tubes d’acier inoxydable
Thaïlande Tubes soudés
États-Unis Tubes structuraux
États-Unis Tubes soudés en acier de qualité carbone (droits provisoires)
États-Unis Tubes de canalisation soudés
États-Unis Tubes soudés en acier non allié
États-Unis Tubes de canalisation soudés de gros diamètre
États-Unis Tubes de canalisation
États-Unis Tubes à usage mécanique
États-Unis FTPP
Produits longs
Australie Barres d’armature
États-Unis Fils d’acier inoxydable
États-Unis Fils machine
Autres
Chine Acier magnétique à grains orientés (droits provisoires)
UE Acier magnétique à grains orientés
Japon Pièces soudées bout à bout en acier au carbone (droits provisoires)

[163] Les mesures susmentionnées au Canada et dans d’autres pays montrent que les exportateurs sud-coréens ont une propension à faire le dumping de produits de l’acier.

[164] Les éléments de preuve au dossier administratif font aussi état de mesures antidumping antérieures, en particulier à l’égard de produits tubulaires d’acier de la Corée du Sud. Par conséquent, sans l’ordonnance du TCCE, la reprise des exportations de SSC de la Corée du Sud vers le Canada est vraisemblable.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping – Corée du Sud

[165] D’après les renseignements au dossier administratif concernant : la substituabilité des SSC; la forte intensité capitalistique de la production d’acier; les développements et les tendances du marché de l’acier; les tarifs et les mesures de sauvegarde sur les importations d’acier et le détournement de SSC vers le Canada; les tendances des prix des BLC et leur incidence sur les SSC; l’attrait du marché canadien; les activités d’autres grands pays exportateurs; la forte dépendance des producteurs sud-coréens aux marchés d’exportation, leur incapacité de vendre des SSC au Canada à des prix non sous-évalués, et leur propension au dumping, comme le montrent les nombreuses mesures antidumping à l’égard de produits de l’acier, y compris les SSC et d’autres tuyaux et tubes, au Canada comme ailleurs; l’ASFC juge que l’expiration de l’ordonnance risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du dumping au Canada de certaines sections structurales creuses originaires ou exportées de la Corée du Sud.

Turquie

[166] Comme nous l’avons déjà vu, l’ASFC n’a pas reçu de réponse au QRE, de mémoire ou de contre-exposé de la part d’exportateurs en Turquie. Par conséquent, elle s’est fiée aux renseignements fournis par les parties ayant participé ainsi qu’à d’autres renseignements au dossier administratif afin de mener l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration à l’égard de la Turquie.

[167] Guidée par les facteurs énoncés dans le RMSI et les renseignements au dossier administratif, l’ASFC a effectué, dans le cadre de l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, une analyse se résumant aux points suivants :

  • Forte dépendance des producteurs turcs aux marchés d’exportation;
  • Incapacité de vendre des SSC au Canada à des prix non sous-évalués;
  • Mesures antidumping de l’ASFC concernant la Turquie;
  • Mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de SSC de la Turquie; et
  • Dumping d’autres produits sur d’autres marchés.

Industrie sidérurgique de la Turquie

[168] Les renseignements au dossier administratif indiquent que la production d’acier en Turquie est dominée par un petit nombre d’entreprises. Erdemir Group, la plus importante, est à l’origine d’environ 25 % des plus de 36 Mtm d’acier brut produit au paysNote de bas de page 115.

[169] Les renseignements de l’association des producteurs d’acier de la Turquie sont limités et en grande partie désuets, les plus récents remontant à 2016Note de bas de page 116.

[170] Aucun exportateur/producteur turc n’a répondu au QRE de l’enquête qui nous intéresse. Le producteur turc, MMZ Onur Boru Profil Uretim San. ve Tic. A.S. (MMZ), a participé à l’enquête initiale et à l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration de 2013Note de bas de page 117. Un autre producteur turc, Goktas Yassi Hadde Mamulleri Sanayi ve Ticaret A.S. (Goktas), a aussi participé à l’enquête initialeNote de bas de page 118. Aucun producteur n’a participé à l’enquête pour réexamen relatif à l’expiration de 2008Note de bas de page 119.

[171] Un importateur non résident établi en Turquie, Iris Metalurji ve Muhendislik Pazarlama Sanayi ve Ticaret Limited Sirketi (Iris), a aussi répondu au QRE, mais n’a pas importé de marchandises en cause au Canada dans la PVRNote de bas de page 120.

[172] Les renseignements sur les producteurs ayant la capacité de produire des marchandises en cause en Turquie, et les produisant, sont donc limités. Cependant, selon la World Steel Association (WSA), Erdemir Group, İÇDAŞ, Tosyali Holding et Habaş sont les principaux producteurs d’acier en TurquieNote de bas de page 121. Dans le même ordre d’idées, dans son enquête de 2016, l’USITC a recensé trois producteurs importants de produits tubulaires rectangulaires à parois épaisses en TurquieNote de bas de page 122, soit Cinar Boru, MMZ Onur et Ozdemir Boru. Les exportations vers les États-Unis des trois sociétés ayant répondu représentaient 61,5 % des importations de produits tubulaires rectangulaires à parois épaisses de la Turquie en 2015Note de bas de page 123. Les renseignements au dossier indiquent que la marge de dumping actuelle pour Ozdemir Boru est de 0 %Note de bas de page 124.

[173] L’industrie sidérurgique turque connaîtrait des bouleversements importants, qui devraient se poursuivre en 2019. Un rapport récent indiquait ce qui suit [notre traduction] :

« La production et les exportations d’acier de la Turquie devraient baisser d’environ 30 % en 2019, en raison de la faiblesse de la demande intérieure, des mesures protectionnistes sur les marchés internationaux et de la hausse des exportations d’acier de la Chine, d’après le dirigeant de l’association des exportateurs d’acier. La Turquie […] a été frappée par une crise monétaire cette année, dans laquelle la livre a perdu 47 % de sa valeur par rapport au dollar et le taux d’inflation a atteint 25 %. La crise a neutralisé la croissance économique et a touché la demande intérieureNote de bas de page 125. »

[174] Le redressement du marché turc est peu probable à court terme en raison de la dévaluation monétaire, de l’inflation et de la baisse de la demande intérieure, ce qui accroîtra la dépendance aux marchés d’exportation pour la production d’acier, y compris les SSC.

Forte dépendance des producteurs turcs aux marchés d’exportation

[175] La Turquie produit beaucoup plus d’acier qu’elle en consomme et, donc, dépend des marchés d’exportation pour maintenir les taux d’utilisation de la capacité. La production d’acier brut de la Turquie aurait augmenté de 4 % pour se chiffrer à 18,9 Mtm au cours de la première moitié de 2018, contre 18,2 Mtm au cours de la même période en 2017. Au cours de la même période en 2018, la production d’acier a dépassé la consommation apparente de 2,6 Mtm et la part de la production destinée aux exportations était de 45,8 %. Au cours des 12 mois de 2017, cet écart était semblable, à 2,8 MtmNote de bas de page 126.

[176] D’après les renseignements au dossier, la Turquie est le huitième exportateur d’acier dans le monde. Au cours de la première moitié de 2018, la Turquie aurait exporté 8,7 Mtm d’acier, la plus grande partie (57 %) des produits longs (c.-à-d. fils, tiges, barres). Dix pour cent des exportations relevaient de la catégorie des tuyaux et des tubes, ce qui comprend les marchandises en cause.

[177] Les renseignements au dossier indiquent qu’au cours des sept premiers mois de 2018, les exportations d’acier de la Turquie ont augmenté de 27 % par rapport à la même période en 2017Note de bas de page 127.

[178] En 2017, les États-Unis étaient le principal marché d’exportation de l’acier de la Turquie, mais cela a changé de façon spectaculaire au cours de la première moitié de 2018, lorsque les tarifs de 50 % imposés en vertu de l’article 232 ont fait passer à 0,55 Mtm seulement les exportations vers ce pays, ou à 6 % du total. Il est souligné que toutes ces exportations d’acier vers les États-Unis relevaient de la catégorie des tuyaux et des tubesNote de bas de page 128.

[179] La dépendance de la Turquie aux exportations a encore été entravée plus tôt cette année lorsque l’UE a imposé, le 2 février 2019, des sauvegardes définitives à l’égard de nombreux produits de l’acier. Comme nous l’avons déjà vu, les SSC de la Turquie sont spécifiquement visées par l’article 21 de ces mesures et sont assujetties à un régime de contingents tarifairesNote de bas de page 129.

[180] Puisque des pays membres de l’UE, comme l’Italie et l’Espagne, étaient d’importants marchés d’exportation pour l’acier de la Turquie en 2018, l’incidence de ces sauvegardes s’ajoute à celle des tarifs imposés par les États-Unis en vertu de l’article 232.

[181] Les renseignements au dossier indiquent que cette perte d’accès aux marchés a incité la Turquie à tenter d’accroître sa présence sur d’autres marchés d’exportation, notamment en Amérique latineNote de bas de page 130.

[182] Les efforts visant à accroître les exportations d’acier vers d’autres pays ont fait augmenter le volume vers le Canada. Au cours de la première moitié de 2018, le Canada a enregistré la plus grande augmentation du volume d’exportations de la Turquie, soit de 77 %, par rapport à la même période en 2017.

[183] Il est clair que la dépendance de la Turquie aux exportations est exacerbée par la nécessité de détourner des exportations destinées aux États-Unis et vraisemblablement à l’UE. Ce risque de détournement s’est déjà concrétisé au Canada en 2018. En effet, il y a eu une augmentation importante des exportations, qui a coïncidé avec l’imposition de tarifs américains en vertu de l’article 232. Il est aussi clair que le détournement peut être rapide et spectaculaire, comme en témoigne le taux d’augmentation susmentionné.

Incapacité de vendre des SSC à des prix non sous-évalués

[184] Comme nous l’avons vu dans la section « Marché canadien » du présent Énoncé des motifs, les importations de marchandises en cause de la Turquie étaient presque inexistantes dans la PVR. Depuis les conclusions initiales, les producteurs turcs n’ont pas démontré une capacité de concurrencer à des prix non sous-évalués.

[185] Comme nous l’avons déjà vu, les renseignements sur les prix au dossier indiquent que des pays non visés ont vendu les SSC au Canada durant la période de janvier à octobre 2018 au prix de 775 $US/tm (1 000 $CAN/tm)Note de bas de page 131.

[186] Les renseignements au dossier sur les prix à l’exportation pour les SSC de la Turquie sont limités. Une source faisait état de prix de 515 à 520 $US/tm (FAB) pour des « sections moyennes » en janvier 2019, tandis qu’une autre source faisait état de prix de 580 à 600 $US/tm (FAB) pour des tuyaux et tubes structuraux (S235)Note de bas de page 132.

[187] Ces prix à l’exportation indiquent que des produits de SSC (ou très similaires) sont vendus à des prix très proches des prix intérieurs susmentionnés pour les BLC en Turquie (520 $US/tm), et bien en-deçà des prix de vente les plus bas susmentionnés pour les SSC au Canada, et font donc vraisemblablement l’objet d’un dumping.

[188] Une analyse des renseignements protégés sur les prix au dossier révèle par ailleurs que les exportateurs turcs de SSC ne pourraient vraisemblablement pas concurrencer les prix des importations de SSC de pays non visés sans dumping.

Mesures antidumping de l’ASFC concernant la Turquie

[189] Il y a actuellement trois autres mesures antidumping de l’ASFC à l’égard de produits de l’acier de la Turquie, dont deux produits tubulaires, comme il suit :

[190] Ainsi, même s’ils n’ont pas participé aux procédures concernant les mesures antidumping du Canada à l’égard des SSC, les exportateurs en Turquie, y compris ceux exportant des produits de tuyaux et de tubes, ont maintenu un intérêt actif – et récent – envers le marché canadien, comme en attestent les mesures antidumping susmentionnées à l’égard de ces produits.

Mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de SSC de la Turquie

[191] D’après les renseignements au dossier, il y a peu de mesures antidumping à l’égard de SSC de la TurquieNote de bas de page 136. Comme nous l’avons déjà vu pour la Corée du Sud, l’une de ces mesures est une décision de 2016 des États-UnisNote de bas de page 137.

[192] L’UE a aussi ouvert, en septembre 2018, une enquête sur les SSC à l’encontre de trois pays, dont la TurquieNote de bas de page 138.

[193] Comme nous l’avons déjà vu pour la Corée du Sud, même si les mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de SSC de la Turquie sont limitées, le fait qu’une de ces mesures concerne les États-Unis et qu’elle est récente est significatif en raison de la taille de ce marché et de la proximité des États-Unis au Canada.

Dumping d’autres produits sur d’autres marchés

[194] Les renseignements au dossier provenant de l’OMC indiquent qu’à la fin de 2017, il y avait 12 mesures antidumping à l’extérieur du Canada à l’égard de produits de l’acier de la Turquie, dont huit mesures prises par les États-UnisNote de bas de page 139.

[195] Les renseignements au dossier concernant les mesures antidumping dans d’autres pays à l’égard de produits de la Turquie sont présentés dans le tableau 5 ci-dessous.

Tableau 5Note de bas de page 140
Mesures antidumping prises par d’autres pays concernant la Turquie
Pays prenant la mesure antidumping Description des produits
Produits plats
États-Unis Tôles coupées à longueur
Thaïlande Bobines laminées à chaud
États-Unis Bobines laminées à chaud
Produits longs
Brésil Barres d’armature
Égypte Barres d’armature
États-Unis Barres d’armature
Australie Barres d’armature (droits provisoires – janvier 2019)
États-Unis Fils machine
Tuyaux et tubes
UE Sections creuses, tuyaux et tubes (lancée en septembre 2018)
États-Unis Tubes de canalisation soudés de gros diamètre
États-Unis FTPP
États-Unis Tubes structuraux
États-Unis Tuyaux normalisés soudés en acier au carbone

[196] Les mesures susmentionnées au Canada et dans d’autres pays montrent clairement que les exportateurs turcs ont une propension à faire le dumping de produits de l’acier sur le marché canadien et d’autres marchés d’exportation.

[197] Les éléments de preuve au dossier administratif font aussi état de mesures antidumping antérieures, en particulier à l’égard de produits tubulaires d’acier de la Turquie, surtout aux États-Unis et au Canada. Par conséquent, sans l’ordonnance du TCCE, la reprise des exportations de SSC de la Turquie vers le Canada est vraisemblable.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping – Turquie

[198] D’après les renseignements au dossier administratif concernant : la substituabilité des SSC; la forte intensité capitalistique de la production d’acier; les développements et les tendances du marché de l’acier; les tarifs et les mesures de sauvegarde sur les importations d’acier et le détournement de SSC vers le Canada; les tendances des prix des BLC et leur incidence sur les SSC; l’attrait du marché canadien; les activités d’autres grands pays exportateurs; la forte dépendance des producteurs turcs aux marchés d’exportation, leur incapacité de vendre des SSC au Canada à des prix non sous-évalués, et leur propension au dumping, comme le montrent les nombreuses mesures antidumping à l’égard de produits de l’acier, y compris les SSC et d’autres tuyaux et tubes, au Canada comme ailleurs; l’ASFC juge que l’expiration de l’ordonnance risquerait fort de causer la poursuite ou la reprise du dumping au Canada de certaines sections structurales creuses originaires ou exportées de la Turquie.

Conclusion

[199] Aux fins de la décision dans le présent réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI. Ayant considéré les facteurs pertinents et les renseignements au dossier, elle a décidé, le 9 mai 2019, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration de l’ordonnance rendue par le TCCE le 20 décembre 2013 dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2013-001 causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des sections structurales creuses originaires ou exportées de la Corée du Sud et de la Turquie.

Mesures à venir

[200] C’est le 10 mai 2019 que le TCCE a commencé son enquête pour déterminer si, selon toute vraisemblance, l’expiration de son ordonnance concernant le dumping des marchandises en cause de la Corée du Sud et de la Turquie causerait un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, le TCCE doit rendre sa propre décision d’ici le 16 octobre 2019.

[201] Si le TCCE décide que l’expiration de son ordonnance causerait vraisemblablement un dommage, il la prorogera par une nouvelle ordonnance, avec ou sans modification. Alors, l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées de marchandises en cause.

[202] Si, au contraire, le TCCE décide que l’expiration de son ordonnance ne causerait vraisemblablement pas de dommage, il l’annulera par une nouvelle ordonnance, et plus aucuns droits antidumping ne seront perçus sur les importations de marchandises en cause, et ceux perçus sur des marchandises dédouanées après que l’ordonnance devait expirer seront rendus à l’importateur.

Renseignements

[203] Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec l’agent dont le nom figure ci-dessous :

Renseignements

Adresse :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Khatira Akbari : 613-952-0532
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site web :

www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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